République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 23/03/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 19/05790 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SVHE
Jugement (N° 18/001518)
rendu le 03 septembre 2019 par le tribunal d'instance de Lens
APPELANTES
La SARL E Box
pris en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Simon Duthoit, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
La SAS Les Chevrons Sofida
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Stéphane Campagne, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
INTIMÉ
Monsieur [D] [E]
né le 21 décembre 1977 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Jean-François Pambo, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 12 janvier 2023 tenue par Céline Miller magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 janvier 2023
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Le 9 septembre 2017, M. [D] [E] a acquis auprès de la SAS Les Chevrons Sofida (ci-après 'la société Les Chevrons') un véhicule d'occasion Citroën C4 Picasso 1.6 HDI 110 immatriculé [Immatriculation 5], mis pour la première fois en circulation le 9 août 2010 et présentant 102 000 kilomètres au compteur, pour un montant total de 9 307,76 euros TTC, en ce compris les frais de mise en route, de carte grise et de gravage. Ce véhicule lui a été livré le 23 septembre 2017.
Différents problèmes techniques affectant le véhicule ont été mis en évidence lors d'une expertise contradictoire diligentée à l'initiative de l'assureur protection juridique de M. [E] les 18 et 24 mai 2018, après que celui-ci se fut plaint d'un bruit anormal au niveau du dispositif de freinage.
Par acte d'huissier en date du 4 octobre 2018, M. [E] a assigné la société Les Chevrons devant le tribunal d'instance de Lens aux fins, notamment, d'obtenir la résolution de la vente du véhicule litigieux, le remboursement du prix de vente du véhicule et l'indemnisation de différents postes de préjudice.
Par acte d'huissier en date du 5 février 2019, la société Les Chevrons a assigné la société E Box, son propre vendeur, aux fins d'appel en garantie afin, notamment, d'obtenir la condamnation de celle-ci à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, en ce compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire en date du 3 septembre 2019, le tribunal d'instance de Lens a ordonné la jonction de la procédure principale engagée par M. [E] avec l'appel en garantie diligenté par la société Les Chevrons à l'encontre de la société E Box, prononcé la résolution du contrat de vente intervenu entre la société Les Chevrons et M. [E] le 9 septembre 2017, condamné la société Les Chevrons à restituer à M. [E] le prix de vente soit 9 307,76 euros, condamné celui-ci à restituer à la société Les Chevrons le véhicule litigieux, condamné cette société à payer à M. [E] la somme totale de 3 790,25 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, outre la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société E Box à garantir la société Les Chevrons des condamnations mises à sa charge, débouté les parties du surplus de leurs demandes, dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire de la décision et condamné la société Les Chevrons aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 29 octobre 2019, la SARL E Box a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Les Chevrons des condamnations mises à sa charge. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 19/05790.
Par déclaration en date du 7 novembre 2019, la société Les Chevrons a interjeté appel du jugement rendu en première instance. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 19/05940.
Par ordonnance en date du 4 juin 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures sous le numéro 19/05790.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 février 2022, la société Les Chevrons demande à la cour, à titre principal, d'infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Lens le 3 septembre 2019 et, statuant à nouveau, de déclarer M. [E] irrecevable en ses demandes formulées sur le fondement de l'article L217-4 du code de la consommation en raison du principe de non-cumul des actions en garantie de conformité et garantie des vices cachés, de le débouter de l'intégralité de ses demandes formées tant sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil que sur celui des articles L. 217-4 et suivants du code de la consommation, de le condamner aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, si elle devait être condamnée, la société Les Chevrons demande à la cour de:
- Juger irrecevables les prétentions nouvelles de la SARL E Box en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile ;
- Déclarer opposables à la société E Box les rapports d'expertise non rendus à son contradictoire, mais transmis aux débats ;
- La débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Lens le 3 septembre 2019 en ce qu'il a condamné la société E Box à la garantir des condamnations mises à sa charge;
- Condamner la société E Box à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et argumentation fallacieuse ;
- Condamner la société E Box à lui verser la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société E BOX aux entiers frais et dépens d'appel et d'instance.
Tout d'abord, et à titre principal, elle fait valoir que M. [E] a violé le principe de non-cumul des actions en garantie des vices cachés et en garantie de conformité en invoquant les deux fondements juridiques au soutien de sa demande en résolution de la vente. En effet, les désordres relevés par l'acheteur (bruits anormaux au niveau des plaquettes de frein arrières du véhicule, bruits et fuites d'eau dans l'habitacle, absence de fonctionnement du pulseur d'air) sont présentés comme des défauts du véhicule et non comme un manquement à l'obligation de délivrance conforme du bien. Dès lors, la concluante soutient que M. [E] aurait dû fonder sa demande sur la garantie des vices cachés et que la demande formée sur le défaut de conformité doit être déclarée irrecevable.
Par ailleurs, sur le fond, l'appelante prétend que les désordres relevés par M. [E] ne répondent pas aux critères de l'article 1641 du code civil dès lors qu'ils ne rendent pas le véhicule litigieux impropre à son usage et que certains des défauts allégués ne correspondent pas à un réel défaut de la chose, mais à l'usure normale du véhicule, qu'ils ne présentent aucun caractère de gravité et qu'ils constituent soit des vices apparents pour lesquels le vendeur ne saurait être tenu responsable en application de l'article 1642 du code civil, soit des désordres apparus après le transfert de propriété en raison d'un manque d'entretien du véhicule, si bien qu'ils ne peuvent être couverts par la garantie des vices cachés.
Ensuite, et à titre subsidiaire, la société Les Chevrons soutient que les prétentions élevées par la société Ebox pour la première fois en cause d'appel, alors qu'elle avait été assignée à personne morale en première instance, sont irrecevables comme nouvelles, en application de l'article 564 du code de procédure civile ; que c'est de mauvaise foi que la société E Box soulève l'inopposabilité du rapport d'expertise à son égard alors que ce dernier a été rédigé à l'issue d'une expertise amiable et qu'il a été soumis à la libre discussion des parties, mais qu'elle n'a fait valoir aucune observation pour le discuter. Elle ajoute que si la société E Box affirme que la vente conclue avec la société Les Chevrons prévoyait une clause d'exclusion de garantie des vices cachés, la facture sur laquelle elle s'appuie pour étayer son argumentation ' non-signée par la société Les Chevrons, adressée à la société Garage Citroën Loos en Gohelle et portant uniquement la mention « sans garantie » ' n'est pas suffisante à établir l'existence d'une clause d'exclusion de garantie des vices cachés qui lui soit opposable.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 mai 2022, la SARL E Box demande à la cour, au visa des articles 367 et suivants du code de procédure civile, de l'article 1103 (ancien article 1134) du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à garantir la société Les Chevrons des condamnations prononcées à son encontre, de débouter cette société de toutes ses demandes, de la condamner aux entiers dépens et à lui à payer une indemnité procédurale de 2 500 euros.
Elle fait valoir que ses demandes formulées en cause d'appel ne sont pas nouvelles dès lors qu'elle n'avait pas comparu en première instance.
Elle soutient principalement que les rapports d'expertise produits lui sont inopposables en ce qu'elle n'a jamais été convoquée aux différentes opérations d'expertises diligentées et que l'assignation en justice, intervenue plus d'un an après la vente du véhicule, ne vise que la société Les Chevrons qui a décidé de l'appeler en garantie le 5 février 2019.
Elle affirme que la clause d'exclusion de la garantie légale des vices cachés, rédigée en termes clairs, était connue de la société Les Chevrons en ce qu'elle était apposée sur la facture et sur les bons de commande signés. Elle ajoute que la société Les Chevrons est un professionnel relevant de la même spécialité qu'elle et avec laquelle elle entretient des relations commerciales courantes et habituelles, de sorte que celle-ci ne pouvait ignorer l'existence de cette clause d'exclusion de garantie.
Enfin, elle fait valoir que la société Garage Citroën Loos en Gohelle appartient au groupe Sofida si bien qu'il n'y a aucune difficulté à ce que la facture ait été envoyée à la première société et non à la seconde. Elle conclut, en conséquence, que la clause d'exclusion lui est opposable.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 mai 2022, M. [E] demande à la cour, à titre principal, au visa des articles L. 217-4 et L. 217-7 du code de la consommation et, subsidiairement, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, de prononcer la résolution de la vente du véhicule C4 Picasso convenue entre lui-même et la société Les Chevrons en septembre 2017, condamner la société Les Chevrons à lui rembourser la somme de 9307,76 euros au titre de la restitution du prix de vente et des frais occasionnés par la vente et à lui payer les sommes suivantes :
- 5 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'immobilisation subi depuis le mois de mai 2018 jusqu'à la signification des présentes conclusions d'intimé au mois de mars 2020, à parfaire d'un montant de 150 euros par mois complémentaire jusqu'à l'arrêt à intervenir ;
- 1 240,25 euros correspondant aux frais de gardiennage de la société Garage Cocq pour la période du 1er juillet 2018 au 31 août 2018 ;
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
Enfin, il demande qu'il soit dit et jugé que la société Les Chevrons soit tenue de venir reprendre possession du véhicule litigieux, actuellement déposé auprès du garage Cocq, et que cette reprise ne puisse intervenir qu'après le paiement intégral de l'ensemble des condamnations au titre du remboursement du prix et des frais occasionnés par la vente ainsi que des dommages et intérêts.
Il fonde, tout d'abord, sa demande en résolution judiciaire du contrat de vente sur les dispositions des articles L. 217-4 et L. 217-7 du code de la consommation. En ce sens, il soutient que le vendeur professionnel est tenu de livrer un bien conforme au contrat et de répondre des défauts (en l'espèce : usure des plaquettes de frein arrières, fuite au niveau de l'injecteur, infiltration d'eau dans l'habitacle, dysfonctionnement du pulseur d'air, imputable à un défaut d'entretien antérieur à l'achat du véhicule ou à une défaillance des différentes pièces techniques) apparus dans le délai prévu par l'article L. 217-7 du code de la consommation, durant lequel la présomption légale d'existence du vice au moment de la vente lui est opposable.
A titre subsidiaire, il fonde sa demande en résolution judiciaire de la vente sur les articles 1641 et suivants du code civil, affirmant que s'il avait eu connaissance des vices présentés par le véhicule litigieux' vices dont avait connaissance le vendeur ' il n'aurait pas acquis ledit véhicule.
Il demande, ensuite, l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de l'immobilisation du véhicule (location d'un véhicule pour les vacances, difficultés pour les déplacements professionnels) et des frais annexes engendrés par cette immobilisation.
L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 5 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de relever que l'article 12 du code de procédure civile dispose que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Si le juge a l'obligation de requalifier les faits soumis à son examen, il a également la faculté de modifier la dénomination ou le fondement juridique invoqué dès lors qu'il ne porte pas atteinte à l'objet du litige (Cass., Ass. Plé., 21 déc. 2007).
En l'espèce, le contrat conclu entre M. [E] et la société Les Chevrons a été signé le 9 septembre 2017, si bien que se sont les dispositions relatives à la garantie de conformité dans leur rédaction antérieure à la réforme du code de la consommation du 29 septembre 2021 qui auront vocation à s'appliquer, à savoir les articles L. 217-1 ancien et suivants dudit code, applicables aux contrats conclus à partir du 1er juillet 2016.
I. Sur le cumul des actions invoquées par M. [E]
Aux termes de l'article L. 217-13 ancien du code de la consommation, les dispositions relatives à la garantie de conformité ne privent pas l'acheteur du droit d'exercer l'action résultant des vices rédhibitoires telle qu'elle résulte des articles 1641 à 1649 du code civil ou toute autre action de nature contractuelle ou extracontractuelle qui lui est reconnue par la loi.
Il résulte de cette disposition que le cumul de l'action en garantie de conformité offerte par le droit de la consommation et de l'action en garantie des vices cachés prévue par le droit commun des contrats est possible pour l'acheteur, et vice-versa (Cass. civ. 1ère, 1er juillet 2020, n° 19-11.119).
En l'espèce, M. [E] a formulé ses prétentions au visa des articles L. 217-4 et L. 217-7 du code de la consommation, à titre principal, et sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, à titre subsidiaire. Par conséquent, et au regard des règles précitées, il est fondé à se prévaloir de la possibilité d'un cumul d'actions.
II. Sur l'action en garantie de conformité
L'action est formée à titre principal sur le fondement de la garantie légale de conformité dont il n'est pas discuté qu'elle a vocation à s'appliquer en l'espèce, s'agissant de la vente d'un bien meuble corporel, à savoir une voiture d'occasion, conclue entre un professionnel agissant dans le cadre de son activité commerciale de vente de véhicules, la société Les Chevrons, et un acheteur agissant en qualité de consommateur, M. [E].
Il résulte de l'article L. 217-4, alinéa 1er du code de la consommation que le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.
Aux termes de l'article L. 217-5 du même code, 'le bien est conforme au contrat :
1° S'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :
- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;
- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;
2° Ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.'
Enfin, selon l'article L. 217-7 du code de la consommation, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance d'un bien d'occasion sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
En l'espèce, il résulte des documents contractuels versés aux débats que le véhicule litigieux a été acquis d'occasion, ayant été mis pour la première fois en circulation en 2010 et ayant parcouru 102'000 kilomètres lors de la vente intervenue entre M. [E] et la SAS Les Chevrons Sofida le 20 septembre 2017.
Cependant, préalablement, une préparation à la vente du véhicule avait été effectuée par la société Les Chevrons le 10 avril 2017, comprenant 93 points de contrôle ainsi qu'un essai fonctionnel du véhicule, le compte-rendu de cette intervention remis à M. [E] faisant état d'une vidange moteur avec remplacement du filtre à huile, du filtre à air, du filtre à carburant, d'un remplacement des disques et plaquettes de frein et des pneumatiques avant.
Par ailleurs, un contrôle technique avait été réalisé le 11 avril 2017, ne portant mention que de trois défauts à corriger sans obligation de contre-visite (réglage trop haut du feu antibrouillard avant, déformation mineure du bas de caisse, anomalie de fixation et/ou mauvais état du pare-boue avant).
Or, il résulte du rapport d'expertise en date du 20 juillet 2018 de M. [X], expert mandaté par l'assurance de protection juridique de M. [E], aux opérations de laquelle les deux parties en cause ont assisté les 18 et 24 mai 2018, que les défauts suivants ont été constatés :
- un cache obturateur de phare arrière gauche manquant,
- un bruit cyclique anormal dans l'environnement de la courroie de distribution,
- une fuite au niveau de l'injecteur n° 4, matérialisée par la présence d'huile cokéifiée, autour de ce dernier, sur une épaisseur d'environ 2 mm,
- un tremblement ressenti dans le plancher et l'habitacle lors de fortes sollicitations de la charge moteur à basse vitesse,
- un bruit anormal de contact entre plaquettes et disques de frein arrière, perçu par intermittence,
- une usure visuelle faible des disques et plaquettes de frein arrière,
- une présence d'eau dans l'habitacle, s'écoulant en partie avant droite, au dessus des pieds passagers, les tapis et insonorisants au pied avant droit étant humides,
- les tuyaux d'évacuation gauche et droit, de baie de pare-brise, sont très fortement obstrués par un amas de poussières et feuilles en voie de décomposition,
- les guides de plaquettes de frein arrière présentent un encrassement mineur de leur surface de contact avec les ergots des plaquettes de frein,
- le pulseur d'air ne fonctionne plus et sa connectique ainsi que son refroississeur sont fortement oxydés,
- les plaquettes de frein arrière droit ne sont pas usées uniformément, sous forme trapézoïdale, et la plaquette intérieure présente une usure plus importante que celle extérieure,
- un début de corrosion est relevé sur la tête de tourelle d'amortisseur avant droit.
L'expert conclut que l'origine des désordres est imputable soit à un défaut d'entretien du véhicule, soit à une défaillance ou usure des pièces. Il précise que :
- l'obstruction importante des tuyaux d'évacuation d'eau des collecteurs de baie de pare-brise, a entraîné un écoulement d'eau dans l'habitacle, avec oxydation importante du pulseur d'air et de sa connectique.
- La fuite au niveau de l'injecteur n° 4 est à l'origine de la formation de résidus de combustion et d'huile cokéifiée en partie externe du moteur, autour de l'injecteur et que cela peut également engendrer une pollution du bain d'huile, avec dégradation de ses qualités physicochimiques. Toutefois aucune incidence n'a pu être relevée à ce jour à cet égard.
- Le défaut de coulissement des plaquettes de frein arrière droit, est à l'origine d'un sifflement anormal perçu à l'usage, les plaquettes restant légèrement en contact avec le disque de frein. Ce qui engendre également une usure irrégulière des garnitures de plaquettes de frein arrière droit.
- Le jeu excessif entre les deux parties du volant moteur bi-masses engendre des vibrations anormales à l'usage, notamment lors de fortes sollicitations du couple moteur.
- L'oxydation des éléments constitutifs de la cinématique de distribution engendre un bruit anormal à l'usage.
Il chiffre les travaux nécessaires à la remédiation de ces désordres à 3 406,07 euros TTC.
S'il ne date pas l'apparition des désordres, l'expert relève qu'ils sont apparus dans les six mois de la vente, de sorte qu'ils sont présumés avoir existé lors de celle-ci.
Cependant, la cour relève que si le 13 février 2018, M. [E] avait fait établir par la concession Citroën Lens une commande de travaux relative à un couinement des freins arrière, un devis portant sur le remplacement des plaquettes de frein arrière ayant été établi à cette occasion, aucune constatation objective par un professionnel de l'automobile des autres désordres dénoncés n'est intervenue avant le 18 mai 2018, date de la première réunion d'expertise amiable contradictoire, soit plus de six mois après la vente intervenue le 20 septembre 2017, de sorte que la présomption d'existence des désordres lors de la vente édictée par l'article L217-7 du code de la consommation pour les biens vendus d'occasion n'est pas applicable.
Par ailleurs, il n'est pas démontré en quoi l'ensemble des défauts précités porterait atteinte à l'usage habituellement attendu d'un bien d'occasion et caractériserait un défaut de conformité aux stipulations contractuelles prévues par les parties, et reprises par les différents documents contractuels versés aux débats, alors que le véhicule acheté était un véhicule d'occasion présentant 102 000 km au compteur lors de la vente, étant précisé que l'expert a estimé, dans son pré-rapport, que le véhicule ne présentait aucun danger.
Tout au plus, s'agissant plus particulièrement du défaut des plaquettes de freins arrière, M. [E] produit un document qui lui avait été remis lors de la vente, reprenant l'intégralité des contrôles et remplacements effectués avant la mise en vente du véhicule par le garage, lequel fait état d'un remplacement des disques et plaquettes de frein sans aucune autre précision. L'acheteur pouvait donc légitimement croire que tous les disques et toutes les plaquettes de frein avaient été remplacés. Or, il résulte de la facture n° 29000187 en date du 25 avril 2017, versée aux débats par la société Les Chevrons, que seuls les disques et plaquettes de frein avant avaient en réalité été remplacés. Pour autant, si l'expert précise « l'usure visuelle des disques et plaquettes de frein arrière est faible » et que leur encrassement est « mineur », il préconise, dans les réparations à effectuer, le remplacement des plaquettes de frein arrière et le graissage de leur portée, étant précisé que la SAS Les Chevrons avait établi à l'attention de M. [E] un devis pour ces travaux, d'un montant de 109,13 euros.
Pour le reste des désordres constatés, liés à l'usure ou au défaut d'entretien du véhicule, et dont l'antériorité à la vente n'est pas démontrée, l'acheteur pouvait raisonnablement s'attendre à effectuer des réparations au cours des mois suivants l'acquisition du véhicule litigieux.
Il s'ensuit que le seul défaut de conformité caractérisé porte sur le non-remplacement des disques et plaquettes de frein arrière par le vendeur qui avait laissé entendre dans les documents contractuels remis lors de la vente que cette opération avait été effectuée. Or ce défaut, mineur, n'est pas à lui seul de nature à justifier la résolution de la vente et M. [E] ne sollicite pas à titre subsidiaire la prise en charge des travaux par le vendeur.
Au vu de ces éléments, la preuve du défaut de délivrance conforme n'étant pas suffisamment rapportée, il convient d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il avait prononcé la résolution de la vente et condamné la société Les Chevrons à en restituer le prix à M. [E], et de débouter ce dernier de ses demandes de ce chef.
III. Sur l'action en garantie des vices cachés
Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il incombe à l'acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d'un vice :
- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,
- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,
- existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,
- n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu ' des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même' conformément à l'article 1642 du code civil.
Au soutien de sa demande, M. [E] produit les rapports d'expertise de M. [X] précédemment exploités. Tout d'abord, il convient de relever que les différents défauts mentionnés par l'expert ne sont pas de nature à rendre le véhicule litigieux totalement impropre à son usage. Ces désordres ne sont pas non plus de nature à diminuer réellement l'usage de la chose en ce qu'ils n'empêchent pas l'acheteur de rouler avec son véhicule qui, selon l'expert, ne présente aucun danger. Certains des défauts relevés ' tremblement ressenti dans le plancher et l'habitacle lors des fortes sollicitations, le bruit anormal du contact entre les disques et plaquettes de frein arrière perçu par intermittence, la présence d'eau dans l'habitacle, le défaut de fonctionnement du compresseur de climatisation, le bruit cyclique anormal dans l'environnement de la courroie de distribution (qui a fait l'objet d'un contrôle par le garage selon le relevé versé aux débats par M. [E]) ' constituent des défauts mineurs qui viennent uniquement diminuer l'agrément du véhicule litigieux et qui sont sans influence sur son utilité économique et objective.
Ensuite, aucun de ces vices, tout comme le reste des défauts mentionnés par l'expert ' niveau d'huile moteur situé légèrement en-dessous du repère maxi de la jauge à huile, absence de cache obturateur, fuite au niveau de l'injecteur, obstruction des tuyaux d'évacuation d'eau de baie de pare-brise par un amas de poussière et de feuilles en voie de décomposition ' ne peuvent être qualifiés de vices cachés. De fait, la plupart d'entre eux constituent des vices apparents dont l'existence pouvait être remarquée par l'acheteur. En effet, il est légitime d'attendre d'un acheteur profane que celui-ci procède à un examen élémentaire de la chose vendue en effectuant une vérification sérieuse et ce, d'autant plus qu'il s'agissait d'un véhicule d'occasion.
Quant à l'encrassement mineur de la surface des guides des plaquettes de frein, du défaut de fonctionnement du pulseur d'air (qui n'a pas été relevé dans le procès-verbal de contrôle technique versé aux débats par la société Les Chevrons), de l'usure des plaquettes de frein et du début de corrosion relevé sur la tête de la tourelle d'amortisseur, ces vices peuvent être imputés à l'usure normale d'un véhicule d'occasion ayant déjà roulé 115 285 kilomètres, en ce compris les 13 285 kilomètres effectués par M. [E].
En outre, l'expert ne fournit aucune précision quant à l'antériorité des vices par rapport à la vente litigieuse se contentant d'affirmer qu'étant apparus dans les six mois de la vente, ils sont présumés antérieurs à celle-ci et que « l'origine des désordres observés est imputable soit à un défaut d'entretien du véhicule, soit à une défaillance et/ou usure de pièce(s) », dont il présume qu'elle n'est pas imputable à l'acquéreur, compte tenu du faible kilométrage roulé par celui-ci.
Or il a été précisé plus haut que seul le défaut relatif aux disques et plaquettes de frein arrière a pu être constaté dans les six mois de la vente, de sorte qu'il n'est pas démontré l'antériorité des désordres par rapport à la vente.
Au vu de ces éléments, la preuve de l'existence de vices cachés affectant le véhicule et ses caractéristiques n'étant pas suffisamment rapportée, il y a lieu d'infirmer le jugement rendu en première instance en ce qu'il avait prononcé la résolution du contrat de vente et condamné la société Les Chevrons à la restitution du prix de vente, et de débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes de ce chef, en ce compris les demandes indemnitaires.
IV. Sur l'appel en garantie de la société E Box
M. [E] étant débouté de l'ensemble de ses demandes au titre de la garantie de conformité et de la garantie des vices cachés, il n'y a pas lieu de statuer sur les moyens développés par les sociétés Les Chevrons et E Box concernant l'appel en garantie de cette dernière.
V. Sur les autres demandes
M. [E], succombant en cause d'appel, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Il convient, par ailleurs, de le condamner à payer à la société Les Chevrons la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de le débouter de sa demande à ce titre.
Il convient également de condamner la société Les Chevrons à payer à la société E Box la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme la décision entreprise dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Déboute M. [D] [E] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant,
- Condamne M. [D] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- Le condamne à payer à la SAS Les Chevrons Sofida la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la SAS Les Chevrons Sofida à payer à la SARL E Box la somme de 1 000 euros sur le même fondement.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet