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12/04/2023 | FRANCE | N°22/00019

France | France, Cour d'appel de Douai, Jrdp, 12 avril 2023, 22/00019


AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



COUR D'APPEL DE DOUAI







JURIDICTION CIVILE DU PREMIER PRÉSIDENT EN MATIÈRE

DE RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES









minute n° 11/23



n° RG : 22/0019





A l'audience publique du 12 avril 2023 tenue par M. Jean SEITHER, premier président, assisté de M. Christian BERQUET, greffier, a été prononcée l'ordonnance suivante :







Sur la requête de :



M. [N] [G], né le [Date naissance 1] 198

2, à [Localité 7] (Congo)

demeurant [Adresse 3])





ayant pour avocat Me Quentin MYCINSKI, avocat au barreau de Lille, demeurant [Adresse 2]













Les débats ayant eu lieu à l'audience du 2...

AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

COUR D'APPEL DE DOUAI

JURIDICTION CIVILE DU PREMIER PRÉSIDENT EN MATIÈRE

DE RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

minute n° 11/23

n° RG : 22/0019

A l'audience publique du 12 avril 2023 tenue par M. Jean SEITHER, premier président, assisté de M. Christian BERQUET, greffier, a été prononcée l'ordonnance suivante :

Sur la requête de :

M. [N] [G], né le [Date naissance 1] 1982, à [Localité 7] (Congo)

demeurant [Adresse 3])

ayant pour avocat Me Quentin MYCINSKI, avocat au barreau de Lille, demeurant [Adresse 2]

Les débats ayant eu lieu à l'audience du 22 mars 2023, à 10 heures

L'audience était présidée par M. Jean SEITHER, premier président, assisté de M. Christian BERQUET, greffier ;

En présence de :

MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRES LA COUR D'APPEL DE DOUAI,

représenté par M. Michel REGNIER, avocat général

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Direction des affaires juridiques

dont le siège est situé Sous Direction du Droit Privé

[Adresse 5]

[Localité 4]

ayant pour avocat Me Dimitri DEREGNAUCOURT, avocat au barreau de Douai

JRDP 19/22 - 2ème page

Exposé de la cause

Par requête reçue au greffe de la cour d'appel le 20 juin 2022, M. [N] [G] a présenté une demande en indemnisation en raison d'une détention provisoire injustifiée.

M. [G] a été déféré devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Lille le 6 janvier 2022 dans le cadre d'une procédure de comparution immédiate pour détention de stupéfiant, en l'espèce 6,5 kg d'ecstasy.

A cette audience, l'affaire a été renvoyée au 4 février 2022 et M. [G] a été placé en détention provisoire.

Lors de l'audience du 4 février 2022, l'affaire a été de nouveau renvoyée au 24 février 2022, dans l'attente des conclusions de l'expertise des produits saisis.

Lors de l'audience du 24 février 2022, le conseil du requérant a soulevé un moyen tendant à l'annulation d'actes de la procédure.

Par jugement en date du 3 mars 2022, le tribunal judiciaire de Lille a fait droit au moyen de nullité d'un procès-verbal et a renvoyé M. [G] des fins de la poursuite.

La détention provisoire du requérant a donc duré du 6 janvier 2022 au 3 mars suivant, soit pendant 57 jours.

Pour cette détention injustifiée, il sollicite que lui soient allouées les sommes de :

- 16.500 € en réparation de son préjudice moral ;

- 17.504,04 € en réparation de son préjudice matériel ;

- 2.760 € au titre des frais de défense ;

- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues au greffe de la cour d'appel le 5 octobre 2022, l'agent judiciaire de l'Etat propose que le préjudice moral du requérant soit indemnisé à hauteur de 6.500 €, que son préjudice matériel le soit à hauteur de 3.000 € et que M. [G] soit débouté de sa demande au titre des frais de défense. Il conclut, enfin, à la minoration de l'indemnisation sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en date du 18 octobre 2022, le ministère public requiert que le préjudice moral du requérant soit indemnisé à hauteur de 6.000 € et indique s'en rapporter aux conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat s'agissant des autres demandes.

Au terme des débats tenus le 22 mars 2023, le premier président a indiqué qu'il mettait l'affaire en délibéré au 12 avril 2023.

Et, après en avoir délibéré conformément à la loi,

vidant son délibéré à l'audience de ce jour,

SUR CE,

Sur la recevabilité :

Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

Cet article précise, toutefois, qu'aucune réparation n'est due lorsque la personne était, dans le même temps, détenue pour autre cause.

En application de l'article R. 26 du code de procédure pénale, la requête en indemnisation doit être signée du demandeur ou d'un des mandataires mentionnés à l'article R. 27 du code de procédure pénale, doit contenir le montant de l'indemnité demandée, doit être présentée dans un délai de six mois à compter du jour JRDP 19/22 - 3ème page

où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement acquiert un caractère définitif, ce délai ne courant que si, lors de la notification de cette décision, la personne a été avisée de ce droit ainsi que des dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale.

En l'espèce, la décision du tribunal correctionnel de Lille en date du 3 mars 2022 ne vise pas les dispositions des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, conformément à l'article R. 26 du même code, de sorte que le délai de 6 mois ne saurait être exigé.

Figure au dossier un certificat en date du 15 avril 2022 établi par le greffier du tribunal judiciaire de Lille attestant qu'aucun appel n'a été formé à l'encontre de la décision précitée.

En conséquence, la décision de renvoi des fins de la poursuite du 3 mars 2022 est définitive et la requête de M. [G] est recevable.

Sur le préjudice moral :

Le préjudice moral résultant d'une incarcération injustifiée constitue une évidence de principe.

La preuve de conditions exceptionnelles ou ayant entraîné des conséquences personnelles excédant les conséquences liées à toute privation de liberté en milieu carcéral peut justifier une indemnisation proportionnellement plus élevée. Par contre, la souffrance morale résultant du choc de l'incarcération se trouve minorée par le passé carcéral de la personne détenue.

En l'espèce, il convient, tout d'abord, de relever que le bulletin n° 1 du casier judiciaire de M. [G] ne porte mention d'aucune condamnation de sorte qu'il s'agissait effectivement d'une première incarcération en France. Cette absence d'antécédent carcéral majore nécessairement le choc ressenti.

Le requérant, de nationalité belge, fait aussi valoir que son préjudice s'est trouvé aggravé par la privation de vie privée et l'éloignement familial. Sa famille, notamment ses trois enfants en bas âge, est restée en Belgique. Il ajoute que sa détention a été rendue plus difficile par le décès de son père, survenu un mois avant son incarcération, et produit aux débats l'acte de décès. Ces circonstances sont effectivement de nature à aggraver son préjudice.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à M. [G] la somme de 9.000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice matériel :

Sur les frais d'avocat :

Les honoraires et frais annexes de l'avocat, au titre du préjudice causé par une détention injustifiée, peuvent être indemnisés pour autant qu'ils rémunèrent ou défraient des prestations directement liées à la privation de liberté et aux procédures engagées pour y mettre fin.

En l'espèce, quatre factures de Me [M] [W] sont versées aux débats :

- la facture n° 04/02/22 en date du 11 février 2022 d'un montant de 1.560 euros TTC faisant état d'une « lecture du dossier en vue d'une «audience correctionnelle », d'une « préparation client » et d' « assistance audience » ;

- la facture n° 16/02/22 en date du 28 février 2022 d'un montant de 500 euros TTC intitulée « audience de renvoi 4 février 2022 tribunal correctionnel Lille »;

- la facture n° 02/03/22 en date du 8 mars 2022 d'un montant de 300 euros TTC intitulée « audience délibéré 3 mars 2022 » ;

- la facture n° 04/06/22 en date du 16 juin 2022 d'un montant de 400 euros TTC intitulée « requête en indemnisation de la détention provisoire ».

Il apparaît que la première facture n° 04/02/22 ne distingue pas les prestations directement liées à la privation de liberté et que les factures n° 16/02/22 et n° 02/03/22 ne portent pas sur des prestations directement liées à la privation de liberté.

De plus, la facture n° 04/06/22 porte sur la requête en indemnisation de la détention provisoire et ne fait donc pas partie des frais indemnisables dans le cadre de la présente procédure.

JRDP 19/22 - 4ème page

En conséquence, le requérant sera débouté de sa demande présentée au titre des frais d'avocat.

Sur la perte de revenus :

M. [G] déclare que lorsqu'il a été incarcéré, il travaillait, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel, pour la société [6]. Il produit aux débats un contrat de travail ainsi que plusieurs bulletins de salaire correspondant aux mois d'octobre, novembre et décembre 2021.

Le requérant est donc bien fondé à solliciter une indemnisation correspondant à la moyenne de ses trois derniers salaires, soit la somme de 1.500 € par mois.

En conséquence, il sera alloué à M. [G] la somme de 3 000 euros au titre de la perte de revenus.

Sur l'impossibilité de régler les dépenses de la vie courante :

M. [G] expose que, lors de son incarcération, sa compagne a été dans l'impossibilité de faire face aux dépenses de la vie courante et sollicite une indemnisation à ce titre.

Il demande que lui soit allouée la somme de 1.050 € au titre de la dette de loyer correspondant à la période comprise entre janvier et mars 2022 ainsi que celle de 271,82 € au titre d'une facture d'ENECO.

Or, l'indemnisation au titre de la perte de revenus ne peut se cumuler avec une indemnité correspondant aux dépenses de la vie courante. Par conséquent, les demandes d'indemnisation présentées à ce titre seront rejetées.

S'agissant de la dette de M. [G] auprès de l'[9] d'un montant de 4.182,22 € et correspondant à une décision de cet organisme en date du 3 février 2020, il ressort de la pièce produite aux débats que cette dette est antérieure à la détention et donc sans lien avec celle-ci.

En conséquence, le requérant sera débouté de sa demande présentée au titre de l'impossibilité de régler les dépenses de la vie courante.

Sur la perte de chance de trouver un emploi :

M. [G] sollicite la somme de 9.000 € au titre de la période de recherche d'emploi, qui a duré 6 mois.

Il produit aux débats une attestation de non-indemnisation au titre du licenciement qui n'est pas à son nom mais à celui de [8].

Par conséquent, en l'absence de justificatif de non-indemnisation au titre de l'assurance chômage, le préjudice allégué n'est pas justifié et la demande de M. [G] sera donc rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il sera alloué à M. [G] la somme de mille euros (1.000 €) au titre des frais engagés pour la présente procédure.

Sur des dépens :

Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.

PAR CES MOTIFS,

Après débats en audience publique,

statuant publiquement et contradictoirement,

JRDP - 19/22 - 5ème page

DECLARONS recevable la requête de M. [N] [G] ;

ALLOUONS à M. [G] la somme de neuf mille euros (9.000 €) au titre de son préjudice moral;

ALLOUONS à M. [G] la somme de trois mille euros (3.000 €) au titre de la perte de revenus ;

DEBOUTONS M. [G] du surplus de ses demandes, qu'il s'agisse de la demande présentée au titre des frais d'avocat, de celle présentée au titre de la difficulté de retrouver un nouvel emploi et de celle relative à l'impossibilité de régler les dépenses de la vie courante ;

ALLOUONS à M. [G] la somme de mille euros (1.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé par M. Jean SEITHER, premier président de la cour d'appel de DOUAI, le 12 avril 2023,

en présence de M. Michel REGNIER, avocat général,

assisté de M. Christian BERQUET, greffier qui a signé la minute avec le premier président.

Le greffier Le premier président

C. BERQUET J. SEITHER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Jrdp
Numéro d'arrêt : 22/00019
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;22.00019 ?
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