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15/05/2023 | FRANCE | N°23/00824

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 15 mai 2023, 23/00824


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 23/00824 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WY

N° de Minute : 833







Ordonnance du lundi 15 mai 2023





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. X se disant [N] [H]

né le 01 Juillet 2004 à [Localité 4]

de nationalité Marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

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assisté de Me Moulay Abdeljalil DALIL ESSAKALI, avocat au barreau de LILLE, avocat choisi et de M. [Z] [C] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,





INTIMÉ...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 23/00824 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WY

N° de Minute : 833

Ordonnance du lundi 15 mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. X se disant [N] [H]

né le 01 Juillet 2004 à [Localité 4]

de nationalité Marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]

dûment avisé, comparant en personne par visioconférence

assisté de Me Moulay Abdeljalil DALIL ESSAKALI, avocat au barreau de LILLE, avocat choisi et de M. [Z] [C] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,

INTIMÉ

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : à l'audience publique du lundi 15 mai 2023 à 13 h 30

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe

ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le lundi 15 mai 2023 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;

Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;

Vu l'accord du magistrat délégué ;

Vu l'ordonnance rendue le 14 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. X se disant [N] [H] ;

Vu l'appel motivé interjeté par M. X se disant [N] [H] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 14 mai 2023 ;

Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSE DU LITIGE

M. X se disant [N] [H], né le 01 Juillet 2004 à [Localité 4], de nationalité Marocaine, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, 'xant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français le 13 septembre 2022, et d'un placement en rétention administrative pour une durée de quarante-huit heures, prononcé le 11 mai 2023 par M. le Préfet du Nord, qui lui a été notifié le même jour à 15h25.

Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu l'article 455 du code de procédure civile

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 14 mai 2023 à 11h20, ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours (et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative) .

Vu la déclaration d'appel de M. X se disant [N] [H] du 14 mai 2023 à 16h55 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant

Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :

nullité de la garde à vue,

placement en rétention non justifié au motif qu'il dispose d'une adresse fixe et stable et justifie de liens familiaux intenses,

absence de justification de la nécessité de recourir à un interprète par téléphone,

que l'administration n'a pas saisie les autorités marocaines le premier jour au plus tard suivant le placement en rétention,

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure

L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.

La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.

Sur la nullité de la garde à vue

Contrairement à ce que soutient l'intéressé, il résulte du procès-verbal d'avis au magistrat que le procureur de la République a été avisé le 11 mai 2023 à 4h40, (présenté à l'officier de police judiciaire à 4H15) soit 20 minutes après son placement en garde à vue de l'avis à parquet a été effectué dans un délai suffisant.

Sur l'erreur d'appréciation quant aux garanties de représentation de l'intéressé

L'erreur manifeste d'appréciation doit s'apprécier par rapport aux éléments de fait dont disposait l'autorité préfectorale au moment où l'arrêté de placement en rétention a été adopté et non au regard des éléments ultérieurement porté à la connaissance de la cour.

L'autorité préfectorale mesure l'ensemble de ces éléments pour apprécier le risque de soustraction à la décision d'éloignement.

A ce titre, il peut être légitimement être considérée par l'autorité préfectorale que l'existence d'une adresse pouvant être qualifiée de "résidence effective" soit néanmoins insuffisante pour accorder à l'étranger une assignation à résidence, dés lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.

L'existence d'un seul des critères posés par l'article L 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, définissant les "garanties de représentation" de l'étranger en situation irrégulière, ou par l'article L 751-10 du même code, définissant les "risques de fuite" présentés par l'étranger en situation irrégulière, est nécessaire pour que l'autorité préfectorale puisse motiver le placement en rétention administrative.

Cependant la mesure de privation de liberté que constitue le placement en rétention administrative doit rester proportionnée au regard de l'ensemble des éléments de fait et de personnalité présentés par l'étranger en situation irrégulière avec les impératifs de bonne exécution de la mesure d'éloignement.

En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative a été pris en considération des déclarations de l'étranger qui a indiqué lors de son audition du 11 mai 2023 à 11h30, qu'il était sans domicile fixe, mais qu'il vivait habituellement à [Localité 3], qu'il était sans profession et sans ressources, célibataire et sans enfants à charge, qu'il n'avait pas de famille en France ; qu'interrogé sur les faits qui lui était reprochés il a indiqué " je suis à la rue, je voulais dormir dedans, j'ai pas réfléchi " ; qu'il n'a aucun document d'identité ou de voyage en cours de validité, et qu'il clairement indiqué son intention de ne pas exécuter l'acte d'éloignement, qu'en outre il a reconnu n'avoir entrepris aucune diligence pour quitter le territoire français lors d'un précédente assignation à résidence dont il a bénéficié le 12 novembre 2022, dont il s'est soustrait.

Il s'en suit qu'au jour où l'arrêté de placement en rétention administrative a été adopté, aucune erreur d'appréciation quant à la teneur des éléments de domiciliation de l'appelant ne peut être retenue.

En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.

Sur le moyen tiré de l'interprétariat :

Il résulte des articles 706-71 et 802 du code de procédure pénale qu'en cas de nécessité résultant de l'impossibilité pour un interprète de se déplacer, l'assistance d'un interprète au cours d'une audition, d'un interrogatoire ou d'une confrontation, peut également se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication.

L'absence de mention des conditions de nécessité n'ayant pu permettre la présence de l'interprète ne peut entraîner la nullité de l'acte que s'il est démontré un grief au préjudice des droits de la défense et notamment dans la compréhension de l'interprétariat.

Il résulte des articles L. 141-3 et L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'en cas de nécessité résultant de l'impossibilité pour un interprète de se déplacer, l'assistance d'un interprète au cours d'une notification d'information ou d'une notification de décision, peut également se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication.

L'absence de mention des conditions de nécessité n'ayant pu permettre la présence de l'interprète relève d'une irrégularité de procédure (civ 1ère 24/06/2020 n° 18-22.543)

Pour autant cette irrégularité ne peut entraîner l'annulation de l'acte et des actes subséquents que si l'interprétariat par voie téléphonique a entraîné une atteinte aux droits de l'étranger notamment dans la compréhension de ses droits. (Civ 1ère 20/11/2019 n° 18-24.930)

Cependant, s'agissant de la notification du titre d'éloignement, cette notification n'entraîne de conséquence que face au recours à l'encontre de ce titre, recours qui devra être apprécié par la juridiction administrative. Le juge des libertés et de la détention ne peut donc caractériser un quelconque grief dans l'exercice des droits dont il est chargé d'assurer la protection.

En l'espèce, il ressort de la procédure que les interprètes en langue arabe qui ont assisté l'appelant, M. [O] [S] et M [R] [E] lors de l'audition en garde à vue et lors de la notification de la décision de placement en centre de rétention administrative l'ont effectué par téléphone.

Pour autant, s'agissant de la notification du placement en rétention administrative et des droits y afférents il sera constaté au cas d'espèce, que l'intéressé a exercé un recours en annulation à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention au visa de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'en conséquence il a bien été informé de ses droits et des délais pour effectuer le recours contre l'arrêté de sorte que l'exercice effectif de ses droits entraîne de facto l'absence de grief, dès lors il y a lieu de constater que l'interprétariat par téléphone ne lui a occasionné aucun grief.

Le moyen est rejeté.

Sur les diligences aux fins d'éloignement

Il ressort de l'article L 741-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'administration doit justifier avoir effectué toutes les "diligences utiles" suffisantes pour réduire au maximum la période de rétention de l'étranger.

En l'espèce, il ressort de la procédure que l'intéressé ne justifie nullement être de nationalité marocaine et qu'en outre les autorités marocaines ne reconnaissent pas les empreintes de l'intéressé, dès lors l'administration n'a aucune obligation de saisir les autorités marocaines. Les services de la préfecture ont effectué une demande de routage et pris attache avec les autorités consulaires de l'État dont l'étranger revendique la nationalité, en l'occurrence l'Algérie le 12 mai 2023 à 11h41, et avec les autorités consulaires Tunisiennes le 12 mai 2023 à 11h42 pendant la période de rétention, .

Les diligences ont été entreprises par les autorités françaises dans les 24 heures du placement ce qui constitue un délai raisonnable.

Le moyen est rejeté.

Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention, l'administration étant dans l'attente des demandes sollicitées auprès des autorités consulaires.

L'ordonnance dont appel sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise.

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. X se disant [N] [H] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSE les dépens à la charge de l'État.

Véronique THÉRY,

greffière

Danielle THEBAUD,

conseillère

A l'attention du centre de rétention, le lundi 15 mai 2023

Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [Z] [C]

Le greffier

N° RG 23/00824 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WY

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 833 DU 15 Mai 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 2]) :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le

- M. X se disant [N] [H]

- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin

- nom de l'interprète (à renseigner) :

- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. X se disant [N] [H] le lundi 15 mai 2023

- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Moulay abdeljalil DALIL ESSAKALI le lundi 15 mai 2023

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général

- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le lundi 15 mai 2023

N° RG 23/00824 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 23/00824
Date de la décision : 15/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-15;23.00824 ?
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