COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00825 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WZ
N° de Minute : 831
Ordonnance du lundi 15 mai 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [R] [D] [H]
né le 28 Décembre 1982 à [Localité 3]
de nationalité Guinéenne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 4]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Hubert COCQUEREZ, avocat au barreau de LILLE, avocat (e) choisi
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du lundi 15 mai 2023 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le lundi 15 mai 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 14 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [R] [D] [H] ;
Vu l'appel interjeté par M. [R] [D] [H] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 15 mai 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
A la suite d'un contrôle d'identité effectué le 11/05/2023 à 20h55 [Adresse 2] à [Localité 5] (59) au visa de l'article 78-2 al 9 du code de procédure pénale , monsieur [R] [D] [H], de nationalité guinéenne a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Nord le 12 mai 2023 à 15h40 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire délivrée le 03 février 2023 par monsieur le Préfet du Nord et validée par décision du tribunal administratif de Lille le 10 février 2023.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 14/05/2023 (15h16),ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative.
' Vu la déclaration d'appel du 15/05/2023 à 01h05 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au soutien de sa déclaration d'appel monsieur [R] [D] [H] rappelle qui a vécu en France avec un titre de séjour de 2006 à 2020
Il soulève le fait que l'arrêté de placement en rétention administrative serait entaché d'erreur d'appréciation en ce que :
Monsieur [R] [D] [H] invoque une adresse stable en France [Adresse 1] à [Localité 5], adresse qu'il estime connue de l'administration avant même le placement en rétention administrative.
Monsieur [R] [D] [H] précise qu'il est père de trois enfants français vivant avec leur mère mais avec qui il entretient des relations de sorte que le placement en rétention administrative contrevient à l'article 8 de la CESDH.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du placement en rétention administrative au regard de l'article 8 de la CESDH
Le contrôle du respect de l'article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.
Le moyen ne doit pas être apprécié en fonction du titre d'éloignement puisque cette analyse relève exclusivement de la juridiction administrative, mais sur les seules bases du placement en rétention administrative.
Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.
Cependant le seuil d'application de l'article 8 de la CEDH nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c'est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.
Les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.
Le placement en rétention est justifié au cas d'espèce par la nécessité de s'assurer de la personne sur qui pèse une obligation de quitter le territoire et qui n'entend pas s'y conformer volontairement.
Il ne saurait donc être considéré, au cas d'espèce, que le placement en rétention administrative de monsieur [R] [D] [H] soit constitutif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la CEDH.
2) Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation du placement en rétention administrative au regard des garanties de domiciliation
Le moyen tiré de 'l'inutilité du placement en rétention administrative' relève en fait du contrôle de proportionnalité que le juge doit effectuer sur la mesure privative de liberté.
Cet examen de proportionnalité ne peut s'effectuer sur ce moyen précis que si l'étranger a déposé une requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative, dés lors que ledit contrôle de proportionnalité doit se qualifier d'examen de l'erreur d'appréciation lors de la prise de l'acte.
Tel est le cas en l'espèce.
Le contrôle de proportionnalité doit évaluer la privation de liberté ordonnée par l'autorité administrative au regard de l'objectif de cette mesure, à savoir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement tel que défini par les articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative reprend, conformément à l'article L 741-1 du CESEDA l'un des éléments constitutif de l'absence de garantie de représentation propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement mentionné par l'article L 612-3 du même code pour motiver le choix de la rétention pour la bonne exécution du titre d'éloignement, à savoir que l'intéressé :
Est célibataire sans enfants à charge
Refuse de quitter le territoire français, malgré une mesure d'obligation de quitter le territoire français exécutoire et n'a entamé aucune démarche pour ce faire, malgré le délai de 30 jours accordé par le tribunal administratif à compter du 10/02/2023.
Ne justifie pas d'un domicile effectif et permanent affecté à son habitation,
Il résulte de l'audition de monsieur [R] [D] [H] lors de sa retenue que ce dernier a invoqué une adresse : [Adresse 1] à [Localité 5], adresse qui ne pouvait être ignorée de l'autorité préfectorale dès lors qu'elle était cette du requérant dans la procédure qu'il a engagée devant le tribunal administratif à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et qui a été reconnue comme réelle et stable dans les 'considérants' n° 10 et 11 de la décision du tribunal administratif de Lille du 10/02/2023.
De même, si la décision du tribunal administratif de Lille en son 'considérant' n° 7 indique qu'il n'est pas démontré que monsieur [R] [D] [H] exercerait une autorité parentale sur ses enfants ou participerait à leur entretient, cette décision mentionne que monsieur [R] [D] [H] rencontre toujours ses enfants par le biais d'un droit de visite et d'hébergement.
Dés lors c'est par une appréciation erronée des éléments de fait que l'autorité préfectorale a considéré que monsieur [R] [D] [H] ne disposait ni d'une adresse stable et effective, ni de garanties de représentation en terme d'attache familiales en France qui auraient permis de l'assigner à résidence.
Si monsieur [R] [D] [H] affirme sa volonté de demeurer en France exposant que sa famille s'y trouve, il est à noter qu'il n'est ni invoqué, ni démontré que monsieur [R] [D] [H] ait déjà bénéficié d'une assignation à résidence administrative à laquelle il se serait soustrait.
Dés lors, le placement en rétention administrative est disproportionné par rapport à l'objectif d'exécution du titre d'éloignement non contesté par l'intéressé.
En conséquence la décision déférée sera infirmée et le placement en rétention administrative de monsieur [R] [D] [H] levé.
PAR CES MOTIFS
ACCORDE l'aide juridictionnelle provisoire sur le siège à [R] [D] [H] ;
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME l'ordonnance entreprise.
Statuant de nouveau
ORDONNE la main-levée du placement en rétention administrative de monsieur [R] [D] [H]
que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY, greffière
Danielle THEBAUD, conseillère
N° RG 23/00825 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WZ
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 831 DU 15 Mai 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le lundi 15 mai 2023 :
- M. [R] [D] [H]
- l'interprète
- l'avocat de M. [R] [D] [H]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [R] [D] [H] le lundi 15 mai 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Hubert COCQUEREZ le lundi 15 mai 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le lundi 15 mai 2023
N° RG 23/00825 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4WZ