COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00827 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4W3
N° de Minute : 830
Ordonnance du lundi 15 mai 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [P] [X]
né le 23 Juin 2003 à [Localité 1]
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Hubert COCQUEREZ, avocat au barreau de LILLE,
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du lundi 15 mai 2023 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le lundi 15 mai 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 14 mai 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [P] [X] ;
Vu l'appel interjeté par Maître COCQUEREZ venant au soutien des intérêts de M. [P] [X] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 15 mai 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [P] [X], né le 23 Juin 2003 a [Localité 1] (Algérie), de nationalité Algérienne a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 1et septembre 2022 avec reconduite vers le pays dont il a la nationalité ou en application d'un accord de réadmission communautaire ou bilatéral à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage, sans délai de départ volontaire de 30 jours, pris par M. le Préfet du Pas-de-Calais, et d'un arrêté de placement en rétention administrative pris le 13 mais 2023 à 11h30 par M. le Préfet du Nord
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'article 455 du code de procédure civile
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 14 mai 2023 à 15h18, ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et décalant régulier l'arrêté de placement en rétention administrative.
Vu la déclaration d'appel de M. [P] [X] du 15 mai 2023 à 2h04 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
La violation de l'article 6 de la CESDH, en ce qu'il a été condamné à un sursis probatoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur la violation de l'article 6 de la CEDH
Il ressort d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 06 juin 2007 que :
" si l'administration consulaire dispose en principe d'un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l'étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif " et que " tel est le cas, en particulier, lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est partie ".
(CE : 06/06/2007 N° 292076 ; 6ème et 1ère sous-sections réunies)
Il ressort de cet arrêt que l'étranger expulsé et convoqué à une audience pénale ultérieure à laquelle sa présence est obligatoire sans possibilité de représentation, dispose du droit de solliciter et d'obtenir un visa de cour séjour à cette fin.
Ainsi que l'a justement relevé le premier juge depuis son élargissement, l'intéressé se doit de respecter les obligations afférentes à son sursis probatoire et notamment de répondre aux convocations du juge de l'application des peines et du service pénitentiaire d'insertion et de probation ainsi que prendre des rendez-vous en addictologie pour soigner son addiction aux produits stupéfiants, chercher un travail ou une formation professionnelle et réglers les sommes des au Trésor Public.
S'agissant des convocations dont il pourra faire l'objet de la part du juge de l'application des peines et du SPIP, à supposer qu'il puisse en être destinataire et qu'il puisse prévenir les autorités compétentes du centre de rétention qui prévoiront, le cas échéant, une escorte pour qu'il puisse se présenter aux convocations qu'il doit honorer, il est évident, qu'en étant en rétention administrative, au centre de rétention, il ne pourra exécuter les obligations afférentes à son sursis probatoire et notamment les mesures de traitement médicales ou de soins relatives à son addiction, sans que cela soit de son fait.
Dès lors, il y a lieu de considérer que le placement en rétention est incompatible avec le sursis probatoire dont il fait l'objet.
En conséquence le placement en rétention administrative de M. [P] [X] contrevient aux dispositions de l'article 6 de la CEDH et doit être levé.
L'ordonnance dont appel sera infirmée.
PAR CES MOTIFS
ACCORDE l'aide jurdictionnelle sur le siège à M. [P] [X] ;
DÉCLARE l'appel recevable ;
INFIRME l'ordonnance entreprise ;
Statuant à nouveau,
LÉVE la mesure de rétention administrative de M. [P] [X] ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Danielle THEBAUD,
conseillère
N° RG 23/00827 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4W3
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 830 DU 15 Mai 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le lundi 15 mai 2023 :
- M. [P] [X]
- l'interprète
- l'avocat de M. [P] [X]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [P] [X] le lundi 15 mai 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Hubert COCQUEREZ le lundi 15 mai 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le lundi 15 mai 2023
N° RG 23/00827 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U4W3