ARRÊT DU
26 Mai 2023
N° 815/23
N° RG 19/00517 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SFKV
MLB/LF
AJ
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
22 Janvier 2019
(RG 16/00056 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 26 Mai 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
Mme [X] [O] épouse [C]
[Adresse 3]
représentée par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 59178002/2019/2724 du 12/03/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
Association CGEA DE LILLE
[Adresse 2]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocate au barreau de DOUAI substituée par Me Cecile HULEUX, avocate au barreau de DOUAI
Me [U] [I] es qualité de liquidateur judiciaire de l'Association ALTERNATIVE EDUCATION FORMATION
[Adresse 1]
représenté par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS : à l'audience publique du 15 Mars 2023
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Angelique AZZOLINI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22 Février 2023
EXPOSE DES FAITS
Mme [X] [C], née le 3 mars 1971, a été embauchée à compter du 12 novembre 1997 en qualité de secrétaire par l'association Alternative Education Formation, qui appliquait la convention collective de la formation professionnelle et employait de façon habituelle au moins onze salariés.
Elle percevait en dernier lieu un salaire brut mensuel de 1 634 euros
Elle a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 novembre 2015.
Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
« La structure rencontre des difficultés économiques qui se matérialisent par la perte de différents marchés, à savoir :
Le Conseil régional :
Ce financeur était un partenaire régulier de nos produits de formation.
Ces marchés, réputés être stables, nous ont été retirés début 2015, suite à la mise en place de la délégation de service public.
Ce choix contribue à la forte baisse de notre activité. La chute de l'activité est extrêmement brutale et importante.
Evolution CA 13 : 248 928 €
Evolution CA 14 : 97 898 €
Evolution CA 15 : (du 01/01/2015 au 30/06/2015) : 42 191 €
Prévisionnel CA 15 : (du 01/01/2015 au 31/12/2015) : 57 495 €
soit une perte par rapport à 2014 de : 40 403 €, soit 42 %.
L'Agefiph :
Second secteur de notre activité développé surtout dans les régions Nord-Pas-de-Calais, Centre et Picardie.
Il s'agit d'un marché de formation destiné aux personnes bénéficiant d'une reconnaissance en qualité de travailleurs handicapés et/ou bénéficiant de l'obligation d'emploi. Il s'agit d'un marché de volume qui subit lui aussi une baisse significative suite à la baisse des collectes auprès des entreprises.
Evolution CA 13 : 1 027 385 €
Evolution CA 14 : 1 419 672 €
Evolution CA 15 : (du 01/01/2015 au 30/06/2015) : 492 611 €
Prévisionnel CA 15 : (du 01/01/2015 au 31/12/2015) : 1 340 413 €
soit une perte par rapport à 2014 de : 79 259 €, soit 6 %.
Ces marchés sont générateurs de marge mais demandent d'importants frais de structure pour parvenir au niveau de service requis, alors que le Pôle Emploi exige des prix avant tout serrés censés être compensés par des volumes.
Alors que l'association fonctionnait sur des conventionnements locaux, la généralisation de l'utilisation du mode marché public nous a contraints à rejoindre des groupements d'opérateurs de formation pour pouvoir répondre à ces appels d'offre.
Les perspectives d'évolution étaient raisonnablement prévisibles, sans être pour autant optimistes.
Mais nos clients préfèrent de plus en plus privilégier les prix à la qualité.
Cela se concrétise par une chute du chiffre d'affaires très conséquente (confère les chiffres ci-dessous),
Evolution CA 13 : 2 334 107 €
Evolution CA 14 : 2 399 615 €
Evolution CA 15 : (du 01/01/2015 au 30/06/2015) : 1 510 185 €
Prévisionnel CA 15 : (du 01/01/2015 au 31/12/2015) : 1 793 820 €
soit une perte par rapport à 2014 de : 610 000 €, soit 26 %.
En projetant la baisse des entrées de commandes de formation et donc sur le chiffre d'affaires à venir, et sachant que nos ressources connaissent une baisse de plus de 50 % à fin juin, nos prévisions de vente s'établissent donc, pour la période 2015/2016, entre 3 000 000 € et 3 200 000 €, soit en retrait de 37 %.
Dans ce contexte, des mesures doivent à l'évidence être prises pour préserver l'entreprise.
Au delà de toute mesure dans l'économie de l'organisation, les difficultés économiques évoquées ci-dessus nous conduisent à procéder à la diminution des effectifs de l'association par suppression d'emplois.
Tous ces éléments entraînent la suppression de votre poste de travail de secrétaire.
Afin d'éviter cette procédure, nous avons conformément à la législation en vigueur cherché un reclassement interne. Nous avons également effectué des recherches en externe.
En interne, en dépit de nos recherches, le reclassement n'est pas envisageable compte tenu des difficultés économiques indiquées ci-dessus. En externe, la recherche de reclassement n'a pas abouti à ce jour. »
Mme [X] [C] a refusé le contrat de sécurisation professionnelle.
Elle a fait valoir sa priorité de réembauche le 8 janvier 2016.
Par requête reçue le 1er février 2016, Mme [X] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes pour obtenir des dommages et intérêts pour harcèlement moral et faire constater l'illégitimité de son licenciement et le non respect des critères de l'ordre des licenciements et de la priorité de réembauche.
Par jugement en date du 22 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement pour motif économique est justifié, a débouté Mme [X] [C] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à l'association Alternative Education Formation la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 15 février 2019, Mme [X] [C] a interjeté appel de ce jugement. Cette déclaration d'appel a été déclarée recevable par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 29 avril 2022.
L'association Alternative Education Formation a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes en date du 3 décembre 2019. La liquidation judiciaire de l'association a été prononcée le 13 septembre 2021.
Selon ses conclusions récapitulatives reçues le 27 septembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [X] [C] sollicite de la cour qu'elle dise son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l'association Alternative Education Formation à lui verser les sommes de :
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
3 268 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
32,68 euros au titre des congés payés y afférents
32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
10 000 euros à titre d'indemnité pour non respect des critères de l'ordre de licenciement
8 000 euros pour non respect de la priorité de réembauche
3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demande également que les sommes ci-dessus portent intérêts au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation judiciaire des intérêts et que soit ordonné le remboursement des allocations chômage au profit de Pôle Emploi à hauteur de six mois.
Selon ses conclusions reçues le 23 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Maître [I], liquidateur judiciaire de l'association Alternative Education Formation, demande à la cour de dire Mme [X] [C] recevable mais mal fondée en son appel, de confirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions, de dire que le licenciement notifié à Mme [X] [C] est fondé sur un motif économique, de débouter Mme [X] [C] de l'ensemble de ses demandes et à titre reconventionnel et en tout état de cause de la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions reçues le 21 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement dans toutes ses dispositions, déboute Mme [X] [C] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, si la cour estimait que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, qu'elle réduise le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal, si par extraordinaire elle considérait que les critères d'ordre de licenciement n'ont pas été respectés, qu'elle déboute Mme [X] [C] de sa demande de dommages et intérêts faute pour elle de justifier d'un préjudice subi, à titre infiniment subsidiaire si par extraordinaire la cour considérait que les critères d'ordre de licenciement n'ont pas été respectés et que Mme [X] [C] a subi un préjudice, qu'elle juge que les dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre sont manifestement disproportionnés et réduise en conséquence le quantum des dommages et intérêts à de plus justes proportions, en toute hypothèse, qu'elle dise que l'arrêt ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, toutes créances confondues, et juge que l'obligation du CGEA de faire l'avance du montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire, conformément à l'article L.3253-20 du code du travail.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 22 février 2023.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur le harcèlement moral
En application des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, Mme [X] [C] invoque au titre du harcèlement moral des agissements répétés visant à l'humilier et à l'exclure, ainsi qu'un avertissement injustifié.
Elle se prévaut de l'avertissement infligé le 30 septembre 2015 pour n'avoir pas respecté son obligation de loyauté en « manifestant des inquiétudes, en gênant et perturbant ses collègues et en portant des jugements sur la stratégie adoptée par la direction ». Si en application de l'article 954 du code de procédure civile, sa demande d'annulation de l'avertissement formulée seulement dans le corps de ses conclusions mais qui ne figure pas au dispositif de ses conclusions ne saisit pas la cour, l'appelante souligne avoir contesté cet avertissement, contrairement à ce que prétend l'employeur, et se prévaut du témoignage de Mme [D] qui indique qu'elle n'a pas reconnu avoir manqué de discrétion sur son lieu de travail lors de l'entretien du 9 septembre 2015 et que Mme [W] a déformé ses propos en les sortant de leur contexte pour les utiliser contre Mme [X] [C].
Elle produit également près d'une vingtaine d'attestations de ses anciens collègues. Mme [K] et Mme [A], respectivement embauchées en mai et mars 2012, indiquent toutes les deux que lors de leur entretien d'embauche, Mme [W] leur a demandé de ne pas « copiner » avec Mme [X] [C], ce qui les a étonnées et choquées. Le liquidateur se prévaut inutilement du fait que Mme [K] a quitté l'association en 2014 et que Mme [A] est une ancienne stagiaire, ces deux salariés attestant de faits contemporains de leur embauche et qu'elles ont personnellement constatés. Mme [E] atteste qu'au détour d'une conversation en septembre 2014, la direction a qualifié Mme [X] [C] de « balance » à qui on ne peut faire confiance et qu'elle a bien compris que cette accusation constituait une man'uvre de la direction pour protéger ses « sources » mais qui avait pour effet de ternir la réputation de Mme [X] [C] et de susciter la méfiance des salariés envers elle.
Ses anciens collègues se disent très surpris de l'avertissement notifié en septembre 2015 à Mme [X] [C], dont ils louent la loyauté et la discrétion. Ils soulignent en substance n'avoir jamais été perturbés par elle et, pour ceux qui étaient encore dans l'effectif en 2015 (Mme [E], Mme [D], M. [Z]), évoquent plutôt comme éléments perturbateurs les inquiétudes suscitées par l'avenir incertain de l'entreprise et l'absence de communication de la direction.
La circonstance que Mme [E], Mme [D], M. [Z] ont été opposés à l'association dans le cadre de contentieux électoral et prud'homal ne suffit pas à invalider leurs témoignages.
La demande faite aux collègues de Mme [X] [C] de ne pas « copiner » avec elle, les propos la qualifiant de « balance » indigne de confiance et la notification de l'avertissement litigieux constituent des éléments précis qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral mais qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le liquidateur judiciaire n'apporte aucune explication sur les propos rapportés par Mme [K], Mme [A] et Mme [E] et ne démontre pas que l'avertissement était justifié par un abus par Mme [X] [C] de sa liberté d'expression, dont le principe est rappelé par les articles L.1121-1, L.2281-1 et L.2281-3 du code du travail, en l'absence de preuve de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs de la salariée.
Ainsi, les agissements ci-dessus ne sont pas justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il convient en application de l'article L.1154-1 du code du travail de retenir que ces agissements sont constitutifs de harcèlement moral et d'allouer à Mme [X] [C] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur le licenciement
En application de l'article L.1233-3 du code du travail dans sa version applicable au licenciement, le liquidateur judiciaire produit pour caractériser les difficultés économiques de l'association Alternative Education Formation, contestées par la salariée, les bilans au 31 décembre 2014 et au 31 décembre 2015. L'exercice clos le 31 décembre 2014 affichait un excédent de 91 716 euros et celui clos à la date du 31 décembre 2015, contemporain de la notification du licenciement, un déficit de 162 576 euros. Si le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation. Le résultat négatif de 337 159 euros au 30 juin 2016 confirme la dégradation marquée de la situation de l'association. La comparaison du détail de compte de résultat au 30 juin 2015 et au 30 juin 2016 montre bien une perte de marchés, les prestations de services subissant une diminution de plus de 44 % entre ces deux dates. Réunis le 14 septembre 2015, les membres du comité d'entreprise se sont dits conscients de l'impossibilité pour la structure de garder la même masse salariale, alors même que l'activité est en chute libre.
La circonstance que Mme [X] [C] a suivi une prestation Pôle Emploi le 12 mai 2016 dispensée par l'association Alternative Education Formation ne contredit pas la perte de ce marché, passé de 1 219 207 euros au 30 juin 2015 à 245 990 euros au 30 juin 2016 pour Pôle Emploi et de 290 978 euros à 70 255 euros pour Pôle Emploi/Partenaire.
Mme [X] [C] se prévaut à mauvais escient de l'article L.1233-3 du code du travail dans sa version postérieure au licenciement pour soutenir que l'employeur devait justifier de pertes sur une période d'au moins quatre trimestres au moment du licenciement.
Elle soutient de façon non pertinente que le paiement des loyers des baux prétendument résiliés apparaît toujours sur le compte de résultat détaillé de 2016 pour en conclure que ces sites n'ont pas été fermés, contrairement à ce qu'indique l'employeur. En effet, le paiement de loyers au cours du premier semestre 2016 s'explique par la date d'effet, postérieure, des résiliations de baux dont le liquidateur judiciaire justifie par différentes lettres versées aux débats. De plus, le détail du compte de résultat témoigne bien de la volonté de l'association Alternative Education Formation de réduire ses charges de fonctionnement notamment locatives, celles-ci ayant effectivement baissé de plus de 27 % entre le 30 juin 2015 et le 30 juin 2016.
Au vu des éléments comptables ci-dessus et de la situation déficitaire de l'association Alternative Education Formation, Mme [X] [C] invoque vainement son absence de difficulté de trésorerie et son peu d'endettement pour contester les difficultés économiques de la société. De même, elle invoque vainement l'acquisition par l'association d'une climatisation. En effet, il n'est ni allégué ni démontré que l'investissement critiqué procède d'une attitude frauduleuse ou d'une légèreté blâmable de l'employeur.
Les difficultés économiques de l'association Alternative Education Formation à la date de notification du licenciement sont donc établies.
Pour caractériser la suppression du poste de secrétaire de Mme [X] [C], que l'appelante conteste, le liquidateur judiciaire produit le registre des entrées et sorties du personnel dont il résulte que l'association Alternative Education Formation n'a pas procédé au recrutement d'une secrétaire pour remplacer Mme [X] [C] suite à son licenciement.
En application de l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version alors applicable, le registre du personnel montre que les seules embauches effectuées immédiatement après le licenciement de Mme [X] [C] concernent des postes de « travaux de couture ». L'appelante n'allègue pas qu'elle aurait pu être reclassée sur un tel poste sans avoir besoin d'une formation initiale. Au jour du licenciement, aucun poste de secrétaire n'était disponible au sein de l'association. L'appelante s'abstient d'ailleurs de préciser sur quel poste elle aurait pu être reclassée. Elle se prévaut inutilement de l'embauche, au demeurant antérieure à son licenciement, de salariées sur des postes de formatrices, ne correspondant pas à ses qualifications. La prénommée [P] évoquée dans ses conclusions n'était pas salariée de l'association mais est intervenue dans le cadre d'une convention entre l'employeur et l'entreprise L'Aura Look, signée le 1er février 2016. L'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas, en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe. L'association Alternative Education Formation, qui n'appartient pas à un groupe, a néanmoins vainement procédé à des recherches de reclassement externe. Le liquidateur justifie en conséquence que l'association Alternative Education Formation était dans l'impossibilité de procéder au reclassement de Mme [X] [C].
Il résulte de ce qui précède que le licenciement est bien justifié. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l'ordre des licenciement
En application des articles L.1233-7 et L.1233-5, dans sa version en vigueur, du code du travail, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix.
Le tableau récapitulant les points attribués au titre de la mise en 'uvre des critères d'ordre des licenciements désigne Mme [X] [C] parmi les trois membres du personnel administratifdevant être licenciés, avec un total de 14 points, contre 15 points attribués à deux salariées non licenciées.
L'appelante soutient de façon non pertinente que sa situation familiale n'a pas été prise en considération, alors qu'elle a obtenu 3 points correspondant à sa situation de salariée mariée avec enfants à charge. L'octroi de 4 points pour la situation familiale était réservé au salarié parent isolé avec personne à charge.
La salariée critique également les points qui lui ont été attribués au titre des compétences professionnelles, décomposées selon le tableau en sept critères (compétences techniques, polyvalence, capacité d'adaptation, autonomie, esprit d'initiative, mobilité, engagement). Elle conteste particulièrement les points attribués au titre de la mobilité (0/2) et de la polyvalence (1/4). Elle ajoute que l'employeur a rajouté une dernière évaluation non déterminée pour laquelle certains salariés ont obtenu des points sans explication.
De fait, le sous-critère « esprit d'initiative », pour lequel Mme [X] [C] n'a pas reçu de point, n'était pas évoqué par la directrice dans son courrier du 12 janvier 2016, en réponse à la demande de la salariée, comme faisant partie des critères fixés après consultation du comité d'entreprise et des délégués du personnel. Le liquidateur judiciaire ne s'en explique pas.
Surtout, alors que Mme [X] [C] se prévaut de sa mobilité et d'une polyvalence effective, le liquidateur judiciaire se borne, sans évoquer la polyvalence, à répondre que Mme [X] [C] ne justifie pas de sa prétendue mobilité et l'Unedic à renvoyer au tableau et aux explications du liquidateur, sans fournir d'éléments objectifs permettant de justifier que l'appréciation de la mobilité et de la polyvalence de Mme [X] [C] ne procède pas d'une erreur manifeste.
Il s'ensuit que l'attribution de seulement un point sur quatre possibles au titre de la polyvalence et l'absence de point au titre de la mobilité ne sont pas justifiées et que l'employeur ne démontre pas avoir respecté les règles relatives à l'ordre des licenciement.
Eu égard notamment à l'ancienneté de la salariée, à son salaire, à son âge et aux justificatifs de son indemnisation par l'assurance chômage jusqu'en août 2018, il convient de lui accorder la somme de 10 000 euros à titre de réparation du préjudice subi à ce titre.
Sur la priorité de réembauche
Mme [X] [C] est sortie de l'effectif le 6 janvier 2016 et a demandé à bénéficier d'une priorité de réembauche en application de l'article L.1233-45 du code du travail, par lettre du 8 janvier 2016.
Elle soutient que l'association Alternative Education Formation a fait fi de sa demande en embauchant postérieurement à son licenciement sans lui proposer les emplois devenus disponibles.
Elle ne fait cependant aucune observation sur le registre du personnel produit par le liquidateur dont il ressort que l'association Alternative Education Formation n'a pas procédé à une embauche sur un poste compatible avec sa qualification dans le délai d'un an à compter de la rupture du contrat de travail.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] [C] de ce chef de demande.
Sur les autres demandes
L'Unedic devra procéder aux avances dans les limites de sa garantie et des plafonds applicables.
Il convient d'infirmer le jugement du chef de ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles par elle exposés.
Le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts, conformément aux articles L.622-28, L.631-14 et L.641-3 du code de commerce.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [X] [C] de ses demandes au titre du harcèlement moral et des critères d'ordre de licenciement et en ce qu'il l'a condamnée à payer à l'association Alternative Education Formation la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau de ces chefs :
Fixe la créance de Mme [X] [C] à l'état des créances salariales de l'association Alternative Education Formation aux sommes de :
1 000 euros à titre d'indemnité pour harcèlement moral
10 000 euros à titre d'indemnité pour non respect des critères de l'ordre de licenciement.
Déboute l'association Alternative Education Formation représentée par Maître [I], liquidateur judiciaire, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Confirme pour le surplus le jugement entrepris, sauf sur les dépens.
Déclare l'arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille et dit qu'elle devra procéder aux avances dans les limites de sa garantie et des plafonds résultant des articles L.3253-8, L.3253-15 à L.3253-17 du code du travail et dans les conditions prévues par les articles L.3253-19 à L.3253-21 dudit code.
Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts.
Met les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de l'association Alternative Education Formation.
LE GREFFIER
[R] LEPERRE
LE CONSEILLER, POUR LE PRESIDENT EMPECHE
Muriel LE BELLEC