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26/05/2023 | FRANCE | N°20/01427

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 3, 26 mai 2023, 20/01427


ARRÊT DU

26 Mai 2023







N° 825/23



N° RG 20/01427 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TB73



GG / SL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Béthune

en date du

24 Juin 2020

(RG F19/00244 -section )







































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GROSSE :



aux avocats



le 26 Mai 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [K] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Hélène POPU, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.R.L. YAN'SERVICES PLUS



[Adresse 2]

[Adresse 2]

repr...

ARRÊT DU

26 Mai 2023

N° 825/23

N° RG 20/01427 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TB73

GG / SL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Béthune

en date du

24 Juin 2020

(RG F19/00244 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 26 Mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [K] [E]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Hélène POPU, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.R.L. YAN'SERVICES PLUS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Xavier MAILLARD, avocat au barreau de LAVAL

DÉBATS : à l'audience publique du 18 Janvier 2023

Tenue par Gilles GUTIERREZ

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de la décision a été prorogé du 28 février 2023 au 26 mai 2023 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC conseiller et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 28/12/2022

EXPOSE DU LITIGE

La SARL YAN'SERVICES PLUS qui a pour activité le convoyage de véhicules industriels et particuliers, la location de véhicules et le transport public routier de marchandises, emploie habituellement plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale de l'automobile.

Par contrat à durée indéterminée du 16/06/2014, elle a engagé M. [K] [E] né en 1967 en qualité de chauffeur, à temps complet de 39 heures pour un salaire mensuel initial de 1.686,38 €.

Un avenant du 01/10/2014 a porté la durée hebdomadaire du travail à 43 heures.

A la suite d'un accident du travail, M. [E] a été arrêté pour maladie du 01/03/2019, jusqu'au 12/06/2019.

Par lettre du 13/06/2019, M. [E] a démissionné de son emploi aux motifs suivants :

« [...]Suite à notre conversation téléphonique du 11 juin 2019, je viens par la présente vous adresser ma démission en date du 13 juin 2019.

Au cours de cette conversation vous m'avez invité avec insistance à trouver un emploi dans une autre société et de fait démissionner de votre société. Vous ayant demandé à maintes reprises la régularisation de rémunération de mes heures supplémentaires qui n'ont toujours pas été payées ni inscrites sur mes bulletins de salaire à l'heure actuelle. Je désire également travailler en respectant la réglementation du temps de travail, je ne correspond donc plus à votre optique de façon de travailler et que comme vous me l'avez précisé je devrais prendre « mes clic et mes claques et me barrer ».

Ne pouvant travailler dans de telles conditions, nonobstant vos manquements graves à vos obligations en tant que gérant d'entreprise en ne rémunérant pas nos heures supplémentaires au-delà de la 43ième par le fait de faire rouler certains convoyeurs sous des doublettes d'immatriculation, de retirer nos plaques w pour passer les frontières alors qu'il est interdit de se rendre à l'étranger en w et ce qui nous fait sortir du cadre de notre travail de convoyage et nous place hors des lois[...] ».

L'employeur a accepté la démission par lettre du 20/06/2019 et contesté les griefs du salarié.

Sollicitant la requalification de la démission en pris d'acte, et le paiement d'heures supplémentaires non rémunérées, M. [E] a saisi par requête reçue le 19/07/2019 le conseil de prud'hommes de Béthune.

Par jugement du 24/06/2020 le conseil de prud'hommes a :

-dit et jugé la démission bien réelle,

-débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-débouté la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle,

-laissé les dépens à la charge de M. [E].

Suivant déclaration reçue le 03/07/2020, M. [E] a régulièrement interjeté appel de la décision précitée.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues le 09/03/2022 M. [E] demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Béthune du 24 juin 2020 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

-Statuer de nouveau :

-A TITRE PRINCIPAL

Au titre de la rupture

-Dire et juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en conséquence condamner la SARL YAN'SERVICES PLUS à payer :

-indemnité légale de licenciement : 2.214,47€,

-indemnité compensatrice de préavis : 3.543,16 € et 354 € de congés payés y afférent,

-indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10.629,48 €,

-indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1.771,58 €,

-procéder à la rectification des documents de rupture sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir et se réserver le droit de liquider l'astreinte,

-21.090,16 € de créances salariales au titre des heures supplémentaires, outre 2.109 € de congés payés y afférent,

-14.322,805 € au titre du rappel de salaire au titre du repos compensateur, outre 1.432 € de congés payés y afférent,

-indemnité pour travail dissimulé : 10.629,48 €,

-ordonner la rectification de fiches de paye sous astreinte de 100€/par jour de retard à compter de la décision à intervenir et se réserver le droit de liquider l'astreinte

-3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A TITRE SUBIDIAIRE,

condamner la SARL YAN'SERVICES PLUS à payer :

-indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail : 15.000 €,

-rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 21.090,16 € outre 2.109 € de congés payés y afférent,

-14.322,80 € au titre du rappel de salaire au titre du repos compensateur, outre 1.432 € de congés payés y afférent,

-indemnité pour dissimulation d'activité : 10.629,48 €,

-article 700 du code de procédure civile : 3.000 €,

-ordonner la rectification de fiches de paye sous astreinte de 100€/par jour de retard à compter de la décision à intervenir et se réserver le droit de liquider l'astreinte.

Selon ses conclusions reçues le 15/12/2022, la SARL YAN'SERVICES PLUS demande à la cour de :

-écarter des débats les attestations émanant des anciens salariés [F], [X] et [R],

-confirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de BETHUNE le 24 juin 2020,

-juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission,

en conséquence,

-confirmer la décision en ce qu'elle a jugé la démission de M. [E] bien réelle,

-débouter M. [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

-condamner M. [E] à verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de la procédure résulte d'une ordonnance du 28/12/2022.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère, en vertu de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions écrites transmises par RPVA et dont un exemplaire a été déposé à l'audience de plaidoirie.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'exécution du contrat de travail

-Sur les heures supplémentaires

L'appelant expose qu'un accord d'entreprise a été reporté à plusieurs reprises, raison pour laquelle il n'a eu d'autre choix que de solliciter le paiement des heures supplémentaires, qu'il s'est tenu à disposition permanente de l'employeur durant les temps de déplacement constituant du temps de travail effectif, que c'est bien pour cette raison que l'employeur a indemnisé ce temps d'attente à 50 %, que son décompte est conforme au règlement intérieur de l'entreprise.

Selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En l'espèce, M. [E] verse ses bulletins de paie, un décompte des heures supplémentaires non rémunérées dont il demande le paiement pour les années 2016 à 2019 et des tableaux années par années des heures décomptées par semaine, ainsi que les feuilles d'heures mises en place par l'entreprise et renseignées par journée par le salarié comportant quatre indications.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Celui-ci explique que le salarié confond amplitude et temps de travail effectif, que le temps de déplacement sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas du temps de travail effectif, que le salarié itinérant peut vaquer à ses obligations personnelles, que les chauffeurs-convoyeurs n'effectuent ni chargement ni déchargement et n'effectuent aucune opération de manutention, que le temps de transport en commun doit être déduit, que le temps d'attente n'est pas assimilé à du temps de travail effectif.

Sur quoi, le débat porte au préalable sur la définition du temps de travail effectif.

En vertu de l'article L3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Les feuilles d'heures produites par le salarié sont renseignées conformément au règlement intérieur de l'entreprise, et comporte la définition de quatre période de temps :

A : temps de conduite,

B : période de transport (train, métro, taxi)

C : période d'attente ou de mise à disposition,

D : période de repos, coupure ou repas.

En l'espèce, doivent être qualifiées d'une part les temps de transport pour se rendre d'un lieu de convoyage à l'autre, et le temps d'attente dans les lieux de convoyage (rubriques B et C).

Les rubriques A et D ne posent pas de difficultés puisque la première constitue du temps de travail effectif, dont doivent être exclus les temps de repos ou de coupure de la rubrique D.

S'agissant du temps de déplacement entre deux lieux de travail, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article L3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Or, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail, constitue un temps de travail effectif, dès lors que le salarié reste à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer à des occupations personnelles, puisqu'il se conforme à une directive de l'employeur en se rendant sur le lieu de travail suivant. Il s'agit d'un temps distinct de celui pour se rendre du domicile sur le lieu de travail. Il n'y pas donc lieu de déduire les heures de temps de transport (rubrique C) figurant au décompte du salarié.

En revanche, le temps d'attente dans les locaux des clients ne constitue pas, en l'espèce, du temps de travail effectif dans la mesure où M. [E] pouvait librement vaquer à ses obligations.

Dès lors, compte-tenu des pièces et argumentations respectives des parties, la cour se convainc de la réalité d'heures supplémentaires non rémunérées pour la période de 2016 à 2019 comme suit :

2016 : 350,65 heures

2017 : 352,65 heures

2018 : 254,55

2019 : 22 heures.

La cour dispose des éléments suffisants pour fixer à la somme de 18.520,37 € les heures supplémentaires non rémunérées de 2016 à 2019, incluant les majorations et variations du taux horaire, outre 1.852,04 € de congés payés afférents. Le jugement est infirmé et la société YAN SERVICES PLUS sera condamnée au paiement de cette somme.

-Sur le repos compensateur

L'appelant rappelle que le contingent d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures, ce qui ouvre droit à un repos compensateur de 100 %.

L'intimé indique que la demande n'est pas fondée et qu'au surplus, le salarié a bénéficié de jours de repos compensateurs déclarés dans les feuilles d'heures bien que dénommées « RTT » et « récup »

Sur quoi, en vertu de l'article L3121-30 du code du travail, dans sa rédaction applicable, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale.

En vertu des articles L3121-33 et L3121-38 du code du travail dans sa rédaction applicable, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Il ressort du décompte de l'employeur produit en pièce 6 que le salarié a bénéficié de jours de récupération (7 en 2016, 18 en 2017, 18 en 2018 et 5 en 2019), insuffisant toutefois à constituer la contrepartie en repos dont devait bénéficier M. [E] compte-tenu des heures supplémentaires effectuées hors contingent. Il convient en conséquence d'accueillir la demande en paiement de rappel de salaire au titre du repos compensateur à hauteur de 3.410,38 € outre 341,04 € de congés payés afférents. Le jugement est infirmé. La SARL YAN' SERVICES PLUS est condamnée au paiement de cette somme.

-Sur le travail dissimulé

L'appelant indique avoir fait de multiples rappels à l'employeur, le délit de travail dissimulé étant constitué.

L'intimée rappelle que le délit doit avoir été commis intentionnellement, que la réalité d'heures supplémentaires n'est pas établie.

Selon l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie. La dissimulation d'emploi salarié ainsi prévue n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

S'il est constant qu'un litige opposait les parties relativement à des heures supplémentaires non rémunérées, il n'est pas démontré que l'employeur a intentionnellement dissimulé le nombre d'heures supplémentaires du salarié, en ne les mentionnant pas sur les bulletins de paie. La demande est rejetée. Le jugement est confirmé.

Sur la démission

L'appelant indique avoir pris acte de la rupture du contrat de travail, qu'il a accompli des heures supplémentaires qui n'ont jamais été rémunérées, que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté, que l'employeur le contraignait à rouler avec des plaques W en « doublette », enfin qu'il travaillait régulièrement de nuit sans majoration du temps horaire.

L'intimée répond avoir mis en place un accord collectif d'entreprise pour aménager le temps de travail, que les réclamations d'heures supplémentaires ont été faites dans ce contexte, qu'à la suite de la demande du salarié la mise en place du CSE a été nécessaire ce qui a retardé les négociations, que la santé du conducteur n'est pas en danger, la réglementation étant respectée.

Sur ce, la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Il ressort des échanges de correspondances que M. [E] a demandé par lettre du 11/03/2019 les feuilles d'heures, puis qu'il a demandé par lettre le paiement d'heures supplémentaires non rémunérées, invoquant la possibilité de saisir les autorités compétentes. La démission est donc équivoque.

La lettre de démission du 13/06/2019 évoque la régularisation d'heures supplémentaires non rémunérées, le respect de la réglementation du temps de travail, et le fait de faire rouler des convoyeurs sous des « doublettes d'immatriculation » et le retrait de plaques w pour passer les frontières.

Les griefs tenant aux heures supplémentaires non rémunérées et au défaut de respect de la réglementation relative au temps de travail sont établis, peu important que des négociations aient été en cours relativement à un accord d'entreprise lors des réclamations du salarié.

S'agissant des conditions relatives à la conduite, M. [E] verses les attestations de Mme [F] et de M. [X], et celle peu lisible de M. [R], les attestations des autres salariés (M. [L]) étant relatives aux heures supplémentaires. Il n'y a pas lieu d'écarter ces attestations des débats, qui sont régulières en la forme, sauf à en relever la forme dactylographiée (Mme [F]), la signature apposée la régularisant. Cette demande est rejetée.

Si M. [X] indique utiliser une plaque W avec la copie du certificat d'immatriculation d'un autre véhicule, pratique qui serait établie dans l'entreprise, et que Mme [F] indique qu'un autre salarié utilise son « W garage », ces attestations apparaissent insuffisamment circonstanciées pour démontrer que M. [E] a pour sa part été exposé à des manquements relatifs à la réglementation routière, d'autant qu'un contentieux opposent les témoins et l'entreprise. Le grief n'est pas établi.

Le premier grief est établi, et est suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. La démission s'analyse donc comme une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.

Sur les conséquences de la rupture

L'indemnité de licenciement s'établit conformément au calcul du salarié qui n'apparait pas critiquable à la somme de 2.214,47 €.

L'indemnité compensatrice de préavis de deux mois s'établit à la somme de 3.543,16 € outre 354 € de congés payés afférents.

En revanche, M. [E] n'est pas fondé à réclamer une indemnité pour irrégularité de procédure au regard des dispositions de l'article L1235-2 in fine du code du travail, le licenciement n'étant pas causé. Cette demande est rejetée.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [E], de son âge (52 ans), de son ancienneté (5 ans), de sa

capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, étant précisé que le salarié ne justifie pas de sa situation postérieurement à la rupture, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail issu de l'ordonnance du 22 septembre 2017, une somme de 7.086,32 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SARL YAN' SERVICES PLUS sera condamnée au paiement de ces sommes.

Sur les autres demandes

La SARL YAN' SERVICES PLUS devra remettre à M. [E] une attestation Pôle emploi rectifiée et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt sans qu'une astreinte ne soit nécessaire.

Succombant la SARL YAN' SERVICES PLUS supporte par infirmation les dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [E] une indemnité de 2.000 € pour ses frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déboute la SARL YAN'SERVICES PLUS de sa demande d'écarter les attestations versées aux débats,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Béthune du 24 juin 2020, sauf en ce qu'il a débouté M. [K] [E] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et pour irrégularité de procédure,

Statuant à nouveau,

Y ajoutant,

Dit que la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture aux torts de la SARL YAN' SERVICES PLUS,

Dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL YAN' SERVICES PLUS à payer à M. [K] [E] les sommes suivantes :

-18.520,37 € les heures supplémentaires non rémunérées de 2016 à 2019, outre 1.852,04 € de congés payés afférents,

-3.410,38 € de rappel de salaire au titre du repos compensateur outre 341,04 € de congés payés afférents,

-2.214,47 € d'indemnité de licenciement,

-3.543,16 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 354 € de congés payés afférents,

-7.086,32 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enjoint à la SARL YAN' SERVICES PLUS de remettre à M. [K] [E] une attestation Pôle emploi rectifiée et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu à astreinte,

Condamne la SARL YAN' SERVICES PLUS à payer à M. [K] [E] une indemnité de 2.000 € pour ses frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL YAN' SERVICES PLUS aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

pour le président empêché

le conseiller

Muriel LE BELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 3
Numéro d'arrêt : 20/01427
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;20.01427 ?
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