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08/06/2023 | FRANCE | N°19/01667

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 08 juin 2023, 19/01667


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 08/06/2023



****





N° de MINUTE :

N° RG 19/01667 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SHNG



Jugement (N° 17/06329)

rendu le 15 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Lille







APPELANTS



Madame [D] [Y] épouse [J]

née le 31 janvier 1982 à [Localité 23]

[Adresse 3]

[Localité 16]



Monsieur

[L] [Y]

né le 13 janvier 1951 à [Localité 9]

[Adresse 21]

[Localité 22]



Madame [H] [Y] épouse [JW]

née le 11 mars 1979 à [Localité 23]

[Adresse 15]

[Localité 11]



Madame [T] [Y] épouse [E]

née le 05 juin 1988 à [Loca...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 08/06/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/01667 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SHNG

Jugement (N° 17/06329)

rendu le 15 janvier 2019 par le tribunal de grande instance de Lille

APPELANTS

Madame [D] [Y] épouse [J]

née le 31 janvier 1982 à [Localité 23]

[Adresse 3]

[Localité 16]

Monsieur [L] [Y]

né le 13 janvier 1951 à [Localité 9]

[Adresse 21]

[Localité 22]

Madame [H] [Y] épouse [JW]

née le 11 mars 1979 à [Localité 23]

[Adresse 15]

[Localité 11]

Madame [T] [Y] épouse [E]

née le 05 juin 1988 à [Localité 23]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentés par Me Quentin Leclerc-Lemaitre, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [Z] [Y] intervenant volontairement en qualité d'héritier de M. [I] [Y], décédé le 27 mai 2021

né le 09 mai 1945 à [Localité 17]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Madame [O] [C] veuve [Y] intervenant volontairement en qualité d'héritière de M. [I] [Y], décédé le 27 mai 2021

née le 05 novembre 1946 à [Localité 19]

[Adresse 13]

[Localité 10]

Madame [B] [Y] intervenant volontairement en qualité d'héritière de M. [I] [Y], décédé le 27 mai 2021

née le 25 février 1975 à [Localité 19]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Madame [ZZ] [Y] intervenant volontairement en qualité d'héritière de M. [I] [Y], décédé le 27 mai 2021

née le 20 mars 1980 à [Localité 19]

[Adresse 14]

[Localité 12]

représentés par Me Vincent Bué, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué à l'audience par Me Pierre-Emmanuel Boniface, avocat au barreau de Lille

Monsieur [W] [Y]

[Adresse 5]

[Localité 22]

défaillant à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 06 mars 2021 à sa personne

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 06 mars 2023. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 février 2023

****

[Z], [P], [F] [Y] est décédé le 9 mars 2009 à [Localité 19] et son épouse, [U] [A], le 21 avril 2016 à [Localité 24], laissant pour leur succéder leurs enfants [Z] (fils), [I], [L], [W] [Y] et leurs petites-filles [H], [D] et [T] [Y], venant en représentation de leur père [K] [Y], décédé le 2 juillet 2015.

Par actes d'huissier en date des 26 et 27 juillet, et 13 septembre 2017, MM. [Z] (fils) et [I] [Y] ont fait assigner [L], [W], [H], [D] et [T] [Y] devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins d'obtenir, notamment, l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de chacun des deux époux [A]-[Y] et de la communauté ayant existé entre eux, la désignation d'un notaire et d'un juge commis et la fixation de la durée et des modalités de calcul d'une créance de salaire différée au bénéfice de chacun d'entre eux.

Par jugement en date du 15 janvier 2019, le tribunal judiciaire de Lille a déclaré MM.'[Z] et [I] [Y] recevables en leur demande, ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre les parties, consécutive aux décès des époux [A]-[Y], ainsi que la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux, désigné, pour procéder auxdites opérations, Me [S] [N], notaire à [Localité 20], rappelé les dispositions légales applicables et fixé les créances de salaires différées de MM.'[Z] (fils) et [I] [Y] dans la succession de leur mère, [U] [A] épouse [Y], à liquider conformément aux dispositions de l'article L. 321-13 du code rural et de la pêche maritime, selon la valeur du Smic à la date la plus proche du partage, le calcul devant être réalisé comme suit :

- pour M. [Z], [M], [R] [Y], né le 9 mai 1945, pour la période comprise entre le 9 mai 1963 et le 31 octobre 1966 et entre le 1er mars 1968 et le 31 décembre 1968, soit 1547 jours ;

- pour [I] [Y], né le 21 mars 1947, pour la période comprise entre le 21 mars 1965 et le 31 décembre 1968, soit 1380 jours ;

Le tribunal a, enfin, dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de comptes, liquidation et partage, avec faculté de recouvrement direct au profit des avocats des parties, Me'Vincent Bué et Me Quentin Leclerc-Lemaître, débouté les défendeurs de leur demande au titre de leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens, dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire et rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

M. [L] [Y] et Mmes [D] [Y] épouse [J], [H] [Y] épouse [JW] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 19 mars 2019.

Par ordonnance en date du 22 octobre 2020, le président de la première chambre de la cour d'appel de céans a ordonné la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture (intervenue le 31 août 2020) en invitant les parties appelantes à procéder à la mise en cause de M. [W] [Y] et de Mme [T] [Y], et a renvoyé l'affaire à la mise en état.

[I] [Y] est, quant à lui, décédé en cours d'instance, le 27 mai 2021, laissant ainsi pour lui succéder Mme [O] [C] veuve [Y] et Mmes [B] et [ZZ] [Y], lesquelles sont intervenues volontairement à la procédure en leur qualités d'héritières.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 mars 2021, M. [L] [Y], Mmes [D], [H] et [T] [Y] demandent à la cour, au visa de l'article L. 321-13 et des articles L. 311-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, de l'article L. 312-6 du code rural et de l'article 6 de la loi n° 60-808 du 5 août 1960, de l'article 2224 du code civil et de l'article 554 du code de procédure civile, de déclarer Mme [T] [Y] recevable et fondée à intervenir volontairement en cause d'appel, et au soutien des appelants, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé dans la succession d'[U] [A] les créances de salaire différé au profit de MM. [Z] et [I] [Y] et, statuant à nouveau, abstraction faite de demandes de 'dire et juger' qui ne sont pas de véritables prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile mais le simple rappel des moyens des parties, de :

- déclarer MM. [Z] [Y] et [I] [Y] irrecevables à solliciter la fixation d'une créance de salaire différé dans la succession de leur mère ;

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes à cette fin ;

- condamner solidairement les intimés aux entiers frais et dépens d'instance et à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des procédures de première instance et d'appel,

- dire que chacun des avocats pourra recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et que l'arrêt à intervenir sera commun et opposable à M. [W] [Y].

Ils exposent que [Z], [P], [F] [Y] (père) était négociant en fruits et légumes entre 1963 et 1968 et non exploitant agricole au sens du code rural et de la pêche maritime ; que la surface dont il disposait n'était pas suffisante pour permettre l'installation d'une exploitation agricole'; que ce n'est que récemment que MM. [I] et [Z] [Y] ont déclaré leur activité d'aide familiale à la MSA ; qu'ils font échec à la manifestation de la vérité en ne produisant pas leur déclaration à la MSA ; qu'ils n'apportent pas la preuve de la réalité des travaux effectués sur une période déterminée avec précision ; qu'ils produisent des attestations insuffisamment objectives, précises et détaillées ; que la preuve de la qualité de co-exploitant agricole d'[U] [A] n'est pas davantage rapportée ; que MM. [I] et [Z] [Y] sont irrecevables à solliciter la fixation d'une créance de salaire différé dans la succession de leur mère, n'ayant pas la qualité d'aide familial au sens des articles L311-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime ; que la créance est en tout état de cause prescrite, [U] [A] n'ayant jamais participé de manière régulière à l'activité de son mari et l'action n'ayant pas été engagée dans les cinq ans du décès de celui-ci.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 décembre 2021, M. [Z] [Y], Mme [O] [C] veuve [Y] et Mmes [B] et [ZZ] [Y] en qualité d'héritières de [I] [Y] demandent à la cour, au visa des articles 815 et suivants, 2285, 2222 et 2224 du code civil, des articles L. 321-13 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de l'article L. 321-17 du même code, de leur donner acte de l'intervention volontaire de Mme [O] [C] veuve [Y] et de Mmes [B] et [ZZ] [Y], de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et, y ajoutant en cause d'appel, de condamner solidairement les appelants à leur payer la somme de 3 500 euros, de dire que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et que chacun des avocats pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils font essentiellement valoir qu'ils disposent d'une créance de salaire différé pour la participation directe et effective de [Z] et de [I] [Y], en qualité d'aides familiaux affiliés à la MSA, à l'exploitation agricole de leurs parents, alors maraîchers au n°[Adresse 1] à [Localité 9], avant leur éviction pour changement de destination du sol. Ils soutiennent qu'il n'est pas interdit à l'ascendant, débiteur de la créance de salaire différé, de cumuler une activité agricole en qualité d'exploitant et une activité de commerçant ; que l'abandon de l'activité agricole par l'ascendant n'éteint pas les droits de créance du descendant qui a participé à l'exploitation ; qu'ils ont été aides familiaux sur l'exploitation maraîchère à [Localité 9] jusqu'à l'expropriation du site et leur déménagement à [Localité 22] où l'activité commerciale a alors été privilégiée par leurs ascendants ; que si la créance est éteinte par prescription pour la succession de leur père, le décès récent de leur mère qui a été co-exploitante sur l'exploitation maraîchère familiale avec son conjoint autorise de les couvrir de leur créance sur la succession de leur mère.

M. [W] [Y], à qui la déclaration d'appel et les conclusions et pièces des appelants ont été régulièrement signifiées à personne le 6 mars 2021, n'a pas constitué avocat devant la cour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour relève que les dispositions du jugement entrepris relatives à l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre les parties, consécutive aux décès de [Z], [P], [F], le 9 mars 2009 à [Localité 19], et d'[U] [A] le 21 avril 2016 à [Localité 24], la liquidation de la communauté ayant existé entre les époux et la désignation de Me [S] [N], notaire à [Localité 20], ne font l'objet d'aucune contestation en cause d'appel, de sorte qu'elles ne seront pas évoquées, étant définitives.

Sur la demande de fixation de créances de salaires différés

L'article L.321-13 du code rural et de la pêche maritime dispose que les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers ; que le taux annuel du salaire est égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l'exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l'exploitant.

Est considéré comme un exploitant agricole celui qui exerce personnellement et pour son propre compte, à titre de profession habituelle, une activité agricole au sens de l'article L311-1 du code rural.

L'article L311-1 dudit code précise que sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ; que les activités agricoles ainsi définies ont un caractère civil ; que toutefois pour la détermination des critères d'affiliation aux régimes de protection sociale des non-salariés et des salariés des professions agricoles, sont considérées comme agricoles les activités mentionnées respectivement aux articles L. 722-1 et L. 722-20.

Il résulte de ce texte que la détermination de la nature agricole de l'activité exercée relève exclusivement de la matière civile (statut civil de l'agriculteur) et que, par suite, il n'y a pas lieu de se référer aux dispositions particulières des articles L. 722-1 et L. 722-10 du code rural et de la pêche maritime, fixant les critères d'affiliation aux régimes de protection sociale des non-salariés agricoles et des salariés des professions agricoles, ces textes n'étant pas applicables en matière de salaire différé.

Il est par ailleurs constant que la loi visant 'l'exploitant agricole' sans autres précisions, l'appréciation de cette qualité doit se faire indépendamment de toute référence au titre juridique en vertu duquel l'exploitant exerce son activité, et indépendamment de l'importance de l'exploitation, cette qualité ne devant pas, pour l'application des articles L321-13 et suivants précités, être réservée à l'ascendant exploitant agricole à titre exclusif ou principal et pouvant être reconnue à l'exploitant pluriactif, même s'il n'est agriculteur qu'à titre secondaire, pourvu qu'il exerce bien une activité agricole au plan civil.

Enfin, il n'est pas nécessaire, pour l'application de l'article L321-18 du code rural et de la pêche maritime, que l'ascendant demeure exploitant agricole jusqu'au jour de son décès ou du règlement de la créance de salaire différé.

L'article L321-17 alinéa 1er précise que le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession.

A cet égard, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la durée de la prescription de l'action en paiement de salaire différé se trouve ramenée à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession de l'exploitant, conformément aux dispositions relatives à la prescription de droit commun de l'article 2224 nouveau du code civil.

Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu'en cas de co-exploitation ou d'exploitations successives par les ascendants de la même exploitation, leur descendant peut se prévaloir d'un unique contrat de travail à salaire différé pour exercer son droit de créance sur l'une ou l'autre des successions, mais à la condition d'établir soit l'existence d'une co-exploitation, soit que ce contrat de travail a reçu exécution au cours de l'une et de l'autre des deux périodes d'exploitation en cas d'exploitations successives.

L'article L.321-19 du même code dispose enfin que la preuve de la participation à l'exploitation agricole dans les conditions définies aux articles L.321-13 à L.321-18 pourra être apportée par tous moyens ; qu'en vue de faciliter l'administration de cette preuve, les parties pourront effectuer chaque année une déclaration à la mairie, laquelle devra être visée par le maire qui en donnera récépissé.

Il incombe au descendant qui se prétend bénéficiaire d'une créance de salaire différé d'apporter la preuve d'une participation directe et effective à l'exploitation familiale ainsi que celle de l'absence de contrepartie perçue pour sa collaboration à l'exploitation.

SUR CE

Les appelants contestent tout d'abord la qualité d'exploitant agricole de [Z] [Y] père, décédé le 9 mars 2009 et celle de co-exploitante de son épouse [U] [A], le 21 avril 2016.

Si [Z] [Y] (fils) et les ayants-droit de [I] [Y] produisent des relevés de carrière établis par la MSA justifiant de leur immatriculation en qualité d'aidants familiaux pour les périodes susvisées, la seule inscription à cet organisme, établie sur la seule base des déclarations des intéressés, est insuffisante à établir une participation directe, effective et gratuite à l'exploitation familiale.

Toutefois, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que les attestations versées aux débats témoignaient, d'une part, d'un travail 'quotidien' de [I] sur 'l'exploitation maraîchère de ses parents' (pièces n°3 et 4), de son aide 'dans la culture maraîchère familiale', 'dans les champs avec ses parents (...) quand ils étaient maraîchers [Adresse 1] à [Localité 9]' (pièce n°5), d'un travail 'de façon permanente (...) au sein de l'entreprise familiale maraîchère sises [Adresse 1] à [Localité 9]' (pièce n°6), d'un travail régulier et quotidien de celui-ci sur l''exploitation maraîchère que tenaient ses parents (...) sis au [Adresse 1]' (pièces n°7 et 8), de sa qualité d''aidant familial de ses parents sur leur exploitation familiale agricole, [Adresse 1] à [Localité 9]' (pièce n°9), de son aide 'dans la culture maraîchère familiale', 'dans les champs avec ses parents (...) quand ils étaient maraîchers [Adresse 1] à [Localité 9]' (pièce n°10), et d'autre part, s'agissant de [Z], de sa 'contribution' et son 'accompagnement de ses parents', 'en tant qu'aîné de la famille, dans leur exploitation familiale' (pièces n°12 et 13), de sa qualité d''aidant de ses parents' qui a 'fortement aidé sa famille dans la culture maraîchère de l'époque' (pièce n°14), lesdites attestations faisant par ailleurs explicitement référence aux périodes au titre desquelles étaient formées les demandes de créances de salaire différé.

En cause d'appel, les intimés versent en outre des attestations de proches ou voisins témoignant avoir vu '[Z] et [I] [Y] travailler avec leurs parents dans l'exploitation maraîchère', [Adresse 1] à [Localité 9], 'dans les années 1960 à 1970" (pièce n°46), que [Z] et [I] 'ont bien travaillé dans l'exploitation maraîchère que tenaient leurs parents ([Z] et [U] [Y]) située au [Adresse 1] à [Localité 9] de 1965 à 1968" (pièce n°47).

Leur frère [W] [Y], né en 1958, qui ne s'est pas joint à l'appel principal formé par leur frère [L] et ses nièces et est donc réputé s'approprier les motifs du premier juge, atteste également que '[I] et [Z] ont bien travaillé sur l'exploitation maraîchère tenue par mes parents située au [Adresse 1] à [Localité 9], dans les années 63/70. Ces informations et affirmations me viennent de mes parents qui me rappelaient souvent que si mes frères [K], [L] et moi-même avions pu faire des études, c'était du fait que [I] et [Z] avaient travaillé dans les champs dès l'âge de 14 ans.'

Mme [G]-[V] confirme quant à elle que 'Mme et M. [Y]-[Localité 18] étaient bien maraîchers à [Localité 9], [Adresse 1] dans les années 1950/1970 et cultivaient dans les années 60/70 et avoir constaté que [Z] et [I] [Y] ont travaillé avec leurs parents (...) sur des terres sous-louées par mes parents [M] et [X] [V] jusqu'à leur départ de la ferme de la Pilaterie, à leur expropriation.'

Il résulte en outre de l'extrait du registre du commerce et des sociétés versé aux débats par les intimés que M. [Z] [Y] père n'a démarré son activité de négociant en fruits et légumes que le 1er janvier 1971 et qu'il l'a poursuivie jusqu'au 11 mars 1988, date de sa cessation complète d'activité.

L'ensemble de ces éléments permet de confirmer l'analyse du premier juge selon laquelle était suffisamment établie l'existence d'une exploitation agricole dédiée à la culture maraîchère, exploitation menée conjointement par les deux parents des demandeurs, dans les années 1960 à [Localité 9].

La cour y ajoute que la taille modeste de l'exploitation, non contestée par les intimés, est sans incidence sur la qualification d'exploitant agricole de M. [Z] [Y] père et qu'il n'est pas besoin d'établir le caractère principal ou secondaire de cette activité par rapport à l'activité de négoce en légumes de celui-ci - laquelle a, au demeurant, démarré postérieurement à la période d'activité revendiquée pour la fixation des créances de salaires différés, ce que ne viennent pas contredire les attestations versées par les appelants, insuffisamment précises dans leur datation des faits relatés, à l'exception de celle de M. [N] [Z], maire de [Localité 9], qui fait état de la double casquette de 'maraîcher/vendeur de fruits et légumes frais' de M. [Z] [Y] père, de 1950 à 1970.

Enfin, alors que M. [Z] [Y] et les ayants-droit de [I] [Y] versent aux débats les justificatifs des ouvertures de leurs comptes courants respectifs au cours de l'année 1972, il n'est pas établi, ni même allégué, par les appelants qu'ils auraient reçu des salaires de leur activité auprès de leurs parents pendant les périodes revendiquées.

Au vu de l'ensemble de ces éléments probants, il apparaît que la réalité de la participation de [Z] et [I] [Y], directement et effectivement, à l'exploitation maraîchère de leurs deux parents, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes, et sans perception d'un salaire, est suffisamment établie. C'est dans ces conditions à juste titre que le premier juge a relevé que la créance dans la succession d'[U] [A] veuve [Y], reconnue co-exploitante, n'encourait pas la prescription quinquennale, cette dernière étant décédée en 2016, et qu'il a fixé les créances de salaire différé de :

- [Z], [M], [R], [Y], né le 9 mai 1945, dans la succession d'[U] [A] épouse [Y], entre le 9 mai 1963 et le 31 octobre 1966 et entre le 1er mars 1968 et le 31 décembre 1968, soit 1547 jours,

- [I] [Y], né le 21 mars 1947, dans la succession de sa mère, entre le 21 mars 1965 et le 31 décembre 1968, soit 1380 jours, lesdites créances devant être liquidées, conformément aux dispositions de l'article L321-13 du code rural et de la pêche maritime, selon la valeur du Smic à la date la plus proche du partage.

Sur les demandes accessoires

Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

De même, en cause d'appel, il convient de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, avec faculté de recouvrement direct au profit des avocats constitués, Me'Vincent Bué et Me Quentin Leclerc-Lemaitre.

Enfin, la nature familiale du litige commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de compte, liquidation et partage, avec faculté de recouvrement direct au profit des avocats constitués, Me Vincent Bué et Me Quentin Leclerc-Lemaitre ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 19/01667
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;19.01667 ?
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