République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 08/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 19/03435 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SNNB
Jugement rendu le 13 mai 2019 par le tribunal d'instance de Lille
APPELANTS
La SAS Solution Eco Energie
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
Maître [J] [M] en qualité de liquidateur judiciaire
de la SAS Solution Eco Energie
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
assignée en reprise d'instance
défaillant, assigné en reprise d'instance le 30 novembre 2021 à personne habilitée
INTIMÉES
Madame [W] [O]
née le 25 juin 1949 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Marilyne Kuzniak, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistée de Me Elise Hocdé, avocat au barreau de Tours, avocat plaidant
La SA Cofidis
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 7]
[Localité 3]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Xavier Helain, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Bruno Poupet magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Bruno Poupet, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Camille Colonna, conseiller
ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juin 2023 après prorogation du délibéré en date du 13 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 décembre 2022
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Le 21 décembre 2015, Mme [W] [O] a commandé auprès de la société Solution éco énergie une prestation de fourniture et d'installation de panneaux photovoltaïques ainsi que d'isolation pour un montant TTC de 19 900 euros.
Suivant offre préalable acceptée le même jour, la société Cofidis lui a consenti un crédit affecté à la réalisation de cette prestation, du même montant.
Par actes d'huissier des 20 et 31 juillet 2018, Madame [O] a fait assigner la société Solution éco énergie et la société Cofidis devant le tribunal d'instance de Lille aux fins de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Par jugement du 13 mai 2019, le tribunal a notamment :
- prononcé la nullité du contrat de vente,
- constaté la nullité du contrat de crédit,
- condamné la société Cofidis à restituer à Madame [O] l'ensemble des sommes versées, à quelque titre que ce soit, en exécution du contrat de crédit,
- ordonné à la société Cofidis de procéder à la radiation de Madame [O] du FICP,
- condamné la société Solution éco énergie à payer à la société Cofidis la somme de 19 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Solution éco énergie aux dépens.
La société Solution éco énergie a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions remises le 19 septembre 2019, demandait à la cour de l'infirmer, de débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes, ainsi que Cofidis par voie de conséquence, et de condamner Mme [O] aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [O], par conclusions remises le18 décembre 2019, demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter la société Cofidis de toute demande de restitution de fonds, de condamner ladite société à restituer les sommes perçues arrêtées à la somme de 9 249 euros (à parfaire) dans le délai d'un mois suivant la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de prononcer la déchéance des intérêts du crédit, de dire que l'installation sera tenue à la disposition de la société appelante ou de son liquidateur durant 3 mois à compter de la décision à intervenir et qu'à défaut de reprise dans ce délai elle sera réputée abandonnée, de condamner la société Cofidis à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, de «'dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions légales, devront être supportées par le défendeur, en plus de l'indemnité mise à sa charge'».
La société Solution éco énergie ayant été placée en liquidation judiciaire le 21 mai 2021, la société Cofidis, par acte du 30 novembre 2021, a assigné en intervention forcée son liquidateur, Me [J] [M], laquelle n'a pas constitué avocat. Il doit néanmoins être tenu compte des conclusions susvisées de la société appelante valablement notifiées alors que celle-ci était in bonis.
Par conclusions notifiées le 08 décembre 2022, la société Cofidis demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la nullité des conventions, - infirmer le jugement sur les conséquences de la nullité des conventions,
- condamner Mme [W] [O] à lui rembourser le capital emprunté d'un montant de 19 900 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
- à titre subsidiaire, si la cour confirmait le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des conventions et dispensait Mme [O] de la rembourser, condamner Me [J] [M] ès qualités de liquidateur de la société Solution Eco Energie à lui payer ladite somme,
- à titre infiniment subsidiaire, si la cour venait à suivre la démonstration de la société Solution Eco Energie, à réformer le jugement en toutes ses dispositions et à débouter «'les emprunteurs'» de toutes leurs demandes, condamner ces derniers à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement,
- en tout état de cause, condamner Mme [W] [O] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le contrat principal
Il n'est pas contesté que ce contrat a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile, régi par les articles L 121-16 à L 121-24 du code de la consommation dans leur rédaction alors en vigueur.
Le bon de commande comporte, conformément aux dispositions en question, un formulaire de rétractation et c'est par une motivation n'appelant pas de critique, que la cour adopte, que le premier juge a constaté que la mention sur ce formulaire d'un délai de rétractation de 14 jours à compter de la commande, contrairement à ce que soutenait et soutient toujours Mme [O], était exacte.
En vertu des articles L 121-17, L 111-1 et L 1112- du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, son prix et, en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.
En l'espèce, le bon de commande porte sur deux opérations que sont d'une part la pose et la fourniture d'un kit complet de panneaux photovoltaïques, d'autre part des travaux d'isolation.
En ce qui concerne la première, le bon de commande mentionne la puissance de l'installation, le nombre de modules, le prix (8 530,80 euros HT, soit 9 000 euros TTC) ainsi que les diverses prestations incluses (fourniture des éléments, installation, démarches administratives, etc.). Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, ni la mention d'un prix global, ni l'absence de précision de la marque dès lors qu'il n'est pas établi qu'il s'agissait d'un élément déterminant pour la cliente, ne constituent des manquements aux dispositions légales susvisées.
En revanche, en ce qui concerne la seconde, désignée par la seule mention «'isolation'» assortie du prix (7 582,93 euros HT soit 8 000 euros TTC), le bon de commande ne répond pas aux exigences susvisées faute de détail des prestations dont il s'agit.
Il y contrevient en outre en s'abstenant de préciser la date ou le délai de l'exécution.
Toutefois, ce bon de commande reproduit au verso l'intégralité des articles susvisés du code de la consommation et, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, cette circonstance a suffisamment mis Mme [O] en mesure de vérifier la conformité du contrat aux dispositions légales et de déceler les irrégularités susceptibles d'entraîner sa nullité. L'acceptation postérieure par la cliente de l'exécution du contrat en ce qui concerne l'installation photovoltaïque et sa dénonciation de l'inexécution du volet «'isolation'» confirment la persistance de son consentement à l'exécution du contrat nonobstant d'éventuelles irrégularités de celui-ci et couvrent la nullité. Le fait que l'isolation n'ait pas été réalisée, dont se prévaut Mme [O] et qu'atteste le procès-verbal de constat d'huissier du 21 octobre 2019 versé aux débats, est une difficulté relative à l'exécution du contrat, non à sa validité.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal.
Sur le contrat de crédit
Aux termes de l'article L 311-32 du code de la consommation alors en vigueur, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
En l'absence, au cas présent, de nullité du contrat principal, le jugement ne peut qu'être également infirmé en ce qu'il a constaté la nullité du contrat de crédit, condamné la société Cofidis à restituer à Madame [O] l'ensemble des sommes versées, à quelque titre que ce soit, en exécution dudit contrat mais aussi en ce qu'il a condamné la société Solution éco énergie à payer à la société Cofidis la somme de 19 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Sur les autres demandes
Si la société Cofidis prétendait, dans l'hypothèse d'une confirmation de la nullité des contrats, à la condamnation de Mme [W] [O] à lui rembourser le capital emprunté d'un montant de 19 900 euros au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, elle demande, dans l'hypothèse contraire, qui est celle que retient la cour, la condamnation de Mme [O] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d'amortissement.
C'est effectivement la poursuite de l'exécution du contrat de crédit qui a lieu d'être mais pas conformément aux stipulations contractuelles retracées dans le tableau d'amortissement.
En effet, Mme [O] excipe de l'ancien article L 311-8 du code de la consommation applicable en l'espèce qui dispose notamment que les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L 311-10 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement ; que l'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L 6353-1 du code du travail établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré.
Si ce texte prévoit la mise à disposition de ce document par l'employeur du démarcheur, l'organisme de crédit lui-même doit naturellement être en mesure de justifier de la formation du démarcheur, ce que la société Cofidis ne fait pas au cas présent nonobstant le moyen soulevé, et il est constant que cette carence entraîne la déchéance du prêteur du droit aux intérêts en application de l'article L 311-48 du code de la consommation tel qu'il existait à la date du contrat considéré en l'espèce.
Il y a donc lieu de juger que Mme [O] n'est tenue qu'au paiement des échéances en capital et assurance, à l'exclusion des intérêts.
Dès lors que la société Cofidis demande la «'poursuite'» de l'exécution du contrat de crédit, sans faire état d'une déchéance du terme, il y a lieu de considérer qu'elle accepte une «'reprise'» de cette exécution si une interruption a eu lieu, sans sanction de Mme [O], de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la société Cofidis de procéder à la radiation de Madame [O] du FICP, disposition dont ladite société ne demande d'ailleurs pas expressément l'infirmation.
Les considérations qui précèdent justifient que chacune des parties conserve la charge des dépens et autres frais par elle exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour
infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a ordonné à la société Cofidis de procéder à la radiation de Madame [O] du FICP et condamné la société Solution éco énergie aux dépens,
déboute Mme [W] [O] de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du contrat conclu avec la société Solution éco énergie et constater la nullité du contrat de crédit conclu avec la société Cofidis ainsi que des demandes de restitution qui en sont la conséquence,
dit que l'exécution du contrat de crédit doit se poursuivre mais que la société Cofidis est déchue du droit aux intérêts, que Mme [O] n'est tenue qu'au paiement des échéances en capital et assurance et que la société Cofidis devra lui remettre un tableau d'amortissement de la somme restant due en capital, déduction faite des intérêts inclus dans les échéances déjà réglées, et assurance,
déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
dit que chacune d'elles conservera la charge des dépens et autres frais par elle exposés en première instance comme en cause d'appel.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Bruno Poupet