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08/06/2023 | FRANCE | N°21/00078

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 08 juin 2023, 21/00078


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 08/06/2023



****





N° de MINUTE :

N° RG 21/00078 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLWX



Jugement (N° 18/02126)

rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer







APPELANTES



Madame [K] [L]

née le 12 février 1961

[Adresse 5]

[Localité 7]



représenté par Me Anne-Sophie C

adart, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

assistée de Me Benjamin Jami, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué à l'audience par Me Cyril Ourseau, avocat au barreau de Paris



La SCI [Adresse...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 08/06/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/00078 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLWX

Jugement (N° 18/02126)

rendu le 1er décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

APPELANTES

Madame [K] [L]

née le 12 février 1961

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

assistée de Me Benjamin Jami, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué à l'audience par Me Cyril Ourseau, avocat au barreau de Paris

La SCI [Adresse 2]

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Deny Rosen, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [B] [D]

né le 24 mars 1972 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 6]

La SARL Prima

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 10]

[Localité 6]

représentés par Me Alexandre Corrotte, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

assistés de Me Eric Métais, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

La SAS EV MMC France

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Hanan Chaoui, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

DÉBATS à l'audience publique du 06 mars 2023 après rapport oral de l'affaire par Céline Miller. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juin 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 février 2023

****

Par acte sous seing privé en date du 1er juin 2016, la SCI [Adresse 2] (ci-après, 'la société [Adresse 11]') a consenti à la SAS EV MMC France (ci-après, 'la société EV MMC') un mandat simple de vente portant sur quatre résidences de luxe au sein du domaine situé [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 7] dont, notamment, le lot B2 présentant une surface privative de 347,9 m2, un jardin de 58 m2, au 1er et 2ème sous-sol, 109,5 m2 et quatre parkings, pour un prix total de 10 920 000 euros, soit un prix net vendeur de 10 400 000 euros.

Le 26 octobre 2016, M. [B] [D] et son épouse ont visité ce lot par l'intermédiaire de la SAS EV MMC France.

Après avoir formulé successivement deux offres qui n'ont pas été acceptées par la société venderesse en raison de l'insuffisance du prix proposé, M. [D] a indiqué le 26 novembre 2016, puis le 18 janvier 2017, ne plus être intéressé par le projet.

La vente du lot B2 a cependant été conclue le 30 mars 2017 avec la Sarl Prima (ci-après, 'la société Prima'), constituée le 1er février 2017, et dont le gérant est M. [D], moyennant un prix de 10 200 000 euros nets vendeur, après mise en relation des parties par la société Sofincal à laquelle M. [D] avait confié un mandat de recherche.

C'est ainsi que par courrier en date du 9 octobre 2017, la société EV MMC a mis en demeure M.'[D] de lui payer sa commission, puis que par acte d'huissier en date du 24 avril 2018, elle l'a fait assigner, ainsi que la société Prima, devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer aux fins d'obtenir, notamment, leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 510'000 euros TTC correspondant à la commission due en vertu du mandat du 1er juin 2016, ainsi que les intérêts de retard sur cette somme à compter du 9 octobre 2017, date de la première mise en demeure et la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier en date du 18 juillet 2018, M. [D] et la société Prima ont fait assigner en intervention forcée la SCI [Adresse 2] devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer aux fins d'obtenir, notamment, la condamnation de cette dernière à les garantir des condamnations pouvant être prononcées à leur encontre au profit de la société EV MMC France.

La jonction des procédures a été ordonnée le 30 novembre 2018.

Par jugement en date du 1er décembre 2020, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [K] [L], ex agente commerciale de la société EV MMC,

- rejeté la demande tendant à mettre M. [D] hors de cause,

- débouté la société EV MMC de ses demandes en paiement de la somme de 510 000 euros, de la clause pénale et de dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros formulées à l'encontre de M. [D] et de la société Prima ;

- condamné la société [Adresse 11] à payer à la société EV MMC la somme de 510 000 euros au titre de la clause pénale insérée au mandat du 1er juin 2006 et l'a déboutée de ses demandes de garantie formées à l'encontre de M. [D] et de la société Prima et de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- débouté Mme [L] de ses demandes en paiement de commission, de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et en réparation d'une perte de chance, formulées à l'encontre de la société EV MMC, de sa demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de M. [D] et de sa demande d'indemnité compensatrice formulée à l'encontre de la société [Adresse 11] ;

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

- les a déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile - rejeté la demande tenant au prononcé de l'exécution provisoire.

La société [Adresse 11] a interjeté appel de ce jugement par déclaration enregistrée le 29 décembre 2020.

Par déclaration séparée enregistrée le 12 janvier 2021, Mme [K] [L] a également interjeté appel du jugement en ce que celui-ci l'a déboutée de ses demandes.

La jonction des procédures a été ordonnée le 31 mars 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 22 septembre 2021, la SCI [Adresse 2] demande à la cour, au visa de l'article 55 de l'acte de vente du 30 mars 2017, des articles 1102, 1103, 1104 et 1188 du code civil, de l'article 1199 du même code, de l'article 1240 du même code et des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :

- l'a condamnée à payer à la SAS EV MMC France la somme de 510 000 euros au titre de la clause pénale insérée au mandat du 1er juin 2016 ;

- a débouté la société EV MMC de ses demandes en paiement formées à l'encontre de M. [D] et de la société Prima ;

- l'a déboutée de sa demande de garantie formée à l'encontre de M. [D] et la société Prima et de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

De confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande d'indemnité compensatrice formulée à son encontre,

Statuant de nouveau, de :

- débouter la société EV MMC de sa demande de dommages et intérêts formée à son encontre sur le fondement de la clause pénale visée au mandat n° 74 du 1er juin 2016, et du reste de ses demandes ;

- subsidiairement, réduire à de plus justes proportions cette indemnité sur le fondement de l'article 1231-5 du code civil,

- condamner solidairement M. [D] et la société Prima à réparer le préjudice de l'agence Engel & Volkers (société EV MMC France) sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

- les condamner à la garantir solidairement de toute condamnation prononcée à son encontre en faveur de l'agence Engel & Volkers,

- prendre acte que Mme [L] ne formule aucune demande à son encontre et, en tant que de besoin, débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,

- condamner solidairement M. [D] et la société Prima à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux dépens.

Elle expose qu'elle avait consenti un mandat non exclusif de vente à la SAS EV MMC France, qui a fait visiter le lot le bien litigieux à M. et Mme [D] le 26 octobre 2016 ; qu'elle a rejeté les propositions d'achat qui lui ont adressées par M. [D] les 6 et 16 novembre 2016 par l'intermédiaire de l'agence immobilière en raison d'un prix insuffisant (8 et 9 millions d'euros), très inférieur au prix qu'elle demandait initialement (10 400 000 euros net vendeur), conformément au mandat de vente ; qu'elle avait fait savoir à M. [D], par l'intermédiaire de l'agence, qu'elle n'accepterait aucune offre en deçà de 10 200 000 euros net vendeur, la commission de l'agence d'un montant de 510 000 euros TTC restant à la charge de l'acquéreur'; que M. [D] s'est alors rapproché de l'agence Sofincal à laquelle il a confié un mandat de recherche le 16 novembre 2016 ; que la vente est finalement intervenue le 30 mars 2017 au profit de la SARL Prima, dont le gérant est M. [D], moyennant un prix de 10 200 000 euros net vendeur en sus duquel l'acquéreur a payé une commission de 122 400 euros à l'agence Sofincal'; que n'ignorant pas que M. [D] avait précédemment visité le bien vendu par l'intermédiaire de la SAS EV MMC et afin de ne pas se mettre en infraction avec les termes du mandat n° 74 conclu avec cette agence, elle a fait insérer par le notaire dans l'acte de vente une clause 'négociation' rappelant l'existence du mandat et le fait que le montant de la commission, si celle-ci était due, devait être acquittée par l'acquéreur.

Elle fait valoir à titre principal qu'il y a lieu de condamner M. [D] et la SARL Prima, et non elle-même, à payer les sommes éventuellement dues à l'agence immobilière sur le fondement de l'article 1240 du code civil, dès lors que M. [D] a mis en oeuvre un véritable procédé frauduleux pour éluder le paiement d'une commission qu'il savait due à l'agence en faisant croire qu'il n'était plus intéressé par la vente, puis en créant une société pour acheter l'immeuble par l'intermédiaire d'une autre agence dont la commission était moindre.

Subsidiairement, elle sollicite la condamnation de M. [D] et de la Sarl Prima à la garantir de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre sur le fondement de la clause 'article 55, négociation de l'acte de vente' insérée dans l'acte de vente, faisant état de l'existence du mandat et les obligeant à garantir les conséquences financières de la mise en oeuvre de la clause pénale par l'agence immobilière.

Elle fait valoir par ailleurs que l'agence immobilière ne justifie pas d'un préjudice à concurrence de 510 000 euros et qu'il convient de réduire sa demande à de plus justes proportions ; que M.'[D] et la SARL Prima ont fait preuve d'une particulière mauvaise foi dans le cadre de l'appel en garantie ; que c'est à juste titre que le tribunal a écarté les demandes de Mme [K] [L], dès lors, d'une part, que celle-ci n'est pas partie au mandat de vente conclu entre l'agence et le vendeur et ne peut donc invoquer à son profit la clause pénale insérée dans le contrat, et que d'autre part, le vendeur n'est pas partie au contrat d'agent commercial liant Mme [L] à l'agence immobilière'; qu'en tout état de cause, celle-ci ne formule pas de demande à son encontre en appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 21 mars 2022, Mme [K] [L] demande à la cour, au visa de l'article L. 134-7 du code de commerce, des articles 31, 328 et 329 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société EV MMC et de la société [Adresse 11] et a laissé à chaque partie la charge de ses dépens et, statuant de nouveau, de':

- A titre principal, condamner la société EV MMC à lui payer la somme de 145 031 euros à titre de commission pour entrée du mandat, à défaut, de la condamner à lui payer cette somme à titre de dommages et intérêts,

- A titre subsidiaire, de condamner M. [D] à lui payer la somme de 145 031 euros au titre de 'leur' (sic) responsabilité délictuelle, et à titre infiniment subsidiaire, au titre de sa perte de chance de percevoir sa commission.

- En tout état de cause, condamner la société EV MMC, M. [D] et la société Prima à lui payer la somme de 4 000 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle fait essentiellement valoir qu'elle a conclu avec la société EV MMC France, le 29 décembre 2015, un contrat d'agent commercial en immobilier ; que moins de six mois après, soit le 1er juin 2016, la société EV MCC a conclu un mandat de vente simple n° 74 avec la SCI [Adresse 2], démarchée par ses soins, portant sur 4 résidences de luxe au sein du domaine sis [Adresse 2] et [Adresse 4] à [Localité 7] (lots B2, B3, C2, D et E) ; que le 26 juillet 2016, elle a été informée par la société EV MMC France de la résiliation de son contrat d'agent commercial en immobilier prenant effet au 29 août 2016 ; que le 26 octobre 2016, M. [D] a visité le lot B2 mis en vente au prix net vendeur de 10 400 000 euros ; qu'après avoir à plusieurs reprises manifesté son intention de se porter acquéreur du bien, il a informé la société EV MMC, par courriel du 18 janvier 2017, de sa prétendue volonté de renoncer à la vente ; qu'une promesse de vente a cependant été signée le 23 décembre 2016 entre la société Prima créée à cet effet par M. [D] et la SCI [Adresse 2], soit à peine plus de quatre mois après la cessation de son activité d'agent commercial ; que la vente est intervenue le 30 mars 2017 ; que les tentatives de la société EV MMC pour obtenir le paiement de sa commission auprès de M. [D] sont restées infructueuses.

Elle soutient qu'en application de l'article L134-7 du code de commerce et de son contrat d'agent commercial et dès lors qu'elle justifie avoir procédé à l'entrée du mandat ayant conduit à la vente du bien et ce, dans un délai raisonnable après la cessation de son activité d'agent commercial, elle est bien fondée à solliciter le paiement de sa commission au titre de l'entrée du mandat ou, à défaut, de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant du non-paiement de sa commission.

Elle ajoute qu'à titre subsidiaire, M. [D] doit être condamné à lui payer des dommages et intérêts sur un fondement délictuel en réparation du préjudice qui lui a été occasionné en raison de ses manoeuvres frauduleuses lui ayant permis d'échapper au paiement de la commission ou, à titre infiniment subsidiaire, en réparation de sa perte de chance de percevoir sa commission d'agent commercial.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 mars 2022, la SAS EV MMC France demande à la cour, au visa de l'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, des articles 1240 et 1231-6 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

- condamné la société [Adresse 11] à lui régler la somme de 510 000 euros TTC au titre de la clause pénale insérée dans le mandat signé le 1er juin 2016, avec intérêt au taux légal à compter de la date du jugement rendu en première instance ;

- débouté Mme [L] de l'ensemble de ses demandes ;

Mais d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande tendant à obtenir la condamnation solidaire de M. [D] et de la société Prima au paiement des sommes de 510'000 euros et de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant de nouveau, de :

- condamner solidairement la SCI [Adresse 2], M. [D] et la société Prima à lui régler la somme de 510 000 euros TTC correspondant à la commission due en vertu du mandat signé le 1er juin 2016, avec intérêt au taux légal à compter du jugement entrepris, cette condamnation étant prononcée :

- en application de la clause pénale insérée dans le contrat de mandat n°74 du 1er juin 2016 pour la société [Adresse 11] ;

- sur le fondement de l'article 1240 du code civil pour M. [D] et la société Prima ;

- condamner solidairement M. [D] et la société Prima à lui régler la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- débouter la société [Adresse 11] de sa demande de réduction de la clause pénale ;

- débouter Mme [L] de ses demandes formées à son encontre ;

- condamner solidairement Mme [L], M. [D], la société Prima et la société [Adresse 11] à lui régler la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Elle fait essentiellement valoir que M. [D], qui avait visité le bien immobilier par son intermédiaire et avait indiqué n'être plus intéressé par son acquisition, l'a en réalité acheté au moyen de la société Prima qu'il venait de créer et dont il était le gérant ; que l'acte de vente rappelait l'existence du mandat de vente et le montant de la commission qui lui était due ; que c'est de mauvaise foi que M. [D], lorsque la société Prima a été mise en demeure de régler la commission, a prétendu qu'il avait négocié et obtenu la vente au prix de 10 200 000 euros net vendeur par l'intermédiaire de la société Sofincal.

Elle fait valoir que sa demande est basée sur le mandat de vente conclu le 1er juin 2016 avec la société SCI [Adresse 2], lequel comporte une clause pénale dont la nature est forfaitaire, le débiteur étant tenu de verser la somme convenue et non à réparer le préjudice effectivement subi, seul le caractère manifestement excessif du montant convenu autorisant sa révision par le juge à titre exceptionnel. Elle ajoute que cette somme étant soumise à la TVA dès lors qu'elle a un lien direct avec la prestation de service rendue, il convient de retenir le montant TTC de l'indemnité convenue.

Sollicitant la condamnation solidaire de M. [D] et de la société Prima à lui régler cette somme, elle fait valoir qu'elle a mis en relation le vendeur et l'acquéreur ; qu'elle a communiqué à M. [D] le prix de 10 200 000 euros net vendeur en dessous duquel le vendeur ne souhaitait pas descendre et pour lequel la vente a finalement été conclue avec une autre agence ; que M. [D] et la société Prima ne sauraient éluder la commission en arguant d'un prétendu budget de 10'400'000 euros, frais de négociation inclus, au dessus duquel ils ne pouvaient conclure la vente'; que le mandat de recherche confié à la société Sofincal le 2 novembre 2016, alors que la société Prima n'a débuté son activité qu'à compter du 1er février 2017 et a été immatriculée le 23 mars 2017, témoigne de leur mauvaise foi ; qu'en réalité, alors que M. [D] avait signé un bon de visite le 26 octobre 2016 par lequel il s'interdisait de traiter directement ou indirectement avec le vendeur, lui et la société Prima se sont rapprochés de la société 140 [Adresse 11] afin de conclure la vente entre eux et de l'évincer ; qu'en ne respectant pas leurs propres obligations découlant du bon de visite et en se rendant complices de la violation du mandat par le vendeur, M. [D] et la société Prima ont engagé leur responsabilité délictuelle.

Sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes à son encontre, la société EV MMC France fait valoir que l'opération ayant abouti à la vente du lot B2 n'est pas principalement due à l'activité de l'agent commercial [K] [L]'; que la vente en question n'étant pas intervenue dans un 'délai raisonnable' à compter de la cessation du contrat de Mme [L], celle-ci n'est pas fondée à solliciter le bénéfice du droit de suite ; qu'à titre infiniment subsidiaire, le quantum de ses demandes doit être minoré. S'agissant de la demande de dommages et intérêts formulée par Mme [L], la société EV MMC France souligne que celle-ci ne précise pas quelle faute elle lui reproche.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 mars 2022, M. [D] et la société Prima demandent à la cour, au visa de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, des articles 1142, 1152, 1199, 1240 et 1310 du code civil, et des articles 31 et 32 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a laissé à chaque partie la charge de ses dépens et débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire, de :

- déclarer, in limine litis, la société [Adresse 11] irrecevable pour défaut d'intérêt à agir en ce qu'elle sollicite leur condamnation solidaire à réparer le préjudice de l'agence Engel & Volkers (société EV MMC) sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- débouter la société [Adresse 11], Mme [L] et la société EV MMC de l'ensemble de leurs demandes formulées à leur encontre,

- En tout état de cause, condamner la société [Adresse 11], Mme [L] et la société EVMMC à leur payer la somme de 15 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les condamner solidairement aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Corrotte.

Ils font tout d'abord valoir que la SCI [Adresse 2] est irrecevable faute d'intérêt à agir, pour solliciter leur condamnation au profit de la société EV MMC sur le fondement de l'article 1240 du code civil, seule la société EV MMC pouvant, le cas échéant solliciter une telle demande.

Ils soutiennent par ailleurs que la commission de la société EV MMC n'est pas due par M. [D] et la société Prima dans la mesure où, d'une part la société Prima a fait l'acquisition du bien par l'intermédiaire d'un autre agent immobilier, d'autre part le mandat de vente oblige uniquement la SCI [Adresse 2] envers la société EV MMC, et enfin, c'est la société [Adresse 2] qui a manqué à ses obligations envers la société EV MMC, de sorte que seule la SCI [Adresse 2] est redevable de la clause pénale stipulée dans le mandat de vente ; ils ne sauraient en conséquence être condamnés à garantir la SCI [Adresse 2] de sa condamnation au titre de la clause pénale du contrat de mandat auquel ils ne sont pas parties.

Ils ajoutent que les conditions pour engager leur responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil ne sont pas remplies ; que la SCI [Adresse 2] procède à une présentation mensongère des faits pour tenter de démontrer l'existence d'une prétendue stratégie frauduleuse de M. [D] alors que celui-ci a toujours eu l'intention de créer une société pour acquérir le bien et qu'il n'a jamais été question pour lui d'acheter le bien en propre ; que les négociations avec la société EV MMC n'ont pas abouti en raison du refus de celle-ci de négocier sa commission d'agence pour respecter l'enveloppe maximale de 10 400 000 euros frais d'agence inclus que M.'[D] et la société Prima s'étaient fixés ; que rien ne forçait la SCI [Adresse 2] de contracter avec la société Prima mais qu'elle a décidé, en toute connaissance de cause, de privilégier ses intérêts économiques.

Ils font valoir que les demandes de dommages intérêts pour procédure abusive de la SCI [Adresse 2] et de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1240 du code civil des sociétés EV MMC et SCI [Adresse 2] ne sont pas fondées ; que la demande de Mme [L] tendant à la condamnation de M. [D] à lui payer la somme de 145'031 euros au titre de sa responsabilité délictuelle et, subsidiairement, de sa perte de chance de percevoir sa commission, correspondant à la commission d'agence qu'elle aurait du percevoir, n'est pas fondée dès lors que le contrat d'agent commercial sur lequel elle fonde ses demandes a été résilié, par application des stipulations contractuelles, pour défaut d'immatriculation, et que ses demandes indemnitaires sont infondées en l'absence de preuve d'une faute de leur part.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Liminaire

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Le jugement déféré n'étant pas contesté en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [K] [L] et rejeté la demande tendant à mettre M. [B] [D] hors de cause, ces dispositions, définitives, ne seront pas évoquées.

Par ailleurs, il sera observé que si Mme [K] [L] sollicite l'infirmation de la décision entreprise en ce que celle-ci l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SCI [Adresse 2], elle ne formule aucune demande subséquente à ce titre et n'articule aucun moyen au soutien de sa demande d'infirmation, de sorte que le chef contesté sera purement et simplement confirmé.

I- Sur la recevabilité de la demande formée par la SCI [Adresse 2] tendant à la réparation par M. [D] et la Sarl Prima du préjudice de la société EV MMC

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 30 dudit code dispose que l'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée.

L'article 31 ajoute que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Et l'article 32 précise qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

La société [Adresse 2] doit être déclarée irrecevable, faute de qualité à agir, pour demander la réparation par M. [D] et la Sarl Prima du préjudice subi par la société EV MMC France, laquelle a seule qualité pour formuler une telle demande.

II- Sur les demandes de la société EV MMC France

2.1- Sur le fondement de la clause pénale figurant dans le contrat de mandat conclu avec la société [Adresse 2]

A titre liminaire, il convient de préciser que les dispositions du code civil applicables aux relations entre la société EV MMC France et la société [Adresse 2] dans le cadre du contrat de mandat régularisé le 1er juin 2016 sont celles antérieures à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

En vertu de l'article 1142 ancien du code civil, toute obligation de faire ou de ne pas faire se résoud en dommages et intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur.

L'article 1152 ancien dudit code dispose par ailleurs que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Il résulte du contrat de mandat régularisé le 1er juin 2016 entre la société [Adresse 2] et la société EV MMC France que la première a confié à la seconde un mandat non exclusif de vente pour une durée initiale de trois mois renouvelable tacitement pour une durée maximale de neuf mois supplémentaires, le mandant s'interdisant de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant visité des biens par l'intermédiaire du mandataire, pendant la période de validité du mandat et jusqu'à six mois après l'expiration de celui-ci.

Il est prévu que la rémunération du mandataire, en cas de réalisation de la vente d'un ou de plusieurs biens, sera de 5% TTC pour chaque bien vendu, calculée sur le prix net vendeur, à la charge de l'acquéreur ; que cette rémunération sera exigible le jour où l'opération, consistant en la vente d'un bien décrit au mandat, sera effectivement conclue par acte authentique ; qu'en cas d'exercice d'un droit de substitution ou de préemption, la rémunération stipulée restera due par l'acquéreur ou, à défaut, par le mandant.

Le contrat comporte une clause pénale, laquelle stipule que 'le mandant s'engage expressément à verser au mandataire, en vertu des articles 1142 et 1152 du code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire, à titre de clause pénale, égale au montant de la rémunération toutes taxes comprises du mandataire prévue au présent mandat en cas de conclusion de la vente du bien faisant l'objet du présent mandat, y compris pendant un délai de six mois après l'expiration du présent mandat, avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui pendant la durée du mandat.'

Il n'est pas contesté que M. [B] [D] a visité le lot B2 de l'ensemble immobilier objet du mandat avec son épouse, par l'intermédiaire de la société EV MMC, le 26 octobre 2016, cette visite ayant fait l'objet d'un bon de visite qu'il a signé, ce document permettant à l'agence immobilière de rapporter à son client la preuve de ses diligences et de se constituer la preuve de l'origine du client à l'égard du vendeur.

Il est par ailleurs constant qu'après avoir transmis deux propositions d'achat par l'intermédiaire de la société EV MMC, lesquelles ont été refusées comme étant insuffisantes, et avoir tenté vainement de négocier le montant de la commission d'agence, M. [D] s'est finalement adressé à une autre agence, la société Sofincal conseil, à laquelle il a confié un mandat de recherche, et par l'entremise de laquelle il a finalement conclu une promesse de vente, le 23 décembre 2016, en son nom propre, mais avec une clause prévoyant la faculté, pour le bénéficiaire de la promesse, de se substituer toute personne morale de son choix dont le capital serait contrôlé par lui.

Si la vente a finalement été conclue le 30 mars 2017 avec la Sarl Prima, créée entre temps et gérée par M. [D], la société [Adresse 2] ne peut donc avoir ignoré, dès le 23 décembre 2016, que l'acquéreur avec lequel elle contractait lui avait été présenté pour la première fois par la société EV MMC.

C'est d'ailleurs manifestement à cette fin qu'elle a fait insérer, dans l'acte authentique de vente, une clause n°55 intitulée 'négociation', aux termes de laquelle :

'Les parties déclarent qu'un mandat numéro 74 en date du 1er juin 2016 a été donné par le promettant à l'agence Engel & Volkers - EV MMC France à [Adresse 3]. L'acquéreur qui en a seul la charge aux termes du mandat, s'oblige à l'acquitter, pour autant qu'elle soit due cette agence ; il déclare avoir reçu une copie de ce mandat. Etant ici précisé que le montant de la commission, si elle est due, sera acquittée par l'acquéreur à l'agence en sus du prix indiqué ci-dessus.'

Or les termes hypothétiques et ambigüs de cette clause ne pouvaient engager contractuellement l'acquéreur, non partie au contrat de mandat, à payer une commission à la société EV MMC, non partie au contrat de vente, étant précisé que le bon de visite ne saurait pas plus engager contractuellement l'acquéreur à payer une telle commission.

Dès lors, en contractant en toute connaissance de cause, même indirectement, par l'intermédiaire d'une autre agence, avec un acquéreur qui lui avait été présenté pour la première fois par la société EV MMC mandataire, la société [Adresse 2] mandante a manqué à ses obligations contractuelles et c'est à juste titre que le premier juge a fait application de la clause pénale stipulée dans le contrat de mandat.

Compte tenu du montant total de la vente réalisée (10 200 000 euros), le montant forfaitaire de cette clause pénale, 'égale au montant de la rémunération toutes taxes comprises du mandataire', n'apparaît pas manifestement excessif, de sorte que la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamné la SCI [Adresse 2] à payer à la société EV MMC France la somme de 510'000 euros au titre de la clause pénale insérée au mandat du 1er juin 2016.

2.2- Sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour M. [D] et la Sarl Prima

Aux termes de l'article 1382 du code civil, devenu l'article 1240 du même code depuis le 1er octobre 2016, tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'agence immobilière se prévaut de la signature par M. [D] d'un « bon de visite'», intitulé au cas présent « reconnaissance d'indications et de visites'», comportant des informations sur l'immeuble en question et d'autres biens qui lui étaient présentés, et mentionnant son engagement a':

- ne communiquer à personne les renseignements qui lui sont donnés à titre personnel,

- informer de sa visite toute personne qui pourrait à l'avenir lui présenter les mêmes biens,

- s'interdire toute entente avec le vendeur ayant pour conséquence d'évincer l'agence lors de la vente de l'une ou l'autre des affaires considérées.

Par le même document, l'acquéreur potentiel déclare être informé qu'à défaut du respect de ces engagements, le bon de visite pourra constituer une présomption de preuve de la diligence du cabinet et de l'origine du client à l'égard du vendeur afin que le professionnel de l'immobilier fasse valoir ses droits à commission.

Elle fait valoir qu'en faisant mine de se désintéresser de la vente après avoir transmis par son intermédiaire deux propositions qui avaient été refusées par le vendeur, puis avoir obtenu de sa part l'information du prix plancher net vendeur auquel celui-ci était prêt à contracter, M. [D] et la société Prima ont commis des manoeuvres frauduleuses en confiant un mandat de recherche à une autre agence immobilière et en contractant la vente par l'intermédiaire de celle-ci moyennant une moindre commission d'agence.

Cependant, outre le fait qu'un bon de visite, qui a pour intérêt essentiel de permettre au mandataire de justifier de son activité auprès de son mandant et à ce dernier de vérifier les diligences de son mandataire, ne constitue ni un mandat de recherche ni même un contrat conclu entre le professionnel de l'immobilier et l'acquéreur potentiel, de sorte que, quels qu'en soient les termes, il ne saurait engager la responsabilité contractuelle de ce dernier, l'acquéreur n'est pas davantage susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle en cas de vente conclue directement ou par l'intermédiaire d'une autre agence avec un vendeur n'ayant pas donné de mandat exclusif de vente, dès lors que le seul fait d'agir dans le sens exclusif de ses propres intérêts ne suffit pas à caractériser une faute ou une fraude aux droits d'un tiers, rien n'interdisant à l'acquéreur d'entrer en contact avec le mandant par l'intermédiaire d'une autre agence, serait-ce dans le but de payer un prix moindre, notamment du fait d'une commission d'agence réduite.

En l'espèce, M. [D], qui avait tenté d'obtenir une diminution de la commission d'agence demandée par la société EV MMC, n'a pas commis de manoeuvres frauduleuses en s'adressant à une autre agence dès lors qu'il n'a pas dissimulé son identité et qu'il a d'ailleurs signé la promesse de vente en son nom propre, se réservant expressément la possibilité de se substituer une personne morale. Il n'est pas plus caractérisé de collusion frauduleuse avec le vendeur afin d'évincer l'agence immobilière, ni des manoeuvres frauduleuses de la part de la société Prima, créée par M. [D] afin de le substituer dans la vente.

Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a débouté la société EV MMC de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de M. [D] et de la Sarl Prima, sur un fondement délictuel, que ce soit en réparation de la perte de sa commission, solidairement avec le vendeur, ou en réparation du préjudice financier spécifique qu'elle aurait subi du fait du défaut de paiement spontané de la commission.

III- Sur la demande de garantie présentée par la SCI [Adresse 2] à l'encontre de M. [D] et de la Sarl Prima

C'est par des motifs parfaitement pertinents, que la cour adopte, que le premier juge, après avoir énoncé qu'à supposer la faute et les manoeuvres délictuelles de M. [D] établies, il n'en demeurait pas moins que la SCI [Adresse 2] n'était pas fondée à solliciter sa garantie, ou même celle de la Sarl Prima, alors que son préjudice résultant de sa condamnation au titre de la clause pénale était la conséquence d'une faute contractuelle qu'elle avait elle-même commis en toute connaissance de cause, ayant eu toute latitude pour refuser de signer l'acte de vente dès lors que l'agence immobilière n'était pas avertie de la transaction, a estimé que le lien entre la faute de M. [D] et de la Sarl Prima et le préjudice subi par la SCI [Adresse 2], lequel découlait immédiatement de son manquement contractuel, n'était pas démontré, et a en conséquence rejeté la demande de garantie.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée sur ce point.

IV- Sur les demandes de Mme [K] [L], ex agent commerciale de la société EV MMC

4-1. Formées à l'encontre de la société EV MMC

* Sur la demande en paiement d'une commission

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans son ancienne rédaction applicable aux relations contractuelles entre Mme [L] et la société EV MMC, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

L'article L134-1 du code de commerce dispose que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale et s'immatricule, sur sa déclaration, au registre spécial des agents commerciaux.

L'article L134-7 du code de commerce ajoute que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque, dans les conditions prévues à l'article L. 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

L'article L134-8 précise que l'agent commercial n'a pas droit à la commission prévue à l'article L. 134-6 si celle-ci est due, en vertu de l'article L. 134-7, à l'agent commercial précédent, à moins que les circonstances rendent équitable de partager la commission entre les agents commerciaux.

En l'espèce, la société EV MMC et Mme [K] [L] étaient liés par un contrat d'agent commercial régularisé le 29 décembre 2015, comportant une clause relative à la rémunération de l'agent aux termes de laquelle celui-ci perçoit un pourcentage des honoraires d'agence hors taxe effectivement perçus par la société sur toutes les affaires réalisées par son intermédiaire, comprenant un taux de commission au titre de l'entrée du mandat et un taux de commission au titre de la réalisation de la transaction, c'est à dire la présentation de l'acquéreur par l'agent commercial et le suivi et l'assistance jusqu'à la signature de l'acte authentique chez le notaire, les commissions n'étant acquises qu'après la conclusion définitive de l'affaire, c'est à dire après la signature de l'acte authentique et une fois que l'agence a encaissé les honoraires, étant précisé que le fait d''entrer' un mandat ne peut donner lieu à aucune rémunération tant que le bien n'a pas été vendu.

Ce contrat a pris fin le 29 août 2016, après un courrier recommandé adressé à Mme [L] le 29 juillet 2016.

Il n'est pas contesté que le mandat de vente conclu le 1er juin 2016 entre la société EV MMC et la SCI [Adresse 2] l'a été suite à un démarchage effectué par Mme [L].

Cependant, c'est à juste titre que le premier juge a constaté que si Mme [L] avait participé à l'entrée du mandat confié à la société EV MMC, elle ne démontrait pas que son activité soit, à titre principal, à l'origine de l'aboutissement de la vente entre la SCI [Adresse 2] et la Sarl Prima, dès lors qu'il n'était justifié d'aucun contact de Mme [L] avec M. [D] dont les visites des différents lots objets du mandat avaient été effectuées le 26 octobre 2016, soit postérieurement à la fin du contrat d'agent commercial de celle-ci, et les négociations étant intervenues à compter de cette date entre celui-ci et deux autres agents commerciaux de la société EV MMC.

Il convient en outre de relever, à l'instar du premier juge, que la vente a finalement été conclue sans l'intervention de la société EV MMC, laquelle n'a pas obtenu le paiement de sa commission, mais seulement l'indemnisation du préjudice causé par le manquement contractuel de la société [Adresse 2] dans le cadre du contrat de mandat.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin de caractériser le caractère raisonnable ou non du délai intervenu entre la fin du contrat de Mme [L] le 29 août 2016 et la signature de la promesse de vente le 23 décembre 2016, il apparaît que les conditions ne sont pas réunies pour que celle-ci puisse prétendre au paiement d'une commission, même réduite compte tenu de sa seule participation à l'entrée du mandat, au titre de son droit de suite.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déboutée Mme [L] de sa demande à ce titre.

* Sur la demande de dommages et intérêts

Si Mme [L] sollicite, à défaut de commission, la condamnation de la société EV MMC France à lui payer la somme de 145 031 euros à titre de dommages et intérêts, elle ne précise pas le fondement juridique de cette prétention qu'elle ne détaille pas dans son argumentation et dont elle ne pourra, en conséquence, qu'être déboutée, en application de l'article 954 du code de procédure civile.

La décision entreprise sera donc également confirmée sur ce point.

4-2. Formées à l'encontre de M. [D]

A titre subsidiaire, Mme [L] sollicite la condamnation de M. [D] à lui payer, sur un fondement délictuel, des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle aurait subi du fait des manoeuvres frauduleuses de celui-ci lui ayant permis d'échapper au paiement de la commission.

Cependant, ainsi qu'il a été développé plus haut, les manoeuvres frauduleuses de M. [D] ne sont pas caractérisées, de sorte que Mme [L] doit être également déboutée de cette demande, de même que de sa demande au titre de sa 'perte de chance de percevoir une commission', dont le fondement juridique, bien que non précisé par l'appelante, est manifestement la responsabilité délictuelle.

V- Sur la demande de dommages et intérêt pour procédure abusive formée par la SCI [Adresse 2] à l'encontre de M. [D] et de la société Prima

Il résulte des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, qu'une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s'être défendue que si l'exercice de son droit a dégénéré en abus. L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'étant pas, en soi, constitutive d'une faute, l'abus ne peut se déduire du seul rejet des prétentions par le tribunal.

En l'espèce, aucun élément au dossier ne permet de caractériser un comportement des intimés ayant dégénéré en abus, de sorte qu'il y a lieu de débouter la SCI [Adresse 2] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

VI- Sur les demandes accessoires

La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a laissé aux parties la charge de leurs propres dépens et en ce qu'elle les a déboutés de leurs demandes respectives formulées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI [Adresse 2] et Mme [L], qui succombent en leurs appels respectifs, seront condamnées chacune aux dépens de de première instance et d'appel.

Il convient par ailleurs de condamner in solidum la SCI [Adresse 2], la SAS EV MMC France et Mme [K] [L] à payer à M. [B] [D] et à la Sarl Prima, ensemble, la somme de 3'000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

Mme [K] [L] et la SCI [Adresse 2] seront enfin déboutées de leurs demandes respectives sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour

Statuant dans les limites de l'appel,

Déclare la société [Adresse 2] irrecevable en sa demande de réparation par M. [B] [D] et la Sarl Prima du préjudice subi par la société EV MMC France ;

Confirme la décision entreprise, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la SCI [Adresse 2] et Mme [K] [L] in solidum aux dépens de première instance ;

Condamne in solidum la SCI [Adresse 2], la SAS EV MMC France et Mme [K] [L] à payer à M. [B] [D] et à la Sarl Prima, ensemble, la somme de 3'000 euros aux titre de leurs frais irrépétibles de première instance,

Condamne la SCI [Adresse 2] à payer à la SAS EV MMC France la somme de 3 000 euros sur le même fondement ;

Déboute Mme [K] [L] et la SCI [Adresse 2] de leurs demandes respectives sur le même fondement,

Y ajoutant,

Condamne la SCI [Adresse 2] et Mme [K] [L] in solidum aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum la SCI [Adresse 2], la SAS EV MMC France et Mme [K] [L] à payer à M. [B] [D] et à la Sarl Prima, ensemble, la somme de 3'000 euros aux titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la SCI [Adresse 2] à payer à la SAS EV MMC France la somme de 3 000 euros sur le même fondement ;

Déboute Mme [K] [L] et la SCI [Adresse 2] de leurs demandes respectives sur le même fondement.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/00078
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.00078 ?
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