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08/06/2023 | FRANCE | N°21/03338

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 08 juin 2023, 21/03338


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 08/06/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/03338 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWGP



Ordonnance n° RG 18/03560 rendue le 10 juin 2021 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer





APPELANTE



SCI Sans soucis prise en la personne de son représentant légal y domicilié en cette qualité

ayant son siège socia

l [Adresse 3]

représentée par Me Anne Bazela, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉES



SA Crédit Foncier de France agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 08/06/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/03338 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWGP

Ordonnance n° RG 18/03560 rendue le 10 juin 2021 par le juge commissaire du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

APPELANTE

SCI Sans soucis prise en la personne de son représentant légal y domicilié en cette qualité

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Anne Bazela, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

SA Crédit Foncier de France agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Jean Aubron, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

SELARL [S] Mandataires et Associés prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Sans Soucis, nommée à cette fonction par jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 25 juin 2020

ayant son siège social [Adresse 4]

représentée par Me Jean-Marc Besson, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

INTERVENANT VOLONTAIRE

SAS France Pierre Invest prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Fabien Rembotte, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 15 février 2023 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juin 2023 après prorogation du délibéré du 25 mai 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 25 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

Le 4 septembre 2018, la SCI Sans soucis, propriétaire d'un immeuble d'habitation connu sous le nom de « [Adresse 15] » situé [Adresse 14] à [Localité 12], a déclaré au greffe du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer se trouver en état de cessation de paiement et a sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Par jugement du 11 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a ouvert le redressement judiciaire de la SCI Sans soucis et a désigné la SELARL [S] Mandataires et associés en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 21 mars 2019, le tribunal judiciaire a autorisé la poursuite d'activité de la SCI Sans soucis et a prolongé la période d'observation pour une période de six mois. Par jugement du 19 septembre 2019, le tribunal judiciaire a autorisé la poursuite d'activité de la SCI Sans soucis et a prolongé la période d'observation de la procédure de redressement judiciaire pour une période de six mois jusqu'au 11 avril 2020.

Par ordonnance du 14 mai 2020, le juge-commissaire a désigné la SA Crédit Foncier de France en qualité de contrôleur. Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal a ordonné la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné la SELARL [S] Mandataires et associés en qualité de liquidateur. Par ordonnance du 30 septembre 2020, le liquidateur a obtenu du juge-commissaire la désignation d'un expert judiciaire pour évaluer l'immeuble. M. [B], expert désigné, a clôturé son rapport le 17 novembre 2020. Par requête reçue au greffe le 1er décembre 2020, ce liquidateur a saisi le juge-commissaire en autorisation de vente de l'immeuble. Le liquidateur ayant fait part de plusieurs offres amiables, le juge-commissaire a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 6 mai 2021 et a fixé la clôture des offres amiables au 6 avril 2021.

C'est dans ces conditions que par ordonnance contradictoire du 10 juin 2021 rendue entre la société débitrice, le liquidateur ès qualités et le Crédit Foncier de France, le juge-commissaire a :

- autorisé la vente, en la forme des saisies immobilières, de l'ensemble immobilier situé à [Adresse 14], cadastré sections AV [Cadastre 5], AV [Cadastre 6] et AV [Cadastre 7] lots 1 à 12, A V [Cadastre 8] et AV [Cadastre 9] pour une contenance totale de 91 a 21 ca dépendant de la liquidation judiciaire de la SCI Sans soucis,

- fixé à 980 000 euros la mise à prix sur laquelle sera exposé aux enchères, en la forme des saisies immobilières, devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, l'immeuble situé à [Adresse 13], cadastré sections AV [Cadastre 5], AV [Cadastre 6] et AV [Cadastre 7] lots 1 à 12, AV [Cadastre 8] et AV [Cadastre 9] pour une contenance totale de 91 a 21 ca,

- dit qu'à défaut d'adjudication sur la mise à prix ci-dessus fixée, l'immeuble sera immédiatement remis en vente sans formalité nouvelle sur une mise à prix réduite d'un quart et en cas de carence à la suite de cette première baisse, le bien sera à nouveau immédiatement remis en vente sans formalité nouvelle sur une mise à prix réduite d'un tiers sur la mise à prix d'origine,

- dit que la publicité légale sera effectuée conformément aux dispositions des articles R 322- 30 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- dit que le liquidateur judiciaire pourra faire procéder au procès-verbal de description de l'immeuble par tout huissier de justice de son choix qui au besoin, pourra se faire accompagner par tout technicien ou géomètre-expert aux fins de dresser les diagnostics immobiliers exigés par la loi,

- dit que préalablement à la vente par adjudication, le liquidateur judiciaire pourra faire procéder à deux visites du bien vendu par tout huissier de justice de son choix,

- dit que pour mener à bien ces différentes missions, l'huissier de justice pourra. si besoin est, se faire accompagner d'un serrurier, de la force publique et à défaut, faire application des dispositions des articles L322-2, L142-1 et L142-2 du code des procédures civiles d'exécution,

- dit que les frais préalables pour parvenir à la vente seront supportés par l'adjudicataire, sauf ceux de mauvaise contestation qui seraient à la charge du contestant,

- dit que le prix de cession, tel qu'il résultera de l'adjudication, sera payé entre les mains de la SELARL [S] Mandataires et associés, en sa qualité de liquidateur de la SCI Sans soucis,

- dit que la présente ordonnance sera publiée, à la diligence du liquidateur judiciaire, au fichier immobilier du service de la publicité foncière de [Localité 10],

- ordonné, à la diligence du greffier, la notification de la présente ordonnance : par lettre recommandée avec avis de réception :

* à la société débitrice représentée par sa gérante,

* au contrôleur désigné: Le Crédit Foncier de France

* aux créanciers inscrits sur l'immeuble : société Pierre invest en vertu d'une hypothèque judiciaire du 20 août 2014,

* le Crédit Foncier de France en vertu d'une d'hypothèque conventionnelle prise le 25 novembre 2004 Volume 2004 V n° 2980 (bordereau rectificatif valant reprise pour ordre du 7 février 2005 - Volume 2005 V n° 349)

* le Service des impôts des particuliers de [Localité 10] - Direction générale des finances publiques en vertu d'une hypothèque légale du 25 février 2005,

- par lettre simple au liquidateur judiciaire et au conseil de la société débitrice,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire,

- rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de pleine droit.

Par déclaration du 21 juin 2021, la SCI Sans soucis a interjeté appel de cette ordonnance, critiquant chacun des chefs de la décision entreprise. Par actes extrajudiciaires des 25 et 26 août 2021, la société débitrice a signifié la déclaration d'appel au liquidateur ès qualités et au Crédit Foncier de France, intimés.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le17 octobre 2022, la SCI Sans soucis demande à la cour de :

- dire que les conditions des articles L.642-22 et R.642-40 du code de commerce relatives à la publicité des réalisations d'actifs n'ont pas été respectées,

- dire qu'il appartiendra au juge-commissaire de préciser les conditions de publicité et leur étendue afin de permettre une totale transparence des offres,

- dire et juger qu'en tout état de cause il n'y a pas lieu à vente sur adjudication,

- subsidiairement :

- dire et juger que la vente projetée pourra se faire par lots en procédant à la vente séparée du terrain et de la villa,

- statuer sur les dépens comme de droit.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- envisager la vente aux enchères sur une base de 980 000 euros apparaît surréaliste et contraire à ses intérêts,

Sur les conditions de la publicité du bien vendu :

- aux termes de l'article L.642-22 du code de commerce toute cession d'entreprise fait l'objet d'une publicité par voie de presse, son étendue est définie par le juge-commissaire qui, en l'espèce, ne l'a pas précisée,

- une publicité restreinte a été réalisée par la mise en ligne sur le site du Conseil National des AIMJ et sur le site Mandaction, elle est manifestement insuffisante et a eu pour effet de parasiter les offres lesquelles ont été réalisées dans la méconnaissance totale de l'évaluation exacte de l'immeuble réalisée par voie d'expertise et les conditions dans lesquelles les offres pouvaient être réalisées avec notamment l'exigence d'absence de conditions suspensives,

- la lecture des offres démontre que les acquéreurs n'ont eu aucune information précise sur les conditions de la vente,

Sur la possibilité de vente par lots :

- il existe en réalité deux entités susceptibles de constituer des lots : la villa elle-même et le terrain y attenant,

- la villa seule a été estimée par l'expert judiciaire désigné (pièce 3) à plus de 900 000 euros,

- l'expert retient un prix moyen pour le terrain qui pourrait faire l'objet d'une promotion immobilière d'un montant de 1 337 600 euros,

- la vente projetée pourra se faire par lots, d'une part de la villa seule et d'autre part du terrain seul sur la base des évaluations qui en ont été faites par l'expert judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 novembre 2021, la SELARL [S] Mandataires et associés représentée par M. [J] [S], mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur de la SCI Sans soucis demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 10 juin 2021,

- dire et juger que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- la procédure n'a souffert d'aucun manque de publicité pour la cession amiable envisagée puisque ce ne sont pas moins de 6 à 8 offres qui ont été présentées, dont la qualité de certaines démontre que les offrants étaient parfaitement informés de la consistance de l'opération,

- la SCI Sans soucis a demandé le renvoi à une audience ultérieure au motif que la société Bouyghes Immo était sur le point de présenter une offre d'achat pour 1 300 000 euros sans conditions suspensives et la société Tagerim une nouvelle offre or, la signature d'un compromis le 19 décembre 2019 concernant la cession de la totalité du terrain constructible pour 1 200 000 euros, n'a pas été honorée, faute pour la dirigeante de s'être présentée au rendez-vous,

- la vente de l'immeuble n'a jamais pu intervenir malgré la longue période d'observation,

- la SCI Sans soucis n'a pas versé aux débats les 2 offres amiables qu'elle invoquait à l'appui de sa demande de renvoi,

- la réalité même de ces offres prétendument nouvelles s' avérait plus que suspecte,

- la mise à prix de 980 000 euros démontre que le juge-commissaire a pleinement appréhendé la particularité du bien à vendre,

- le juge-commissaire disposait pour son ordonnance du rapport d'expertise judiciaire rendu par M. [F] [B] le 17 novembre 2020,

- la mise à prix ordonnée un peu élevée par rapport à la valeur vénale de l'immeuble, avait pour but d'assurer une bonne participation de candidats lors de l'audience publique,

- en liquidation judiciaire les cessions d'actif se font par voie d'audience publique : après avoir constaté l'imperfection de l'ensemble des offres présentées (soit parce qu'affectées de conditions suspensives, soit parce que d'un montant insuffisant), il a ordonné la vente publique,

- les acquéreurs potentiels ont été efficacement informés par les publicités mises en place,

- les offres sont précises, comportent des conditions suspensives, dont certaines démontrent la présence aux côtés de l'offrant, de professionnels de l'immobilier.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 octobre 2022, le Crédit foncier de France demande à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 10 juin 2021,

- condamner la SCI Sans soucis au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

Sur les formalités de publicité :

- les formalités de publicité ont été pleinement respectées, il avait été reçu sept offres d'acquisition, entre 600 000 euros et 2 200 000 euros, comportant pour certaines des conditions suspensives, les publicités ont donc été régulièrement opérées,

Sur la vente sur adjudication :

- il est sollicité par la SCI Sans soucis qu'il soit procédé par une vente hors adjudication et par lots or, la difficulté de la vente de gré à gré tient aux conditions suspensives qui sont émises par les pollicitants, et qui ont pour effet de rendre incertaine la concrétisation d'une vente, dans la situation d'une vente sur adjudication la vente intervenue sera définitive,

- il n'est pas envisageable de procéder par une vente par lots, dans le cadre d'une promotion immobilière, il y aura des exigences de création notamment de places de stationnement et d'espaces verts, ce qui ne sera pas envisageable si la villa et les parcelles environnantes ne sont pas vendues à la même entité,

- le but de la présente procédure s'inscrit dans la volonté de la SCI Sans soucis de retarder l'échéance finale.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 juillet 2022, la SAS France Pierre invest intervenant volontairement demande à la cour de :

- recevoir la SAS France Pierre invest en son intervention volontaire,

- sous réserve de la communication spontanée en application de l'article 5 du code de procédure civile, du dernier état des conclusions et des pièces de la SCI Sans soucis appelante, ainsi que du liquidateur et du Crédit foncier de France, intimés respectivement liquidateur judiciaire et contrôleur : confirmer l'ordonnance entreprise, rendue par le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer le 10 juin 2021,

- dire que la SAS France Pierre invest conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens d'intervention.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

- sur son intervention volontaire :

- elle est créancière de la SCI Sans soucis à hauteur de la somme de 842 573,17 euros à titre hypothécaire, sa créance a été admise au passif de la procédure collective de paiement elle est recevable à intervenir pour évoquer le sort de la vente,

- sur le fond :

- le premier bien bâti est actuellement en ruine, le second bien immobilier non bâti ne peut être vendu qu'avec l'immeuble bâti attenant pour tenter de le valoriser,

- le juge commissaire a opté pour la vente en la forme des saisies immobilières sur la mise à prix de 980 000 euros de nature à dissuader les rares amateurs puisque bien supérieur au montant de leur propositions d'achat sous condition suspensive, or la proposition du Groupe Sofim n'était inférieur que de 8,3 % de ka valeur minimale du bine à vendre telle que déterminée par l'expert pour une vente sans condition suspensive, elle ne contrevenait pas à l'état du marché sur [Localité 12], elle permettait d'économiser le coût de la durée de la procédure de saisie immobilière au cours de laquelle le passif continue de s'accroître par le coût des intérêts conventionnels du Crédit Foncier de France,

- rien ne garantit qu'une vente par adjudication judiciaire permettra obtenir le prix de 1 100 000 euros net vendeur, elle offre l'opportunité à SCI Sans soucis de bloquer la vente, mais la confirmation est un moindre mal.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.

MOTIVATION

Dès lors que la SAS France Pierre invest est un créancier hypothécaire inscrit de la société Sans soucis en liquidation, elle est recevable en son intervention volontaire.

La société Sans soucis soutient l'irrégularité de l'ordonnance entreprise au regard des articles L.642-22 et R.642-40 du code de commerce, au moyen que la publicité obligatoire en vertu du premier texte n'a pas été précisée par le juge-commissaire, contrairement à ce que prescrit le second qui impose au mandataire une publicité par service informatique accessible par internet, insuffisante en l'espèce, et qui prescrit que le juge commissaire définisse l'étendue de la publicité par voie de presse rendu également obligatoire.

Toutefois, il doit être rappelé que les dispositions de l'article R.642-40 du code de commerce ne sont sanctionnées par aucun texte pour le cas où comme en l'espèce, le juge-commissaire s'abstient de préciser spécialement l'étendue de la publicité dans sa décision. En l'espèce, l'ordonnance entreprise ordonne que la publicité légale soit effectuée conformément aux dispositions des articles R.322-30 et suivants du code des procédures civiles d'exécution. Or, en matière de publicité par voie de presse, ces dernières dispositions prescrivent une insertion dans un journal d'annonces légales du ressort judiciaire du tribunal de la vente. En présence de cette précision faite par référence à un texte d'ordre général, il convient de s'assurer que les modalités prescrites par l'ordonnance sont ou non suffisantes.

Le liquidateur, concernant la publicité effectuée avant l'autorisation de vente aux enchères donnée par l'ordonnance entreprise, l'estime suffisante au vu des « 6 à 8 offres » présentées par des acquéreurs potentiels.

Ces offres figurent dans un tableau de synthèse qui en recense six, tandis que la débitrice soutient que les publicités effectuées antérieures à l'autorisation litgieuse de vendre aux enchères ont été réalisées au moyen d'une mise en ligne sur le site du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires et sur le site Mandaction, se limitant à présenter le bien par son adresse, outre la précision « [Adresse 15] plus terrain ».

Cependant, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'immeuble en cause est très remarquable, sur un plan architectural, historique et quant à sa notoriété. La maison en cause, dite [Adresse 15], est en effet une des premières de ce type construites à [Localité 11] au début du vingtième siècle ; elle est assise sur un terrain constructible de 9 121 mètres carrés. Elle est inscrite sur la liste des monuments historiques. L'expert judiciaire a estimé la valeur de la seule villa à 900 000 euros, compte tenu de l'état de délabrement dû à l'abandon nécessitant une rénovation lourde, et la valeur du reste du terrain à 700 000 euros.

La synthèse des offres proposées par le liquidateur révèle qu'à l'exception d'une offre Kieken sous conditions suspensives, qui excède 2 millions d'euros, elle ne contient que des offres de l'ordre d'un million d'euros, dont certaines sans condition suspensive, la mieux-disante parmi celles-ci et avec garantie financière apparaissant être celle de SOFIM au prix de 1 100 000 euros.

Il résulte de ces éléments, d'une part, que l'obligation de publicité à charge du mandataire préalablement à la vente aux enchères et en vertu de l'article R. 642-40 du code de commerce a bien été respectée. D'autre part, il est établi que le bien est très particulier, en ce qu'il est susceptible de n'intéresser que des professionnels capables de supporter les contraintes de la rénovation d'un monument historique tout en espérant valoriser le terrain.

De ce fait, compte-tenu de l'étroitesse du marché immobilier dont dépend ce bien, la publicité précisée par l'ordonnance doit être jugée suffisante, comme en témoignent les offres de professionnels recueillies.

Par conséquent, il n'est pas valablement soutenu que le manquement aux prescriptions de l'article R. 642-40 du code de commerce affecte la régularité du principe de la vente aux enchères retenu par l'ordonnance entreprise.

En outre, alors que les offres amiables déjà mentionnées se situent en-dessous de la valeur vénale du bien, il ne peut être reproché au liquidateur de demander la vente sur licitation, puisque tel est le principe voulu par la loi à l'article L.642-18 du code de commerce pour la réalisation de l'actif, et qu'il est raisonnable de considérer que la vente aux enchères sur la mise à prix de 980 000 euros retenue par l'ordonnance entreprise, qui loin d'être dérisoire est même relativement élevée, sera plus fructueuse que la vente amiable, même selon l'offre Sofim qui est demeurée insuffisante tout en tenant lieu de minimum. Il est à noter que la société Pierre Invest fait état à elle seule d'une créance hypothécaire de 868 400 euros.

Par conséquent, la demande principale de la société débitrice sera rejetée.

S'agissant de la demande de vente en deux lots, l'un pour la maison, l'autre pour le reste du terrain, il résulte de l'expertise que le terrain est difficile à valoriser en dehors de la maison, de sorte que ce sera à l'acquéreur de procéder aux divisions éventuellement nécessaires pour la valorisation de l'ensemble, en fonction du projet à mettre en oeuvre.

La demande subsidiaire de la société débitrice sera donc également rejetée.

L'ordonnance entreprise sera donc entièrement confirmée.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

En équité, il ne sera pas alloué en appel d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Reçoit l'intervention volontaire de la société Pierre invest ;

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 21/03338
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.03338 ?
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