ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 897/23
N° RG 22/00100 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCHQ
AM/CH
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Dunkerque
en date du
12 Octobre 2021
(RG 20/00237 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
Mme [J] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Hervé JOLY, avocat au barreau de DUNKERQUE
INTIMÉE :
E.U.R.L. JEAN DEROY
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Frédéric DUFOUR, avocat au barreau de DUNKERQUE
DÉBATS : à l'audience publique du 02 Mai 2023
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie DOIZE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11 avril 2023
FAITS ET PROCEDURE
À compter du 17 janvier 2011 Mme [J] [L] a travaillé en qualité de vendeuse à temps partiel au profit de la société JEAN DEROY.
Au dernier état de ses fonctions la salariée a occupé un poste d'employé échelon 3 FS de la classification de la convention collective des mareyeurs expéditeurs, à raison de 108,33 heures mensuelles de travail avec une rémunération brute de 1154,80 euros.
Par lettre remise en main propre le 15 novembre 2019 la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour motif économique fixé au 21 novembre 2019, et au cours duquel l'employeur a proposé à cette dernière d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.
La salariée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 28 novembre 2019 et a adressé à l'employeur par envoi recommandé avec avis de réception du 2 décembre 2019 le bulletin d'adhésion.
Par courrier en date du 2 décembre 2019 la société a notifié à la salariée son licenciement pour motif économique.
Le 2 septembre 2020 la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque, lequel par jugement en date du 12 octobre 2021 l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes en la condamnant à payer à la société la somme de 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Le 24 janvier 2022 la salariée a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 2 février 2022 par la salariée.
Vu les conclusions déposées le 27 avril 2022 par la société.
Vu la clôture de la procédure au 11 avril 2023.
SUR CE
Du licenciement
La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse, dont ce dernier doit avoir connaissance au moment de son acceptation.
Il appartient à ce titre à l'employeur d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat de travail dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin que celui-ci soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.
En l'espèce il convient de constater qu'il n'est pas contestable, et d'ailleurs pas contesté par l'employeur, que la salariée a envoyé le bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle le 28 novembre 2019 à l'employeur auquel le pli recommandé à été distribué le 2 décembre 2019.
Pour soutenir que la salariée a eu connaissance de la cause économique du licenciement avant son acceptation l'employeur se prévaut de sa mention dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, remise en main propre à la salariée le 15 novembre 2019, en affirmant par ailleurs que s'agissant de la lettre de licenciement l'employeur a la possibilité de préciser le motif de licenciement dans les 15 jours suivant la rupture du contrat de travail en application de l'article L. 1235-2 du code du travail.
Toutefois l'employeur commet une confusion entre l'énonciation de la nature du licenciement et celle des motifs dudit licenciement.
Si la convocation à l'entretien préalable fait bien mention de la nature économique du licenciement, pour autant elle n'indique aucun des motifs économiques de licenciement possibles, lesquels varient au regard des dispositions légales applicables et doivent aussi reposer sur des éléments propres à la situation de l'entreprise répondant aux critères légaux.
Il apparaît ainsi que l'employeur est dans l'incapacité de justifier d'une information de la salariée par écrit et préalablement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle de la cause économique de la rupture du contrat de travail.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La salariée a droit à une indemnité de préavis d'un montant de 2309,60 euros outre la somme de 230,96 euros pour les congés payés afférents.
En ce qui concerne les dommages et intérets pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement il convient de rappeler que l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
Aux termes de l'article 10 de la convention n° 158 sur le licenciement de l'Organisation internationale du travail si les organismes mentionnés à l'article huit de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou tout autre forme de réparation considérée comme appropriée.
L'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, au titre du droit à la protection en cas de licenciement, prévoit qu'en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, fondée sur la nécessité de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
À cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.
En l'espèce le salarié soutient que son indemnisation doit être effectuée sur la base des dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, celles de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, comme si les dispositions de l'article L. 1235-3 n'étaient pas conformes aux précédentes.
Toutefois, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l'article 24 de ladite Charte ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige en particuliers.
Par ailleurs, dès lors que le terme adéquat, figurant dans l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, doit être compris comme réservant aux États parties une marge d'appréciation, il s'en déduit que les dispositions de l'article L. 1253-3 du code du travail, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.
Au regard de l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise, de l'effectif de cette dernière, de sa qualification et de sa capacité à retrouver un emploi qui en découle, de ses difficultés financières au moment de son licenciement, les circonstances de la rupture il convient de lui allouer la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De la remise des documents de fin de contrat
Il convient d'ordonner à la société JEAN DEROY de remettre à Mme [J] [L] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pôle emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt.
De l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de condamner la société à payer à la salariée la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
La société qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et ajoutant jugement entrepris,
Dit le licenciement de Mme [J] [L] sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société JEAN DEROY à payer à Mme [J] [L] les sommes suivantes:
-2309,60 euros à titre d'indemnité de préavis outre la somme de 230,96 euros pour les congés payés afférents
-4000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
Ordonne à la société JEAN DEROY de remettre à Mme [J] [L] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pôle emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt.
Condamne la société JEAN DEROY aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Valérie DOIZE Marie LE BRAS