ARRÊT DU
30 Juin 2023
N° 987/23
N° RG 22/00105 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCLH
AM/VDO
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
03 Janvier 2022
(RG 20/00270 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 30 Juin 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
S.A.R.L. LA SARL JPB OPTIC
[Adresse 2]
représentée par Me Krystel SCOUARNEC, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
Mme [C] [E]
[Adresse 1]
représentée par Me Aude WALLON-LEDUCQ, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l'audience publique du 09 Mai 2023
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Annie LESIEUR
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 11/04/2023
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet Mme [C] [E] a été embauchée le 1er juillet 1998 par la société JPB OPTIC en qualité d'opticienne.
La salariée a été promue le 1er septembre 2006 au poste de responsable de magasin, et sa durée de travail a été portée le 1er juillet 2011 à 40 heures par semaine.
Le 12 février 2020 la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 février 2020, puis s'est vu licenciée pour insuffisance professionnelle par lettre du 25 février 2020, tout en étant dispensée d'exécuter son préavis.
Le 28 août 2020 la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes, lequel par jugement en date du 3 janvier 2022 a dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, et condamné la société à payer à la salarié la somme de 37 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 25 janvier 2022 la société a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 21 novembre 2022 par la société.
Vu les conclusions déposées le 29 septembre 2022 par la salariée.
Vu la clôture de la procédure au 11 avril 2023.
SUR CE
Du licenciement
Pour légitimer un licenciement, il n'est pas nécessaire que l'inadaptation à l'emploi ou l'incompétence du salarié, qui caractérisent l'insuffisance professsionnelle se soient traduites par une faute de ce dernier.
Elle ne doit pas en revanche être la conséquence de manquements de l'employeur à ses obligations ou être imputable à une cause étrangère au salarié.
L'insuffisance de résultats ne peut quant à elle constituer en soi une cause de licenciement.
Elle est susceptible de justifier un tel licenciement lorsqu'elle résulte d'une insuffisance professionnelle laquelle peut être établie par l'absence de réalisation par le salarié des objectifs qui lui ont été fixés soit contractuellement soit de manière unilatérale, mais à la condition que lesdits objectifs soient réalistes et que les mauvais résultats du salarié lui soient imputables.
L'insuffisance professionnelle peut également être constituée par la faiblesse des résultats du salarié par rapport à ceux obtenus par ses collègues placés dans une situation comparable mais à la condition que la période de comparaison soit suffisamment longue pour que l'insuffisance de résultats reprochée au salarié puisse être considérée comme significative.
En l'espèce il est reproché à la salariée d'une part des carences managériales ayant entraîné une morosité ambiante, des tensions entre les différents salariés, des difficultés de cohésion des membres du personnel ainsi qu'une absence de reconnaissance de sa qualité de manager par son équipe, s'étant traduites par un turn-over important, et d'autre part la baisse du chiffre d'affaires du magasin d'[Localité 3], un taux de transformation très bas, une fréquentation du magasin en baisse.
Il convient tout d'abord de constater que les allégations de la salariée, selon lesquelles l'employeur désirait qu'elle quitte l'entreprise en lui proposant notamment de procéder à une rupture conventionnelle, ne sont pas corroborées par des éléments suffisamment probants.
En effet la seule prise de contact par la salariée avec une personne censée l'assister dans le cadre d'une telle procédure, comme les propos de son conseil dans un courrier adressé à la société ne permettent pas de retenir la réalité d'une telle proposition.
De même les dénégations de la salariée quant à l'existence d'une dégradation du chiffre d'affaires de la boutique sont contredites par des données dont la conformité aux éléments comptables se rapportant à cette structure est attestée par un cabinet d'expertise comptable.
En revanche la salariée établit, en se prévalant de documents émanant de l'employeur concernant cette boutique ou l'ensemble de celles de la société, que pour l'année 2018 la situation économique du magasin géré par Mme [E] ne s'était pas encore dégradée, et que contrairement à ce que soutient l'employeur l'équipe a participé à un challenge en terminant 4ème de l'ensemble des structures.
Il importe de souligner à ce titre que l'employeur a notamment procédé pour la période concernée à un rapprochement entre les années 2018 et 2019 pour conclure à une baisse du chiffre d'affaires supérieure à 3 %, ce qui a pour conséquence de masquer la différence de résultat entre lesdites années.
Il apparaît également que l'amélioration du chiffre d'affaires invoqué par l'employeur pour la période ayant suivi le départ de la salariée de l'entreprise s'inscrit dans une amélioration plus générale de l'activité.
Quoi qu'il en soit de ce dernier point, il ressort de ces éléments l'existence d'un décalage entre la date à laquelle a été mise en exergue des difficultés de management et leurs éventuelles conséquences sur l'activité économique de la boutique.
En effet pour établir la réalité d'un management " mou " de la salariée l'employeur se prévaut des entretiens d'évaluations des membres de son équipe ayant eu lieu antérieurement au constat des difficultés invoquées, si ce n'est que la dégradation du climat au sein du magasin peut être datée de l'année 2018.
Après avoir rappelé que la salariée a exercé les fonctions de responsable magasin depuis le mois de septembre 2006, sans qu'il ne soit fait état et a fortiori justifié de difficultés, il y a lieu d'observer que les critiques relativement au management de Mme [E] coïncident avec l'arrivée d'une nouvelle adjointe Mme [R], qui a été amenée à lui succéder.
Certes les reproches quant à la qualité du management ne reposent pas sur la seule appréciation de cette dernière collègue de travail, mais il n'en demeure pas moins qu'une autre salariée a par la suite attesté en faveur de Mme [E], et que Mme [X], qui a procédé par voie d'attestation, est revenue dans l'entreprise pour bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, après avoir été embauchée initialement dans le cadre d'un contrat à durée déterminée.
De tels éléments sont de nature d'une part de à remettre en cause l'impartialité des allégations de salariés, dont l'employeur entend se prévaloir pour imputer à la salariée un management inapproprié, et d'autre part à générer un doute quant à l'origine de la dégradation de l'ambiance au sein de l'équipe, étant précisé que des salariées émettent des critiques quant à la personnalité de la nouvelle adjointe.
Ce doute est d'autant plus prégnant que l'employeur impute également à la salariée un turn-over important, alors même que cette dernière justifie que le départ d'un membre de l'équipe Mme [X] a coïncidé avec la fin de son contrat à durée déterminée et son intégration dans les effectifs d'une entreprise concurrente comme cela ressort de son CV, et que Mme [H] est partie pour des raisons personnelles avant de revenir quelques mois après dans l'équipe.
En ce qui concerne le troisième départ, Mme [J] atteste qu'elle a quitté la société car elle souhaitait pouvoir bénéficier d'une évolution dans sa carrière ce qui n'était pas possible au sein de JPB OPTIC.
Il convient enfin de constater d'une part que si l'employeur a répondu à l'argumentation de la salariée relativement à la dégradation de la situation de la boutique au regard d'éléments extérieurs, comme la diminution du nombre d'ophtalmologues, pour autant il n'a pas utilement contredit Mme [E] quant à l'ouverture d'un magasin exploité sous l'enseigne KRYS à Valenciennes, et d'autre part qu'il existe des éléments contradictoires quant à la réalité de la mise en oeuvre d'un plan d'accompagnement personnalisé n'ayant pas consisté en la seule intervention d'un coach.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il existe à tout le moins un doute quant à un lien entre une dégradation du chiffre d'affaires de la boutique, l'instauration d'une mauvaise ambiance dans l'équipe et le management de la salariée, étant rappelé qu'une insuffisance de résultats ne peut constituer une cause de licenciement que si elle est la conséquence d'une insuffisance professionnelle.
Un tel doute devant profiter à la salariée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Au regard de l'importante ancienneté de la salariée dans l'entreprise, de sa qualification et de sa capacité à retrouver un emploi, des circontances ayant entouré la rupture du contrat de travail différentes de celles invoquées par la salariée quant à une volonté affirmée de l'employeur de rompre le contrat de travail quel qu'en soit le moyen, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris quant au montant des dommages et intérets, dès lors que le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice de la salariée.
De l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande de condamner la société à payer à la salariée la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
La société qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société JPB OPTIC à payer à Mme [C] [E] la somme de 1800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société JPB OPTIC aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Valérie DOIZE Marie LE BRAS