AU NOM DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
COUR D'APPEL DE DOUAI
JURIDICTION CIVILE DU PREMIER PRÉSIDENT EN MATIÈRE
DE RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
minute n° 24/23
n° RG : 22/00030
A l'audience publique du 5 juillet 2023 tenue par M. Jean SEITHER, premier président, assisté de M. Christian BERQUET, greffier, a été prononcée l'ordonnance suivante :
Sur la requête de :
M. [F] [S], né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 2] [Localité 3]
ayant pour avocat Me Emmanuel RIGLAIRE, avocat au barreau de Lille
Les débats ayant eu lieu à l'audience du 7 juin 2023 à 10 heures
L'audience était présidée par M. Jean SEITHER, premier président, assisté de M. Christian BERQUET, greffier ;
En présence de :
MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRES LA COUR D'APPEL DE DOUAI,
représenté par M. Michel REGNIER, avocat général
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
Direction des affaires juridiques
dont le siège est situé Sous Direction du Droit Privé
[Adresse 5]
[Localité 4]
ayant pour avocat Me Dimitri DEREGNAUCOURT, avocat au barreau de Douai
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Exposé de la cause
Par requête en date du 21 octobre 2022, reçue au greffe de la cour d'appel le 2 novembre suivant, M. [F] [S] a présenté une demande en indemnisation en raison d'une détention provisoire injustifiée.
Le 9 février 2020, M. [S] a été déféré devant le juge d'instruction pour être mis en examen et placé en détention provisoire des chefs de :
- vol par ruse ;
- effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravée par une autre circonstance en récidive ;
- participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de 10 ans d'emprisonnement.
Par ordonnance en date du 19 octobre 2020, le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Valenciennes a remis en liberté M. [S] et l'a placé sous contrôle judiciaire.
Par jugement en date du 17 mai 2022, le tribunal correctionnel de Valenciennes a relaxé M. [S].
La détention provisoire de M. [S] a donc duré du 9 février 2020 (date de son placement en détention provisoire) au 19 octobre suivant (date de sa remise en liberté), soit pendant 254 jours.
Pour cette détention injustifiée, il sollicite que lui soient allouées les sommes de :
- 13.662 € en réparation de son préjudice moral ;
- 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions reçues au greffe de la cour d'appel le 23 février 2023, l'agent judiciaire de l'Etat conclut à l'irrecevabilité de la requête faute de production du certificat de non appel.
Après la production du certificat de non appel à l'audience, il conclut à la minoration de l'indemnisation sollicitée par M. [S] au titre de son préjudice moral ainsi que de celle sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions en date du 23 mars 2023, le ministère public requiert qu'en l'état, et à défaut de production de certificat de non-appel, la requête soit déclarée irrecevable en la forme.
Le certificat de non appel ayant été produit à l'audience, il s'en remet à l'appréciation de la juridiction concernant le préjudice moral de M. [S] et requiert de réduire à de plus justes proportions l'indemnité réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au terme des débats tenus le 7 juin 2023, le premier président a indiqué qu'il mettait l'affaire en délibéré au 5 juillet 2023.
Et, après en avoir délibéré conformément à la loi,
vidant son délibéré à l'audience de ce jour,
SUR CE,
Sur la recevabilité :
Aux termes de l'article 149 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
Cet article précise, toutefois, qu'aucune réparation n'est due lorsque la personne était, dans le même temps, détenue pour autre cause.
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En application de l'article R. 26 du code de procédure pénale, la requête en indemnisation doit être signée du demandeur ou d'un des mandataires mentionnés à l'article R. 27 du code de procédure pénale, doit contenir le montant de l'indemnité demandée, doit être présentée dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement acquiert un caractère définitif, ce délai ne courant que si, lors de la notification de cette décision, la personne a été avisée de ce droit ainsi que des dispositions de l'article 149-1 du code de procédure pénale.
En l'espèce, la requête a été déposée le 2 novembre 2022, soit dans le délai de six mois suivant le jugement de relaxe rendu par le tribunal correctionnel de Valenciennes le 17 mai 2022.
Figure au dossier un certificat en date du 4 avril 2023 établi par le greffier du tribunal judiciaire de Valenciennes attestant qu'aucun appel n'a été formé à l'encontre de ce jugement.
En conséquence, la décision est définitive et la requête ayant été présentée dans le délai légal, il y a lieu de la déclarer recevable.
Sur le préjudice moral :
Le préjudice moral résultant d'une incarcération injustifiée constitue une évidence de principe.
La preuve de conditions exceptionnelles ou ayant entraîné des conséquences personnelles excédant les conséquences liées à toute privation de liberté en milieu carcéral peut justifier une indemnisation proportionnellement plus élevée. Par contre, la souffrance morale résultant du choc de l'incarcération se trouve minorée par le passé carcéral de la personne détenue.
Il convient de tout d'abord relever que le bulletin n° 1 du casier judiciaire de M. [S] porte mention de vingt-cinq condamnations antérieures à son incarcération dont quatre ayant donné lieu à un emprisonnement ferme :
- le 5 juillet 2001, par le tribunal correctionnel de Valenciennes, à 4 ans d'emprisonnement ferme pour des faits de vol aggravé par deux circonstances, dégradation grave du bien d'autrui commise en réunion, délit de fuite après accident avec un conducteur de véhicule, violence commise en réunion sans incapacité, usage de fausse plaque, tentative de vol en réunion ;
- le 8 octobre 2007, par la même juridiction, à 2 ans d'emprisonnement pour des faits de refus d'obtempérer à une sommation de s'arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, conduite d'un véhicule sans permis et rébellion ;
- le 1er avril 2018, par la cour d'appel de Douai, à 2 ans d'emprisonnement pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, en état de récidive légale ;
- le 12 janvier 2018, par le tribunal correctionnel de Valenciennes, à 2 ans d'emprisonnement pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt aggravé par une autre circonstance et usage de faux en écriture.
Il en résulte que quatre condamnations ayant donné lieu à des peines d'emprisonnement ferme mises à exécution, M. [S] avait déjà été incarcéré quand il a été placé en détention provisoire le 9 février 2020. Le choc carcéral s'en est donc trouvé considérablement atténué.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à M. [S] la somme de 13.662 € en réparation de son préjudice moral.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il sera alloué à M. [S] la somme de mille euros (1.000 €) au titre des frais engagés pour la présente procédure.
Sur les dépens :
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.
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PAR CES MOTIFS,
Après débats en audience publique,
statuant publiquement et contradictoirement,
DECLARONS recevable la requête de M. [F] [S] ;
ALLOUONS à M. [F] [S] la somme de treize mille six cent soixante-deux euros (13.662 €) au titre de son préjudice moral ;
ALLOUONS à M. [F] [S] la somme de mille euros (1.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé par M. Jean SEITHER, premier président de la cour d'appel de DOUAI, le 5 juillet 2023,
en présence de M. Michel REGNIER, avocat général,
assisté de M. Christian BERQUET, greffier qui a signé la minute avec le premier président.
Le greffier Le premier président
C. BERQUET J. SEITHER