République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 06/07/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 19/03769 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SORE
Jugement n°18/09178 rendu le 17 Juin 2019 par le tribunal de grande instance de Lille Métropole
Ordonnance incident n°20/36 rendue le 05 février 2020 par le conseiller chargé de la mise en état
Ordonnance de radiation incident n° 21/173 rendue le 09 juin 2021 par le conseiller chargé de la mise en état
Ordonnance incident n°22/152 rendue le 28 avril 2022 par le conseiller chargé de la mise en état
APPELANTE
Madame [D] [K] veuve [W]
née le 8 mai 1948 à [Localité 3] (Algérie)
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Olivier Berne, avocat constitué aux lieu et place de Me Catherine Pouille, avocats au barreau de Lille
assistée de Me Pierre Lemay, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉES
SARL BKJ en liquidation judiciaire
SELAS MJS PARTNERS en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL BKJ désigné suivant jugement du tribunal de commerce de Lille en date du 02 décembre 2019 puis en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL BJK par jugement du 09 mars 2022 du tribunal de commerce de Lille Métropole
ayant son siège social [Adresse 2]
assignée en reprise d'instance le 10 mars 2020 à personne morale en qualité de mandataire judiciaire
représentées par Me Gilles Maton, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
DÉBATS à l'audience publique du 06 avril 2023
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président, et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 5 avril 2023
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EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 13 décembre 2012, [I] [W], décédé le 14 octobre 2017, et son épouse, Mme [D] [K] ont consenti à la société BKJ un bail commercial pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 2013, portant sur des locaux situés à [Adresse 4], à usage de commerce de brasserie et de débit de boisson.
Le 7 avril 2017 les bailleurs ont délivré à la société BKJ un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un montant de 8 288,36 euros au titre des loyers et charges impayés sur la période des années 2013 à 2016.
Par assignation du 5 mai 2017, la société BKJ a saisi le tribunal de grande instance de Lille aux fins de contester le commandement.
Par jugement contradictoire du 17 juin 2019 le tribunal a :
- constaté que le commandement de payer avec clause résolutoire délivré le 7 avril 2017 a été valablement délivré,
- dit néanmoins qu'il doit être privé d'effet,
- condamné la société BKJ à payer Mme [K] la somme de 964,51 euros au titre du remboursement des primes d'assurance pour 2013, 2014, 2015 et 2016,
- condamné Mme [K] à rembourser à la société BKJ la somme de 3 326,55 euros au titre des provisions pour charges, trop perçus de taxes foncières et de loyers pour 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017,
- condamné Mme [K] à payer à la société BKJ la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- débouté la société BKJ de ses autres demandes,
- débouté Mme [K] de ses autres demandes,
- condamné Mme [K] à payer à la société BKJ la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 4 juillet 2019 Mme [K] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.
Par ordonnance du 5 février 2020 le conseiller de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance suite au jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille métropole le 2 décembre 2019 ouvrant une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société BKJ et désignant la SELAS MJS Partners, représentée par Me [B] [N], en qualité de mandataire judiciaire. Mme [K] a déclaré sa créance à la procédure collective de la société BKJ par lettre réceptionnée le 6 janvier 2020 et a mis en cause le mandataire judiciaire par assignation du 20 mars 2020.
Suivant ordonnance du 28 avril 2022, le conseiller de la mise en état a débouté Mme [K] de sa demande de communication de pièces et la société BKJ de sa demande tendant à voir assortir le jugement déféré de l'exécution provisoire.
Le 21 mars 2023 Mme [K] a fait assigner en reprise d'instance et en intervention forcée la SELAS MJS Partners ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BKJ et lui a dénoncé ses dernières conclusions.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 8 mars 2023 Mme [K] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 3 326,55 euros au titre des provisions pour charges, trop perçus de taxes foncières et de loyers pour 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017, la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'a déboutée de ses autres demandes et condamnée à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
statuant à nouveau :
- fixer au passif de la société BKJ au bénéfice de Mme [K], la somme de 3 299,50 euros au titre des taxes foncières pour les années 2013 à 2016,
- fixer au passif de la société BKJ, et au bénéfice de Mme [K] la somme de 4 511,17 euros au titre du paiement des charges de copropriétés et honoraires du syndic de copropriété pour les années 2013 à 2016,
- ordonner la compensation entre les dettes et créances de la SARL BKJ et de Mme [K], en conséquence, ramener sa créance à la somme de 5 539,62 euros et la fixer au passif de la société BKJ,
- condamner la SELAS MJS Partners ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL BKJ à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
L'appelante conteste les sommes allouées au preneur, fait valoir que les charges de copropriété et honoraires de syndic, à la charge du preneur, sont justifiés, conteste des paiements dont se prévaut la société BKJ et demande la compensation entre les créances réciproques des parties. Elle soutient que les dispositions de l'article L. 145-40-2 du code de commerce relatif à la régularisation des charges n'est pas applicable au bail et, en tout état de cause, ne prévoient aucune sanction en cas de d'absence de régularisation des charges.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 novembre 2019, la société BKJ demande à la cour de :
- à titre principal, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- à titre subsidiaire, lui accorder un délai de paiement de trois mois pour régler l'éventuelle dette que détiendrait le bailleur à son encontre et suspendre les effets de la clause résolutoire du bail durant la période de règlement susvisée,
- en tout état de cause, débouter Mme [K] de ses demandes, la condamner à lui verse la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'instance,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
L'intimée explique avoir remis des paiements au fils de l'appelante, M. [J] [W], alors que celui-ci disposait d'un mandat à tout le moins apparent pour les recevoir et elle demande des délais afin d'éviter la résiliation du bail.
La SELAS MJS Partners a conclu sur l'incident le 24 juin 2020, en qualité de mandataire judiciaire de la société BKJ, et n'a pas conclu au fond en qualité de mandataire judiciaire ou de liquidateur judiciaire.
La clôture de l'instruction est intervenue le 5 avril 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 6 avril suivant.
Aucun dossier n'a été déposé pour la société BKJ, même après demande adressée à son conseil par le greffe en cours de délibéré.
MOTIFS
A titre liminaire la cour relève que Mme [K] ne sollicite plus la résiliation du bail compte tenu de l'ouverture de la procédure collective de la société BKJ et que la demande de délai formée par la société BKJ est devenue sans objet du fait de l'interdiction de paiements des créances antérieures résultant de l'ouverture de cette procédure.
En application de l'article 1353, anciennement 1315, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Le premier juge a alloué à Mme [K] la somme de 964,51 euros au titre de primes d'assurance impayées, condamnation non remise en cause par les parties.
Considérant que la bailleresse ne justifiait pas des autres charges, le premier juge a alloué à la société BKJ les sommes suivantes :
- 2 400,00 euros en remboursement des provisions sur charges,
- 486,50 euros au titre d'un trop perçu de taxe foncière sur la période de 2013 à 2016,
- 1 404,56 euros au titre d'un trop perçu de loyers sur la période de 2013 à 2017, créance qui n'est pas remise en cause par Mme [K] tant en son principe qu'en son montant,
soit une somme de 4 291,06 euros, étant relevé que le tribunal a prononcé une condamnation contre le bailleur à hauteur de 3 326,55 euros, après déduction des sommes dues par la société BKJ au titre des primes d'assurances, tout en condamnant également cette dernière au paiement de ces sommes (964,51 euros).
En vertu du bail commercial signé par les parties(article 9), sont à la charge du preneur, notamment, 'la taxe foncière relative aux biens immobiliers donnés à bail y compris les frais de gestion de la fiscalité directe locale' et, 'd'une manière générale', 'toutes charges de quelque nature qu'elles soient, ou pourraient devenir, exigibles sur les biens immobiliers donnés à bail ou sur la location ainsi que les honoraires de gestion, de syndic et d'association syndicales'.
Mme [K] verse aux débats les avis de taxe foncière des années 2013 à 2016 permettant de justifier des sommes qu'elle réclame pour un montant de 3 299,50 euros :
- 1 450,50 euros pour 2013
- 53,50 euros pour 2014 (frais de gestion uniquement)
- 57 euros pour 2015 (des frais de gestion uniquement)
- 1 738,50 euros pour 2016.
Elle communique également les procès-verbaux d'assemblée générale des copropriétaires approuvant les comptes des années 2013, 2014, 2015 et 2016 ainsi que les relevés généraux des dépenses établis par le syndic qui permettent de justifier des montants des charges de copropriété et honoraires qu'elle réclame à hauteur de 4 511,17 euros.
La société BKJ ne communique aucune pièce pour justifier du paiement de ces charges, en dehors des provisions sur charges dont il est admis qu'elles ont été réglées pour un montant de 2 400 euros entre 2013 et 2016.
En conséquence, la créance de Mme [K] sur la société BKJ s'élève à :
- 964,51 euros au titre de l'assurance
- 3 299,50 euros au titre des taxes foncières
- 4 511,17 au titre des charges de copropriété et honoraires
- à déduire les provisions versées à hauteur de 2 400 euros
soit un total de : 6 375,18 euros
et la créance de la société BKJ sur Mme [K], au titre d'un trop perçu de loyers, s'élève à 1 404,56 euros.
S'agissant de créances connexes, elles peuvent faire l'objet d'une compensation en vertu de l'article L. 622-7 du code de commerce.
Il en résulte une créance de Mme [K] qui doit être admise à la procédure collective de la société BKJ pour un montant de 4 970,62 euros et le jugement sera en conséquence infirmé s'agissant des condamnations qu'il prononce au titre des primes d'assurance et d'un trop perçu par la bailleresse.
Il convient par ailleurs d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne la bailleresse au paiement de dommages-intérêts en l'absence d'élément justifiant d'un préjudice subi par la société BKJ à raison de la 'légèreté blâmable' retenue par le premier juge du fait de la délivrance d'un 'commandement de payer confus'.
Enfin, eu égard aux circonstances du litige, les bailleurs n'établissant pas avoir jamais justifié des charges définitives auprès du locataire pour permettre une régularisation, il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel et de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que la créance de Mme [D] [K] à l'égard de la société BKJ au titre des charges s'élève à 6 375,18 euros ;
Constate que la créance de la société BKJ à l'égard de Mme [D] [K] au titre d'un trop perçu de loyers s'élève à 1 404,56 euros ;
Fixe en conséquence, après compensation entre les créances réciproques des parties, la créance de Mme [D] [K] à la liquidation judiciaire de la société BKJ en vertu du bail commercial à la somme de 4 970,62 euros ;
Déboute la société BKJ de sa demande de dommages-intérêts ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles