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06/07/2023 | FRANCE | N°21/02665

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 06 juillet 2023, 21/02665


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 6 JUILLET 2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 21/02665 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TTQ7



Jugement (N° 16/09250)

rendu le 20 avril 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lille







APPELANT



Monsieur [W] [J]

né le 1er juin 1953 à [Localité 10] (Tunisie)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 9] (Tunisie)



représenté par Me Tayeb Ismi-Nedjadi, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉES



Madame [M] [H]

née le 02 avril 1968 à [Localité 11] (Maroc)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 6 JUILLET 2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 21/02665 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TTQ7

Jugement (N° 16/09250)

rendu le 20 avril 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [W] [J]

né le 1er juin 1953 à [Localité 10] (Tunisie)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 9] (Tunisie)

représenté par Me Tayeb Ismi-Nedjadi, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [M] [H]

née le 02 avril 1968 à [Localité 11] (Maroc)

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 59178/02/21/006050 du 10/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai

représentée par Me Hélène Pontière, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

La SCP BTSG représentée par Me [N] [R], venant aux droits de la SELARL Valem Associés représentée par Me [I] [P] - en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL ETC Auto Moto Ecole, intervenant volontaire

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 6]

représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substituée à l'audience par Me Aurélie Jeanson, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 08 décembre 2022 tenue par Camille Colonna magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Bruno Poupet, président de chambre

Céline Miller, conseiller

Camille Colonna, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2023 après prorogation du délibéré en date du 09 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 novembre 2022

****

M. [W] [J] et Mme [M] [H] se sont mariés le 30 avril 1992 devant l'officier d'état civil de [Localité 11] (Maroc) et leur divorce a été prononcé à titre définitif par jugement rendu le 21 mai 2015 par le tribunal de première instance de la même ville.

Ils sont propriétaires d'un immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 7] (Nord) dont ils ont fait l'acquisition pendant leur mariage par acte reçu le 26 janvier 2005 par Me [D], notaire à [Localité 8].

Le tribunal de commerce de Lille métropole, par jugement du 12 janvier 2015, a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL ETC Auto Moto école, ayant pour gérant M. [W] [J], puis, le 21 janvier 2015, a prononcé la conversion de la procédure en liquidation judiciaire et désigné Me [I] [P] en qualité de liquidateur.

Enfin, le 6 octobre 2015, ledit tribunal a condamné M.'[W] [J], en sa qualité de gérant de la SARL ETC Auto Moto École, à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société à hauteur de 341 700 euros.

Exposant que ce dernier ne s'était pas exécuté malgré une mise en demeure du 16 septembre 2016, Me [I] [P], ès qualités, l'a fait assigner, ainsi que Mme [M] [H], devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lille afin de voir ordonner le partage de l'indivision immobilière existant entre les ex-époux et la vente sur licitation aux enchères publiques de l'immeuble susvisé à la barre du tribunal.

A la faveur de ce dossier, M. [J] et Mme [H] ont demandé, séparément, au juge saisi d'ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de leurs droits et de commettre un notaire pour y procéder.

Après une première réouverture des débats afin que les parties concluent sur le droit international privé et qu'ils produisent aux débats l'acte de mariage marocain, traduit, célébré le 30 avril 1992 à [Localité 11], les actes de naissance des deux époux et tout justificatif de leurs nationalités respectives au jour de l'engagement de l'instance et le lieu de fixation de leur premier domicile conjugal, le juge aux affaires familiales, par jugement «'avant dire droit'» du 20 avril 2021, a :

- déclaré sa juridiction compétente et la loi française applicable au litige,

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 19 janvier 2021 et la réouverture des débats,

- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du jeudi 17 juin 2021,

- enjoint aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de M. [W] [J] dans le cadre de l'action en partage engagée par Me'[I] [P] ès qualités,

- réservé les autres demandes et les dépens.

Par déclaration du 10 mai 2021, M. [W] [J] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 18 janvier 2022, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident, a déclaré cet appel recevable en retenant que le jugement entrepris était qualifié à tort de jugement avant dire droit et qu'il s'agissait d'un jugement mixte comme statuant sur la loi applicable et la juridiction compétente.

Par ordonnance du tribunal de commerce de Lille du 20 avril 2022, la SCP BTSG représentée par Me [N] [R] a été désignée en qualité de liquidateur de la SARL ETC Auto Moto École en remplacement de Me [P].

M. [J], par conclusions du 31 mai 2021, demande à la cour, au visa de la convention entre le Royaume du Maroc et la République française relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire du 10 août 1981, des dispositions des articles 815 et suivants du code civil et de l'article L 622-21 du code de commerce et de la loi marocaine, de réformer le jugement, de dire que la loi applicable au régime matrimonial des époux est la loi marocaine et que ce régime est celui de la séparation des biens, de condamner Me'[P] ès qualités de mandataire liquidateur de la société ETC Auto Moto Ecole et Mme [Y] au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mme [H], aux termes de ses conclusions remises le 26 juillet 2021, demande pour sa part à la cour, au visa des articles 112 et suivants, 651 et suivants du code de procédure civile et 1477, 1582, 831 et suivants, 821 et 821-1 du code civil, de déclarer l'appel irrecevable mais subsidiairement, au fond, de confirmer le jugement, débouter M. [J] de toutes ses demandes et le condamner aux dépens.

Enfin, la SCP BTSG représentée par Maître [N] [R], par conclusions d'intervention et d'intimée remises le 17 juin 2022, demande à la cour, au visa des articles 112 et suivants, 651 et suivants du code de procédure civil, 1477,1542 et 1831 et suivants, 821 et 821-1 du code civil du code civil, demande à la cour :

- d'admettre son intervention volontaire comme venant aux droits de la SELARL MJ Valem Associés, représentée par Me [P], ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL ETC Auto Moto Ecole,

- de constater que la cour n'est pas saisie de la demande de M. [J] tendant à voir dire que le régime matrimonial des consorts [J]-[H] est celui de la séparation de biens et en toute hypothèse, constater l'irrecevabilité de cette demande,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la juridiction saisie compétente et la loi française applicable au litige,

- de débouter M. [J] de ses demandes et de condamner celui-ci à lui verser la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Me Catherine Trognon-Lernon suivant l'article 699 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de Mme [H] tendant à voir déclarer l'appel irrecevable

Cette demande est irrecevable, conformément aux articles 914 et 916 du code procédure civile, dès lors que le conseiller de la mise en état, seul compétent pour ce faire jusqu'à son dessaisissement, a, par une ordonnance du 18 janvier 2022, déclaré l'appel recevable, en écartant au demeurant le moyen à nouveau soulevé aujourd'hui par Mme [H].

Sur la demande de M. [J] tendant à voir dire que le régime matrimonial applicable est celui de la séparation de biens

Sur la recevabilité de cette demande

La SCP BTSG soulève l'irrecevabilité de cette demande en soutenant que le premier juge ne s'est pas prononcé sur le régime matrimonial applicable et qu'il ne s'agit donc pas d'un chef du jugement critiqué.

Or, l'examen de la déclaration d'appel révèle que M. [J] a critiqué, notamment, la disposition du jugement par laquelle le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lille a déclaré sa juridiction compétente et la loi française « applicable au litige'».

Cette formulation est certes ambiguë dès lors que le juge était saisi initialement de la demande du liquidateur tendant au partage de l'indivision immobilière existant entre les ex-époux [J] sur laquelle se sont greffées les demandes de ces derniers tendant à l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de leurs droits respectifs consécutivement à leur divorce.

Il ressort néanmoins clairement de la motivation du jugement au regard de l'exposé des prétentions des parties fait par le magistrat et de l'objet de la réouverture des débats qui avait précédé que «'le litige'» visé par le juge était la détermination du régime matrimonial des anciens époux, préalable nécessaire aux opérations de compte, liquidation et partage demandées, et que ce que le juge a déclaré applicable est le régime légal français de la communauté de biens réduite aux acquêts.

M. [J] ayant expressément critiqué cette disposition, sa demande tendant à voir dire que le régime matrimonial applicable est en réalité celui, de droit marocain, de la séparation de biens est recevable.

Sur le fond

Il est constant que la loi applicable au régime matrimonial d'époux étrangers mariés sans contrat de mariage préalable avant l'entrée en vigueur, le 1er septembre 1992, de la convention de La Haye du 14 mars 1978 est déterminée selon le principe de l'autonomie de la volonté et que, dans ce cadre, cette volonté est déterminée en considération de la fixation de leur premier domicile matrimonial, règle ne constituant qu'une présomption simple susceptible d'être détruite par tout autre élément de preuve pertinent ; que le premier domicile matrimonial est le lieu où les époux ont entendu fixer et ont fixé effectivement de manière stable et durable le siège de leurs intérêts pécuniaires après le mariage.

Il n'est pas contesté que le mariage des époux [J]-[H], célébré au Maroc, pays dont Mme [H] est ressortissante, n'a pas été précédé d'un contrat de mariage.

Le premier juge, pour conclure à l'application de la loi française au régime matrimonial des époux [J], a retenu que les attestations produites par Mme [H] mais surtout le certificat de contrôle médical réalisé dès 1992 dans le cadre de la procédure de regroupement familial témoignaient du départ de 1'épouse du Maroc pour venir s'installer en France où se trouvait déjà son époux, que le premier domicile matrimonial avait été établi en France, que c'était ensuite uniquement en France que les époux avaient vécu de façon stable et installé durablement leur famille comme leurs intérêts pécuniaires, dont l'immeuble objet du présent litige.

Cependant, l'acte authentique d'achat de l'immeuble susvisé du 26 janvier 2005 précise que les acquéreurs, M. [J] et Mme [H], sont « mariés tous deux en première noce sous le régime légal marocain de la séparation de biens, à défaut de contrat de mariage préalable à leur union ».

Si Mme [H] dénonce une erreur en ce qui concerne cette mention, l'acte, qu'elle a signé, évoque plus loin «'les'acquéreurs solidaires et indivis chacun à concurrence de la moitié'» et, en outre, Mme [H] a exposé elle même expressément, tant dans une requête présentée le 4 octobre 2017 au président du tribunal de grande instance de Lille que dans une plainte contre M. [J] pour faux et usage de faux adressée le 6 octobre 2017 au procureur de la République près ledit tribunal que les époux ont contracté mariage le 30 avril 1992 à [Localité 11] (Maroc), «'sans contrat de mariage, adoptant ainsi le régime légal marocain de la séparation de biens'».

Elle ne peut donc aujourd'hui sans se contredire prétendre à la liquidation d'un régime de communauté réduite aux acquêts et son affirmation réitérée de l'adoption du régime légal marocain de séparation de biens, qui rejoint celle de l'appelant, combat la présomption sur laquelle s'est fondé le premier juge.

Il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement sur ce point, tout en étant plus précis que le premier juge.

Sur les autres sujets

La déclaration d'appel de M. [J] mentionne que ce recours est «'limité aux chefs de jugement expressément critiqués : en ce qu'il a déclaré le tribunal judiciaire de Lille compétent et la loi française applicable au litige, ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et enjoint aux parties de conclure sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à défendre de M. [W] [J] dans le cadre de l'action en partage engagée par Me [I] [P] en qualité de liquidateur de la SARL ETC Auto Moto École'». Il porte donc en réalité sur tous les chefs du jugement.

Cependant, la cour observe que si M. [J] conclut à l'infirmation « du jugement'», il ne lui demande pas de statuer autrement que le premier juge en ce que celui-ci s'est reconnu compétent, ce qui n'était pas induit par sa demande sur la loi applicable dès lors que le juge français peut être amené à appliquer une loi étrangère.

De même, il ne formule aucune critique, et le liquidateur de la SARL ETC Auto Moto École pas davantage, sur l'invitation du premier juge à conclure sur la fin de non-recevoir soulevée, de sorte que le débat se poursuivra sur ce point devant ledit magistrat.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ses dispositions autres que celles qui concernent la loi applicable à la liquidation du régime matrimonial de M. [J] et Mme [H].

En application de l'article 696 du code de procédure civile, il incombe à Mme [H], partie perdante, de supporter la charge des dépens. Il n'est pas inéquitable, vu l'article 700 du même code, de laisser à chacune des parties la charge de ses autres frais.

PAR CES MOTIFS

La cour

donne acte à la SCP BTSG, représentée par Me [N] [R], de son intervention volontaire comme venant aux droits de la SELARL MJ Valem Associés, représentée par Maître [P], en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL ETC Auto Moto École,

infirme le jugement entrepris en ce que, déclarant la loi française applicable « au litige'», il a dit que le régime matrimonial de M. [J] et de Mme [H] à liquider était le régime légal français de la communauté réduite aux acquêts,

statuant à nouveau de ce chef, dit que M. [J] et Mme [H] sont mariés sous le régime marocain de la séparation de biens,

confirme le jugement en ses autres dispositions,

déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Mme [M] [H] aux dépens.

Le greffier

Delphine Verhaeghe

Le président

Bruno Poupet


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 21/02665
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.02665 ?
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