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07/07/2023 | FRANCE | N°21/01119

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale a salle 3, 07 juillet 2023, 21/01119


ARRÊT DU

07 Juillet 2023







N° 1066/23



N° RG 21/01119 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWKT



IF/CH





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

26 Mai 2021

(RG F19/00332 -section )



































GROSSE :



Aux a

vocats



le 07 Juillet 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [T] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE, substitué par Me Nicolas HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE

(bénéfic...

ARRÊT DU

07 Juillet 2023

N° 1066/23

N° RG 21/01119 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWKT

IF/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

26 Mai 2021

(RG F19/00332 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 07 Juillet 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [T] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE, substitué par Me Nicolas HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/008609 du 14/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉE :

S.A.S.U. TOYS MOTORS [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-luc HAUGER, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Olivier BECUWE

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Frédéric BURNIER

: CONSEILLER

Isabelle FACON

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Angelique AZZOLINI

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Mai 2023

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 09 mai 2023

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée du 7 juin 2004, devenu à durée indéterminée, la société Garage du Dunkerquois, concessionnaire automobile de la marque Toyota, aux droits de laquelle vient désormais la société Toys Motors [Localité 3] (la société) a engagé Monsieur [T] [G], en qualité de mécanicien de maintenance automobile.

Au dernier état de la relation contractuelle, il exerçait en qualité de mécanicien spécialiste et son salaire mensuel brut s'élevait à la somme de 1651.69 euros.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des services de l'automobile.

A la suite d'un accident du travail du 18 décembre 2009, le contrat de travail de Monsieur [G] a été suspendu à différentes reprises.

Lors de la visite de reprise pour un dernier arrêt de travail du 1er septembre 2017, le médecin du travail rendait, le 12 août 2019, un avis d'inaptitude au poste de travail pour Monsieur [G], en précisant qu'un poste de bureau ou de vente, sans station debout prolongée, sans sollicitation, ni contrainte importante du rachis cervical et des épaules, sans manutention de charges pourrait éventuellement convenir, après une formation.

Par courrier du 19 septembre 2019, Monsieur [G] refusait les propositions de reclassement comme conseiller commercial automobile ou vendeur automobile.

Par lettre recommandée avec accusé réception du même jour, Monsieur [G] a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 30 septembre 2019, la société a notifié à Monsieur [G] son licenciement pour impossibilité de reclassement à la suite de l'inaptitude médicale.

Monsieur [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Dunkerque et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de l'irrégularité de la procédure de reclassement, faute de consultation par l'employeur du comité social et économique et en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au cours de l'exécution du contrat de travail.

Par jugement du 26 mai 2021, le conseil de prud'hommes a débouté Monsieur [G] de ses demandes et l'a condamné à payer à la société une indemnité pour frais de procédure de 500 euros, outre les dépens.

Monsieur [G] a fait appel de ce jugement par déclaration du 29 juin 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions, Monsieur [G] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :

- 19.812 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2000 euros, au titre de l'indemnité pour frais de procédure, outre la charge des dépens

Aux termes de ses dernières conclusions, la société demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur [G] à lui payer la somme de 2500 euros, au titre de l'indemnité pour frais de procédure, outre la charge des dépens.

Il est référé aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'absence de consultation du comité économique et social et la régularité de la procédure de reclassement

Il résulte de l'article L1226-10 du code du travail que, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient (...), après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

La société s'estime déliée de l'obligation de consultation du conseil social et économique en raison de la carence de candidats aux élections organisées au sein de la société Toys Motors Nord située à [Localité 5], le 12 septembre 2017, et au sein de la société Toys Motors [Localité 3], située à [Localité 3], qui vient aux droits de Toys Motors Nord, le 20 septembre 2019.

Les règles relatives à l'organisation des élections au comité social et économique sont exposées aux articles L 2314-4 et suivants.

En l'espèce, la société produit les procès-verbaux de carence aux élections du comité social et économique du 12 septembre 2017 et du 27 septembre 2019, sur imprimé cerfa.

Il s'ensuit que la réalité de la carence aux deux tours de ces élections est établie.

En revanche, la société ne justifie pas de l'information par tout moyen aux salariés et à l'inspection du travail des deux procès-verbaux de carence.

Monsieur [G] soutient encore que l'absence de publicité du procès-verbal de carence ne délie pas l'employeur de son obligation de solliciter l'avis du comité social et économique sur les propositions de reclassement.

Pour autant, il résulte de la procédure susvisée que, six mois après le procès-verbal de carence, les salariés peuvent solliciter la tenue de nouvelles élections.

Dès lors, étant rappelé que la procédure de reclassement de Monsieur [G] a commencé dès l'avis d'inaptitude du 12 août 2019 pour se terminer par la notification du licenciement le 30 septembre 2019, ce dernier ou les autres salariés pouvaient, dès le 13 mars 2018, solliciter la tenue de nouvelles élections.

L'absence de justification de la publicité du procès-verbal de carence aux élections au comité social et économique ne vient pas entacher d'irrégularité la procédure de reclassement.

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité et son incidence sur l'inaptitude

L'article L.4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

La charge de la preuve du respect de l'obligation de sécurité appartient à l'employeur qui doit démontrer qu'il a pris toutes les mesures de prévention nécessaires pour préserver la santé et la sécurité des salariés.

L'article L 4624-6 dispose que l'employeur est tenu de prendre en considération l'avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail.

Monsieur [G] estime que l'accident du travail qu'il a subi le 30 mai 2016 et qui a abouti après la rechute du 1er septembre 2017 au prononcé de son inaptitude est la résultante du non respect par l'employeur des aménagements de poste préconisés par le médecin du travail au gré des visites médicales après le premier accident du travail courant 2009, au cours duquel un genou a été blessé.

Il résulte des pièces communiquées par les parties que le médecin du travail est intervenu dans les conditions suivantes :

- visite de reprise du 11 juin 2009 : apte à la reprise en poste aménagé, travaux agenouillés et port de charges lourdes contre-indiqués

- visite de reprise du 25 août 2010 : apte à la reprise du travail, pas de position accroupie, pas de port de charges lourdes

le 7 février 2011 : déclaration de rechute d'accident du travail

- visite de reprise du 1er juin 2011 : apte

le 18 octobre 2011, déclaration de rechute d'accident du travail

le 30 janvier 2012, nouvelle lésion en lien avec l'accident du travail de 2009

- visite de reprise du 30 juillet 2012 : apte avec aménagement, aménagement à définir lors de l'étude de poste

- visite de reprise du 7 août 2012 après étude de poste du 1er août 2012 : apte avec aménagement de poste pendant trois mois (éviter les grosses interventions, privilégier les petites : freins, vidange, entretien')

- visite du 3 septembre 2015 : apte avec aménagement de poste selon fiche de visite du 7 août 2012

le 12 janvier 2016 : déclaration d'accident du travail

le 30 mai 2016 : déclaration d'accident du travail, il y est mentionné : en mettant la culasse dans un véhicule, s'est fait mal au bras et au dos

- visite de reprise du 26 juillet 2016 : apte avec restriction, pas de manutention lourde, travaux légers exclusivement, travail exclusif sur pont

le 16 septembre 2016 : accident du travail, kératite sur coup d'arc aux deux yeux, lors de la soudure d'un pot d'échappement

- visite du 16 novembre 2016 : apte avec restriction, pas de manutention lourde (affectation sur travaux plus légers), travail exclusif sur pont

le 1er septembre 2017 : déclaration de rechute de l'accident du travail du 30 mai 2016

- avis d'inaptitude du 12 août 2019

Il résulte de cette chronologie qu'il convient de s'intéresser à l'accident du travail du 30 mai 2016.

En effet, ceux des 18 octobre 2011 et 30 janvier 2012 faisaient suite à un avis d'aptitude sans réserve.

L'avis d'aptitude avec aménagement suivant, décidé pour trois mois, date du 7 août 2012.

Ensuite, la société indique, à raison, qu'entre le 7 novembre 2012 et le 3 septembre 2015, Monsieur [G] ne bénéficiait d'aucun aménagement de poste décidé par le médecin du travail.

S'agissant de l'aménagement de poste du 3 septembre 2015, l'étude de poste du 1er août 2012 n'étant pas produite, il convient de se reporter, comme le fait la société, à l'avis du médecin du travail du 7 août 2012, pris en considération de cette étude de poste. Il s'agissait d'éviter les grosses interventions, privilégier les petites : freins, vidange, entretien'

A la suite de la visite de reprise du 26 juillet 2016, la rédaction des restrictions nécessitant un aménagement du poste est plus ferme. Ainsi, Monsieur [G] est déclaré apte avec restriction, pas de manutention lourde, travaux légers exclusivement, travail exclusif sur pont.

Monsieur [G] indique que l'accident du travail déclaré le 30 mai 2016 faisait suite à une intervention du 24 mai 2016 nécessitant de manipuler une culasse, alors que le pont était en panne.

Il produit une photographie au soutien de son allégation. Les attestations d'anciens collègues relèvent pour trois d'entre elles d'avant la cession du garage de la société Europ motors [Localité 3] en septembre 2015 ou, pour la quatrième, d'une période située entre les mois de mai et septembre 2017. Elles sont inopérantes pour soutenir ce point.

La société produit un listing des missions confiées à Monsieur [G] entre 2015 et 2017 dont il résulterait selon lui que sur 1020 interventions, seules 19 demandaient des manipulations de charges lourdes, ce que Monsieur [G] ne conteste pas.

La société soutient que Monsieur [G] bénéficiait, pour ces 19 opérations, soit de l'aide de compagnons, soit d'outillages spécifiques. Cette allégation est confirmée par l'attestation de deux techniciens qui affirment avoir apporté leur aide pour porter des charges lourdes et par celle du responsable d'atelier sur les missions effectuées et les outillages à disposition.

Il en résulte que la société démontre avoir respecté les aménagements de poste préconisés par le médecin du travail et, ce faisant, s'être soumis à son obligation de sécurité.

Dès lors, le lien de causalité entre une faute de l'employeur et l'inaptitude n'est pas établie.

Il s'ensuit que les demandes de Monsieur [G] relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement pour inaptitude seront rejetées.

Le jugement sera confirmé.

Sur les dépens et l'indemnité pour frais de procédure

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [G], partie perdante, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

Le jugement sera confirmé sur les dépens.

En revanche, compte tenu des éléments soumis aux débats, il est équitable de ne pas faire droit à la demande d'indemnité pour frais de procédure qui en découle, ni en première instance, ni en procédure d'appel.

Le jugement sera infirmé et la demande de la société sera rejetée sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement, excepté en ce qu'il a statué sur l'indemnité pour frais de procédure,

Infirme le jugement sur cette seule disposition,

Déboute la société Toys Motors [Localité 3] de ses demandes au titre de l'indemnité pour frais de procédure,

Condamne Monsieur [T] [G] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Olivier BECUWE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale a salle 3
Numéro d'arrêt : 21/01119
Date de la décision : 07/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-07;21.01119 ?
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