ARRÊT DU
07 Juillet 2023
N° 879/23
N° RG 21/01959 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6RD
PL/VM
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAMBRAI
en date du
04 Octobre 2021
(RG F 20/00131 -section 2 )
GROSSE :
aux avocats
le 07 Juillet 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [I] [H]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Cathy FALIVA, avocat au barreau de BÉTHUNE substitué par Me Eric WATERLOT, avocat au barreau de BÉTHUNE
INTIMÉE :
S.A.S. PLACE MOBILITE CAUDRESIS-CATESIS
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Fabienne MENU, avocat au barreau de VALENCIENNES, assistée de Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
DÉBATS : à l'audience publique du 30 Mai 2023
Tenue par Philippe LABREGERE
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Cindy LEPERRE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Philippe LABREGERE
: MAGISTRAT HONORAIRE
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 09 mai 2023
EXPOSE DES FAITS
[I] [H] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée par la société PLACE MOBILITE CAUDRESIS à compter du 1er septembre 2019 avec reprise d'ancienneté au 28 janvier 1999 en qualité de conducteur receveur de bus, coefficient 142 V de la convention collective nationale des transports routiers. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.
Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 juillet 2020 à un entretien le 31 juillet 2020 en vue d'un éventuel licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 août 2020.
Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
«Le 20 juillet, vous avez rencontré Monsieur [M] [C], Président et Monsieur [T] [B], Directeur d'unité au sein du dépôt de [Localité 4], ces derniers s'étant rendus sur place afin de faire le point sur les aménagements du site en cours.
Monsieur [M] [C] est alors venu vers vous afin de vous saluer.
Cependant, et ceci sans aucune raison particulière, vous vous êtes violemment emporté et l'avez menacé physiquement et verbalement.
En effet, vous lui avez notamment indiqué « je n'ai pas à vous dire bonjour ».
Très étonné de votre comportement particulièrement agressif et irrespectueux, Monsieur [M] [C] vous a demandé des explications.
Vous l'avez alors insulté de voleur, de menteur ainsi que de lâche et l'avez menacé en précisant «vous allez voir en septembre, vous allez mourir »
Monsieur [M] [C] et [T] [B] ont été choqués de vos violences verbales et physiques qui ont duré de longues minutes pendant lesquelles ils étaient dans l'impossibilité d'intervenir compte tenu de votre état d'énervement.
Vous ne pouvez ignorer que nous ne pouvons tolérer un tel acte d'insubordination et de violence au sein de notre société lequel nuit à l'autorité de l'employeur.
Cette conduite met en cause la bonne marche de la société et aucun élément ou justification n'a pu nous être apporté de nature à modifier notre appréciation des faits. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte tenu de la gravité de celle-ci, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date d'envoi de la présente, sans indemnité de préavis ni de licenciement. »
Par requête reçue le 4 novembre 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Cambrai afin de faire constater l'illégitimité de son licenciement et d'obtenir le versement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 4 octobre 2021, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de sa demande et l'a condamné aux dépens.
Le 15 novembre 2021, [I] [H] a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance en date du 9 mai 2023, la procédure a été clôturée et l'audience des plaidoiries a été fixée au 30 mai 2023.
Selon ses conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 11 février 2022, [I] [H] appelant, sollicite de la cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société à lui verser :
à titre principal
- 30900 euros au titre de la violation de son statut protecteur
- 5150 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 515 euros au titre des congés payés y afférents
- 15020 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 41200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
à titre subsidiaire
- 5150 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 515 euros au titre des congés payés y afférents
- 15020 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 41200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
et en tout état de cause
- 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant expose que son licenciement est disproportionné par rapport aux faits commis, qu'il n'a fait l'objet d'aucune mise à pied conservatoire, que par courrier du 22 août 2020, il a sollicité la révision de la sanction qui ne lui a pas été accordée par son employeur, qu'il a été désigné représentant syndical par courrier électronique du 17 août 2020, qu'il a été licencié sans que soient respectées les mesures de protection attachées à cette qualité.
Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 9 mai 2022, la société PLACE MOBILITE CAUDRESIS-CATESIS, sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de l'appelant à lui verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient que la désignation de l'appelant en qualité de responsable de section syndicale ne lui a été adressée que le 17 août 2020, que la protection résultant de cette qualité ne pouvait jouer que si sa désignation avait précédé la convocation à l'entretien préalable au licenciement, que l'appelant s'est cru autorisé à insulter [M] [C], président de la société, en le traitant de voleur et de menteur, après avoir refusé de le saluer, qu'en outre, il s'est violemment emporté et l'a menacé physiquement et verbalement, que les faits sont confirmés par le témoignage de [T] [B] et par la reconnaissance par l'appelant lui-même, par courrier du 22 août 2020, de l'adoption d'un comportement agressif, qu'il n'apporte aucun élément justifiant l'existence d'un préjudice résultant de son licenciement.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu que la protection instaurée par les dispositions de l'article L2411-3 du code du travail ne joue que si la désignation du représentant syndical précède la convocation à l'entretien préalable au licenciement ;
Attendu qu'en l'espèce la désignation de l'appelant en qualité de représentant de la section syndicale CFDT de l'entreprise n'a été adressée à la société que par courrier du 17 août 2020 ; qu'ayant été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 juillet 2020, le salarié ne peut se prévaloir de cette qualité ;
Attendu en application de l'article L1234-1 du code du travail qu'il résulte de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que les motifs y énoncés sont l'adoption le 20 juillet 2020 par l'appelant d'un comportement injurieux et une attitude menaçante envers [M] [C] président de la société ;
Attendu que l'engagement d'une procédure de licenciement pour faute grave n'exige pas que l'auteur présumé de celle-ci ait fait l'objet au préalable d'une mise à pied conservatoire ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation établie par [T] [B], directeur d'unité, que le 20 juillet 2020 alors que son service prenait fin, l'appelant, qui venait de reconduire son autocar au dépôt de [Localité 4] dans lequel se trouvait [M] [C] en compagnie du témoin, a refusé de le saluer puis l'a traité à plusieurs reprises de voleur, de menteur et de lâche ; que le témoin ajoute que l'appelant s'est avancé, en faisant preuve envers [M] [C] d'une agressivité telle qu'une confrontation physique semblait imminente ; que par courrier du 22 août 2020 consécutif à la réception de la lettre de licenciement, l'appelant a fait appel à l'indulgence de son employeur en reconnaissant s'être emporté et avoir tenu des propos déplacés méritant une sanction, soulignant toutefois qu'il n'avait jamais démérité et avait contribué à la bonne marche de l'entreprise durant la période de confinement ; que les faits fautifs sont donc caractérisés ;
Attendu que l'appelant ne se retranche derrière aucune justification susceptible d'expliquer son attitude le jour des faits ; que le comportement violent qu'il a adopté envers son employeur et les propos non seulement déplacés mais également injurieux proférés à l'encontre de ce dernier rendaient bien impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis ;
Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de la société intimée les frais qu'elle a dû exposer en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré
ET Y AJOUTANT,
CONDAMNE [I] [H] à verser à la société PLACE MOBILITE CAUDRESIS 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIER
V. DOIZE
P/LE magistrat honoraire empêché,
Le Président,
P. NOUBEL