République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 21/03/2024
N° de MINUTE : 24/242
N° RG 21/04726 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2K2
Jugement (N° 21/000007) rendu le 17 Juin 2021 par le Tribunal de proximité de Hazebrouck
APPELANTE
SA Creatis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [F] [Y] épouse [W]
née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 6] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 15 octobre 2021 remis à étude
Monsieur [H] [W]
né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 6] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 15 octobre 2021 remis à étude
DÉBATS à l'audience publique du 17 janvier 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 janvier 2024
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 24 août 2013, la SA Creatis a consenti à M. [H] [W] et Mme [F] [Y] épouse [W] un prêt personnel de regroupement de crédits d'un montant de 16'500 euros, remboursable en 108 mensualités de 218,42 euros, hors assurance, au taux nominal de 8,42 % l'an.
Se prévalant du non-paiement des échéances et de l'absence de régularisation après mise en demeure, la société Creatis a prononcé la déchéance du terme par lettres recommandées avec accusé de réception du 21 août 2020 revenues avec la mention 'pli avisé et non réclamé'.
Par acte d'huissier en date du 8 janvier 2021, la banque a fait assigner M. [H] [W] et Mme [F] [Y] en paiement.
Par jugement réputé contradictoire en date du 17 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Hazebrouck a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis,
- condamné M. [H] [W] et Mme [F] [Y] à payer à la société Creatis la somme de 527,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2021 sans majoration de l'intérêt légal,
- débouté la société Creatis de sa demande d'indemnité de procédure,
- condamné M. [H] [W] et Mme [F] [Y] aux dépens.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 3 septembre 2021, signifiée à M. [H] [W] et Mme [F] [Y] par actes d'huissier délivrés le 15 octobre 2021 par dépôt des actes à l'étude, la société Creatis a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement sauf en ce qu'il a condamné M. [H] [W] et Mme [F] [Y] aux dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 30 novembre 2021, signifiées à M. [H] [W] et Mme [F] [Y] par actes d'huissier délivrés le 3 décembre 2021 par dépôt des actes à l'étude d'huissier, elle demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d'Hazebrouck du 17 juin 2020 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis, condamné M. [H] [W] et Mme [F] [Y] à payer à la société Creatis la somme de 527,32 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2021, sans majoration de l'intérêt légal et en ce qu'il a débouté la société Creatis de sa demande d'indemnité de procédure,
statuant à nouveau,
Vu les anciens articles L.311-1et suivants du code de la consommation dans leur version applicable à la cause,
vu l'ancien article 1134 du code civil,
vu l'ancien article L.311-48 du code de la consommation dans sa version applicable à la cause, vu l'article 9 du code de procédure civile,
- débouter M. [H] [W] et Mme [F] [Y] de l'intégralité de leurs prétentions fins et conclusions,
- constater, dire et juger que la société Creatis prend soin de verser aux débats le document d'information propre au regroupement de créances établi le 16 août 2013 remis par le prêteur à M. [H] [W] et Mme [F] [Y] à l'occasion de la demande de regroupement de crédits litigieux,
- en tout état de cause, dire et juger que la sanction de la déchéance du droit aux intérêts telle qu'édictée par les dispositions de l'article L.311-48 du code de la consommation (dans sa version issue de la loi du 1er juillet 2010) ne saurait nullement recevoir application des lors que cette sanction n'est pas applicable à la méconnaissance de l'article L.314-20 du code de la consommation, dispositions qui ont été parfaitement respectées en l'espèce,
- par conséquent, condamner solidairement M. [H] [W] et Mme [F] [Y] à payer à la société Creatis la somme en principal de 8 036,91 euros se décomposant de la façon suivante :
- total capital : 7 384,14 euros,
- intérêts : 37,48 euros,
- indemnité légale de 8 % : 615,29 euros
- intérêts contentieux au taux de 8,42 % l'an courus et à courir
à compter du 21 août 2020 et jusqu'au jour du complet paiement : mémoire,
- condamner solidairement M. [H] [W] et Mme [F] [Y] à payer à la société Creatis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum M. [H] [W] et Mme [F] [Y] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel, dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Les intimés n'ont pas constitué avocat, ni conclu.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la société Creatis pour l'exposé de ses moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 8 janvier 2024.
MOTIFS
Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont ceux issus de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicable à la date de conclusion du crédit.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
La société Creatis fait grief au premier juge de l'avoir déchue de son droit aux intérêts contractuels au motif erroné que le document d'information spécifique aux regroupements de crédits remis à l'emprunteur n'est pas conforme à l'article R.313-13 du code de la consommation en ce qu'il ne met pas en regard la situation contractuelle antérieure des emprunteurs face à celle résultant du regroupement de crédits. L'appelante précise que ce document comportait au contraire, conformément aux dispositions précitées, un bilan de la situation économique avant et après rachat présenté sous forme de tableau, et qu'en toute hypothèse, l'article L.311-48 ne prévoit pas que le prêteur soit déchu de son droit aux intérêts en cas de non-respect des dispositions de l'article R.313-13 du code de la consommation.
Selon l'article R.313-12 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2012 1159 du 17 octobre 2012, applicable aux opérations de regroupement de crédits dont l'offre est émise à compter du 1er janvier 2013, lorsque l'opération de crédit a pour objet le remboursement d'au moins deux créances antérieures de crédit en cours, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit établit, après dialogue avec l'emprunteur, un document qu'il lui remet afin de garantir sa bonne information, en application de l'article L.313-15 ; que dans le cas d'une opération donnant lieu à la remise de la fiche mentionnée à l'article L.311-6, ce document d'information est remis à l'emprunteur au plus tard en même temps que cette fiche, à laquelle il peut être annexé.'
L'article R.313-13 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2012-609 du 30 avril 2012 applicable aux opérations de regroupement de crédits dont l'offre est émise à compter du 1er janvier 2013 dispose que 'Le document d'information est établi sur un support durable, et comporte, présentées de manière claire et lisible en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit les informations les mentions suivantes : (...)
5°) les éléments permettant à l'emprunteur de procéder à l'évaluation du bilan économique du regroupement envisagé. Ces éléments sont présentés conformément au tableau figurant en annexe au présent article. Si le regroupement se traduit par un allongement de la durée de remboursement ou par une augmentation du coût total du crédit, le prêteur ou l'intermédiaire l'indique à l'emprunteur.'
Selon l'article L.311-48 du code de la consommation, 'le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l'article L. 311-10, ou sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l'article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.
Lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. La même peine est applicable au prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées à l'article L. 311-21 et aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 311-44 ou lorsque les modalités d'utilisation du crédit fixées au premier alinéa de l'article L. 311-17 et au premier alinéa de l'article L. 311-17-1 n'ont pas été respectées. (...)
Le prêteur qui n'a pas respecté les formalités prescrites au dernier alinéa de l'article L. 311-46 et à l'article L. 311-47 ne peut réclamer à l'emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement.'
L'article L.311-48 ci-dessus visés prévoit que le prêteur peut est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge en cas de non-respect des différentes obligations visées par cet article, parmi lesquels ne figurent pas les modalités d'information de l'emprunteur énumérées aux articles R.312-12 et suivants du même code, relatif au regroupement de crédits prévu à l'article L.313-15.
En outre, la cour constate que la société Creatis verse aux débats un document d'information conforme aux dispositions des articles R.313-12 et R.313-13 du code de la consommation et à l'annexe de l'article R.313-13, car il comporte en page 2/2 le bilan économique des emprunteurs avant et après rachat, présenté sous forme de tableau comme prévu à l'annexe, permettant de comparer aisément les caractéristiques financières des crédits énumérés dont le regroupement est envisagé avec les caractéristiques financières du regroupement proposé, et qui mentionne l'allongement de la durée de remboursement (à 108 mois) et le coût total du crédit après regroupement, soit 29 589,09 euros pour une charge mensuel de 218,42 euros (colonne de droite) au lieu de 15 523,41 pour une charge mensuel de 528,77 euros avant regroupement (colonne de gauche).
Dès lors, la société Creatis a respecté son obligations de remettre à l'emprunteur un document propre aux opérations de regroupement de crédits établi le 16 août 2013.
Il résulte de ce qui précède que le premier juge ne pouvait déchoir la société de son droit aux intérêts contractuels. Il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris.
Sur la créance de la société Creatis
En application des articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231-5 du code civil.
Au regard des pièces produites et du décompte de créance arrêté au 23 décembre 2020, la créance de société Créatis s'établit comme suit :
- capital restant dû : 7 384,14 euros,
- intérêts du 21/08/2020 au 23/12/2020 : 37,48 euros,
soit la somme de 7 421,62 euros avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 7 384,14 euros à compter du 24 décembre 2020, à laquelle M. [H] [W] et Mme [F] [Y] seront condamnés solidairement.
Il y a également lieu de les condamner sous la même solidarité à payer à la société Creatis la somme de 615,29 euros au titre de l'indemnité de résiliation de 8 % , augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et déchéance du terme du 21 août 2020.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier méritant d'être adoptés, le jugement déféré est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [H] [W] et Mme [F] [Y], qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Compte tenu de la disparité économique entre les parties, la société Creatis est déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut ;
Infirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne solidairement M. [H] [W] et Mme [F] [Y] à payer à la société Creatis la somme de 7 421,62 euros avec intérêts au taux contractuel sur la somme de 7 384,14 euros à compter du 24 décembre 2020 au titre du solde du contrat de crédit ;
Condamne solidairement M. [H] [W] et Mme [F] [Y] à payer à la société Creatis la somme de 615,29 euros au titre de l'indemnité de résiliation, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 aout 2020 ;
Rejette la demande de la société Creatis formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [H] [W] et Mme [F] [Y] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU