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21/03/2024 | FRANCE | N°21/04768

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 8 section 1, 21 mars 2024, 21/04768


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 21/03/2024





N° de MINUTE : 24/244

N° RG 21/04768 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2OW

Jugement (N° 21/00621) rendu le 12 Août 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Cambrai





APPELANTE



SA Créatis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]



Représentée par Me F

rancis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉS



Monsieur [V] [J]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 9] - de nationalité Française

[Adresse 4]

...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 21/03/2024

N° de MINUTE : 24/244

N° RG 21/04768 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2OW

Jugement (N° 21/00621) rendu le 12 Août 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Cambrai

APPELANTE

SA Créatis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [V] [J]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 9] - de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 05 novembre 2021 par acte remis à domicile

Madame [L] [T]

née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 9] - de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 05 novembre 2021 par acte remis à étude

DÉBATS à l'audience publique du 17 janvier 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Samuel Vitse, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT PAR DÉFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 8 janvier 2024

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 10 mai 2017, M. [V] [J] et Mme [L] [T] ont souscrit auprès de la société Creatis un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 39'100 euros, remboursable en 120 mensualités de 406,17 euros, au taux d'intérêt nominal annuel de 4,55 %.

Des échéances étant impayées, la société Creatis a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit et mis en demeure les emprunteurs de lui régler la somme de 35'942,94 euros, par lettres recommandées avec accusé de réception du 12 janvier 2021.

Par actes d'huissier en date des 2 et 14 avril 2021, la banque a assigné en paiement M. [V] [J] et Mme [L] [T].

Par jugement réputé contradictoire du 12 août 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai a :

- condamné M. [V] [J] et Mme [L] [T] à payer solidairement à la société Creatis la somme de 24'304,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2021,

- dit que la majoration de cinq points prévue à l'article L.313-3 du code monétaire et financier ne s'appliquera pas,

- débouté la société Creatis du surplus de ses demandes,

- condamné M. [V] [J] et Mme [L] [T], in solidum, aux dépens de l'instance,

- rappelé qu'en application de l'article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable depuis le 1er janvier 2020, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

La société Creatis a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour le 8 septembre 2021, sauf en ce qu'il a condamné M. [V] [J] et Mme [L] [T] in solidum aux dépens. La déclaration d'appel a été signifié à M. [V] [J] par acte d'huissier de justice délivré le 5 novembre 2021 à domicile, et à Mme [L] [T] par acte d'huissier de justice délivré à la même date à étude.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 2 décembre 2021, signifiées à M. [V] [J] et Mme [L] [T] par actes d'huissier de justice délivrés le 8 décembre 2021 à étude, la société Creatis demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cambrai du 12 août 2021 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, condamné M. [V] [J] et Mme [L] [T] à payer solidairement à la société Creatis la somme de 24'304,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2021, dit que la majoration de cinq points prévue à l'article L.313-3 du code monétaire et financier ne s'appliquera pas, et débouté la société Creatis du surplus de ses demandes,

statuant à nouveau,

Vu les articles L.312 et suivants du code de la consommation, 1103 et 1104 du code civil, et 9 du code de procédure civile,

- débouter M. [V] [J] et Mme [L] [T] de l'intégralité de leurs prétentions fins et conclusions,

- constater, dire et juger que la société Creatis prend soin de verser aux débats en cause d'appel la copie de la liasse contractuelle intégrale intitulée 'dossier de financement' envoyée le 4 avril 2017 à M. [V] [J] et Mme [L] [T] et que ledit dossier de financement comprend trois exemplaires du contrat de regroupement de crédits, le premier exemplaire figurant aux pages 25/48 à 28/48 devant être renvoyé au prêteur et les deux autres exemplaires destinés à chaque emprunteur figurant page 29/48 à 36/48 du dossier de financement et devant être conservés par les emprunteurs,

- constater, dire et juger que si l'exemplaire du contrat de regroupement de crédits destiné à être renvoyé au prêteur est effectivement dépourvu de bordereau de rétractation, les deux autres exemplaires de ce même contrat de regroupement de crédits destinés quant à eux à chaque emprunteur et devant être conservés par eux comportent incontestablement un bordereau de rétractation,

- constater dire et juger qu'un bordereau de rétractation est bien joint à chaque exemplaire du contrat de regroupement de crédits destiné à chaque emprunteur et devant être conservé par chacun des emprunteurs conformément aux dispositions de l'article L.312-21 du code de la consommation,

- par conséquent, condamner solidairement M. [V] [J] et Mme [L] [T] à payer à la société Creatis la somme en principal de 36'195,82 euros se décomposant de la façon suivante :

- total capital : 31'209,52 euros,

- agios dus : 1 641,38 euros,

- indemnité légale de 8 % : 2 496,76 euros,

- assurance : 848,16 euros,

- intérêts contentieux au taux de 4,55 % l'an courus

et à courir à compter du 12 janvier 2021

jusqu'à complet règlement : mémoire,

- condamner solidairement M. [V] [J] et Mme [L] [T] à payer à la société Creatis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [V] [J] et Mme [L] [T] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel, dont distraction profit de Me Francis Deffrennes, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les intimés n'ont pas constitué avocat, ni conclu.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la société Creatis pour l'exposé de ses moyens.

La clôture de l'affaire a été rendue le 8 janvier 2024.

MOTIFS

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont ceux issus de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 en vigueur à la date de souscription du contrat de crédit le 10 mai 2017.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Pour déchoir la société Creatis de son droit aux intérêts contractuels, le premier juge a relevé que la banque ne produisait aucun élément susceptible de corroborer la clause selon laquelle les emprunteurs reconnaissaient être restés en possession d'un bordereau détachable de rétractation, et qu'elle ne rapportait donc pas la preuve d'avoir satisfait à son obligation visée à l'article L.312-21 du code de la consommation.

L'appelante fait valoir que la preuve de la remise d'une offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation est rapportée par le fait que les emprunteurs ont signé la mention par laquelle ils ont reconnu être restés en possession d'un exemplaire de l'offre dotée de ce formulaire et que le prêteur n'a pas l'obligation de conserver un double du bordereau de rétractation qui ne figure que sur l'exemplaire du prêteur, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposant que le formulaire de rétractation destiné à la seule protection de l'emprunteur figure sur l'exemplaire conservé par le prêteur ; qu'il appartient dès lors à l'emprunteur de rapporter la preuve de l'absence de remise du bordereau de rétractation ou à défaut, de son caractère irrégulier, preuve qu'en l'espèce les emprunteurs ne rapportent pas.

Elle ajoute qu'elle prend soin de produire en cause d'appel la liasse contractuelle intégrale envoyée le 4 avril 2017 à M. [V] [J] et Mme [L] [T], les exemplaires de l'offre destinés aux emprunteur comportant bien un formulaire de rétractation, en sorte que la déchéance du droit aux intérêts ne pouvait être prononcée.

Aux termes de l'article L.312-19 du code de la consommation 'L'emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l'acceptation de l'offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l'article L. 312-28.'

L'article L.312-21 du même code dispose 'Afin de permettre l'exercice du droit de rétractation mentionné à l'article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.'

Selon l'article L.341-4 du code de la consommation 'Le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts'.

Si aucune disposition légale n'impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l'exemplaire de l'offre communiqué à l'emprunteur, il lui incombe cependant de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations contractuelles en application de l'article 1353 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; la signature par l'emprunteur, comme en l'espèce, de l'offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu'il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et appliquée par les juridictions françaises (voir notamment 1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971). Dès lors, c'est à tort que le prêteur soutient que la signature de la clause sus-visée suffirait à établir la preuve de la remise à l'emprunteur d'une offre dotée d'un formulaire de rétractation.

Néanmoins, en l'espèce, la banque verse aux débat la copie du dossier complet de financement adressé le 4 avril 2017 à M. [V] [J] et Mme [L] [T] comportant notamment l'exemplaire de l'offre destinée à être renvoyée au prêteur ne comportant pas de bordereau de rétractation, ainsi que les exemplaire de l'offre à conserver par les emprunteurs comportant le bordereau de rétractation, qui est rédigé conformément au modèle type annexé à l'article R.312-9 du code de la consommation.

Ce document produit par la banque constitue un indice suffisant à corroborer la mention signée par les emprunteurs selon laquelle ils ont reconnu être restés en possession d'un exemplaire de l'offre dotée d'un formulaire détachable de rétractation.

Il convient en conséquence de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déchu la banque de son droit aux intérêts contractuels.

Sur la créance de la banque

En application de l'articles L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil.

Au regard des pièces produites aux débats, notamment du contrat de crédit et du tableau d'amortissement, des lettres de mise en demeure et de déchéance du terme, de l'historique du compte et du décompte de créance arrêté au 18 mars 2021, le jugement est réformé et M. [V] [J] et Mme [L] [T] sont solidairement condamnés à payer à la société Créatis la somme de 33 699,06 euros en principal, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,55 % à compter du 19 mars 2021, au titre du solde du contrat de crédit.

M. [V] [J] et Mme [L] [T] sont également condamnés solidairement à payer à la société Creatis la somme de 2 496,76 euros, augmentée des intérêts légaux à compter de l'exploit introductif d'instance du 14 avril 2021, au titre de l'indemnité légale de résiliation.

Il n'y a pas lieu d'assurer l'effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, puisqu'elle n'a pas été prononcée, et partant, le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il a écarté la majoration de l'intérêt légal prévue par l'article L.313-3 du code monétaire et financier.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] [J] et Mme [L] [T], qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens d'appel conformément aux dispositions du code de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, conformément aux dispositions du code de l'article 699 du code de procédure civile.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par défaut ;

Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau ;

Condamne solidairement M. [V] [J] et Mme [L] [T] à payer à la société Créatis la somme de 33 699,06 euros en principal, augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,55 % à compter du 19 mars 2021, au titre du solde du contrat de crédit ;

Condamne solidairement M. [V] [J] et Mme [L] [T] à payer à la société Creatis la somme de 2 496,76 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 14 avril 2021 au titre de l'indemnité légale de résiliation ;

Dit n'y avoir lieu à écarter la majoration de l'intérêt légal prévue par l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;

Y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [V] [J] et Mme [L] [T] aux dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, conformément aux dispositions du code de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 8 section 1
Numéro d'arrêt : 21/04768
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;21.04768 ?
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