République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 21/03/2024
N° de MINUTE : 24/257
N° RG 21/06103 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T7SM
Jugement rendu le 21 Septembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'Avesnes sur Helpe
APPELANT
Monsieur [F] [W] [Y]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 8] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Virginie Lhussiez, avocat au barreau de Valenciennes avocat constitué aux lieu et place de Me Marie-Béatrice Vanesse, avocat
INTIMÉE
Madame [B] [C]
née le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 7] (Belgique) - de nationalité Belge
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Christel Renoult Marecaux, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 20 Décembre 2023, tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 6 décembre 2023
FAITS ET PROCEDURE
Le 26 octobre 2017, Mme [B] [C] a acquis un immeuble à usage d'habitation situé à [Localité 9], dont le prix a été financé à hauteur de
20 000 euros par M. [F] [Y].
Par acte sous seing privé du 20 décembre 2017, Mme [C] s'est engagée à rembourser cette somme, une telle obligation étant assortie d'une double condition suspensive.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 juillet 2020, M. [Y] a mis en demeure Mme [C] de rembourser la somme de 20 000 euros.
Par acte du 27 août 2020, M. [Y] a assigné Mme [C] devant le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe aux fins principalement de voir dire que la condition suspensive figurant dans la reconnaissance de dette du 20 décembre 2017 est réputée accomplie, de voir condamner Mme [C] à lui payer la somme de
20 000 euros au titre de son engagement et celle de 3 000 euros pour résistance abusive.
Par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe a débouté M. [Y] de ses demandes, dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure et laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par déclaration du 7 décembre 2021, M. [Y] a relevé appel de ce jugement et sollicité son annulation, outre la condamnation de Mme [C] au remboursement de la somme de 20 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises le 18 février 2023, M. [Y] demande à la cour d'annuler le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de déclarer nulle la condition purement potestative insérée dans la reconnaissance de dette du 20 décembre 2017, de condamner Mme [C] à lui payer la somme de 20 000 euros en application de ladite reconnaissance de dette avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2019 outre la capitalisation des intérêts, de condamner la même à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ainsi que celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans ses conclusions remises le 25 mai 2022, Mme [C] demande à la cour de rejeter la demande d'annulation du jugement entrepris, de débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christel Renoult, avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 6 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en nullité du jugement entrepris
L'article 455, alinéa 1, du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé, étant rappelé que, selon une jurisprudence constante, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs.
Selon l'article 458 du même code, ce qui est prescrit par le premier alinéa de l'article 455 doit être observé à peine de nullité.
Il résulte enfin de l'article 768, alinéa 2, du même code, applicable devant le tribunal judiciaire, que les conclusions comprennent un dispositif récapitulant les prétentions, le tribunal ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examinant les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, M. [Y] invoque la nullité du jugement entrepris, au motif que les premiers juges n'auraient pas répondu à ses écritures du 18 mars 2021 soutenant que la reconnaissance de dette litigieuse était assortie d'une condition sous la dépendance d'un événement au seul pouvoir du débiteur, autrement dit d'une condition purement potestative.
Il apparaît toutefois que, dans le dispositif de ses écritures, M. [Y] demandait au tribunal de Dire que l'accord conclu le 20 décembre 2017 entre les parties est une reconnaissance de dette assortie d'une condition simplement potestative (souligné par la cour).
Il s'ensuit que, n'ayant pas été formellement saisi d'une prétention tendant à voir constater l'existence d'une condition purement potestative, le tribunal n'avait pas à répondre au moyen soutenant l'existence d'une telle condition.
La nullité du jugement entrepris n'est donc pas encourue.
Sur la demande en paiement fondée sur la reconnaissance de dette
A titre liminaire, il convient de formuler une double observation :
- en cause d'appel, M. [Y] ne soutient plus la réalisation des conditions suspensives litigieuses, mais demande à la cour de constater leur caractère purement potestatif ;
- si une telle demande s'avère nouvelle comme n'ayant pas été formée devant les premiers juges, ainsi qu'il a été dit précédemment, elle apparaît néanmoins recevable en application de l'article 565 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle en exécution de la reconnaissance de dette, qui leur a pour sa part été soumise.
Sous le bénéfice de cette double observation, il convient de rappeler qu'il résulte de l'article 1304 du code civil que l'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain, la condition étant suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et
simple.
Selon l'article 1304-2 du même code, est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.
En l'espèce, la reconnaissance de dette souscrite par Mme [C] est rédigée comme suit :
Madame [B] [C] s'engage à rembourser à Monsieur [F] [Y] la somme de 20 000 euros (sans intérêts) selon les modalités ci-après détaillées :
- soit en totalité le jour de la revente de l'immeuble sis à à [Localité 9], [Adresse 3] ;
- soit en totalité ou par versements mensuels de 300 euros (sans intérêts) en cas de PACS, de concubinage ou de remariage de Madame [B] [C].
L'engagement de rembourser la somme litigieuse est assorti de modalités qui s'analysent en des conditions suspensives.
M. [Y] soutient que de telles conditions présentent un caractère purement potestatif en ce qu'elles dépendraient de la seule volonté de Mme [C], ce que celle-ci conteste en arguant de leur caractère mixte et donc simplement potestatif.
S'il est exact que la réalisation de l'événement (vente de l'immeuble, nouvelle union) dépend partiellement de la volonté d'un tiers (candidat acquéreur, nouveau compagnon), le fait générateur d'un tel événement, soit la décision de vendre ou de s'engager dans une nouvelle union, dépend pour sa part de la seule volonté de Mme [C].
Etant soumises au pouvoir discrétionnaire du débiteur, les conditions suspensives qui assortissent l'obligation litigieuse présentent donc un caractère purement potestatif, comme le soutient à juste titre M. [Y].
C'est en revanche à tort que celui-ci déduit du caractère purement potestatif des conditions suspensives l'obligation pour Mme [C] d'exécuter sa reconnaissance de dette.
En effet, il est constant que ce n'est pas la condition potestative stipulée au profit du débiteur qui est nulle, mais l'obligation contractée par celui-ci sous une telle condition (Com., 9 décembre 1980, pourvoi n° 79-11.550, publié ; 3e Civ., 7 juin 1983, pourvoi n° 82-10.281, publié ; 3e Civ., 2 mars 2004, pourvoi n° 02-20.203, inédit ; 3e Civ., 19 octobre 2023, pourvoi n° 22-10.740, inédit).
Il s'ensuit que Mme [C] ne saurait être condamnée à payer à M. [Y] la somme de 20 000 euros en application de la reconnaissance de dette, comme le demande l'appelant dans le dispositif de ses écritures (p. 9).
En l'état des prétentions émises, le jugement entrepris ne peut qu'être confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
La demande en paiement de M. [Y] au titre du prêt n'étant pas accueillie, celui-ci ne peut qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'issue du litige justifie que soient confirmés les chefs du jugement relatifs aux dépens et frais irrépétibles et que M. [Y] soit condamné aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Christel Renoult, avocat. L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Rejette la demande d'annulation de la décision entreprise ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles d'appel ;
Condamne M. [F] [Y] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Christel Renoult, avocat.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU