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29/03/2024 | FRANCE | N°22/00518

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 2, 29 mars 2024, 22/00518


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 334/24



N° RG 22/00518 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGYH



CV/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

09 Mars 2022

(RG 20/00152 -section 2)







































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GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [E] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.S.U. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SAN...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 334/24

N° RG 22/00518 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGYH

CV/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOURCOING

en date du

09 Mars 2022

(RG 20/00152 -section 2)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [E] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S.U. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier IDZIEJCZAK, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Février 2024

Tenue par Clotilde VANHOVE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

Clotilde VANHOVE

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Serge LAWECKI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 janvier 2024

EXPOSE DU LITIGE

Mme [V] a été embauchée par la société HPM selon contrat à durée indéterminée à effet au 7 mai 1991 en qualité d'agent de service hospitalier. Elle était affectée au service de nettoyage du site de la clinique du [5] à [Localité 7].

La convention collective applicable est la convention collective des entreprises de propreté.

Mme [V] bénéficie de la qualité de travailleur handicapé depuis le 17 septembre 1996.

A compter du 1er juillet 2012, la société Elior services propreté et santé a repris les prestations de nettoyage du site de la clinique du [5] et le contrat de travail de Mme [V] a été transféré à la société Elior services propreté et santé, avec reprise de son ancienneté.

A compter de mai 2013, Mme [V] assurait l'accompagnement des patients en radiologie.

Ce poste a été supprimé à compter du 1er juillet 2019 en raison de l'arrêt par la clinique de l'externalisation de cette prestation.

Mme [V] s'est trouvée en arrêt maladie à compter du 4 juillet 2019 et, dans le cadre de la visite de reprise, a été déclarée inapte à son poste de travail.

Le 12 septembre 2019, Mme [V] a été licenciée pour inaptitude.

Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing afin de voir annuler son licenciement pour discrimination et d'indemniser ses préjudices.

Par jugement contradictoire du 9 mars 2022, cette juridiction a':

-dit que le licenciement de Mme [V] n'est pas un licenciement nul,

-dit que c'est un licenciement pour cause réelle et sérieuse,

-condamné Mme [V] à payer à la société Elior services propreté et santé la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

-condamné Mme [V] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 6 avril 2022, Mme [V] a relevé appel de cette décision, tendant à sa réformation en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 9 octobre 2023, Mme [V] demande à la cour de':

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

. à titre principal':

-dire et juger que son licenciement est nul pour cause de discrimination fondée sur le handicap,

en conséquence,

-condamner la société Elior services propreté et santé à lui payer la somme de 60'000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

-condamner la société Elior services propreté et santé à lui payer la somme de 15'000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice distinct lié à la discrimination,

. à titre subsidiaire':

-dire et juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

-dire et juger que la société Elior services propreté et santé a violé son obligation de sécurité à son égard,

-dire et juger que la société Elior services propreté et santé a manqué à son obligation de reclassement,

en conséquence,

-condamner la société Elior services propreté et santé à lui payer la somme de 31'261 euros pour cause de licenciement sans cause réelle et sérieuse (19,5 mois de salaire),

-condamner la société Elior services propreté et santé à lui payer la somme de 10'000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité ayant conduit à l'inaptitude,

-condamner la société Elior services propreté et santé à lui payer la somme de 5'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de formation,

. en tout état de cause,

-condamner la société Elior services propreté et santé au paiement de la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-dire qu'en application de l'article 1153-1 du code civil, les sommes dues porteront intérêts à compter du jour de la demande,

-constater que Mme [V] demande la capitalisation des intérêts par voie judiciaire,

-dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière,

-condamner la société Elior services propreté et santé aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 22 décembre 2023, la société Elior services propreté et santé demande à la cour de':

-confirmer le jugement,

-débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-condamner Mme [V] à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais et dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2024.

MOTIVATION':

1) Sur la demande de nullité du licenciement en raison de son caractère discriminatoire

Aux termes des dispositions de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L.1132-4 du même code ajoute que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

En application de l'article L.1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison de la méconnaissance des dispositions susvisées, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Enfin, l'article L.5213-6 du même code prévoit qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs reconnus handicapés d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en 'uvre ne soient pas disproportionnées. Le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L.1133-3.

Il convient en premier lieu de préciser qu'il n'est pas contesté par la société Elior services propreté et santé qu'elle avait connaissance de la reconnaissance de Mme [V] en tant que travailleur handicapé.

Pour se prévaloir de la nullité de son licenciement en raison du caractère discriminatoire de la rupture de son contrat de travail, Mme [V] allègue les faits suivants':

-elle fait valoir en premier lieu qu'elle est reconnue travailleur handicapé depuis le 17 septembre 1996, que cette situation était parfaitement connue de son employeur mais qu'il n'a pour autant jamais tenu compte des restrictions d'activité préconisées par le médecin du travail justifiées par son état de santé et son handicap. Elle précise que son employeur ne justifie d'aucune recherche d'aménagement de poste et n'a jamais sollicité l'accompagnement de structures spécialisées en vue de définir un cadre de travail ergonomique en lien avec ses capacités séquellaires,

-en second lieu, elle invoque la carence de l'employeur dans le cadre de la recherche de reclassement et précise qu'il n'a pas cherché à lui proposer une formation, au besoin qualifiante, en vue de pourvoir un emploi au sein de l'entreprise.

Il résulte des pièces produites que Mme [V] à compter de mai 2013 occupait un poste consistant dans l'accompagnement des patients de la clinique en radiologie. Les différents avis du médecin du travail de 2012 à 2019 font tous état de l'aptitude de Mme [V] à ce poste de travail, respectant les restrictions préconisées par le médecin du travail. Mme [V] ne peut donc aucunement soutenir que lorsqu'elle exerçait ce poste, son employeur n'a jamais tenu compte des restrictions imposées par le médecin du travail ou qu'il n'a pas sollicité l'accompagnement de structures spécialisées pour lui définir un cadre de travail adapté à ses capacités. D'ailleurs, le médecin du travail lorsqu'il était consulté par l'employeur dans le cadre de la suppression du poste occupé par Mme [V], indiquait dans son courriel du 19 juin 2019 regretter la suppression du poste qu'occupait Mme [V], «'c'est une très mauvaise nouvelle pour l'intéressée, dont nous connaissons tous, l'altération de l'état de santé qui avait depuis toujours nécessité l'affectation des conditions spécifiques et aménagées en matière de poste de travail'». Cet élément confirme que lorsque Mme [V] exerçait ce poste, la société Elior services propreté et santé avait parfaitement pris les mesures appropriées pour lui permettre de conserver son emploi, contrairement à ce soutient Mme [V].

Il est ensuite établi qu'à compter du 1er juillet 2019, le poste qu'occupait Mme [V] au sein la société Elior services propreté et santé a été supprimé en raison de la décision de la clinique de ne plus externaliser les prestations d'accompagnement des patients. Cette décision n'est pas imputable à la société Elior services propreté et santé à qui il ne peut en conséquence en être fait grief.

Le nouveau poste auquel a été affectée Mme [V] à compter du 1er juillet 2019 consistait au sein de la clinique du sport à effectuer les missions suivantes': dépoussiérage des couloirs, passage de l'autolaveuse autoportée dans les couloirs de la clinique le matin et aide au bionettoyage des chambres et annexes de tous les services l'après-midi de 14 heures à 17 heures.

Il apparaît que la société Elior services propreté et santé a sollicité le 17 juin 2019 le médecin du travail pour obtenir son avis sur la compatibilité de ce poste auquel elle envisageait d'affecter Mme [V] avec l'état de santé de celle-ci. Par courriel du 19 juin 2019, le médecin du travail répondait «'passant régulièrement en vos locaux, je pense connaître les activités que vous lui proposez à savoir bionettoyage des chambres et autolaveuse qui toutes les deux ne sont pas les plus adaptées. [...]concernant le bionettoyage la réalisation de journées complètes risque d'être bien difficile, je m'en étais déjà exprimé'; mais puisqu'il ne semble pas y avoir d'autres solutions, et compte tenu de la volonté exprimée de la salariée de continuer à travailler, ce sera donc cette solution que je m'autoriserai à ne pas interdire, sous couvert d'un rythme raisonnable de travail, à temps complet... initialement'; temps de travail qui pourrait être avec de très fortes probabilités à durablement amender (mise en place d'un temps partiel) en cas de difficultés probables d'intolérance. Quoiqu'il en soit et notamment sur une activité de bionettoyage à temps complet, même à un rythme raisonnable, il me sera nécessaire de revoir l'intéressée au bout de deux mois et ce pour faire le point. Évidemment un reclassement vers un poste plus administratif constituerait la meilleure solution, ce que sollicite [E] [V]. Je ne sais si vous en avez le besoin'».

Il ressort donc de ces éléments que l'employeur, avant d'affecter Mme [V] sur un nouveau poste, a sollicité le médecin du travail sur sa compatibilité avec l'état de santé de la salariée, et que celui-ci, s'il a relevé des difficultés pouvant survenir et nécessitant une surveillance de sa part, n'a pas indiqué que le poste envisagé n'était pas compatible avec la situation de Mme [V]. Il ne saurait donc à cet égard non plus être reproché à la société Elior services propreté et santé de n'avoir pas pris les mesures appropriées pour permettre à Mme [V] de conserver son emploi compte tenu de sa situation de handicap.

Mme [V] s'est trouvée en arrêt de travail le 4 juillet 2019, quelques jours après avoir commencé son nouveau poste, et le 26 juillet 2019 le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste en ces termes «'l'inaptitude à la reprise du poste de travail actuel étant à considérer durable et définitive au poste d'agent de service hospitalier tel que défini par Elior (bionettoyage). Cette décision est corroborée par les différents examens de pré-reprise et notamment celui du 08/7/2019, ainsi que les multiples échanges et études de postes effectués. L'appréciation des capacités résiduelles chez la salariée dont l'état clinique est compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle, permet de proposer en matière de reclassement que l'intéressée soit orientée vers une activité à moindre contrainte articulaire au niveau des membres supérieurs, tant en matière d'efforts physiques que de rythme de travail. Une activité de type utilisation autolaveuse autoportée avec nettoyage au sein des bureaux pourrait être compatible avec l'état de santé de l'intéressée, tout comme le serait toute activité physique allégée'».

Compte tenu de cet avis d'inaptitude et conformément aux dispositions de l'article L.1226-2 du code du travail, la société Elior services propreté et santé était tenue de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant. L'emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En outre, lorsqu'un travailleur handicapé est déclaré inapte, l'exigence générale de recherche d'un reclassement doit être combinée à l'obligation spécifique au travailleur handicapé d'adaptation du poste de travail posée par l'article L. 5123-6 précité. L'employeur doit prendre les mesures appropriées pour permettre au salarié handicapé de conserver son emploi. A défaut le licenciement est nul en tant que constitutif d'une discrimination fondée sur le handicap.

Suite à l'avis d'inaptitude et après avoir effectué les démarches nécessitées par la situation, la société Elior services propreté et santé adressait le 16 août 2019 un courrier à Mme [V] pour lui proposer un reclassement, compte tenu des recommandations du médecin du travail. Ce courrier contenait deux propositions précises et ensuite une liste des postes disponibles au sein du groupe Elior, reprenant dans un tableau l'intitulé du poste, l'entité de rattachement, le département, la ville, le statut, le type de contrat, le niveau d'études et la précision de ce qu'il s'agissait d'un temps partiel ou complet.

Il doit être précisé que les dispositions de l'article L.5123-6 n'imposent pas à l'employeur de proposer obligatoirement un aménagement du poste actuellement dévolu au salarié mais supposent que soient prises les mesures appropriées pour que celui-ci puisse conserver son emploi au sein de l'entreprise.

En l'espèce, la cour constate que la première proposition faite par la société Elior services propreté et santé, à savoir un poste d'agent de service au sein de la clinique du sport avec pour mission le dépoussiérage des couloirs, le passage de l'autolaveuse autoportée dans les couloirs de la clinique et l'aide au bionettoyage des chambres et annexes de tous les services correspond exactement au poste auquel a été affectée Mme [V] à compter du 1er juillet 2019 et pour lequel elle a été déclarée inapte par le médecin du travail, il ne peut donc en conséquence s'agir d'une proposition sérieuse et loyale de reclassement.

Compte tenu du fait que le bionettoyage des chambres était considéré par le médecin du travail comme incompatible avec l'état de santé de Mme [V], un aménagement de son poste n'apparaissait pas envisageable.

En revanche, la deuxième proposition en tant qu'employé polyvalent de restauration au sein de la gare [Localité 6] Europe dans le point de vente Factory &Co, tel que le poste est détaillé dans la proposition, apparaît comme une proposition sérieuse et loyale de reclassement compatible avec les restrictions indiquées par le médecin du travail et appropriée à ses capacités.

Les missions du poste sont ainsi décrites': accueillir et prendre en charge le client-consommateur, orienter et conseiller le client dans son choix en vue de le satisfaire, faire des propositions au client en vue de compléter son repas et d'augmenter les ventes, dresser les commandes dans le respect des normes de services, réaliser l'encaissement, vérifier la conformité des produits utilisés et des DLC, préparer l'ensemble des produits par assemblage (préparations froides, chaudes, desserts, sandwiches) en fonction de la fiche technique et des normes de production, procéder à la présentation de la production et compter les produits dans le cadre de l'inventaire mensuel. Il ne résulte aucunement de ces missions qu'y figure le port de caisses, contrairement à ce que soutient Mme [V].

Un tel poste répond manifestement aux préconisations du médecin du travail qui retient la nécessité d'une activité à moins contrainte articulaire au niveau des membres supérieurs, tant en matière d'efforts physique que de rythme de travail et la nécessité d'une activité physique allégée à la différence d'un poste d'agent d'entretien. Il ne contre-indique aucunement la position debout contrairement à ce que soutient Mme [V].

En outre, Mme [V] ne peut reprocher à la société Elior services propreté et santé le caractère non concret de la liste de postes disponibles au sein du groupe, compte tenu des informations reprises dans le tableau qui était joint à la proposition de reclassement.

Mme [V] ne conteste pas ne pas avoir répondu à ce courrier et à ces propositions de reclassement.

Dès lors que la société Elior services propreté et santé a proposé à Mme [V] plusieurs emplois dans les conditions de l'article L.1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail, l'obligation de reclassement est réputée satisfaite et il ne saurait être considéré que la société Elior services propreté et santé n'a pas pris les mesures appropriées prévues par l'article L.5213-6 précité pour permettre à Mme [V], travailleur handicapé, de conserver un emploi.

Il résulte de ces éléments que Mme [V] ne démontre pas la matérialité des faits qu'elle allègue pour dénoncer une discrimination de la part de son employeur dans le licenciement dont elle a fait l'objet.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande d'annulation de son licenciement et de ses demandes subséquentes ainsi que de sa demande indemnitaire pour discrimination.

2) Sur la demande tirée du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude de Mme [V]

Mme [V] se prévaut de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude et de la violation par l'employeur de son obligation de reclassement.

-Sur le manquement à l'obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude

Le licenciement pour inaptitude est en effet dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée, et notamment en cas de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Il résulte des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés dans l'optique d'éviter les risques, d'évaluer ceux qui ne peuvent pas être évités, de combattre les risques à la source, d'adapter le travail, de tenir compte de l'état d'évolution de la technique, de remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l'est pas ou ce qui l'est moins, de planifier la prévention, de prendre des mesures de protection collective et de donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Il est constant que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

Mme [V] invoque comme manquement de la société Elior services propreté et santé à son obligation de sécurité à l'origine de son inaptitude le fait pour celle-ci de ne pas avoir respecté les préconisations du médecin du travail au cours de la relation de travail.

La société Elior services propreté et santé démontre avoir organisé de nombreuses visites médicales de prévention':

-la fiche d'aptitude médicale dans le cadre de la visite de reprise du 26 janvier 2012 conclut «'pas de contre-indication d'ordre médical à reprise du travail. Apte à l'emploi actuel'»,

-la fiche d'aptitude médicale dans le cadre de la visite périodique du 12 janvier 2015 conclut «'pas de contre-indication d'ordre médical à poursuite de l'activité professionnelle actuelle . Apte à l'emploi actuel tel que défini en étude de poste et validé auprès des parties'»,

-la fiche d'aptitude médicale dans le cadre de la visite périodique du 11 janvier 2016 conclut «'apte à l'emploi actuel permettant comme précédemment notifié de pouvoir être dispensée d'efforts physiques lourds de type port de charges. Par ailleurs se doit de pouvoir rester ménagée en matière de rythme de travail'»,

-la fiche d'aptitude médicale dans le cadre de la visite périodique du 30 janvier 2017 conclut «'apte à l'emploi actuel en tant qu'agent de service hospitalier comme précédemment notifié, se doit de pouvoir rester ménagée voire dispensée en matière d'efforts physiques lourds de type port de charges mais également en matière de rythme de travail'»,

-l'avis d'aptitude du 10 janvier 2019 conclut «'apte à l'emploi actuel tel que précédemment défini en étude de poste. Si l'examen de ce jour autorise poursuite de l'activité professionnelle telle que précédemment définie et mise en place, il impose le maintien de préconisations permettant que l'intéressée puisse rester ménagée en matière d'efforts physiques (port de charges et rythme de travail). A ce titre si l'activité de type accompagnement en radiologie reste adaptée, celle consistant en de l'entretien des chambres se doit d'être limitée en fréquence. De ce fait une journée de travail constituée exclusivement d'activité d'entretien est donc à considérer comme inadaptée à l'état de santé et donc à contre-indiquer'».

Il résulte de ces éléments que Mme [V] bénéficiait d'un suivi renforcé par le médecin du travail et que des visites périodiques étaient régulièrement organisées. Il en résulte que le poste d'accompagnement des patients en radiologie sur lequel était positionnée Mme [V] depuis 2013 était adapté à son état de santé. La société Elior services propreté et santé soulève d'ailleurs pertinemment que dans son courriel daté du 19 juin 2019, le médecin du travail indique regretter la suppression de ce poste, qui est une très mauvaise nouvelle pour Mme [V] compte tenu de l'altération de son état de santé qui a nécessité depuis toujours son affectation à des conditions spécifiques et aménagées en matière de poste de travail.

La société Elior services propreté et santé démontre ainsi avoir parfaitement respecté les préconisations du médecin du travail dans le cadre du poste sur lequel était affectée Mme [V] jusqu'au 31 juin 2019.

Il n'est aucunement démontré que le certificat établi par le médecin traitant de Mme [V] le 17 juin 2019 indiquant que son état de santé nécessite d'envisager une évolution de son poste afin de limiter les efforts physiques ait été porté à la connaissance de l'employeur.

S'agissant de la suite du contrat de travail, ainsi qu'il l'a été précédemment repris, le médecin du travail a été consulté par la société Elior services propreté et santé avant d'affecter Mme [V] sur un nouveau poste. Celui-ci avait dans son courriel du 17 juin 2019 autorisé l'affectation de Mme [V] sur le poste envisagé, en préconisant néanmoins une visite rapide après la prise de poste, pour évaluer les possibles difficultés pouvant survenir. La société Elior services propreté et santé démontre en conséquence là encore avoir respecté les préconisations du médecin du travail.

Enfin, ainsi qu'il l'a précédemment été évoqué également, la deuxième proposition de poste faite à Mme [V] dans le cadre de son reclassement était compatible avec les préconisations du médecin du travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne peut être retenu.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande tendant à ce que le licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse pour ce motif et de sa demande de dommages et intérêts pour ce même motif.

-Sur la violation de l'obligation de reclassement

Lorsque l'employeur ne respecte pas son obligation de reclassement, le licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse.

Il a en l'espèce été précédemment retenu que la société Elior services propreté et santé avait fait à Mme [V] une proposition de reclassement sérieuse et loyale tenant compte des propositions du médecin du travail. L'employeur n'était pas tenu de proposer un aménagement du poste de Mme [V], alors même qu'il résultait de l'avis d'inaptitude qu'une partie des missions figurant dans ce poste n'étaient pas compatibles avec l'état de santé de la salariée, les missions de bionettoyage des chambres qui occupaient la moitié de la journée de travail de la salariée et qui font partie intégrante du travail d'un agent d'entretien hospitalier.

En l'absence de manquement établi de l'employeur à son obligation de reclassement, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande tendant à ce que le licenciement soit dit sans cause réelle et sérieuse pour ce motif.

3) Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation

Mme [V] sollicite la condamnation de la société Elior services propreté et santé à lui payer la somme de 5'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice découlant du manquement de l'employeur à son obligation de formation.

La cour constate cependant que Mme [V] n'évoque aucunement dans ses conclusions le préjudice qu'elle prétend avoir subi de ce fait. En l'absence de toute démonstration de l'existence et de l'étendue d'un préjudice, le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

4) Sur les prétentions annexes

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [V], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel. En équité, les parties seront déboutées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS ':

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions';

Y ajoutant,

Condamne Mme [V] aux dépens d'appel';

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Serge LAWECKI

LE PRÉSIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 2
Numéro d'arrêt : 22/00518
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.00518 ?
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