La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/03/2024 | FRANCE | N°22/00611

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale e salle 4, 29 mars 2024, 22/00611


ARRÊT DU

29 Mars 2024







N° 276/24



N° RG 22/00611 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHSW



PL/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

18 Mars 2022

(RG F18/01080 -section 4)








































<

br>

GROSSE :



aux avocats



le 29 Mars 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-



APPELANTS :

Mme [V] [J]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Mme [U] [J] épouse [M]

[Adresse 4]

[Localité 6]

M. [W] [C] [J]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Mme [I] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

es...

ARRÊT DU

29 Mars 2024

N° 276/24

N° RG 22/00611 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UHSW

PL/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

18 Mars 2022

(RG F18/01080 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 29 Mars 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTS :

Mme [V] [J]

[Adresse 9]

[Localité 7]

Mme [U] [J] épouse [M]

[Adresse 4]

[Localité 6]

M. [W] [C] [J]

[Adresse 3]

[Localité 8]

Mme [I] [J]

[Adresse 1]

[Localité 5]

es qualité d'ayants droit de M. [F] [J]

représentés par Me Sanjay NAVY, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S.U. BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ (B.E.C.S.)

[Adresse 2]

[Localité 10] / FRANCE

représentée par Me Karen AZRAN, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 31 Janvier 2024

Tenue par Philippe LABREGERE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Serge LAWECKI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe LABREGERE

: MAGISTRAT HONORAIRE

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mars 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Philippe LABREGERE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 30 janvier 2024

EXPOSE DES FAITS

[F] [J] a été embauché à compter du 4 octobre 2007 par la société BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ (BECS) en qualité de coordonnateur SPS niveau 1, Responsable territorial sur la région Nord-Pas-de-Calais, avec le statut de Cadre, position 3.1, coefficient hiérarchique 170 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

A la date de son licenciement, il occupait le poste de Directeur régional, statut cadre, position 3.1, coefficient 170. L'entreprise employait de façon habituelle au moins onze salariés.

Il a été placé en arrêt de travail pour maladie du 9 au 20 octobre 2017 puis de manière continue à compter du 16 novembre 2017. Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 octobre 2018 à un entretien le 5 novembre 2018 en vue d'un éventuel licenciement.

Par requête reçue le 30 octobre 2018, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de faire prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, et d'obtenir le versement de rappels de salaire au titre du salaire conventionnel minimum, d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour les manquements de son employeur à son obligation de sécurité de résultat.

A l'issue de l'entretien qui s'est tenu à la date fixée, son licenciement pour motif économique a été notifié à [F] [J] par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 novembre 2018. Le motif économique invoqué consiste en une suppression de son poste de Directeur régional justifiée par la nécessaire réorganisation liée au besoin d'adaptation du réseau au marché afin de sauvegarder la compétitive de l'entreprise et prévenir des difficultés économiques.

 

Par jugement en date du 18 mars 2022, le conseil de prud'hommes l'a débouté de sa demande dans son entier et l'a condamné à verser à la société 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 avril 2022, [F] [J] a interjeté appel de ce jugement.

La procédure a été clôturée par ordonnance et l'audience des plaidoiries a été fixée au 31 janvier 2024.

 

Selon leurs conclusions récapitulatives et en réplique reçues au greffe de la cour le 17 janvier 2024, [V] [K], veuve [J], [A] [J] épouse [M], [W] [C] [Y], et [I] [J] ayants droit de [F] [J] décédé le 25 août 2022, appelants, sollicitent de la cour l'infirmation du jugement entrepris, la prescription de la demande reconventionnelle au titre du remboursement de JRTT et des majorations de salaire indus sur le fondement de la répétition de l'indu et la condamnation de la société à leur verser :

-44661,92 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires

-4466,19 euros à titre de rappel de salaire titre des congés y afférents

-17628,36 euros à titre de rappel de salaire au titre du repos compensateur

-1762.83 euros à titre de rappel de salaire au titre des congés y afférents

-5516,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans respect de la procédure

-57919,05 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-2090,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-209,10 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

à titre subsidiaire,

-68519,30 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'article L3121-61 du code du travail

-5516,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans respect de la procédure

-57919,05 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-2.090,96 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-209,10 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

en toutes hypothèses,

-3634,60 euros à titre de rappel de salaire au titre de la régularisation de la qualification conventionnelle

-15000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat

-3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la remise, sous astreinte provisoire de 10 euros par jour de retard, des documents de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés.

Les appelants exposent que depuis le mois de juin 2014 et jusqu'à la fin de son contrat de travail, [F] [J] a exercé les fonctions de Directeur régional, sans que sa position et son coefficient aient fait l'objet de la moindre modification, qu'il s'agissait d'un poste à très haute responsabilité, qu'il était chargé des agences de [Localité 12], [Localité 14], [Localité 11], [Localité 15] et [Localité 16], que le fait de gérer et de diriger différents établissements implantés sur une large partie du territoire métropolitain excède les limites de la position 3.1, que les tâches qu'il effectuait, définies par la société dans la fiche de poste de Directeur régional établie a posteriori, relèvent d'un positionnement 3.3, que le rappel de salaire correspondant aux minima prévus par la convention collective est justifié, que la lettre de mise en demeure datée du 15 mai 2018 par laquelle le salarié sollicitait le paiement de rappels de salaire conformément à un positionnement 3.3 permet de fixer la date à laquelle il a eu connaissance de ses droits, que les appelants sont donc en droit de solliciter un rappel de salaires sur les trois années précédant le 15 mai 2018, soit depuis le 15 mai 2015, que les primes exceptionnelles et la prime de vacances versées n'ont pas à être prises en compte dans le calcul du salaire brut minimum conformément à l'article 32 de la convention collective, que la convention de forfait prévue à l'article 4 du contrat de travail est inopposable, que l'employeur n'a pas respecté par les clauses de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés, que les appelants justifient de l'ensemble des jours travaillés et heures supplémentaires accomplies sur les trois dernières années, conduisant en 2016 à 268 heures supplémentaires et en 2017 à 484 heures supplémentaires mises en évidence par les décomptes et les tableaux produits, que les heures de déplacement sur les chantiers doivent être prises en compte pour le calcul du temps de travail effectif, que du fait du dépassement du contingent d'heures supplémentaires, la société est redevable d'un rappel de salaires au titre des repos compensateurs, que les appelants démontrent que [F] [J] a perçu une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui étaient imposées et que cette circonstance lui a causé un préjudice, que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, que le syndrome d'épuisement professionnel dont était atteint [F] [J] a été constaté par trois médecins différents, que la société ne démontre pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer sa santé et sa sécurité, que la résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée par l'épuisement professionnel subi, l'absence de versement du salaire minimum conventionnel auquel le défunt avait droit, la réalisation d'un très grand nombre d'heures supplémentaires en méconnaissance du contingent maximum légal, que [F] [J] a particulièrement souffert de sa situation professionnelle et de l'absence de prise en compte par son employeur de ses difficultés jusqu'à son arrêt de travail, qu'après son licenciement, il n'a pu retrouver un emploi et compte-tenu de son âge, il n'a pu s'inscrire auprès de Pôle emploi et a dû faire valoir ses droits à la retraite, plus tôt qu'il ne l'aurait souhaité et pour une pension plus faible que s'il avait pu cotiser plus longtemps, que l'indemnité compensatrice de préavis versée a été calculée sur la base d'un salaire de référence erroné, que son employeur ne pouvait formuler de proposition de reclassement qu'à l'issue de la visite de reprise, que de ce fait, la société n'a pas pu présenter des offres de reclassement utiles et remplir ses obligations légales, que les offres présentées ne respectaient pas les dispositions de l'article D1233-2-1 du code du travail, que le licenciement de [F] [J] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues au greffe de la cour le 29 janvier 2024, la société BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ intimée sollicite de la cour la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, la déduction du montant alloué au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents de 36519,02 euros et de 3651,90 euros au titre des congés payés y afférents, la fixation du salaire mensuel de référence de [F] [J] à la somme de 5365,08 euros bruts, et la condamnation des appelants à lui verser 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée soutient, sur le salaire de référence, qu'il doit être fixé en fonction des douze ou trois derniers mois précédant l'arrêt de travail, que cette dernière méthode étant la moins favorable, la moyenne des douze derniers mois a vocation à s'appliquer, soit la somme de 5365,08 euros bruts, sur la demande de résiliation judiciaire, que les motifs invoqués, à savoir les défauts de versement du salaire minimum conventionnel correspondant à un positionnement au 3.1 et de paiement des heures supplémentaires qui n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, sont insuffisants pour la motiver, que le défunt a toujours perçu une rémunération brute de base supérieure à la fois au minimum conventionnel correspondant au positionnement conventionnel 3.1, coefficient hiérarchique 170 qu'à celui applicable au positionnement conventionnel 3.2, coefficient hiérarchique 210, que l'autre directeur régional bénéficiait de ce dernier positionnement, que toutefois, il pouvait se prévaloir d'une expérience professionnelle beaucoup plus importante au sein de la société, qu'il avait en outre assuré provisoirement la direction de l'entreprise après le décès de son dirigeant pendant dix mois, que le positionnement conventionnel 3.3, coefficient hiérarchique 270 revendiqué par les appelants correspond à celui le plus élevé de la classification des ingénieurs et cadres, que ne sont pas démontrées les conditions cumulatives prévues par l'annexe II de la convention collective pour en bénéficier, que [F] [J] n'a jamais assuré une responsabilité complète et permanente qui revenait au Gérant jusqu'à son décès et par la suite au Directeur Général et au Président de la société, que ses responsabilités relevaient bien d'un positionnement conventionnel 3.1, coefficient 170, que la demande de rappel de salaire pour l'année 2015 est atteinte par la prescription, que les appelants ne prennent pas en considération dans le calcul de la rémunération brute, les primes exceptionnelles, de vacances, l'avantage en nature au titre du véhicule et les divers rappels de salaire réglés par la société, que le quantum sollicité n'est pas fondé, sur la demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, que [F] [J] était soumis à une convention de forfait jours de 218 jours par an, qu'il ne fournit aucun élément précis venant étayer sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, qu'il n'a jamais rien réclamé à ce titre à son employeur pendant l'exécution de son contrat de travail, qu'il ne déduit pas de son décompte de rappel d'heures supplémentaires les jours de RTT mentionnés sur ses bulletins de paie de 2016 et 2017, qu'il bénéficiait d'une grande autonomie dans la gestion de son temps de travail, qu'en cas d'inopposabilité de la convention de forfait-jours, la majoration de 20% au titre du forfait-jours prévue par la convention collective devra être remboursée, que les appelants ne rapportent pas la preuve que le salarié aurait perçu une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui étaient imposées et ne justifient d'aucun préjudice, sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'existence d'un préjudice n'est pas démontrée, qu'en cas de demande de résiliation judiciaire, le salarié n'est pas fondé à solliciter une indemnité pour irrégularité de procédure, sur le licenciement pour motif économique, que les appelants n'invoquent que des manquements de l'employeur à son obligation de reclassement, qu'au moment de l'engagement de la procédure de licenciement, seule une visite de pré-reprise avait eu lieu le 16 octobre 2018, que l'employeur pouvait donc proposer des offres de reclassement, que dès le 7 novembre 2018, le salarié a refusé les deux offres sans la moindre explication, qu'il n'invoquait alors nullement une éventuelle incompatibilité de celles-ci avec son état de santé, qu'elles étaient suffisamment précises puisqu'elles mentionnaient tous les éléments essentiels du contrat de travail, que la procédure de licenciement n'est affectée d'aucune irrégularité, sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat, que le salarié n'a saisi ni l'inspection du travail ni le médecin du travail d'une quelconque demande à ce titre, que l'accomplissement d'un grand nombre d'heures de travail dans un contexte de sous-effectif structurel de l'entreprise allégué à l'appui de la demande n'est pas démontré, que seul le médecin du travail peut imputer l'état de santé de son patient à sa situation professionnelle, que les courriers du service des urgences de l'hôpital de [Localité 13], du cardiologue et d'un médecin généraliste doivent être rejetés.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Attendu sur la revendication de la position 3.3 de l'annexe II relative à la classification des ingénieurs et cadres de la convention collective qu'elle s'applique au poste qui entraîne de très larges initiatives et responsabilités, suppose une coordination entre plusieurs services et exige une grande valeur technique ou administrative ; que ces critères s'ajoutent nécessairement à ceux définis pour l'attribution de la position 2 exigeant que le salarié ait à prendre, dans l'accomplissement de ses fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de ses subordonnés ainsi que l'exercice d'un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature ;

Attendu que selon la fiche de poste versés aux débats par la société intimée que, parmi ses multiples missions, les responsabilités du directeur régional consistaient notamment à assurer le développement et le suivi commercial de la région, à participer à l'élaboration du budget régional et à vérifier les dépenses, à organiser la gestion de ses équipes régionales, à superviser la répartition des plans de charge des coordonnateurs, à apporter une aide de conseil à ceux placés sous ses ordres ; que selon la fiche elles impliquaient une fonction de coordination rendue en outre nécessaire par le fait que [F] [J] assurait, en tant que directeur régional, la gestion des agences de [Localité 11], [Localité 15], [Localité 14], [Localité 12] et [Localité 16] ; qu'il était placé sous l'autorité directe de [B] [O], dirigeant de la société ; que le fait que [Z] [D], l'autre directeur régional, soit classé à la position 3.2, coefficient hiérarchique 210 de la convention collective ne justifie pas pour autant que [F] [J] ne puisse pas bénéficier du coefficient 3.3 de la convention collective compte tenu des missions qui lui étaient dévolues selon la fiche de poste produite ; qu'en outre l'attribution de responsabilités relevant de la position 3.3 étaient bien attachées aux fonction de directeur régional puisqu'en cette dernière qualité [Z] [D] a été conduit à remplacer pendant dix mois [B] [O] à la suite du décès de ce dernier, alors que la société disposait également d'un directeur général ;

Attendu en application de l'article L3245-1 du code du travail que lorsque le contrat de travail a été rompu, le rappel de salaire ne peut porter que sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat soit en l'espèce jusqu'au 30 octobre 2015 ;

Attendu, conformément à l'article 32 de la convention collective en vigueur à la date de saisine de la juridiction prud'homale, et relatif au caractère forfaitaire de la rémunération des ingénieurs et cadres, que leurs appointements minimaux découlent des coefficients et des valeurs du point et correspondent à l'horaire légal de référence ; qu'y sont inclus les avantages en nature évalués d'un commun accord et mentionnés dans la lettre d'engagement ainsi que les rémunérations accessoires en espèces, mensuelles ou non, fixées par ladite lettre ; que sont exclues les primes d'assiduité et d'intéressement, si elles sont pratiquées dans l'entreprise, ainsi que les primes et gratifications de caractère exceptionnel et non garanties ; que s'agissant de l'avantage en nature consistant en la mise à disposition du salarié d'une voiture, prévu à l'article 14 du contrat de travail, cet avantage n'a fait l'objet d'aucune évaluation à la date de conclusion du contrat ; que la rémunération mensuelle brut minimale conventionnelle s'élevait à 5435,10 euros jusqu'en juin 2017 et à 5516,10 euros à compter du 1er juillet 2017 ; que les différentes indemnités journalières de sécurité sociale qu'à perçues [F] [J] durant son arrêt de travail pour maladie ont été calculées sur la base du salaire versé par l'intimée et non sur celui correspondant à position indiciaire qui aurait dû lui être attribuée ; qu'il est donc légitime que la société doive prendre en charge la différence de rémunération due également durant cette période ; qu'en conséquence, il convient d'évaluer le rappel de salaire dû aux appelants à la somme de 30023,70 euros ;

Attendu que la société intimée ne conteste pas que la convention de forfait prévue à l'article 4 du contrat de travail soit privée d'effet en raison du non-respect des garanties prévues aux articles 4 et suivants de l'avenant du 1er avril 2014 à l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail ;

Attendu en application de l'article L3174-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées ; qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Attendu que les appelants produisent un récapitulatif des heures supplémentaires revendiquées par [F] [J], accompagné d'un décompte des heures travaillées journellement du 4 janvier 2016 au 15 novembre 2017 et d'un tableau des différents chantiers auxquels il a participé ; que ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'intimée d'y répondre utilement ; que celle-ci objecte que le salarié n'a jamais rien réclamé au titre des heures supplémentaires à son employeur pendant l'exécution de son contrat de travail, que les temps de déplacement pour se rendre sur le lieu de travail sont englobés dans les heures supplémentaires revendiquées, qu'il y est fait état d'une liste de chantiers dépourvus d'intérêt, que la charge de travail excessive n'est pas justifiée par des pièces objectives, et par des courriels illisibles alors que le salarié bénéficiait d'une grande autonomie dans la gestion de son temps de travail. ; que toutefois l'intimée ne peut reprocher au salarié de ne pas avoir émis de réclamation au sujet des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées alors que celui-ci croyait être soumis à une convention de forfait régulière ; que par ailleurs l'intimée se borne à contester la validité du décompte ; que par ailleurs l'autonomie dont aurait joui le salarié dans l'organisation de son travail n'était pas incompatible avec l'accomplissement d'heures supplémentaires ; que le décompte produit fait apparaître l'exécution en 2016 de 268 heures supplémentaires et en 2017 de 484 heures supplémentaires ; que les temps de trajet pour se rendre sur les chantiers doivent bien être assimilées à du temps de travail effectif ; qu'en conséquence il convient d'évaluer à la somme de 44661,92 euros le rappel de salaire dû au titre des heures supplémentaires effectuées en 2016 et 2017 et à 4466,19 euros les congés payés y afférents ;

Attendu sur la contrepartie obligatoire en repos que l'article 33 de la convention collective relative au contingent annuel d'heures supplémentaires ne concerne que les salariés classés dans la catégorie ETAM ; qu'en application des articles L3121-30, L3121-38 et D3121-24 du code du travail, à défaut d'accord collectif, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 220 heures ; qu'il n'est pas contesté que l'entreprise comptait plus de vingt salariés ; qu'en conséquence, le rappel de salaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos doit être évalué à la somme de 6280,56 euros et à 628,05 les congés payés y afférents ;

Attendu qu'une défense au fond, au sens de l'article 71 du code de procédure civile, échappe à la prescription ; que constitue une telle défense, le moyen tiré de l'article 1302-1 du code civil selon lequel celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ; qu'il s'ensuit que l'intimée est en droit de solliciter le remboursement de la somme correspondant aux jours de réduction du temps de travail qui ont été accordés au salarié en application de la convention de forfait privée d'effet, dans la limite de la prescription triennale, soit en l'espèce 2495,42 euros ;

Attendu que l'article 4.4 relatif à la rémunération de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail constituant un avenant à la convention collective prévoit au profit du personnel concerné le versement d'une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de sa catégorie sur la base d'un forfait annuel de 218 jours travaillés ou sur la base du forfait défini en entreprise ; que selon les articles 4 et 4.1 du paragraphe relatif au forfait annuel en jours, les bénéficiaires sont nécessairement les salariés relevant au minimum de la position 3 pour lesquels du fait de la large autonomie, de la liberté et de l'indépendance accordées dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées, une convention individuelle de forfait annuel en jours a été conclue ; que l'augmentation de leur rémunération est d'ailleurs calculée sur la base de ce forfait ; que l'octroi de l'augmentation de 20 % de la rémunération prévue à l'article 4.4. précité est donc intimement liée à la conclusion de convention de forfait dont elle est la contrepartie ; qu'il s'ensuit que par suite de la privation d'effet de cette dernière, la société est également en droit d'obtenir le remboursement des majorations de salaire dont a profité [F] [J] calculées sur la base du minimum conventionnel de la position 3.1 qu'occupait ce dernier ; qu'elles s'élèvent à la somme de 24919,52 euros et à 2491,95 euros au titre des congés payés ;

Attendu en application de l'article L4121-1 du code du travail que les appelants versent aux débats un courrier de [F] [J] adressé le 8 novembre 2017 à [R] [E], responsable des ressources humaines, sous la forme d'une lettre recommandée avec accusé de réception, dans lequel celui-ci se plaint de la charge excessive de travail qu'il subit, soulignant qu'il doit suivre plus de 70 chantiers très éloignés les uns des autres, dispersés dans l'Ouest de la France et qu'il ne peut compter sur son suppléant se trouvant également dans l'obligation de suivre 40 chantiers ; qu'il sollicite le recours à deux à trois coordinateurs supplémentaires et à un accroissement de la main d''uvre ; qu'ils produisent également un courrier du 20 novembre 2017 de [N] [T], médecin au centre hospitalier de [Localité 13] et destiné au médecin traitant du salarié, établi à la suite de l'arrêt de travail de ce dernier dans lequel il est fait notamment état d'un malaise d'allure vagale en contexte de stress ; que dans un courrier du 21 novembre 2017, le docteur [P] [L], cardiologue, constate chez son patient la présence d'un syndrome d'épuisement professionnel vécu douloureusement depuis le mois de juin ; que l'intimée se borne à souligner que [F] [J] n'avait pas saisi le conseil de Prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail dans les jours qui ont suivi son arrêt de travail, que le décès de [B] [O], survenu le 30 octobre 2017, avait profondément perturbé l'organisation de l'entreprise, et était de nature à expliquer l'arrêt de travail pour cause de maladie du salarié le 16 novembre 2017 ; qu'elle ne fait toutefois état d'aucune mesure qu'elle aurait prise de nature à démontrer qu'elle s'était bien acquittée de son obligation de sécurité vis-à-vis de [F] [J] alors que tant ses horaires de travail que ses différents courriers démontrent qu'il était astreint à une charge de travail excessive ; qu'il s'ensuit que la société a bien commis un manquement à son obligation de sécurité ; qu'un tel manquement a bien occasionné au salarié un préjudice qu'il convient d'évaluer à la somme de 5000 euros ;

Attendu que l'attribution pendant plusieurs années au salarié d'une position inférieure à celle à laquelle il pouvait prétendre a duré jusqu'à la demande de résiliation judiciaire ; que la surcharge de travail mise en évidence par les heures supplémentaires accomplies et l'épuisement professionnel qui en est résulté, en violation de l'obligation de sécurité, justifient que soit prononcée la résiliation du contrat de travail à la date du 23 novembre 2019 ;

Attendu que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salaire mensuel moyen de [F] [J] doit être évalué au moins à la somme de 5516,10 bruts revendiquée par les appelants et correspondant à la rémunération conventionnelle minimum d'un salarié occupant la position 3.3 ;

Attendu en conséquence que l'intimée est redevable d'un reliquat de 2090,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 209,03 euros au titre des congés payés y afférents ;

Attendu en application de l'article L1235-3 du code du travail qu'à la date de la résiliation du contrat de travail qui doit correspondre à celle de son licenciement, [F] [J] était âgé de 66 ans et jouissait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de onze années ; qu'en l'absence de démonstration d'un préjudice résultant de la perte d'emploi, il convient d'évaluer ce dernier à la somme de 16550 euros ;

Attendu en application de l'article L1235-2 du code du travail que l'irrégularité affectant la procédure de licenciement ne peut donner lieu à indemnisation que si le licenciement est par ailleurs fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu'il convient d'ordonner par l'intimée la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paye conformes sans assortir cette obligation d'une astreinte ;

 

Attendu qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge des appelants les frais qu'ils ont dû exposer tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de leur allouer une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

 

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REÇOIT [V] [K], veuve [J], [A] [J] épouse [M], [W] [C] [Y], et [I] [J] ayants droit de [F] [J] en leur intervention volontaire,

INFIRME le jugement déféré

 

ET STATUANT A NOUVEAU

DIT que la demande de remboursement par la société BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ (BECS) des jours de récupération du temps de travail et des majorations de salaire par suite de la privation d'effet de la convention de forfait est recevable,

DIT que la convention de forfait est privée d'effet,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail à compter du 23 novembre 2018,

CONDAMNE la société BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ à verser à [V] [K], veuve [J], [A] [J] épouse [M], [W] [C] [Y], et [I] [J] :

-30023,70 euros à titre de rappel de salaire sur la qualification de cadre position 3.3. de la convention collective

-44661,92 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires effectuées en 2016 et 2017

-4466,19 euros au titre des congés payés y afférents 

-6280,56 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos

-628,05 au titre des congés payés y afférents

-5000 euros en réparation du préjudice causé par les manquements de la société à son obligation de sécurité

-2090,39 euros à titre de reliquat de l'indemnité compensatrice de préavis

-209,03 euros au titre des congés payés y afférents 

-16550 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE la remise par la société BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paye conformes ;

DÉBOUTE [V] [K], veuve [J], [A] [J] épouse [M], [W] [C] [Y], et [I] [J] du surplus de leur demande,

CONDAMNE [V] [K], veuve [J], [A] [J] épouse [M], [W] [C] [Y], et [I] [J] à rembourser à la société BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ :

-2495,42 euros au titre des jours de récupération du temps de travail indus par suite de la privation d'effet de la convention de forfait

-24919,52 euros au titre des majorations de salaire indues

-2491,95 euros au titre des congés payés y afférents,

DIT qu'il pourra être procédé par compensation pour le paiement desdites sommes,

CONDAMNE la société BUREAU D'ETUDES ET DE CONSEILS EN SÉCURITÉ à verser à [V] [K], veuve [J], [A] [J] épouse [M], [W] [C] [Y], et [I] [J] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIER

S. LAWECKI

LE PRÉSIDENT

P. LABREGERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale e salle 4
Numéro d'arrêt : 22/00611
Date de la décision : 29/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-29;22.00611 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award