République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 20/06/2024
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N° de MINUTE : 24/527
N° RG 23/03946 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCKW
Jugement (N° ) rendu le 24 Juillet 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Dunkerque
APPELANTE
Mademoiselle [X] [E]
née le 20 Avril 1990 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Magalie Wadoux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/2023/001756 du 25/09/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉE
SA Cottage Social des Flandres
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Yann Leupe, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 02 avril 2024 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Véronique Dellelis, président de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Catherine Menegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Véronique Dellelis, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 mars 2024
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Par acte sous seing privé en date du 23 octobre 2012, à effet à compter du 1er novembre 2012, la société anonyme Cottage Social des Flandres a donné à bail à Mme [X] [E] un local à usage d'habitation situé [Adresse 2] à [Localité 4], moyennant un loyer dont le montant actualisé s'élève à 665,96 euros, provision, sur charges comprises.
Mme [X] [E] ne s'étant pas acquittée régulièrement de son loyer, la SA Cottage Social des Flandres lui a fait délivrer le 4 janvier 2023 un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire.
Par acte d'huissier de justice en date du 23 mars 2023, la SA Cottage Social des Flandres a fait assigner Mme [X] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins de constater par le jeu de la clause résolutoire la résiliation du bail, à défaut prononcer la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, prononcer, en conséquence, l'expulsion du locataire, et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique si besoin est, condamner Mme [X] [E] au paiement de la somme principale de 760,44 euros représentant les loyers, charges et indemnités d'occupation courus au jour de l'assignation, avec les intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, une indemnité d'occupation égale au loyer actuel, charges comprises, qui pourra être réajustée au cas où les charges dépasseraient la provision, et en fonction des évolutions du loyer, la somme de 350 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens qui comprendront le coût du commandement de payer les loyers, les frais d'assignation, de dénonciation à la préfecture et de saisie conservatoire.
Suivant jugement réputé contradictoire en date du 24 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire et en conséquence, la résiliation du bail portant sur le logement situé [Adresse 2], à [Localité 4], à la date du 5 mars 2023,
- ordonné, à défaut de libération spontanée des lieux par remise des clés au bailleur, l'expulsion de Mme [X] [E] et de tout occupant de son chef des lieux loués, au besoin avec l'aide de la force publique et ce, à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux conformément à l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution,
- rappelé que le sort des meubles meublants est régi par les dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamné Mme [X] [E], en tant que de besoin, à payer à la SA Cottage Social des Flandres une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 665,96 euros, et ce à compter du terme de juin 2023et jusqu'à libération effective des lieux,
- dit que cette somme pourra être réévaluée selon les modalités de révision du loyer fixées par le contrat de bail et en tenant compte de la régularisation annuelle des charges,
- dit que cette somme ne produira pas intérêts au taux légal,
- condamné Mme [X] [E] à payer à la SA Cottage Social des Flandres la somme de 1 178,47 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 21 juin 2023, terme de mai 2023 inclus,
- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- dit n'y avoir lieu à accorder des délais de paiement,
- condamné Mme [X] [E] aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Mme [E] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 18 août 2023.
La SA Cottages Social des Flandres a constitué avocat en date du 30 août 2023.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 octobre 2023, Mme [E] demande la cour de :
- déclarer recevable et bien fondée Mme [X] [E] en son appel de la décision rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Dunkerque en date du 24 juillet 2023,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu sus-énoncé et daté en ce qu'il a « Constaté l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail, ordonné l'expulsion, condamné Mme [E] à payer une indemnité d'occupation mensuelle de 665,96 euros à la SA Cottage Social des Flandres, condamné Mme [E] à payer 1 178,47 euros à la SA Cottage Social des Flandres, condamné Mme [E] à payer la somme de 1 178,47 euros au titre des loyers et charges arrêtés au 21 juin 2023, condamné Mme [E] aux dépens. »,
Et statuant à nouveau :
- déclarer recevables les demandes de Mme [X] [E],
- débouter la SA Cottage Social des Flandres de toutes demandes, fins ou conclusions,
- octroyer à Mme [X] [E] les plus larges délais de paiement,
- autoriser Mme [X] [E] à se libérer de sa dette par le paiement de plusieurs mensualités, jusqu'à 36 mensualités,
- suspendre tous les effets de la clause résolutoire,
- réduire le taux d'intérêt,
- dire que les majorations d'intérêts ou les pénalités ne seront pas dues,
- constater que Mme [X] [E] a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, selon décision rendue par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai le 25 septembre 2023, n°2023-001756,
- condamner la SA Cottage Social des Flandres aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2023, la SA Cottages Social des Flandres demande à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 24 juillet 2023
par le juge des contentieux de la protection de Dunkerque,
- condamner Mme [X] [E] à payer à la SA Cottage Social des Flandres la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [X] [E] aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions pour un exposé détaillé des demandes et des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Bien que le dispositif récapitulatif des écritures de l'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, la décision querellée n'est en réalité pas critiquée en ce qu'elle a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire, suite au commandement de payer délivré le bailleur, étaient réunies à la date du 5 mars 2023.
L'appel n'a en réalité pour objet que de solliciter de la cour la modification du montant des délais de paiement de nature à suspendre les effets de la clause résolutoire prévus par le premier juge, afin d'adapter leur montant aux ressources de Mme [E].
En l'absence d'irrégularités contrevenant à des dispositions d'ordre public que la cour aurait à relever d'office, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action de la SA Cottage social des Flandres recevable et constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 5 mars 2023.
L'article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 dispose que :
Le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l'article 1343-5 s'applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d'office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l'obligation prévue au premier alinéa de l'article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
Au soutien de sa demande, Mme [E] fait valoir qu'elle rencontre d'importantes difficultés financières, ne percevant plus l'Apl et fait état d'un contexte de séparation, ayant engagé une action devant le juge aux affaires familiales aux fins de condamnation du père de ses enfants au paiement d'une contribution à leur entretien et leur éducation.
Il résulte des justificatifs produits aux débats que Mme [E], mère de quatre enfants, perçoit le RSA ainsi que diverses allocations pour un montant total de 1507 euros par mois et que ses droits à l'Apl ont été suspendus à compter du mois de juillet 2023.
En outre, elle justifie avoir déposé une requête devant le juge aux affaires familiales aux fins d'obtenir la condamnation du père de ses enfants au paiement de la somme de 200 euros par mois et par enfant au titre de la contribution à leur entretien et leur éducation.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que Mme [E] a effectué deux versements les 7 et 8 septembre 2023 pour un montant total de 1470 euros alors même qu'elle ne bénéficiait plus du versement de l'Apl.
Ainsi, il résulte du décompte actualisé au 18 septembre 2023 que la dette locative s'élève à 1651,73 euros.
Compte tenu de l'effort significatif de réglement de la dette locative réalisé par Mme [E], cette dernière s'élevant suivant le compte produit aux débats à la somme de
1 651,73 euros arrêté à la date du 18 septembre 2023, il y a lieu de faire droit à la demande de délais de paiement formée par Mme [E] selon les modalités précisées au dispositif.
Il convient par ailleurs pour la cour, réformant sur le montant de la dette locative et l'actualisant à la date du 18 septembre 2023, de condamner Mme [E] au paiement de la somme de 1651,73 euros au titre de l'arriéré locatif suivant compte arrêté à la date du 18 septembre 2023.
Sur les autres demandes
Le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement réglés par le premier juge.
Il convient de confirmer la décision entreprise de ces chefs.
Il convient de laisser les dépens d'appel à la charge de Mme [E] qui succombe principalement.
Il n'a pas lieu cependant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 5 mars 2023 et le confirme également sur le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance ;
Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,
Actualisant le montant de la condamnation de Mme [X] [E] au titre des loyers et charges, condamne Mme [X] [E] à payer à la SA Cottage social des Flandres la somme de 1 651,73 euros selon décompte arrêté à la date du 18 septembre 2023,
Accorde à Mme [X] [E] des délais de paiement de nature à suspendre les effets de la clause résolutoire,
Autorise Mme [X] [E] à se libérer de sa dette de 1651,73 euros au titre des loyers et charges dues au 18 septembre 2023, en 24 mensualités de 65 euros, en plus des loyers et charges courants, le premier versement devant intervenir avant le 1er jour du mois suivant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, puis le premier de chaque mois, la dernière mensualité correspondant au solde de la dette ;
Suspend en conséquence l'acquisition de la clause résolutoire pendant ce délai accordé à Mme [X] [E] ;
Dit que cette clause sera réputée ne jamais avoir joué si la dette est soldée à l'issue du délai sus-défini ;
Dit qu'à défaut de paiement d'une seule échéance aux termes convenus :
-l'intégralité de la dette deviendra exigible 15 jours après une mise en demeure infructueuse adressée au débiteur par lettre recommandée avec accusé de réception d'avoir à exécuter ses obligations ;
-la clause résolutoire sera acquise à la date du 5 mars 2023 ;
-l'expulsion de Mme [X] [E] et de tous occupants de son chef pourra être poursuivie conformément à l'article L 412-1 du Code des procédures civiles d'exécution à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à quitter les lieux jusqu'à la libération effective des lieux et au besoin avec le concours de la force publique ;
-l'indemnité mensuelle d'occupation due par Mme [X] [E] jusqu'à la libération effective des lieux sera d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi (montant révisable selon les modalités contractuelles) et condamne en tant que de besoin, Mme [X] [E] au paiement de cette indemnité d'occupation ;
Dit que pendant ce délai de 24 mois, les procédures d'exécution tendant au recouvrement des sommes dues sont suspendues et les majorations d'intérêts ou les peines encourues à raison du retard cessent d'être dues ;
Condamne Mme [X] [E] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
Le greffier
Fabienne DUFOSSÉ
Le président
Véronique DELLELIS