République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 4
ARRÊT DU 20/06/2024
N° de MINUTE : 24/556
N° RG 23/05754 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VILW
Ordonnance (N° 22/02630) rendu le 30 Novembre 2023 par le Cour d'appel de Douai
APPELANTS
Monsieur [X] [L]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Madame [G] [V] épouse [L]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Comparants en personne
INTIMÉES
Madame [Z] [V] épouse [W]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 6]
Madame [S] [V] épouse [E]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentés par Me Philippe Meillier, avocat au barreau d'Arras
Madame [T] [Y] [V]
née le 31 Octobre 1949 à [Localité 9] - de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Hubert Soland, avocat au barreau de Lille
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Ismérie Capiez
DÉBATS à l'audience publique du 21 mai 2024
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président, et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
' Faits constants et procédure:
M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] qui ont repris l'exploitation de leur père et beau-père ont, après le décès des époux [V]-[B] saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une action en répétition de l'indu sur le fondement des dispositions de l'article L 41-74 du code rural et de la pêche maritime à hauteur de 360.000 francs soit 54.881,64 euros outre les intérêts majorés.
Par jugement en date du 12 janvier 2015, le tribunal paritaire des baux ruraux de Montreuil-sur-Mer les a débouté de leurs prétentions.
Par arrêt en date du 7 janvier 2016, cette cour autrement composée a infirmé ce jugement et condamné solidairement Mme [S] [V] épouse [E], Mme [Z] [V] épouse [W], et Mme [T] [V] épouse [Y] à répéter la somme de 54.881,64 euros avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 1er avril 1981.
Cet arrêt a fait l'objet d'un pourvoi en cassation.
Se fondant sur les pièces communiquées dans le cadre des procédures d'exécution menées par les époux [L] au titre de l'arrêt exécutoire rendu le 7 janvier 2016, Mme [S] [V] épouse [E], Mme [Z] [V] épouse [W] ont introduit un recours en révision de l'arrêt fondé sur les dispositions de l'article 595 du code de procédure civile.
Par arrêts en date du 29 mars 2018, la cour d'appel de Douai autrement composée a déclaré recevable le recours en révision mais constatant que la Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée sur le pourvoi formé à l'encontre de son arrêt du 7 janvier 2016, a prononcé un sursis à statuer.
La cour d'appel de Douai au regard de l'arrêt rendu par la Cour de cassation et considérant que le sursis avait pris fin, a rappelé d'office l'affaire devant elle s'agissant des recours en révision.
Par arrêt en date du 16 janvier 2020, la cour de céans, a :
- dit sans objet le recours en révision introduit par Mme [T] [V] à l'encontre de l'arrêt 16/23 de la cour d'appel de Douai,
- dit sans objet le recours en révision introduit par Mmes [Z] et [K] [V] à l'encontre de l'arrêt 16/23 de la cour d'appel de Douai,
- dit n'y avoir lieu de statuer sur l'ensemble des demandes de M. [X] [L] et Mme [G] [V] formées dans le cadre de la présente procédure.
Cependant les époux [L]-[V] ont introduit une requête en rabat de l'arrêt rendu par la Cour de cassation en juin 2020, exposant que la Cour de cassation ne pouvait statuer sur le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt rendu le 7 janvier 2016 puisque l'arrêt en date du 29 mars 2018 ayant déclaré recevable le recours en révision introduit par les intéressés à l'encontre de l'arrêt du 7 janvier 2016 avait opéré rétractation de l'arrêt du 7 janvier 2016.
Par arrêt en date du 21 janvier 2021, la Cour de cassation a prononcé le rabat de son arrêt en date du 31 mai 2018 et dit n'y avoir plus lieu de statuer sur les pourvois.
Les époux [L] qui avaient sollicité la réinscription de l'instance après cassation du 31 mai 2018, ont alors demandé qu'il soit constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer.
Par arrêt en date du 10 juin 2021, la cour d'appel de Douai, a:
- dit que la saisine de la cour sur renvoi après cassation de l'arrêt 16/23 du 7 janvier 2016 prononcé par la Cour de cassation par arrêt du 31 mai 2018 rabattu par arrêt du 21 janvier 2021 est devenue sans objet,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes subsidiaires de Mme [T] [V],
- débouté M. [X] [L] et Mme [G] [V] de leur demande de dommages et intérêts pour exercice abusif d'un pourvoi,
- débouté Mme [T] [V] de sa demande de dommages et intérêts.
Un pourvoi en cassation avait toutefois été formé contre l'arrêt du 16 janvier 2020 pour le cas où il y aurait rabat de l'arrêt.
Par arrêt en date du 19 mai 2022, la Cour de cassation a :
- déclaré irrecevable le pourvoi formé par les époux [L] à l'encontre des arrêts de la cour d'appel du 29 mars 2018,
- cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 16 janvier 2020 entre les parties,
- renvoyé l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt.
Les époux [L] ont en conséquence ressaisi cette cour.
Mme [Z] [V] épouse [W] et Mme [S] [V] épouse [E] ont sollicité la désignation d'un magistrat chargé de l'instruction de l'affaire faisant valoir qu'elles avaient besoin de solliciter une ordonnance d'injonction de communication de pièces à l'encontre des époux [L] concernant l'original du document annexé à la lettre qu'ils ont fait parvenir à Mme [E]-[V] le 25 octobre 2008 , document volontairement tronqué selon eux.
Par arrêt en date du 9 février 2023, la présidente de la chambre de cette cour d'appel en charge du contentieux du tribunal paritaire des baux ruraux a été désignée en qualité de magistrat chargé de l'instruction de l'affaire.
Mme [Z] [V] épouse [W] et Mme [S] [V] épouse [E] ont présenté une requête au magistrat chargé de l'instruction de l'affaire afin d'obtenir la communication de l'original du document manuscrit non caviardé d'un document manuscrit daté du 1er avril 1981 qui avait été joint à une lettre adressée par les époux [L] à Mme [S] [E]-[V] le 25 octobre 2008, document volontairement tronqué et reprographié en partie droite de la page annexée à ce courrier.
Les époux [L] ont eux mêmes demandé le 27 janvier 2023 la communication par les parties adverses de l'original de la pièce n°10 du bordereau repris à l'assignation du 26 mai 2016 relative aux procédures RG 16/01844 et 16/01953 ainsi que les originaux des dénonciations au ministère public afférents aux arrêts du 29 mars 2018.
Par ordonnance en date du 30 novembre 2023, le magistrat de cette cour d'appel chargé de l'instruction de l'affaire, a :
- rejeté les moyens d'irrecevabilité soulevés par M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L],
- ordonné la production par M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] de l'original de la liste établie par [R] [V], complété de leurs propres modifications du document annexée à la lettre du 25 octobre 2008,
- dit n'y avoir lieu en l'état au prononcé d'une astreinte à charge pour la cour statuant au fond de tirer toutes conséquences d'un refus éventuel de communication,
- débouté les époux [L]-[V] de leur demande tendant à se voir communiquer les originaux des significations au ministère public dans le cadre des deux actions en révision,
- déclaré la demande des époux [L]-[V] tendant à la communication de l'original de la pièce n°10 sans objet,
- condamné M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] aux dépens de l'incident,
- condamné Mme [S] [V] épouse [E] à payer à Mme [S] [V] épouse [E] et Mme [Z] [V] épouse [W] la somme globale de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- renvoyé l'affaire sur le fond à l'audience du 21 mars 2024 à 14 heures.
Par déclaration adressée le 13 décembre 2023 (comme en témoigne le cachet de La Poste) par courrier recommandé avec avis de réception, et réceptionnée au greffe de la cour le 14 décembre 2023, M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] ont interjeté appel de cette décision. Il convient de préciser que cette déclaration d'appel était motivée étant précisé que les appelants sollicitaient de la cour de :
Avant dire droit;
- rétablir les conditions d'un procès équitable en assurant l'égalité de traitement entre les parties, sans aucun favoritisme ni parti pris,
Au titre de l'appel,
- annuler l'ordonnance du 30 novembre 2023,
- enjoindre Mmes [S] [V] épouse [E] et [Z] [V] épouse [W] et Mme [T] [V] veuve [Y] à fournir les 1ères expéditions des dénonciations au ministère public des 6 avril et 9 mai 2017,
- enjoindre Mmes [S] [V] épouse [E] et [Z] [V] épouse [W] et Mme [T] [V] veuve [Y] à fournir les 1ères expéditions des dénonciations au ministère public des 19 juin et 4 juillet 2023,
Et au titre du référé rétractation,
- prononcer la rétractation de l'ordonnance du 30 novembre 2023.
' Prétentions et moyens des parties:
Par courrier adressé par le greffe en date du 26 avril 2024, dans le respect du contradictoire suite à la déclaration d'appel précitée, la cour a souhaité savoir si les conseils de Mme [Z] [V] épouse [W] et Mmes [S] [V] épouse [E] ainsi que de Mme [T] [Y] avaient d'éventuelles observations à formuler au plus tard le 17 mai 2024.
Dans le cadre de l'oralité des débats, lors de l'audience, M. [X] [L] a indiqué qu'il maintenait ses demandes et souhaitait dans cette affaire le sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans le dossier comportant le n° RG 22/2630. Puis en tout dernier lieu M. [X] [L] a précisé qu'il ne reprenait pas les chefs de demandes figurant dans ses écritures et qu'il sollicitait toujours le sursis à statuer. Il a par ailleurs fait valoir que selon lui son appel est recevable.
Pour sa par Maître MEILLIER, conseil de Mme [Z] [V] épouse [W] et de Mme [S] [V] épouse [E], a notamment précisé que le sursis à statuer lui paraissait inutile et qu'il s'en rapportait à justice. Il a par ailleurs indiqué que l'appel était selon lui, irrecevable.
Maître SOLAND, conseil de Mme [T] [V] veuve [Y], en ce qui le concerne, a précisé qu'il confirmait l'irrecevabilité.
- MOTIFS DE LA COUR:
- Sur la recevabilité de l'appel:
La cour d'appel doit impérativement en premier lieu, avant d'examiner toutes autres demandes, vérifier la régularité de sa saisine en se prononçant sur la recevabilité de l'appel.
L'article 543 du code de procédure civile, pose la règle générale de principe selon laquelle la voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance, s'il n'en est autrement disposé.
Or, au cas particulier la décision qui a été frappée d'appel n'est pas un jugement de première instance mais une ordonnance rendue par le magistrat chargé d'instruire l'affaire de la cour d'appel, de telle manière que sur ce fondement juridique il n'est pas possible d'interjeter appel.
Toutefois dans la sphère particulière du contentieux des baux ruraux, un texte spécial, l'article 892 du code de procédure civile prévoit que lorsque les décisions du tribunal paritaire sont susceptibles d'appel, celui-ci est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire.
Ainsi dans le cas présent s'agissant d'une procédure d'appel sans représentation obligatoire, elle est gouvernée par les dispositions des articles 931 et suivants du code de procédure civile.
Dans le cadre de la présente procédure d'appel il a été fait application des dispositions de l'article 939 du code de procédure civile qui prévoit notamment que lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée, son instruction peut être confiée à un des membres de la chambre.
Par ailleurs l'article 942 du même code quant à lui prévoit notamment que 'Le magistrat chargé d'instruire l'affaire tranche les difficultés relatives à la communication des pièces'.
De plus l'article 943 du dit code dispose:
'Le magistrat chargé d'instruire l'affaire peut :
- ordonner, même d'office, tout mesure d'instruction ;
- ordonner, le cas échéant, à peine d'astreinte, la production de documents détenus par une partie, ou par un tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.'
L'article 945 du même code quant à lui dispose:
'Les décisions du magistrat chargé d'instruire l'affaire n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.
Elles ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond.
Toutefois, elles peuvent être déférées par simple requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles constatent l'extinction de l'instance.'
Or, dans le cas présent le magistrat chargé d'instruire l'affaire dans l'ordonnance querellée, a statué sur des demandes réciproques des parties de communication de pièces, notamment en ordonnant la production d'une pièce.
Par ailleurs ce magistrat dans la décision entreprise n'a pas constaté l'extinction de l'instance de telle manière que cette ordonnance ne peut faire l'objet d'une procédure de déféré devant la cour d'appel.
Il est donc incontestable au regard des considérations qui précédent, que l'ordonnance querellée qui n'a pas autorité de la chose jugée au principal, n'est susceptible d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond.
Par suite, il convient de déclarer irrecevable l'appel interjeté par M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] à l'encontre de l'ordonnance du magistrat chargé de l'instruction de l'affaire de la cour d'appel de Douai en date du 30 novembre 2023.
- Sur les dépens d'appel.
Il y a lieu de condamner par M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] qui succombent, aux entiers dépens de la présente procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Déclare irrecevable l'appel interjeté par M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] à l'encontre de l'ordonnance du magistrat chargé de l'instruction de l'affaire de la cour d'appel de Douai en date du 30 novembre 2023,
- Condamne M. [X] [L] et Mme [G] [V] épouse [L] aux entiers dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU