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04/07/2024 | FRANCE | N°23/04286

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 04 juillet 2024, 23/04286


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 04/07/2024



****



N° de MINUTE : 24/222

N° RG 23/04286 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VDSC

Jugement (N° 21/01301) rendu le 07 Septembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Arras



APPELANTE



SARL [B] [G] Agence Conseil en Immobilier agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]


r>Représentée par Me Karl Vandamme, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉS



Madame [C] [F] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 10]

de nationalité Françai...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 04/07/2024

****

N° de MINUTE : 24/222

N° RG 23/04286 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VDSC

Jugement (N° 21/01301) rendu le 07 Septembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Arras

APPELANTE

SARL [B] [G] Agence Conseil en Immobilier agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Karl Vandamme, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Madame [C] [F] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Monsieur [S] [X]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Samuel Willemetz, avocat au barreau d'Arras, avocat constitué substitué par Me Alexis Fatoux, avocat au barreau d'Arras

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 04 avril 2024 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 mars 2024

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 17 février 2021, M. [S] [X] et son épouse Mme [C] [F] (M. et Mme [X]) ont régularisé avec la société [B] [G] agence conseil en immobilier (l'agence [G]) un mandat de vente pour un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 9] au prix de 158 000 euros, frais d'agence inclus à hauteur de 9 000 euros.

Le mandat a été signé avec une clause d'exclusivité pour une période irrévocable de trois mois.

Par message SMS du 12 juin 2021, M. et Mme [X] ont fait part à l'agence [G] de leur volonté de mettre un terme au mandat, indiquant qu'une lettre recommandée de dénonciation avait été adressée à l'agence à cette fin. Ils ajoutaient « si toutefois vous avez un éventuel acquéreur, nous sommes bien entendu prêts à prolonger le contrat. »

L'agence [G] a informé M. et Mme [X] de ce qu'une contre-visite était programmée le mardi suivant.

Le 15 juin 2021, un compromis de vente a été régularisé entre M. et Mme [X], d'une part, et M. [N] [H] et son épouse, Mme [O] [V], d'autre part, sous les conditions suspensives de l'obtention d'un prêt, du paiement par l'acquéreur de la commission de négociation de 9 000 euros due à l'agence [G], et de la réitération de la vente au plus tard le 15 septembre suivant.

Par courriel du 1er juillet 2021, M. et Mme [H] ont informé l'agence [G] qu'ils avaient reçu l'accord de principe de leur banque pour leur financement. L'agence [G] a relayé cette information auprès des vendeurs le 4 juillet suivant.

Par courriel du 6 juillet 2021 et lettre recommandée du 7 juillet 2021, M. et Mme [X] ont informé l'agence [G] de leur volonté de ne plus vendre l'immeuble.

Après échanges de mails et de courriers entre l'ensemble des protagonistes, une solution amiable a été trouvée entre M. et Mme [X], et M. et Mme [H], mais aucune entre les vendeurs et l'agence [G].

Par acte du 15 octobre 2021, l'agence [G] a fait assigner M. et Mme [X] devant le tribunal judiciaire d'Arras aux fins de voir leur responsabilité engagée par suite de l'échec de la vente, et des actes de dénigrement subis, et de les voir condamner au paiement de dommages et intérêts.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 7 septembre 2023, le tribunal judiciaire d'Arras a :

- débouté l'agence [G] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté M. et Mme [X] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'agence [G] aux dépens de l'instance ;

- rappelé que la décision était exécutoire de plein droit par provision.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 26 septembre 2023, l'agence [G] a formé appel de ce jugement, dans des conditions de forme et de délai non contestées, en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 1et 3 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2023, l'agence [G] demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, et condamnée aux dépens de l'instance et, statuant à nouveau, de :

- déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

en conséquence, à titre principal au visa des dispositions des articles 1103, 1104, 1217 et 1231-5 du code civil et, à titre subsidiaire, au visa de l'article 1240 du code civil,

- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui payer la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par suite de l'échec de la vente ;

en toutes hypothèses,

- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner solidairement M. et Mme [X] à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par suite des actes de dénigrements, agression, propos mensongers, intimidations et menaces ;

- les condamner solidairement à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Karl Vandamme pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

A l'appui de ses prétentions, l'agence [G] fait valoir que :

- aux termes du mandat exclusif de vente du 17 février 2021, le mandant s'engage à signer aux prix, charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier, avec tout acquéreur présenté par le mandataire ; en cas de non-respect de ses obligations, le mandant s'engage expressément à verser au mandataire, en vertu de l'article 1231-5 du code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto ;

- elle a présenté un acquéreur aux conditions du mandat exclusif de vente, à savoir une offre au prix net vendeur de 149 000 euros et rémunération du mandataire de 9 000 euros à la charge de l'acquéreur ;

- les mandants ont fait échec à la vente en provoquant son annulation, en créant un contexte houleux, en dévalorisant le bien objet de la vente, enfin en man'uvrant pour décourager leurs acquéreurs ;

- son préjudice correspond à la perte de chance de ne pas avoir pu percevoir la commission prévue contractuellement dans le mandat, et reprise pour 9 000 euros dans la clause de négociation figurant au compromis de vente ;

- la non réitération de la vente est imputable aux mandants par suite de leur refus de réitérer, de sorte qu'ils sont revenus sur leur signature formalisée dans le compromis de vente, la promesse de vente valant vente, et ont manqué à leurs obligations contractuelles ;

- à titre subsidiaire, elle considère que M. et Mme [X] ont commis une faute délictuelle qui lui a causé un préjudice direct et certain ; elle est donc fondée comme tiers à un contrat à engager leur responsabilité délictuelle pour le préjudice subi à raison de leurs manquements contractuels ;

- les vendeurs ont adopté une attitude déloyale, fait échec à la vente, dissuadé M. et Mme [H] d'acquérir le bien en annonçant des infiltrations d'eau en sous-sol et des dégradations d'équipements ; ils l'ont également dénigrée en sous-entendant qu'il existait des vices de construction cachés, et ont montré une attitude agressive et belliqueuse envers elle ;

- sans le revirement des époux [X], les acquéreurs qui avaient obtenu leur financement avaient toujours l'intention d'acquérir l'immeuble ;

- M. et Mme [X] sont revenus sur leur engagement d'indemniser les acquéreurs, voire l'agence, du fait de leur rétractation ;

- ils ne justifient pas du licenciement effectif de M. [X], bien que celui-ci ait reçu le 6 juillet 2021 une lettre de convocation à un entretien préalable ;

- M. et Mme [X] ont menacé l'agence en lui promettant des commentaires désobligeants sur les réseaux sociaux, et M. [X] a violemment pris à partie et injurié M. [B] [G], contraignant celui-ci à déposer une main courante auprès des services de gendarmerie de [Localité 8] le 8 juillet 2021, puis à déposer plainte le 26 novembre 2021 pour injure non publique.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 26 janvier 2024, M. et Mme [X] intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 6 de la loi du 2 janvier 1970, 1240, 1353 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il les a déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- en conséquence, débouter l'agence [G] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner l'agence [G] à leur verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- condamner l'agence [G] à leur verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- la condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de leurs prétentions, M. et Mme [X] font valoir que :

- l'agence [G] est défaillante dans sa démonstration de la violation par leurs soins de l'une de leurs obligations contractuelles ; ils ont respecté leur obligation contractuelle de signer le compromis de vente, telle qu'issue du mandat de vente, et visée dans la clause pénale ;

- le mandat de vente du 17 février 2021 prévoit le paiement des honoraires par l'acquéreur et non par le vendeur ;

- il est fait interdiction à l'agent immobilier, en vertu de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, de percevoir une commission lorsque la vente à laquelle il a apporté son entremise n'est pas définitivement conclue par la signature d'un acte authentique ;

- la vente définitive n'ayant pas eu lieu, l'absence de droit à commission est incontestable ;

- à titre subsidiaire, selon l'agent immobilier, ils auraient commis une faute contractuelle qui aurait pour celui-ci, tiers au contrat, la qualité d'une faute civile ; or rien ne démontre qu'ils aient commis une faute contractuelle envers leurs acquéreurs ;

- c'est d'un commun accord, de manière éclairée et avec l'assistance d'un conseil pour M. et Mme [H], qu'ils ont convenus avec ces derniers de ne pas donner suite au compromis de vente ; il ne s'agit aucunement d'une rupture unilatérale, brutale ou inopinée ; la rupture amiable ne constitue pas une violation d'une obligation issue du contrat ;

- leur renonciation à vendre était légitime et motivée par le fait que M. [X] avait reçu le 6 juillet 2021 une convocation à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, qu'une telle perspective enlevait à celui-ci toute solvabilité et toute possibilité de souscrire un prêt pour financer une nouvelle acquisition, ce qu'ont parfaitement compris M. et Mme [H] ;

- s'ils ont pris l'initiative de pourparlers avec les acquéreurs pour annuler la vente, ils l'ont fait en considération d'un motif grave et imprévu, et n'ont ainsi commis aucune faute ;

- l'agence [G] doit prouver et chiffrer son préjudice indemnisable ; il ne saurait s'agir d'une somme forfaitaire sans considération du travail accompli, et elle ne démontre ni l'existence ni l'étendue du préjudice qu'elle allègue ;

- les griefs qu'ils exposent dans la lettre du 6 juillet 2021 s'inscrivent dans un échange privé entre l'agence immobilière et eux, et ne constituent pas les dénigrements et accusations mensongères allégués ; l'agence [G] n'a pas été atteinte dans son image, et n'a pas perdu M. et Mme [H] comme clients potentiels ;

- la main courante du 8 juillet 2021 et la plainte pénale du 26 novembre 2021, déposées par M. [G], outre qu'elles ne sont corroborées par aucun autre élément versé à la procédure, n'ont donné lieu à aucune suite.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre les mandants

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.

Aux termes de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Le 17 février 2021, M. et Mme [X] ont régularisé avec l'agence immobilière [G] un mandat de vente pour leur immeuble d'habitation situé [Adresse 3] à [Localité 9] au prix de 158 000 euros, frais d'agence inclus à hauteur de 9 000 euros à la charge de l'acquéreur. Ledit mandat est signé avec une clause d'exclusivité pour une période irrévocable de trois mois.

Aux termes des conditions générales au paragraphe des obligations du mandant, il est prévu une clause pénale - exclusivité rédigée comme suit : « de convention expresse et à titre de condition essentielle sans laquelle le mandataire n'aurait pas accepté la présente mission, le mandant :

s'engage à signer aux prix, charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier, avec tout acquéreur présenté par le mandataire ;

autorise le mandataire pendant la durée du mandat à poser en exclusivité un panneau sur les biens à vendre et s'interdit de négocier directement ou indirectement, s'engageant à diriger sur le mandataire toutes les demandes qui lui seront adressées personnellement ;

s'interdit pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration indiquée au recto, de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.

En cas de non-respect des obligations énoncées ci-avant aux paragraphes a., b. ou c., il s'engage expressément à verser au mandataire, en vertu de l'article 1231-5 du code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto ».

Le paragraphe intitulé « rémunération du mandataire - frais exposés » stipule que « la rémunération du mandataire, dont le montant ou le mode de calcul est indiqué au recto, deviendra exigible le jour où l'opération sera effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit, signé par l'acquéreur et le vendeur. Le mandataire, titulaire de la carte professionnelle, perçoit sans délai sa rémunération ou ses honoraires une fois constatée par acte authentique l'opération conclue par son intermédiaire ».  

Au paragraphe intitulé « Fixation de la durée du paragraphe "de la clause pénale stipulée au verso" », il est prévu que « de convention expresse et à titre de condition essentielle sans laquelle le mandataire n'aurait pas accepté la présente mission, le mandant s'interdit pendant la durée du mandat et pendant une période de trois mois suivant son expiration, de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui ».

Le 15 juin 2021, un compromis de vente a été régularisé entre M. et Mme [X], d'une part, et M. et Mme [H], d'autre part, sous les conditions suspensives de l'obtention d'un prêt, du paiement par l'acquéreur de la commission de négociation de 9 000 euros due à l'agence [G], et de la réitération de la vente au plus tard le 15 septembre suivant.

La lecture du mandat de vente enseigne qu'au rang de leurs obligations contractuelles, les mandants s'étaient interdits de négocier directement ou indirectement avec des acquéreurs potentiels, et s'étaient engagés à signer aux prix et conditions convenus toute promesse de vente ou tout compromis de vente avec tout acquéreur présenté par le mandataire, ce qu'ils ont respecté en régularisant le compromis de vente le 15 juin 2021 avec M. et Mme [H].

De l'échange de courriels entre les parties, il apparaît que, si M. et Mme [H] ont bien informé l'agence [G] dès le 1er juillet 2021 de l'obtention de leur financement bancaire, les parties ont également échangé à cette période sur la défectuosité de la motorisation des portes de garage et la présence d'infiltrations d'eau en sous-sol.

Par courriel comminatoire du 6 juillet 2021, M. [X] a informé l'agent immobilier que son épouse et lui ne souhaitaient plus vendre, indiquant qu'ils n'avaient pas reçu la copie du compromis, que le délai de régularisation de l'acte au 15 septembre 2021 ne leur convenait pas, et que leur sous-sol était en permanence inondé ; il ajoutait les propos suivants : « afin de me libérer d'éventuels dommages et intérêts vous concernant vous et acquéreurs, je ferai valoir qu'aucun document ne m'a été remis lors de la signature et trouverai une faille éventuelle avec avocat. ['] Je suis désolé pour ce mail qui j'en ai conscience remet en question beaucoup de travail et d'organisation quant à vous et M. et Mme [H], mais ne puis aller plus loin dans cette démarche trop rapide et en assumerai les conséquences [s'il] doit y en avoir ».

Par courriel du 7 juillet 2021, M. et Mme [X] se sont rapprochés de M. et Mme [H], leur proposant une annulation amiable du compromis de cession, et invoquant des « changements professionnels inquiétants et imprévus » pour l'époux.

Ils produisent à cet égard la lettre de convocation préalable à un entretien pouvant aller jusqu'au licenciement, remise en mains propres le 6 juillet 2021 à M. [X] par son employeur.

Par courriel du même jour, M. [H] répond qu'il comprend que le risque d'un changement professionnel puisse compromettre leurs projets, prend acte des défauts de la maison qui lui avaient été jusqu'alors cachés, et se déclare prêt à accepter leur rétractation.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [X], l'agence [G] ne réclame pas le paiement de sa commission, étant ici rappelé qu'en vertu de l'article 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, l'agent immobilier a l'interdiction de percevoir par avance des provisions sur sa rémunération et pour frais de démarche, que la perception de sa rémunération est subordonnée à la réalisation effective d'une vente liant définitivement les parties, et non point seulement à la détention d'une simple promesse de vente ou d'achat.

C'est a posteriori que M. et Mme [G] ont invoqué la lettre de convocation à un entretien préalable de licenciement pour tenter d'expliquer leur renonciation à vendre, alors que rien ne vient démontrer que cet entretien du 27 juillet 2021 ait débouché sur une sanction ou un licenciement.

Le déroulement des faits permet d'établir qu'en réalité, les mandants avaient la ferme intention de se rétracter, comme ils l'expriment sans ambiguïté dans leur courriel du 6 juillet 2021, et ont manipulé leurs acquéreurs pour faire échec à la vente et les convaincre de consentir sans frais à son annulation ; ils ont ainsi dévalorisé leur bien, et mis en cause l'action de l'agent immobilier qui, selon eux, leur avait conseillé pour le sous-sol d'« avertir en minimisant ».

En effet, alors que M. et Mme [X] s'étaient contractuellement interdits envers l'agence [G], pendant la durée du mandat exclusif et pendant une période de trois mois suivant son expiration, de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui, ils n'ont pas hésité à contacter directement leurs acquéreurs pour les convaincre d'accepter la révocation du compromis de vente, arguant de changements professionnels imprévus et de défauts présentés par l'immeuble.

Par courriel du 7 juillet 2021, M. [H] a accepté que M. et Mme [X] conservent la maison, et renoncent à la vente sans lui payer de pénalités, précisant toutefois avoir été très déçu, puis s'être fait une raison.

Il s'ensuit que la non-réitération de la vente est exclusivement imputable aux mandants par suite de leur refus de réitérer, et qu'ils ont manqué à leurs obligations contractuelles en revenant sur leur signature formalisée dans le compromis de vente, alors que promesse de vente vaut vente selon les dispositions de l'article 1589 du code civil.

Dans ces conditions, l'agence [G] démontre suffisamment le manquement caractérisé de M. et Mme [X] à leurs obligations contractuelles dans le cadre de l'exécution fautive du contrat de mandat.

S'agissant de l'évaluation du préjudice, le mandat prévoit expressément qu'en cas de non-respect des obligations énoncées, les mandants s'engagent expressément à verser au mandataire, en vertu de l'article 1231-5 du code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue.

En conséquence, l'agence [G] est bien fondée à obtenir la condamnation in solidum de M. et Mme [X] à lui payer la clause pénale de 9 000 euros telle que prévue au contrat.

Le jugement querellé est réformé en ce qu'il a débouté l'agence [G] de sa demande sur ce point.

II - Sur l'action en responsabilité délictuelle fondée sur des actes d'intimidation et de dénigrement

En application de l'article 1240 précité, il appartient à l'agence [G] de démontrer la faute délictuelle reprochée à M. [X], le préjudice subi et le lien de causalité existant entre la faute et le préjudice.

En l'espèce, l'agence [G] argue d'actes de dénigrement, agression, propos mensongers, intimidations et menaces perpétrés par M. et Mme [X], et produit, au soutien de ses prétentions, une main courante et un récépissé de dépôt de plainte.

Le 8 juillet 2021, M. [G] a déposé une main courante à la gendarmerie de [Localité 8] aux termes de laquelle il expliquait s'être rendu la veille chez M. et Mme [X] dans un souci de conciliation pour discuter du fait qu'ils ne souhaitaient plus vendre leur immeuble ; il relatait que la discussion s'était envenimée avec M. [X], que celui-ci s'était énervé en lui disant de « faire attention à [sa] vie », l'avait regardé dans les yeux pour l'intimider, et avait adopté une attitude menaçante.

M. [G] a déposé une plainte le 26 novembre 2021 à la gendarmerie nationale de [Localité 8] pour injure non publique commise le 25 novembre 2021 à [Localité 8], sans que la teneur du récépissé ne permette de connaître l'existence ou la nature des faits reprochés, ni d'identifier leur auteur présumé.

Ces documents émanent exclusivement du plaignant, et ne sont corroborés par aucune pièce, telle un écrit, un témoignage, une enquête, une capture d'écran, ou un document médical.

Faute d'établir la réalité des faits fautifs allégués, l'agence [G] est déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement critiqué est confirmé sur ce point.

III - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à réformer le jugement critiqué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

M. et Mme [X] qui succombent sont condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le sens de l'arrêt et l'équité conduisent la cour à condamner in solidum M. et Mme [X] à payer à l'agence [G] une somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera Maître Karl Vandamme avocat à recouvrer directement contre les personnes condamnées les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 septembre 2023 par le tribunal judiciaire d'Arras, sauf en ce qu'il a :

- débouté la société [B] [G] agence conseil en immobilier de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société [B] [G] agence conseil en immobilier aux dépens de l'instance ;

 

Le réforme de ces chefs,

Prononçant à nouveau des chefs réformés, et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [S] [X] et Mme [C] [F] épouse [X] à payer à la société [B] [G] agence conseil en immobilier la somme de 9 000 euros à titre de clause pénale ;

Rejette les plus amples prétentions des parties ;

Condamne in solidum M. [S] [X] et Mme [C] [F] épouse [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Les condamne in solidum à payer à la société [B] [G] agence conseil en immobilier la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Karl Vandamme, avocat, recouvrera directement contre M. [S] [X] et Mme [C] [F] épouse [X] les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 23/04286
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.04286 ?
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