La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°24/00338

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 2, 04 juillet 2024, 24/00338


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 2



ARRÊT DU 04/07/2024





****





N° de MINUTE :

N° RG 24/00338 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VKFW



Ordonnance (N° 2023001692) rendue le 19 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Douai Cedex







APPELANTE



SAS Geci agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siè

ge social [Adresse 1]



représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué







INTIMÉE



SARL Europe Transactions Plus prise en la personne de son représentant légal domi...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 04/07/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 24/00338 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VKFW

Ordonnance (N° 2023001692) rendue le 19 septembre 2023 par le tribunal de commerce de Douai Cedex

APPELANTE

SAS Geci agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉE

SARL Europe Transactions Plus prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 5]

représentée par Me Pierre Noel, avocat constitué substitué par Me Justine Duval, avocats au barreau de Douai

DÉBATS à l'audience publique du 14 mai 2024 tenue par Anne Soreau magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 juillet 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2024

****

Selon contrat du 6 octobre 2022, la société GECI a acquis auprès de la société Europe Transaction Plus (la société ETP) 194 lots de matériaux de construction pour le prix global de 100 000 euros payable en quatre échéances de 25 000 euros, la première étant versée à la signature du contrat, la deuxième au 30 octobre 2022, la troisième au 30 novembre 2022 et la quatrième au 19 décembre 2022.

L'enlèvement des marchandises devait intervenir avant la fin du mois de décembre 2022.

La société GECI a acquitté le premier versement de 25 000 euros le 6 décembre 2022 et un deuxième versement de 12 500 euros le 16 janvier 2023 puis a cessé les paiements.

Le 30 juin 2023, faute d'avoir été réglée dans sa totalité, la société ETP a, après mise en demeure infructueuse, assigné la société GECI en référé aux fins d'obtenir le retrait des 194 lots achetés et une provision de 63 147,35 euros correspondant au solde du prix.

Le 20 juillet 2023, un paiement complémentaire de 10 000 euros a été effectué par la société GECI.

Par ordonnance du 19 septembre 2023, le président du tribunal de commerce de Douai, statuant en référé, a :

- Ordonné à la société GECI de procéder à l'enlèvement des 194 lots de matériaux de bâtiment laissés sur le site de la société ETP à [Localité 3], sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, se réservant la liquidation de l'astreinte ;

- Condamné la société GECI à payer à titre provisionnel à la société ETP la somme de 53 147,35 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2023, date de l'acte introductif d'instance ;

- Condamné la société GECI à verser à la société ETP la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les dépens de la procédure liquidés à la somme de 40,66 euros.

Par déclaration du 23 janvier 2024, la société GECI a interjeté appel de l'entière décision.

PRETENTION DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 avril 2024, la société GECI demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 655 et suivants, 14 et 114 du code de procédure civile ;

Vu l'avis de signification de l'acte de commissaire de justice daté du 22 décembre 2023 et l'acte de signification portant la date de sa prétendue délivrance le 21 décembre 2023 à la société GECI ;

In limine litis,

- Déclarer nul et de nul effet l'acte de signification qui lui a été délivré, à la requête de la société ETP, le 21 décembre 2023 ;

Sur le fond,

- Infirmer l'ordonnance entreprise ;

A titre principal :

- dire n'y avoir lieu à référé et débouter la société ETP de ses moyens, fins et prétentions ;

A titre reconventionnel,

- ordonner à la société ETP de lui permettre de procéder à l'enlèvement des marchandises d'ores et déjà payées, ce que le premier juge a retenu à hauteur de 46 852,65 euros (100 000 - 53 147,35 ) outre les lots n°33, 44, 50,95, 96, 98, 105, 105 bis, 106, 108, 115, 115bis, 123, 125, 131, 132, 133, 147, 163, 164, 231 dont elle est propriétaire pour avoir été réglée directement à la société Mercier automobiles lors de la vente du 23 juin 2022 et que la société GECI devait évacuer en même temps que les autres marchandises ;

- dire et juger que, conformément à ce qui avait été convenu entre les parties, elle disposera d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, pour procéder à l'enlèvement des marchandises d'ores et déjà payées représentant la valeur de 46 852,65 euros, ainsi que de deux mois supplémentaires pour procéder, après paiement, à l'enlèvement du reste des marchandises de nature à représenter 53 147,35 euros, ainsi que les lots n°33, 44, 50,95, 96, 98, 105, 105 bis, 106, 108, 115, 115bis, 123, 125, 131, 132, 133, 147, 163, 164, 231, dont elle est définitivement propriétaire pour avoir été directement payés à la société Mercier Automobiles ;

A titre subsidiaire,

Dans l'hypothèse où la cour estimerait devoir la débouter de ses demandes et confirmer sa condamnation sous astreinte à l'enlèvement des matériaux de bâtiment,

- dire et juger que l'astreinte ne commencera à courir que passé un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société ETP à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 avril 2024, la société ETP demande à la cour :

Vu les articles 462, 490, 654, 655, 656, 657, 658, 873 et 914 du code de procédure civile,

Vu l'article R.131-1 du code des procédures civiles d'exécution,

In limine litis :

Juger irrecevable l'appel formé par la société GECI, en violation du délai de l'article 490 du code de procédure civile ;

A défaut de déclarer l'appel irrecevable,

- Confirmer dans toutes ses dispositions l'ordonnance de référé entreprise ;

- Débouter la société GECI de l'intégralité de ses demandes ;

Statuant à nouveau sur la rectification de l'ordonnance,

- Rectifier l'ordonnance entreprise comme suit : Remplacer " Ordonnons à la société GECI de procéder à l'enlèvement de 194 lots de matériaux de bâtiment  laissés sur le site de la société Europe Transaction Plus à [Localité 3], sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision " par " Ordonnons à la société GECI de procéder à l'enlèvement de 194 lots de matériaux de bâtiments laissés sur le site de la société Europe Transaction Plus à [Localité 4], sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision " ;

- Condamner la société GECI à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens.

MOTIVATION

I - Sur la recevabilité des conclusions notifiées par la société ETP le 29 avril 2024

Par conclusions procédurales notifiées le 13 mai 2024, la société GECI demande à la cour, sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile, de rejeter des débats les conclusions notifiées par la société ETP le 29 avril 2024, soit la veille de la clôture, à 19 heures 03. Elle estime que la tardiveté de ces écritures l'empêche de pouvoir y répondre.

Par conclusions procédurales notifiées par la voie électronique le 13 mai 2024, la société ETP demande à la cour, sur le même fondement juridique, de débouter la société GECI de sa demande de rejet et de déclarer ses dernières conclusions recevables. Elle fait valoir que la clôture de la procédure était initialement prévue le 15 avril 2024 et que la société ETP, ayant déposé des conclusions la veille, un report de la clôture a été ordonné au 30 avril 2024. Ses conclusions notifiées le 29 avril 2024 ne visent qu'à répliquer aux écritures de la société ETP, en ne soulevant aucun moyen nouveau ou prétention nouvelle. Elles sont donc recevables en vertu d'une jurisprudence constante (Civ.3ème, 12 juin 2022, n°01-01.233).

Réponse de la cour :

Il résulte de l'article 15 du code de procédure civile que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Selon l'article 16 alinéa 1 et 2 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement

En l'espèce, il apparaît que les conclusions de la société ETP du 29 avril 2024 viennent en réponse à celles de la société GECI, notifiées le 14 avril 2024, la veille de la clôture initialement fixée. Elles ne contiennent ni moyen nouveau, ni prétentions nouvelles, et ne visent qu'à répondre aux conclusions de la société GECI.

En application de l'article 15 du code de procédure civile, la société ETP doit pouvoir répondre aux conclusions déposées en toute limite de clôture par la société GECI.

Ses conclusions, en date du 29 avril 2024, dans la mesure où elles ne soulèvent ni prétentions, ni moyens nouveaux appelant une réponse, ne portent donc pas atteinte aux droits de la défense (Civ.3ème, 12 juin 2022, n°01-01.233).

La société GECI doit donc être déboutée de sa demande visant à voir exclure des débats ces conclusions du 29 avril 2024.

II - Sur la régularité de l'acte de signification de l'ordonnance, daté du 21 décembre 2023

La société GECI fait valoir que :

- L'acte de signification de l'ordonnance déférée, daté du 21 décembre 2023, doit être annulé ; le commissaire de justice n'a en effet justifié d'aucune diligence particulière pour permettre la délivrance de l'acte à personne ; par ailleurs, l'adresse mentionnée sur l'acte était celle de l'ancien siège social de la société qui a été rectifiée de la main du commissaire de justice ; le gérant de la société GECI a été avisé téléphoniquement le 10 janvier 2024 qu'un acte avait été remis dans la boîte aux lettres du nouveau siège de la société, ce qui laisse présumer que l'acte, restant daté du 21 décembre 2023, n'a en fait été déposé dans la boîte par l'huissier que le 10 janvier 2024, rendant son appel du 12 janvier 2024 tardif ;

- L'acte de signification étant annulé, le délai imparti pour relever appel n'a donc pas commencé à courir ;

La société ETP réplique que :

- L'acte de signification de l'ordonnance entreprise a été signifié le 21 décembre 2023 au domicile de M. [G], gérant de la société GECI, [Adresse 1] à [Localité 2], et le clerc assermenté a mis en 'uvre les diligences nécessaires pour s'assurer que le gérant demeurait bien à cette adresse ; la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile contenant copie de l'acte de signification a bien été adressée le 22 décembre 2023 ;

- Cette signification est régulière, et l'apposition de la signature de M. [G], suivie de la mention " reçu le 10 janvier 2024 " en tête de l'avis de signification, est dépourvue de force probante ;

Réponse de la cour :

L'article 654 du code de procédure civile pose comme principe que la signification d'un acte doit être faite à personne.

L'article 690 du même code précise par ailleurs que la notification destinée à une personne de droit privé est faite au lieu de son établissement et, à défaut d'un tel lieu, en la personne de l'un de ses membres habilités à la recevoir.

L'article 655 du même code prévoit que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré, soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.

Cet article précise que le commissaire de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

En l'espèce, il ressort de l'acte de signification du 21 décembre 2023 de l'ordonnance de référé contestée, que l'huissier a vérifié l'adresse de la société GECI et l'a rectifiée en mentionnant l'adresse du nouveau siège social de la société. Il a ensuite mentionné que le destinataire de l'acte était absent, précisant ainsi les circonstances caractérisant l'impossibilité de remettre l'acte à personne. L'acte a en conséquence été signifié à domicile selon la procédure prévue à l'article 656 du code de procédure civile.

La société GECI ne démontre par aucune pièce que son gérant aurait reçu un appel téléphonique de l'huissier le 10 janvier 2024 et que l'acte n'aurait été mis dans sa boîte aux lettres ce jour-là et non le 23 décembre 2023, comme indiqué sur l'acte de signification qui fait foi, faute d'éléments prouvant le contraire.

Il en ressort que l'acte est régulier. La société GECI sera en conséquence déboutée de sa demande d'annulation.

III - Sur la recevabilité de l'appel

La société ETP fait valoir qu'en application de l'article 490 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé entreprise peut être frappée d'appel et l'appel est de 15 jours. Or, l'ordonnance a été signifiée le 21 décembre 2023 et n'a fait l'objet d'un d'appel que le 12 janvier 2024 ; en application de l'article 914 du code de procédure civile, l'appel de la société GECI doit donc être déclaré irrecevable en raison de sa tardiveté.

Réponse de la cour :

La société ETP fonde pour sa demande d'irrecevabilité de l'appel de la société GECI sur l'article 914 du code de procédure civile.

Cet article dispose que :

Les parties soumettent au conseiller de la mise en état qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :

-Prononcer la caducité de l'appel ;

-Déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ; (')

Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou de la caducité de celui-ci.

Saisie sur le fondement de ce texte, la cour est tenue de vérifier que ses conditions d'application sont réunies en l'espèce, en particulier en ce qu'il prévoit que le conseiller de la mise en état est, lorsqu'il est désigné et jusqu'à son dessaisissement, seul compétent pour déclarer l'appel irrecevable. Ainsi, dès lors que des conclusions soulevant une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel ont été notifiées antérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état, la cour d'appel ne peut statuer sur ce moyen et juger l'appel irrecevable (civ. 2ème, 20 avril 2017, n°16-12.605 publié).

En l'espèce, les conclusions de la société ETP soulevant l'irrecevabilité de l'appel ont été notifiées par cette dernière dès ses premières conclusions, antérieurement à la clôture de l'instruction et au dessaisissement du conseiller de la mise en état. Ceci interdit donc à la cour d'appel, qui n'a pas relevé d'office cette irrecevabilité, de statuer sur ce moyen et de juger l'appel irrecevable.

IV - Sur les demandes de la société ETP en provision et enlèvement des 194 lots de marchandises, et sur les demandes reconventionnelles de la société GECI :

La société GECI fait valoir que :

- Au titre du contrat conclu, elle a deux obligations : payer en quatre fois le prix de 100 000 euros dans les conditions convenues avec la société ETP, puis retirer les marchandises objet du contrat, soit 194 lots qui représentent 1 500 palettes ;

- Elle ne s'est pas trouvée en mesure de régler les échéances convenues aux dates fixées ;

- Son cocontractant s'est opposé à l'enlèvement partiel des marchandises d'ores et déjà payées, ce qui aurait permis de dégager la trésorerie destinée au paiement des autres échéances et de procéder à l'enlèvement des marchandises correspondantes ;

- La société ETP est dépositaire de marchandises acquises et payées directement auprès de la société Mercier Automobiles (pièces 10 et 11), qu'elle se trouve empêchée de récupérer ;

- Les allégations de la société ETP selon lesquelles elle aurait refusé de récupérer le stock acquis sont mensongères, ses demandes en ce sens étant toujours restées sans réponse de la société ETP ;

- La société ETP exige avant l'enlèvement des marchandises, le paiement du solde du prix ; or, en l'état de ses stipulations, la convention signée entre les parties doit manifestement être interprétée comme étant de nature à permettre l'enlèvement progressif des marchandises moyennant le paiement du prix des marchandises correspondantes, sans que, comme le prétend la société ETP, le défaut de paiement de la totalité du prix lui permette de conserver par devers elle l'intégralité des marchandises ; sans quoi, les parties n'auraient eu aucune raison de convenir d'un prix échelonné ; par ailleurs, elle ne pouvait pas, entre le 19 et le 31 décembre 2022, soit en pleine période de vacances scolaires, faire procéder à l'enlèvement de 194 lots, soit 1 500 palettes ;

- c'est au titre d'une mauvaise interprétation des stipulations du contrat que la société ETP s'oppose à l'enlèvement partiel des marchandises d'ores et déjà réglées, de nature à en permettre un enlèvement progressif ;

- or, il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter les clauses d'un contrat, et la cour de cassation énonce qu'une cour d'appel qui a dû interpréter les clauses des contrats a tranché une contestation sérieuse et a visé les dispositions de l'article 873 du code de procédure civile.

La société ETP réplique que :

- le juge des référés n'a aucunement besoin d'interpréter les clauses du contrat, celles-ci étant parfaitement claires, et c'est l'exacte application du contrat qui a été poursuivie ;

-le règlement échelonné avait pour but de prévoir un retrait progressif et permettre à la société GECI de se mettre en état chaque mois, tant techniquement que financièrement, sous réserve de respect du calendrier fixé ; or elle n'a pas respecté les échéances prévues, dès la deuxième échéance qui n'a été réglée que partiellement le 16 février 2023 ;

- un garde-fou a été inséré dans le contrat, à savoir une clause de réserve de propriété avec l'absence de mise à disposition du stock en cas de non-respect du calendrier ;

- en sus, malgré les demandes répétées, la société GECI a refusé de récupérer le stock qu'elle a acquis ; bien entendu, la récupération de ce stock allait de pair avec le paiement complet du prix, conformément aux stipulations contractuelles ;

- aucune demande pour récupération du stock de marchandises payées directement auprès de la société Mercier automobiles n'a été formulée antérieurement à la signification de l'ordonnance, certainement parce que la société GECI ne disposait pas des fonds suffisants pour payer l'intégralité des sommes dues, sans quoi elle ne peut procéder à l'enlèvement des sommes dues compte tenu de la clause de réserve de propriété insérée au contrat ;

- Les obligations nées de la conclusion du contrat du 6 octobre 2022 ne sont pas sérieusement contestables ; la société GECI est aujourd'hui débitrice de la somme de 53 147,35 euros à son égard, correspondant au prix d'acquisition de 194 lots de matériaux de bâtiment non payés ; il convient en conséquence de confirmer la provision allouée par le premier juge sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- Il convient par ailleurs de rectifier l'ordonnance de référé qui a ordonné l'enlèvement des 194 lots situés sur le site de [Localité 3], alors qu'elles se trouvent en fait sur le site de [Localité 4].

Réponse de la cour :

En vertu de l'article 873 du code de procédure civile que le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, " et même en présence d'une contestation sérieuse ", prescrire en référé les mesures conservatoires et de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il résulte du deuxième alinéa de cet article, que le juge des référés ne peut accorder une provision au créancier que dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable (Civ.1ère, 17 janvier 1978, n°76-13.970 P).

Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la cour d'appel, qui a dû interpréter les clauses des contrats pour accueillir la demande de provision, a tranché une contestation sérieuse et, partant, a violé l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile (Civ. 1ère, 4 juillet 2006, n°05-11.591 P ; Com., 23 septembre 2014, n°13-11.836).

En l'espèce, les conditions de vente conclues entre la société GECI et la société ETP le 6 octobre 2022 sont ainsi rédigées :

Le prix de vente du stock décrit en annexe est fixé à 100 000 euros TTC payable par virement en quatre termes de 25 000 euros chacun aux dates suivantes :

25 000 euros à la date de signature de la présente,

25 000 euros le 30 octobre 2022 au plus tard,

25 000 euros le 30 novembre 2022 au plus tard,

25 000 euros le 19 décembre 2022 au plus tard.

Il est convenu entre les parties que le stock de marchandises ainsi vendu sera mis à disposition de l'acquéreur afin qu'il puisse le retirer par quart en concordance avec l'échelonnement du paiement de son prix fixé ci-dessus, à savoir un quart du stock à la date des présente, un quart le 30 octobre 2022 au plus tard, un quart le 30 novembre 2022 au plus tard et le solde le 19 décembre 2022 au plus tard. Il en résulte que le non-paiement d'une échéance fixée ci-dessus entraîne de facto l'absence de mise à disposition du stock pour retirement et la possibilité pour le vendeur de demander la restitution du stock déjà retiré.

En effet, il est convenu que le vendeur reste propriétaire des marchandises vendues tant que l'acquéreur ne lui a pas entièrement réglé le prix prévu dans le présent contrat. Il en résulte qu'en cas de non-paiement, le vendeur pourra exiger à tout moment la restitution desdites marchandises.

D'autre part, si ces marchandises sont détériorées, perdues ou volées, l'acheteur sera entièrement responsable des conséquences de ce sinistre. Il est tenu de souscrire une assurance qui garantira le paiement de l'indemnité directement au vendeur.

Il n'est pas contesté par les parties que le premier versement de 25 000 euros a été opéré par la société GECI, avec retard, le 6 décembre 2022, un deuxième versement partiel intervenant le 16 janvier 2023 pour 12 500 euros.

Il ressort également des conclusions des parties qu'aucune marchandise n'a été délivrée ce jour à la société GECI bien que l'une des échéances ait été payée avant le 19 décembre 2022, date de fin des paiements, et que les propositions faites par la société ETP à sa cocontractante de venir récupérer les marchandises, ne l'étaient que sous la condition que la totalité du prix soit payé, comme il ressort du courrier transmis par le conseil de la société ETP à la société GECI lui précisant que " ce n'est donc qu'à compter du paiement du prix de cession, soit un montant de 53 147,35 euros (+intérêts pour mémoire) que vous pourrez procéder au retrait des marchandises ".

La lecture des clauses du contrat fait apparaître une difficulté d'appréciation de la notion de " stock " employée.

On remarquera en effet que le " stock " visé en début du contrat constitue la totalité des 194 lots, tandis qu'au paragraphe 2 du contrat, est appelé " stock " le quart seulement des marchandises vendues (" possibilité pour le vendeur de demander la restitution du stock déjà retiré ").

Cette imprécision conduit à des interprétations différentes du contrat par les parties, leur litige portant sur la question de ce qu'il faut entendre par " stock " et l'option offerte en cas de paiement partiel.

Ainsi société GECI estime qu'en vertu du contrat qui prévoit la possibilité de retirer la marchandise " par quart en concordance avec l'échelonnement du paiement de son prix ", le paiement d'une partie d'une échéance devrait lui permettre de récupérer un quart du stock de marchandises, sans quoi il n'y aurait eu aucun intérêt à prévoir un échelonnement du paiement et du retirement des marchandises.

A l'inverse, la société ETP considère que le non-respect des dates de paiement et le retard dans le règlement de la première échéance entraîne de facto l'impossibilité de récupérer les marchandises, même en partie, et l'obligation de payer la totalité du prix avant d'avoir la remise de la totalité de la marchandise, puisque selon elle la notion de " stock " doit s'interpréter comme comprenant les 194 lots de marchandise.

Il en résulte que la résolution du litige opposant les parties nécessite l'interprétation des clauses ambiguës du contrat et de la commune intention des parties, ce que ne peut faire le juge des référés.

Cette interprétation est nécessaire tant pour apprécier les demandes principales de la société ETP, que la demande reconventionnelle de la société GECI qui sollicite l'enlèvement des marchandises déjà réglées.

Quant à sa demande de restitution des lots de marchandises qui auraient été achetés à la société Mercier Automobiles le 23 juin 2022, la société GECI produit une facture de vente émise par le vendeur portant sur un certain nombre de lots de marchandises (pièce de la société GECI n°9) qui, comparés aux numéros des lots acquis auprès de la société ETP (pièce n°1 de la société GECI), ne correspondent pas aux lots vendus par cette dernière, ni dans leur contenu, ni dans leur prix. La société GECI ne produit aucun autre élément propre à démontrer que la société ETP détiendrait les lots vendus par la société Mercier Automobiles et empêcherait leur restitution.

Il existe donc également une contestation sérieuse relative à la détention de ces marchandises par la société ETP qui interdit l'intervention du juge des référés.

A supposer par ailleurs que ces marchandises soient incluses dans les lots litigieux, leur restitution se heurte à une contestation sérieuse compte tenu de l'existence d'une clause de réserve de propriété au contrat.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise en toutes ces dispositions, de dire n'y avoir lieu à référé et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir.

Par ailleurs, le juge des référés n'étant pas à même de statuer sur les demandes des parties, la rectification d'erreur matérielle qui s'y rattache ne peut lui être soumise.

V - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La société ETP, qui succombe pour l'essentiel, assumera les entiers dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande par ailleurs de n'allouer d'indemnité procédurale à aucune des parties.

Les chefs de la décision critiquée relatifs aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront donc infirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Déboute la société GECI de sa demande visant à voir rejeter des débats les conclusions notifiées par la société ETP le 29 avril 2024 ;

- Rejette la demande de la société GECI visant à l'annulation de l'acte de signification de l'ordonnance déférée daté du 23 décembre 2023 ;

-Déclare irrecevable devant la cour d'appel la demande de la société Europe Transaction Plus tendant à voir déclarer l'appel de la société GECI irrecevable ;

- Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

- Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Europe Transaction Plus tendant à la condamnation de la société GECI :

à l'enlèvement sous astreinte des 194 lots de matériaux ;

au paiement d'une provision de 53 147,35 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2023 ;

- Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société GECI tendant à obtenir :

l'enlèvement des marchandises d'ores et déjà payées ;

l'enlèvement des lots de marchandises 33, 44, 50,95, 96, 98, 105, 105 bis, 106, 108, 115, 115bis, 123, 125, 131, 132, 133, 147, 163, 164, 231 dont elle est propriétaire pour avoir été réglés directement à la société Mercier Automobiles ;

- Renvoie les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront ;

- En conséquence, dit sans objet la demande de rectification d'erreur matérielle affectant l'ordonnance entreprise ;

- Condamne la société Europe Transaction Plus aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les demandes des parties.

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 2
Numéro d'arrêt : 24/00338
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;24.00338 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award