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05/07/2024 | FRANCE | N°22/00504

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 05 juillet 2024, 22/00504


ARRÊT DU

05 Juillet 2024







N° 962/24



N° RG 22/00504 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGTP



NRS/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

24 Février 2022

(RG F 19/01456 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 05 Juillet 2024





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [W]-[M] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



Association ASSOCIATION DIOCESAINE DE ...

ARRÊT DU

05 Juillet 2024

N° 962/24

N° RG 22/00504 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGTP

NRS/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

24 Février 2022

(RG F 19/01456 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 05 Juillet 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [W]-[M] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

Association ASSOCIATION DIOCESAINE DE [Localité 8]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Matthieu LAMORIL, avocat au barreau d'ARRAS

DÉBATS : à l'audience publique du 15 Mai 2024

Tenue par Nathalie RICHEZ-SAULE

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Muriel LE BELLEC

: conseiller faisant fonction de

PRESIDENT DE CHAMBRE

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Nathalie RICHEZ-SAULE

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller désigné pour exercer les fonctions de président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 mai 2024

Madame [W]-[M] [O] a été recrutée par l'Association Diocésaine de [Localité 8] selon contrat de travail à durée indéterminée du 22 mai 2000 en qualité d'assistante au secteur de l'immobilier, chargée de mission, à temps complet, et moyennant une rémunération de 10 800 Francs bruts par mois.

Au regard de ses fonctions, Madame [O] était affectée au service de l'économat qui a notamment en charge la gestion du patrimoine de l'Association Diocésaine et qui est dirigée par l'économe diocésain.

Après diverses évolutions, elle occupait, au dernier état de ses fonctions, celles d'assistante juridique, qualification employée, coefficient 285.

Par lettre du 19 octobre 2017, Madame [W]-[M] [O] a été convoquée à entretien préalable pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 26 octobre. La salariée s'y est rendue assisté de deux membres de la délégation du personnel. Le 23 novembre 2017, il lui a été notifié un avertissement par lettre remise contre décharge dans les termes suivants :

«Au temps et au lieu du travail, vous avez vaqué à des occupations personnelles au détriment de l'exécution de vos fonctions.

Alors qu'une de vos collègues de travail tentait de vous transférer une communication téléphonique professionnelle, vous ne décrochiez pas, privilégiant une conversation personnelle sur votre téléphone personnel.

Lorsque cette collègue s'est présentée dans votre bureau pour que vous puissiez prendre la conversation téléphonique, vous avez refusé de recevoir cet appel, lui avez ordonné péremptoirement de quitter les lieux et avez claqué la porte de votre bureau derrière elle.

Vous avez reconnu avoir privilégié votre conversation personnelle privée à l'exécution de vos fonctions».

«Après avoir mis fin, au bout d'un certain temps, à votre conversation téléphonique privée, vous vous êtes rendue au bureau de votre collègue pour l'agresser verbalement, la dénigrer et l'insulter.

Vous étiez dans un état de fureur inadmissible.»

Le 8 avril 2019, il lui a été notifié un nouvel avertissement en main propre contre décharge fondé sur «de sérieux manquements à la bonne exécution de [son] contrat de travail».

L'employeur a sollicité un rendez-vous pour Madame [O] avec la médecine du travail. Le médecin du travail a reçu Madame [O] le 9 avril 2019 et l'a déclarée apte à son poste en proposant néanmoins un aménagement de son poste de travail passant par la mise en place d'un télétravail de 3 jours par semaine. L'employeur a fait part au médecin du travail de ce que cet aménagement correspondait plus à un changement de poste.

Le 05 juin 2019, le médecin du travail a de nouveau reçu Madame [O] et n'a plus proposé d'aménagement de poste.

A compter du 11 juin 2019, Madame [O] a été placée en arrêt maladie. Le 12 juin 2019, elle a contesté par lettre adressée à Monsieur [E] [S], en charge de l'économat, les deux sanctions qui lui avaient été infligées, avec dénonciation de harcèlement moral, dont elle adressait également copie à l'Archevêque de [Localité 8], président de l association diocésaine de [Localité 8], l'employeur, au vicaire général, à l'inspecteur du travail, au médecin du travail et à la DUP.

Par requête du 22 novembre 2019, Madame [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'Association Diocésaine de [Localité 8] à la date du jugement à intervenir en raison de faits de harcèlement moral, ou à tout le moins de manquement par l'Association Diocésaine de [Localité 8] à son obligation de protection, et la condamnation de l'association Diocésaine de [Localité 8] à lui payer une indemnité de préavis d'un montant de 7.220,90 € Bruts et les congés payés correspondants pour 722,09 € Bruts, une indemnité légale de licenciement provisoirement chiffrée à 22.866,17 €, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse d'un montant de 110.000,00 € et des dommages et intérêts préjudice moral distinct d'un montant de 25.000,00 €. Elle a également demandé à la cour d'ordonner à l'Association Diocésaine de [Localité 8] de lui remettre les documents de fin de contrat de travail (attestation pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte), sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir, la capitalisation des intérêts, et de lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux dépens.

Par jugement du 24 février 2022, le conseil de prud'hommes de Lille a :

-Dit et jugé que Madame [O] n'a pas été victime d'agissements fautifs de son employeur constitutifs de harcèlement moral,

-Débouté Madame [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

-Dit et jugé que l'Association n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Madame [O],

-Débouté Madame [O] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat,

-Constaté que les avertissements des 23 novembre 2017 et 8 avril 2019 ont été retirés du dossier du personnel de Madame [O],

-Débouté Madame [O] de l'ensemble de ses demandes,

-Débouté Madame [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Reconventionnellement, condamner Madame [O] au paiement, à l'Association diocésaine, de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile.

Elle a interjeté appel de cette décision.

Entre-temps, Madame [O] a été licenciée pour inaptitude le 31 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 29 novembre 2023, Madame [O] demande à la cour de :

-Réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Lille en date du 24 février 2022 en ce qu'il a dit et jugé que Madame [W]-[M] [O] n'a pas été victime d'agissements fautifs de son employeur constitutifs de harcèlement moral, l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de harcèlement moral, dit et jugé que l'association diocésaine de [Localité 8] n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Madame [W]-[M] [O], débouté la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, constaté que les avertissements des 23 novembre 2017 et 8 avril 2019 ont été retirés du dossier du personnel de Madame [W]-[M] [O], a déboutée la salariée de l'ensemble de ses demandes, et l'a reconventionnellement condamnée au paiement à l'association diocésaine de [Localité 8] de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

-Dire que Madame [O] a été victime de harcèlement moral et à tout le moins que l'association diocésaine de [Localité 8] a manqué à son obligation de prévention et de protection,

-Résilier son contrat de travail aux torts et griefs de l'Association Diocésaine de [Localité 8] à la date du licenciement pour inaptitude intervenu le 31 mars 2022,

-dire que la résiliation produira les effets d'un licenciement nul et subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-Dire que l'inaptitude de Madame [O] est professionnelle,

En conséquence :

-Condamner l'association diocésaine de [Localité 8] à payer à Madame [O] l'indemnité de préavis soit 7 220,90 € brut et les congés payés correspondants pour 722,09 € bruts, le solde de l'indemnité spéciale de licenciement à hauteur de 23.202,44 € ; 8.878,50 € bruts à titre de rappel de congés payés pendant l'arrêt maladie ; 110.000,00 € net de CSG et CRDS, et de toutes charges à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, 25.000,00 € à titre dommages et intérêts préjudice moral distinct,

-Ordonner à l'association diocésaine de [Localité 8] de lui remettre les documents de fin de contrat de travail rectifiés (attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte), sous astreinte de 100,00 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

-Ordonner la capitalisation des intérêts,

-Condamner l'association diocésaine de [Localité 8] au paiement d'une somme de 4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous frais et dépens.

Les conclusions déposées par l'association Diocésaine de [Localité 8] le 5 novembre 2022 ont été déclarées irrecevables par ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 janvier 2023 au visa de l'article 909 du code de procédure civile.

En réponse aux dernières conclusions de l'appelante signifiées par le RPVA le 29 novembre 2023, l'association Diocésaine de [Localité 8] a notifié par le RPVA le 27 février 2024 de nouvelles conclusions aux termes desquelles elle a demandé à la cour de déclarer irrecevable la demande nouvelle de Madame [O], subsidiairement, la dire mal fondée et l'en débouter, et pour le surplus, de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Lille du 22 février 2022 ; débouter Madame [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétention ; condamner Madame [O] à verser à l'association diocésaine de [Localité 8], au titre de ses frais irrépétibles d'appel, la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux entiers frais et dépens.

Par conclusions d'incident du 11 avril 2024, Madame [O] a saisi le conseiller de la mise en état pour lui demander de déclarer irrecevables les conclusions de l'intimée du 27 février 2024.

Invitée à présenter ses observations, l'intimée a, par conclusions du 22 avril 2024, demandé au conseiller de la mise en état de déclarer Mme [O] irrecevable en sa demande nouvelle au titre des congés payés pendant l'arrêt maladie, de déclarer les conclusions d'intimé en réponse à la demande nouvelle recevables et de condamner tout autre que l'association diocésaine de [Localité 8] aux dépens. L'appelante a répliqué le 26 avril 2024. 

Par ordonnance du 14 mai 2024, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'association diocésaine de [Localité 8] du 24 février 2024 et s'est déclaré incompétent au profit de la cour pour statuer sur le caractère nouveau de la demande relative aux congés payés sur la période de maladie présentée par l'association diocésaine.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024. L'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 15 mai a été mise en délibéré au 28 juin 2024.

MOTIFS

Sur la demande de résiliation judiciaire pour cause de harcèlement moral ou à titre subsidiaire de manquement de l'employeur à son obligation de prévention

Aux termes de l'article L1231-1 du code du travail, «Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre».

En application de ces dispositions, le juge, saisi d'une demande résiliation judiciaire, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté, même si par la suite le salarié a été licencié.

La résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur si les manquements de l'employeur à ses obligations sont suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Par ailleurs, l'article L1152-1 du code du travail dispose qu'« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel».

L'article L1152-4 du même code ajoute que : «L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral».

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, Madame [O] fait valoir qu'elle a été sanctionnée à deux reprises par des avertissements de manière injustifiée, qu'il lui a été imposé un changement de bureau, et qu'elle a du subir de la part de Monsieur [S], promu au poste d'économe pour le diocèse de [Localité 8] en avril 2017, diverses tracasseries, et remarques déplacées concernant son état de santé. Elle se prévaut également d'un management oppressif de Monsieur [S], l'inspection du travail ayant été alertée sur cette difficulté.

Comme relevé par Madame [O], dès lors que les deux avertissements dont elle a fait l'objet n'ont été retirés par l'association diocésaine qu'en cours de procédure (en raison de l'absence de dépôt du règlement intérieur) après la saisine par Madame [O] du conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ces avertissements doivent être examinés.

L'avertissement du 23 novembre 2017 sanctionne Madame [O] pour avoir refusé de prendre un appel professionnel alors qu'elle était déjà en ligne sur son téléphone personnel pour une conversation privée lorsqu'une collègue s'est présentée dans son bureau pour lui demander de prendre cet appel, et pour avoir refermé la porte sur elle brusquement puis de s'être rendue dans le bureau de cette collègue, pour l'agresser verbalement et l'insulter.

Comme relevé le conseil de prud'hommes, Madame [G], la collègue concernée par cette altercation verbale, a relaté dans un courriel adressé à sa direction le 17 octobre 2017 versé aux débats qu'elle est venue frapper à la porte du bureau de Madame [O] car elle ne parvenait pas à lui transférer l'appel téléphonique d'un bénévole, que lorsqu'elle est entrée, madame [O] lui a hurlé dessus, lui a donné l'ordre de refermer la porte, et que lorsqu'elle a insisté, elle a claqué la porte, puis que Madame [O] est venue la voir dans son bureau en lui disant «si tu savais ma pauvre ce que l'on pense de toi ici tu te suiciderais», «mais regarde toi-tu es détestée par tous». Madame [G] a confirmé le contenu de son courriel dans une attestation du 5 mai 2020 versée aux débats.

Madame [O] ne conteste par l'altercation, ni d'ailleurs le fait qu'elle ait refusé de prendre l'appel professionnel expliquant qu'elle était déjà en ligne sur son téléphone personnel avec sa mère. Elle conteste en revanche la teneur des propos rapportés par Madame [G], expliquant que l'inspecteur du travail ainsi que les délégués du personnel avaient indiqué que dès lors que les déclarations de deux salariés étant divergentes, il n'y avait pas de raison pour que l'employeur prenne parti pour Madame [G] plutôt que pour elle, et qu'en tout cas l'indication dans la convocation à l'entretien ayant précédé la sanction qu'elle pouvait aller jusqu'au licenciement était disproportionnée.

Il résulte du procès-verbal de réunion du 15 décembre 2017 de la délégation unique du personnel, qu'il y avait un conflit historique entre Madame [G] et Madame [O], que la DUP n'a pas contesté en soi la réaction de l'employeur compte tenu des propos discourtois échangés mais a indiqué avoir été choquée par les termes de la lettre d'avertissement tels que «vous étiez dans un état de fureur inadmissible», «vos manquements à vos obligations professionnelles.. ne sont pas tolérables». La DUP a considéré que la précision dans la lettre de convocation à l'entretien que la sanction pouvait aller jusqu'au licenciement était disproportionnée, et que les deux salariés auraient dû être sanctionnés, sur un principe d'équité. Ce procès-verbal relève également que Monsieur [S], l'économe de l'association diocésaine de [Localité 8], reviendra vers Madame [O] pour la rassurer et lui renouveler sa confiance.

Les deux personnes citées par Madame [G] comme ayant assistéaux faits dans le couloir n'attestent pas avoir entendu Madame [O] prononcer les paroles qu'elle invoque. Cependant, l'une d'elle, Madame [R] [F] indique qu'il y a eu une altercation entre Madame [G] et Madame [O], qu'elle peut confirmer que Madame [G] est allée frapper à la porte de Madame [O], celle-ci ne répondant pas à un appel téléphonique qu'elle voulait lui transférer, que Madame [G] lui a dit qu'elle ne prenait pas l'appel car elle était en conversation personnelle, que la démarche de Madame [G] a mis Madame [O] en colère, qu'elle a aperçu Madame [O] aller dans le bureau de Madame [G] pour lui dire son mécontentement et que s'en sont suivis des éclats de voix.

La preuve de la violence des propos de Madame [O] à l'encontre de sa collègue n'est donc pas rapportée.

Madame [O] a fait l'objet d'un second avertissement le 8 avril 2019 pour de «sérieux manquements à la bonne exécution de son contrat de travail». Il lui est d'abord reproché d'avoir fait preuve de laxisme dans la rédaction d'un projet de bail adressé par mail le 5 avril 2019 à l'une des parties, le représentant de l'association VALDOCCO, d'avoir inséré dans le bail une clause concernant exclusivement la convention de mise à disposition, ce qui a été mis en lumière lors d'une réunion du 3 avril 2019, d'avoir commis des imprécisions, d'avoir rédigé de manière confuse ce contrat pouvant avoir des conséquences préjudiciables pour l'association diocésaine et donnant une mauvaise image aux tiers, et d'avoir contraint Monsieur [S] à faire 11 corrections sur le projet de 4 pages et à en récrire une demi page.

Sur ce grief, Madame [O] explique que Monsieur [S] lui avait adressé le 8 avril ses commentaires et propositions de corrections, qu'il l'avait relancée le 24 avril, en lui reprochant de ne pas avoir répondu malgré 6 jours de travail effectif compte tenu de ses congés, qu'elle lui avait répondu qu'il restait encore des points à éclaircir avec le locataire concernant la répartition des charges, que Monsieur [S] en avait convenu, et que sa soudaine crispation sur des questions de tabulation et de police est incompréhensible, alors que l'une des parties Monsieur [Z] avocat, en retraite, s'était montré satisfait de son travail.

Dans son courriel de relance du 24 avril demandant à Madame [O] de faire des corrections, Monsieur [S] ne se plaint pas d'une rédaction confuse ni du fait qu'il a dû réécrire une demi page. Et lorsque Madame [O] lui répond le lendemain qu'il reste un problème sur la répartition des charges et qu'elle interroge les parties concernées, aucun reproche ne lui est fait. Ce grief n'est donc pas établi.

Il est également fait grief à la salarié d'avoir mandaté un notaire, Me [P], notaire à [Localité 5], pour trouver un acquéreur pour un immeuble situé à [Localité 6] dont le prix avait été estimé par un autre notaire, Me [X] sans demander l'avis de la paroisse concernée par la vente sur le choix du notaire, compliquant ainsi les rapports de l'association avec cette paroisse. Madame [O] explique avoir choisi ce notaire, car il était intervenu avec succès pour le compte de l'association dans un dossier très compliqué tandis que l'associé de Me [X] s'était montré très lent dans autre opération.

Il est établi que par courriel du 3 avril, Monsieur [S] a expliqué à la paroisse le choix de ce notaire en indiquant qu'il était prêt, si la paroisse le jugeait opportun, de revenir vers Me [X], et demander au notaire mandaté par sa collaboratrice de renoncer au mandat qui lui avait été confié. Le lendemain, la paroisse lui répondait qu'elle préférait traiter avec Me [X], notaire à [Localité 6], s'agissant d'un immeuble

situé à [Localité 6], dont il avait fait l'estimation, et qu'il lui paraissait difficile d'expliquer le choix d'un notaire Dunkerquois à l'épouse de ce notaire, catéchiste dans leur paroisse.

Il en résulte que le choix de ce notaire par Madame [O] ne peut être considéré comme une faute, justifiant un avertissement.

Il est encore reproché  à Madame [O] de ne pas avoir proposé lors de la rédaction d'un projet de résiliation de bail signé entre l'association et l'association universitaire d'entraide que le conseil d'administration fasse une nouvelle délibération intégrant l'abandon de la moitié de la créance résultant d'une dette de loyers. La lettre d'avertissement précise que cette dette de loyers résulte du fait que depuis la signature du bail, l'association d'entraide n'a réglé à l'association diocésaine aucun loyer et qu'elle se trouve à présent dans l'incapacité financière de payer la totalité de cette dette. Madame [O] explique qu'elle n'était pas chargée de la gestion de ce bail, ni de recouvrer les loyers ce qui relevait du service comptable, et que les modalités de règlement de cette dette avaient été modifiées à de nombreuses reprises pendant son absence, ce qui n'est pas contesté. Ce grief n'est donc pas établi et ne saurait en tout état de cause justifier un avertissement.

Il est encore reproché à Madame [O] d'avoir eu un point de vue «étonnant» concernant une vente consentie au profit de la paroisse de la Sainte famille à [Localité 10], d'être venue lors d'un rendez-vous avec Me [I] au sujet des jardins ouvriers de [Localité 11], sans avoir vérifié la contenance de son dossier et lui avoir soumis un contrat d'assurance pour le véhicule de l'association sans en avoir vérifié les conditions, ce qui a contraint Monsieur [S] à le lui renvoyer pour éclaircissement. Ces faits ne sont pas établis.

La mauvaise exécution par Madame [O] de son travail est contredite par les nombreuses attestations versées aux débats par Madame [O] et émanant des interlocuteurs de l'association diocésaine qui témoignent de la très bonne qualité de son travail. Il en est ainsi de l'attestation de Monsieur [A] qui indique que Madame [O] était unanimement reconnue pour ses compétences professionnelles.

La matérialité du caractère injustifiée du second avertissement dont Madame [O] a fait l'objet est donc établie.

Madame [O] invoque également le fait d'avoir été contrainte de changer de bureau, Monsieur [S] considérant qu'il n'était pas légitime qu'elle occupe un bureau seule. Il ressort des pièces que l'existence de ce changement de bureau qui n'est pas contesté est intervenu dans le cadre d'une réorganisation du service à la suite de l'arrivée de deux nouveaux salariés, plusieurs salariés dont Madame [O] ayant été contraints de changer de bureaux par un jeu de chaises musicales en juin 2019. Cependant, après un nouveau changement dans la répartition, Monsieur [S] a pris finalement le bureau de Madame [O], en expliquant qu'il n'était pas légitime qu'elle occupe un bureau seule, et alors que les ergonomes mandatés pour améliorer les conditions de travail des salariés n'étaient pas encore intervenus. Ce fait est établi.

Madame [O] fait également valoir qu'elle a fait l'objet de tracasseries et de remarques déplacées. Elle indique ainsi que Monsieur [S] a eu une réaction incongrue, lorsqu'elle a envoyé en octobre 2018 un fichier Excel créé par la mutuelle Saint Christophe à Monsieur [J], en lui demandant de lui renvoyer une présentation correcte de ce tableau dans les termes suivants « la forme du fichier envoyé est pour le moins dénuée de déférence envers son destinataire. Vous m'obligeriez en me renvoyant une présentation correcte de ce tableau Excel que je vous demanderai après validation de transmettre à notre partenaire avec l'explication qui me paraîtrait légitime».

Elle relève que la dernière lettre d'avertissement du 8 avril 2019 se termine par le paragraphe suivant : «courant mars, j'ai souhaité aborder avec vous votre place au milieu du groupe, m'inquiétant de votre volonté de vous isoler après votre refus à ma proposition de changer de bureau,. L'absence de relations avec vos collègue et de toute participation aux temps conviviaux de la maison sont fait l'objet de notre échange sans avancement. C'est la raison pour laquelle je demande au médecin du travail de vous recevoir, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire et vous propose un accompagnement en vue de vous aider dans votre positionnement au seine de votre milieu de travail».

Madame [O] indique également que la lettre de convocation à l'entretien préalable au premier avertissement mentionnait qu'il s'agissait d'un entretien préalable à une action pouvant aller jusqu'au licenciement, et que les termes employés, sous entendant qu'elle recevait des conversations téléphoniques au détriment de ses fonctions et qu'elle exécutait de manière déloyale son contrat étaient exagérés ce qui avait été relevé lors de la réunion du CHSCT du 15 décembre 2017, et que le fait de mentionner dans cette lettre que la version des faits étaient contraire aux informations convergentes n'était pas exact puisque lors de l'entretien, il avait été reconnu que les déclarations des parties étaient divergentes. La DUP avait en effet souligné que la référence à un possible licenciement avait pu légitimement angoisser Madame [O] inutilement, puisque Monsieur [S] a indiqué qu'il n'avait à aucun moment eu l'intention de licencier Madame [O]. Ces faits sont établis.

Madame [O] verse également aux débats plusieurs attestations de salariés ayant travaillé au sein de l'association diocésaine.

Dans une très longue attestation, Madame [K] [B] explique avoir travaillé pendant trente cinq ans pour le diocèse de [Localité 8], avoir côtoyé Madame [O] qui était une personne joviale et dont les compétences étaient reconnues, jusqu'à ce que Monsieur [S] arrive et qu'après «ça été l'enfer» et pour madame [O] et pour elle aussi. Elle indique qu'elle a supporté cet enfer au même moment que madame [O] mais que depuis qu'elle n'y travaille plus, elle revit physiquement et mentalement. Elle affirme avoir vu un net changement dans le comportement du personnel. Elle précise que Monsieur [S] interrogeait les collègues sur d'autres collègues pour avoir des renseignements, qu'il mettait des avertissements sur simple dénonciation, qu'il prenait délibérément le parti des unes contre les autres et les isolait, que cela lui est arrivé aussi comme madame [O], qu'elle a vu Madame [O] aller de mois en moins bien, que dès lors que Monsieur [S] notifiait à un salarié un avertissement, il faisait venir la médecine du travail comme cela rien en pouvait lui être reproché, que Madame [O] ne souriait plus, et qu'elle disait en arrivant le matin «qu'est ce qu'il va bien me trouver à redire aujourd'hui». Elle ajoute qu'après l'arrivée de Monsieur [S], de nombreux salariés ont quitté le diocèse, que les gens parlaient à voix basse dans les couloirs ou quand ils étaient à plusieurs dans un bureau, que «ça sentait la mort», qu'un climat de méfiance s'était instauré vis à vis de certains collègues comme madame [G] qui avait les préférences de Monsieur [S].

Monsieur [A] atteste qu'il travaillait comme bénévole au sein de la paroisse Bonne nouvelle de [Localité 9] depuis 1995, qu'il avait de très fréquents contacts avec Madame [O], dont les qualités professionnelles et compétences étaient reconnues, et qu'il a constaté qu'après l'arrivée de Monsieur [S] Madame [O] est devenue triste et lasse.

Madame [Y], qui précise travailler au sein de l'association diocésaine de [Localité 8] depuis septembre 2001, et avoir été élue déléguée du personnel en mars 2017, puis membre de la DUP en 2019 affirme notamment avoir été témoin de la dégradation des

conditions de travail à compter de 2017 et de la situation de souffrance de nombreux salariés ayant conduit certains d'entre eux à quitter leur emploi. Elle précise que depuis 2017 plusieurs alertes ont été lancées auprès de l'inspection du travail, et qu'ainsi en novembre 2017, les membres du CHSCT se sont réunies en session extraordinaire pour évoquer le cas de deux salariés en souffrance dont madame [O], les membres de la DUP affirmant qu'il leur avait été remonté qu'un climat de peur s'instaurait auprès de certains salariés des services administratifs. Elle ajoute que depuis l'arrivée de Monsieur [S], le CHSCT a accompagné des dossiers et que des enquêtes ont été diligentées au sujet des salariés en souffrance mais qu'ils se sont aperçus que les propos des salariés interrogés lors d'enquêtes, tels que retranscrits dans la proposition de rapport de l'employeur n'étaient pas conformes aux propos qui avaient été tenus, de sorte que pour Madame [O] une médiation avait été proposée au lieu d'une enquête. Madame [Y] indique que depuis cette date, rien n'a été fait, que la souffrance au travail et le climat délétère perdurent au sein de tous les établissements de l'association diocésaine de [Localité 8], que cela n'a pas inquiété la hiérarchie qui a continué la politique de l'immobilisme et celle du déni en dépit du turn over impressionnant des salariés et du nombre important d'arrêts maladie.

Monsieur [T], journaliste atteste avoir effectué une enquête qui a duré pendant trois mois au début de l'année 2017 sur la gestion financière et des ressources humaines dans le diocèse de [Localité 7], avant le départ de Monsieur [S] pour le diocèse de [Localité 8]. Il affirme que cette enquête a mis en évidence, outre une gestion financière désastreuse, des licenciements en masse, des plaintes de salariés sur le comportement de Monsieur [S], ces salariés disant avoir été agressés verbalement, menacés par Monsieur [S] et craindre des représailles s'ils parlaient.

Il n'est pas contesté que Madame [O] a été placée en arrêt maladie le 11 juin 2019. Elle verse aux débats deux certificats médicaux du Docteur [H] [U], psychiatre qui relèvent qu'elle présente un syndrome dépressif majeur évoluant depuis plusieurs mois dans un contexte de conflits professionnels.

Il est également établi que Madame [O] a saisi le 12 juin 2019 l'inspecteur du travail d'une plainte pour harcèlement moral. Si l'inspecteur a conclu que l'analyse de ce dossier n'a pas permis d'établir la qualification juridique pénale de harcèlement moral évoquée par la salariée dans sa plainte le 12 décembre 2019, il a constaté qu'il apparaît indéniable que Madame [O] connaît une véritable souffrance au travail générée par un certain nombre de facteurs, parmi lesquels des relations de travail dégradées avec la hiérarchie génératrice de conflits qui ont perduré sur une durée très importante, que ces relations ont été marquées par des remises en cause professionnelles qui se sont matérialisés par la rédaction de deux avertissements, que dans le même temps, les démarches entreprises par cette hiérarchie afin de solutionner ce qu'elle considérait être une difficulté ont pu être mal comprises, voire considérées comme une sanction, qu'est significatif l'absence de véritable échange constructif entre les deux parties sur la construction d'un environnement de travail permettant à madame [O] de s'organiser dans un contexte stabilisé et apaisé et que l'on peut déplorer l'absence de mise en 'uvre d'un véritable diagnostic extérieur de la relation de travail unissant Madame [O] à Monsieur [S] qui aurait conduit à la mise en 'uvre probable d'un plan d'action spécifique pour résoudre ces difficultés.

Peu auparavant, le 25 avril 2019, l'association a été invitée à mettre en conformité son DUERP sur le plan des risques psychosociaux

Enfin, l'inspecteur du travail a écrit à l'association diocésaine de [Localité 8] le 16 novembre 2022, que sur la base des informations recueillies au cours de ces quatre dernières années, il a été mis en évidence un certain nombre d'éléments qui permettaient de conclure à des carences en matière de prévention des risques psychosociaux et que la politique menée par la direction n'a pour le moment pas permis de solutionner durablement et définitivement cette problématique qui n'a cessé de se renouveler durant cette longue période sous différentes formes. Il était dès lors demandé à l'association de préciser de manière détaillée les solutions concrètes qui seraient apportées, dans un délai d'un mois.

Au regard de l'ensemble de ces pièces il convient de considérer que les faits invoqués par la salariée sont matériellement établis et que pris dans leur ensemble, ils font présumer l'existence d'un harcèlement moral. En réponse l'employeur, dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, et qui est réputé avoir adopté les motifs du jugement, ne prouve pas que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est par ailleurs démontré que l'employeur a manqué à son obligation de prévention dès lors qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour prévenir ces faits de harcèlement moral, ni plus généralement de mesures propres à prévenir les risques psycho-sociaux.

Les manquements graves de l'employeur qui rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du licenciement de Madame [O] pour inaptitude, soit le 31 mars 2022.

Sur les incidences financières de la résiliation judiciaire

Dès lors que inaptitude de la salariée, trouve son origine dans le manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement, mais aussi dans les faits de harcèlement moral, la résiliation intervenue de ce fait, produit les effets d'un licenciement nul.

En l'espèce, il est établi par les pièces médicales versées aux débats que la dégradation de son état de santé de la salariée - qui s'est traduit par son placement en arrêt de travail à compter du 12 juin 2019, un suivi par un psychiatre pour un syndrome anxio-dépressif majeur, un traitement médicamenteux, puis par son licenciement pour inaptitude, avec la mention : «l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi» - résulte des faits de harcèlement. La résiliation produit donc les effets d'un licenciement nul, mais ne permet pas l'application des dispositions spécifiques prévues en cas de maladie professionnelle reconnue par la CPAM.

Madame [O] avait une ancienneté de plus de 21 ans. Âgée de plus de 56 ans au moment de son licenciement pour inaptitude, elle justifie ne pas avoir retrouvé d'emploi. Compte-tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté dans l'entreprise, il lui sera accordé la somme de 58 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L1234-1 du code du travail, il sera allouée à Madame [O], la somme de 7.220,90 euros à titre d'indemnité légale compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaires dès lors que son ancienneté est supérieure à deux ans.

En revanche, dès lors que l'inaptitude ne résulte pas d'une maladie reconnue comme étant professionnelle par la CPAM, Madame [O] sera déboutée de sa demande d'indemnité spéciale de licenciement.

Enfin, Madame [O] sollicite le paiement d'une somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral. Il est établi qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral pendant plusieurs années, avant son placement en arrêt maladie, soit depuis avril 2017 jusqu'au mois de juin 2019. Elle a subi de ce fait un préjudice moral spécifique distinct de celui résultant de la perte de son emploi qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 3000 euros.

Sur la demande en paiement au titre des congés payés acquis pendant la période d'arrêt de travail pour maladie

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, «A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.»

En l'espèce, se prévalant de la solution dégagée par un arrêt de la cour de la cour de cassation du 13 septembre 2023, Madame [O] demande à la cour de condamner l'employeur à lui payer la somme de 8.878,50 € bruts au titre des congés payés acquis et non pris pendant sa période d'arrêt maladie du 11 juin 2019 au 28 février 2022. Cette demande n'avait pas été présentée devant le conseil de prud'hommes et ne se rattache à la survenance d'aucun fait nouveau. Elle est donc nouvelle et partant irrecevable.

Sur le remboursement des allocations chômage

Les conditions de l'article L.1235-4 du code du travail étant réunies, il convient d'ordonner le remboursement par l'association diocésaine de [Localité 8] des indemnités de chômage versées à Mme [O] à hauteur de six mois d'indemnités.

Sur les demandes accessoires

Il convient d'ordonner à l'association diocésaine de [Localité 8] de remettre à Mme [O] une attestation France Travail et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt. Il n'est pas nécessaire d'ordonner la remise d'un certificat de travail, le présent arrêt n'en affectant pas le contenu. Cette condamnation ne sera pas assortie d'une condamnation au paiement d'une astreinte.

Les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de l'arrêt. Les intérêts dus pour une année entière se capitalisent en application de l'article 1343-2 du code civil.

Eu égard à l'issue du litige, l'association diocésaine de [Localité 8] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il n'est pas inéquitable de la condamner à payer une somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

-Déclare irrecevable la demande en paiement des sommes correspondant aux congés payés sur la période d'arrêt maladie formée par madame [O],

-Prononce la résiliation du contrat de travail de Madame [O] aux torts et griefs de l'Association Diocésaine de [Localité 8] à la date du licenciement pour inaptitude intervenu le 31 mars 2022,

-Dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul,

-Condamne l'Association Diocésaine de [Localité 8] à payer à Madame [O] les sommes suivantes :

7 220,90 € à titre d'indemnité de préavis, outre 722,09 € au titre des congés payés afférents,

58 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

3000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-Déboute Madame [O] du surplus de ses demandes,

-Rappelle que les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de l'arrêt,

-Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

-Ordonne le remboursement par l'Association Diocésaine de [Localité 8] au profit de France travail des indemnités de chômage versées à Mme [O] du jour de la rupture du contrat de travail au jour du présent arrêt à hauteur de six mois d'indemnités

-Condamne l'Association Diocésaine de [Localité 8] à payer à Madame [O] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamne l'Association Diocésaine de [Localité 8] aux dépens de première instance et d'appel.

le greffier

Annie LESIEUR

le conseiller désigné pour exercer

les fonctions de président de chambre

Muriel LE BELLEC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 22/00504
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-05;22.00504 ?
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