COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01758 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VX6M
N° de Minute : 1725
Ordonnance du samedi 31 août 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [K] [L]
né le 26 Mars 1984 à [Localité 2] (Soudan), de nationalité Soudanaise
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Stéphanie GALLAND, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de M. [L] [E] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
PREFET DE L'AISNE
dûment avisé, non comparant - non représenté
M. le procureur général : non comparant
MAGISTRATE DELEGUEE : Agnès MARQUANT, présidente de chambre à la cour d'appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assistée de Valérie ROELOFS, Greffier
DÉBATS : à l'audience publique du samedi 31 août 2024 à 13 h 00
ORDONNANCE : prononcée publiquement à [Localité 1], le samedi 31 août 2024 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 29 août 2024 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [K] [L] ;
Vu l'appel interjeté par Maître Lendita MEMETI-KAMBERI, avocat au barreau de Lille venant au soutien des intérêts de M. [K] [L] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 30 août 2024 à 12h09 ;
Vu l'audition des parties ;
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [L] a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. Le Préfet de l'Aisne, le 26 août 2024 et notifié le même jour à 19h00, pour l'exécution d'une décision de transfert vers les autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile notifiée le 16 mai 2024.
Aucun recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative n'a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 29 août 2024 à 15h39 ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de M. [K] [L] pour une durée de 26 jours;
' Vu la déclaration d'appel du conseil de M. [K] [L] en date du 30 août 2024 à 12h09, sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
M. [K] [L] soutient les moyens soulevés devant le premier juge :
- la levée tardive de la garde à vue,
- l'irrégularité tenant à l'absence d'identification de l'interprète ayant réalisé sa mission par téléphone,
- l'absence d'information au procureur de la République du placement en rétention.
L'intéressé sollicite aussi le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sur le siège.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l'article L. 743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
1/ Sur le moyen tiré de la levée tardive de la garde à vue
C'est à bon droit que le premier juge a considéré que la garde à vue, décidée sur le fondement de l'article 62-2 du code de procédure pénale , en l'espèce 21 heures n'a pas dépassé le délai légal de 24 heures, de sorte que la levée intervenue 2h30 après les instructions du parquet n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de l'étranger et à entraîner la nullité de la procédure.
Le moyen selon lequel la levée tardive a servi à des objectifs administratifs ne saurait être retenu.
2/ Sur le moyen tiré de l'irrégularité tenant à l'absence d'identification de l'interprète intervenu par téléphone
L'article L.141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que :'Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.
En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.'
Le moyen soulevé par le conseil de M. [L] concerne la notification de placement en rétention administrative intervenue le 26 août 2024 à 19h00.
En l'espèce, il résulte de la procédure que Mme [D] [G] , interprète près la cour d'appel d' Amiens a été requise pour notifier le placement en rétention administrative et les droits à M. [L] sans qu'il ne soit effectivement justifié que ce dernier a été destinataire des coordonnées de l'interprète.
Dans la mesure où l'intéressé, avec l'aide des associations présentes au centre de rétention administrative avait la possibilité de contacter un interprète en arabe , il ne justifie d' aucune atteinte à ses droits au sens des dispositions susvisées liée à l'absence de communication des coordonnées de Mme [D] [G].
Le moyen est inopérant.
3/ Sur l'absence d'information au procureur de la République du placement en rétention
L'article L.741-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention.
Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités affectant la procédure relative au maintien en rétention, notamment de l'information du placement en rétention destinée au procureur de la République, en application de l'article L.741-8 du code précité, l'étranger n'ayant pas à démontrer l'existence d'une atteinte portée à ses droits du fait du défaut ou du retard de cette information.
Si l'article L.741-8 du même code n'exige aucune forme particulière pour rapporter la preuve du respect de ses exigences d'information du procureur de la République, et qu'il n'est pas exigé que soit produit un accusé de réception, il faut cependant que le juge puisse vérifier la date et l'heure de l'envoi de ladite information pour s'assurer notamment que le procureur de la République a pu être en mesure d'exercer les prérogatives confiées au visa de l'article précité, cette vérification peut résulter notamment de la production d'un email, d'un procès-verbal établissant la date et l'heure de l'information.
En l'espèce, aucune irrégularité dans l'avis au parquet ne peut être relevée malgré la mention erronée en procédure d'une notification intervenue le 25 août à 17h25 puisque l'avis de placement en rétention a été envoyé au procureur par mail le 26 août 2024 à 17h25 puis retransféré avec l'avis de réception à 18h52.
Le moyen est rejeté.
Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d'être relevé d'office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.
Il convient de confirmer l' ordonnance par substitution partielle de motifs.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise ;
ACCORDE le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sur le siège à M. [K] [L] ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative.
Valérie ROELOFS,
Greffier
Agnès MARQUANT, Présidente de chambre
N° RG 24/01758 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VX6M
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 31 Août 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le samedi 31 août 2024 :
- M. [K] [L]
- l'interprète
- l'avocat de M. [K] [L]
- l'avocat de PREFET DE L'AISNE
- décision notifiée à M. [K] [L] le samedi 31 août 2024
- décision transmise par courriel pour notification à PREFET DE L'AISNE et à Maître Stéphanie GALLAND le samedi 31 août 2024
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le samedi 31 août 2024
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