COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 24/01773 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VX77
N° de Minute : 1742
Ordonnance du lundi 02 septembre 2024
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [B] [R]
né le 26 Septembre 1994 à [Localité 3] (LYBIE)
de nationalité Libyenne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Anne sophie AUDEGOND-PRUD'HOMME, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office
INTIMÉ
MONSIEUR LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du lundi 02 septembre 2024 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le lundi 02 septembre 2024 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de LILLE en date du 31 août 2024 notifiée à 15 h 14 à M. [B] [R] prolongeant sa rétention administrative ;
Vu l'appel interjeté par M. [B] [R] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 01 septembre 2024 à 14 h 27 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [B] [R], né le 26 Septembre 1994 à [Localité 3] (Lybie), de nationalité libyenne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Nord le 29 août 2024 notifié à 8 heure pour l'exécution d'un éloignement au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français délivrée par le M. le préfet du Nord le 13 avril 2024, notifiée le 30 juin 2024.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Vu l'article 455 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille en date du 31 août 2024 notifié à 15h14, déclarant régulier le placement en rétention administrative et ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de M. [B] [R] pour une durée de 26 jours,
Vu la déclaration d'appel de M. [B] [R] du 1er septembre 2024 à 14h27 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
l'absence de respect de contradictoire avant la prise de décision administrative,
notification de la décision de placement et des droits irrégulière, en ce qu'il y a une notification simultanée de la levée d'écrou et du placement en rétention et des droits afférents,
absence du numéro du consulat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur le moyen tiré de l'absence de respect de contradictoire avant la prise de décision administrative :
Au titre du respect des droits et intérêts des administrés, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que les décisions individuelles qui constituent une mesure de police sont normalement soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable et, selon l'article L. 122-1 du même code, il est fait obligation à l'administration de mettre la personne concernée par la décision de présenter les observations écrites ou orales avant que n'intervienne la décision en cause.
Toutefois, la jurisprudence a considéré que l'ensemble de ces dispositions n'était pas applicable aux mesures de placement en rétention et que leur méconnaissance ne pouvait donc être utilement invoquée par l'étranger. En effet, selon le 3° de l'art 121-2, cette obligation n'est pas applicable " aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ".
Le Conseil d'Etat dans un arrêt du 19 octobre 2007 n°306821 a considéré que c'était le cas en matière de police des étrangers l'art. L. 512-1 du CESEDA (nouveaux art. L. 614-1 et suivants), déterminant des règles spéciales : " Il ressort des dispositions de l'art. L. 512-1 du CESEDA que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'art. 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. En vertu de leurs termes mêmes, ces dispositions ne peuvent pas non plus être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour, qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé".
Il résulte des dispositions des articles L. 211-2 et L. 121-2 3° du code des relations entre le public et l'administration et du CESEDA, que les dispositions des articles précités ne trouvent à s'appliquer que dans le cadre fixé par l'article L. 433-1 du CESEDA (ancien article L. 313-5-1) et que cet article ne se rapporte pas à la décision de placement en rétention administrative.
La question de savoir les conditions dans lesquelles la personne est entendue préalablement à une décision portant obligation de quitter le territoire relève donc de la compétence du juge administratif
statuant sur la mesure d'éloignement.
S'agissant de l'audition avant la rétention, en droit interne, le droit d'être entendu est garanti par la procédure contradictoire devant le juge des libertés et de la détention permettant à l'intéressé de faire valoir, à bref délai, devant le juge judiciaire, tous les éléments pertinents relatifs à ses garanties de représentation et à sa vie personnelle, sans nuire à l'efficacité de la mesure, destinée, dans le respect de l'obligation des États membres de lutter contre l'immigration illégale (CJUE, arrêt du 5 novembre 2014, point 71), à prévenir un risque de soustraction à la mesure d'éloignement. Ni les garanties procédurales du chapitre III de la directive 2008/115/CE ni les articles L. 121-1, L. 211-2 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ne s'appliquent à la décision de placement en rétention et, dès lors que l'audition préalable au placement en rétention ne s'impose pas, la présence de l'avocat ne s'impose pas davantage. (1ère Civ., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-17.628, jurinet).
Le moyen est rejeté.
Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de la décision de placement en rétention et des droits y afférents
L'article L.741-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose :
" La décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Elle prend effet à compter de sa notification. "
Il ressort de l'article L.743-12 que La violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles n'entraînent la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.
Il ressort de la procédure et notamment du procès-verbal de transport en date du 29 août 2024 à 7h20, faisant foi jusqu'à preuve du contraire, non rapportée en l'espèce, que l'agent de police rédacteur a indiqué " (') disons nous transporter à la Maison d'Arrêt [Localité 1] où étant à sept heures cinquante minutes...Constatons la levée d'écrou de l'intéressé ce jour à huit heures et que ce dernier nous est remis à la même heure pour recevoir notification des actes supra-indiqués ", que ce procès-verbal a été signé du greffier de la maison d'arrêt [Localité 1] et de l'agent de police, la levée d'écrou à donc eu lieu à 8h00. Il ressort de l'arrêté de placement en rétention administrative que ce dernier à été notifié le 29 août 2024 de 8h00 à 8h10 et les droits afférents de 8h10 à 8h20, l'avis au procureur de la République ayant été adressé à 8h47, étant précisé que l'intéressé n'allègue ni ne démontre qu'il résulterait de cet état de fait une atteinte à ses droits et un grief quelconque.
Aucune irrégularité n'est à relever la notification de de l'arrêté de placement en rétention administrative et des droits afférents ayant été effectué en suivant la levée d'écrou, nonobstant les déclarations de l'intéressé.
Le moyen est rejeté.
Sur le moyen tiré de la notification incomplète de ses droits en ce qu'il n'est pas mentionné dans l'arrêté portant placement en rétention le numéro du consulat
L'article L.744-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ordonnance n°2020-1733 du 16 décembre 2020) prévoit que :"'L'étranger placé en rétention est informé dans les meilleurs délais qu'il bénéficie, dans le lieu de rétention, du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, et qu'il peut communiquer avec son consulat et toute personne de son choix. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend. En cas de placement simultané en rétention d'un nombre important d'étrangers, la notification des droits mentionnés au premier alinéa s'effectue dans les meilleurs délais. Les modalités selon lesquelles s'exerce l'assistance de ces intervenants sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat.'"
L'article L.743-12 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ordonnance n°2020-1733 du 16 décembre 2020) dispose que :
"En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger".
Il sera observé que le procès-verbal de notification des droits en rétention, notifié le 29 août 2024 à 8h10 à M. [B] [R], indique la possibilité pour ce dernier de communiquer avec son consulat ou toute personne de son choix, qu'il résulte de la combinaison des articles L741-9 et L744-4 qu'il appartient à l'administration d'informer l'étranger sur le droit de communiquer avec son consulat, sans qu'il soit fait mention d'une obligation de fournir les coordonnées de ce dernier.
Le moyen est rejeté.
Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d'être relevé d'office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.
Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge et a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention en l'attente du laissez-passer consulaire sollicité le 29 août 2024 à 11h16 et du routing demandé le 29 août 2024 à 11h24.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY, greffière
Danielle THEBAUD, conseillère
N° RG 24/01773 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VX77
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 1742 DU 02 Septembre 2024 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le lundi 02 septembre 2024 :
- M. [B] [R]
- l'interprète
- l'avocat de M. [B] [R]
- l'avocat de MONSIEUR LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [B] [R] le lundi 02 septembre 2024
- décision transmise par courriel pour notification à MONSIEUR LE PREFET DU NORD et à Maître Anne sophie AUDEGOND-PRUD'HOMME le lundi 02 septembre 2024
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le lundi 02 septembre 2024
N° RG 24/01773 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VX77