R.G. N° 99/00779 MR/D N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN & NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE 2EME CHAMBRE CIVILE ARRET DU LUNDI 25 JUIN 2001 Appel d'une décision (N° RG 94/03124) rendue par le T.G.I. VALENCE en date du 29 décembre 1998 suivant déclaration d'appel du 26 Janvier 1999 APPELANT : Monsieur Régis X...
Y... de Chalençon 07200 UCEL représenté par la SCP GRIMAUD (avoués à la Cour) assisté de Me BALSAN (avocat au barreau de VALENCE) INTIMEES :
Madame Françoise X... épouse Z... 10 bis avenue des Gobelins 75005 PARIS représentée par Me Marie-France RAMILLON (avoué à la Cour) assistée de Me LOUCHET (avocat au barreau d'ALBERTVILLE) INTIMEE ET APPELANTE suivant déclaration d'appel du 8 février 1999 Madame Gabrielle X... épouse A... xxxxxxxxxxxxxxxxxx26000 VALENCE représentée par Me Marie-France RAMILLON (avoué à la Cour) assistée de Me LOUCHET (avocat au barreau d'ALBERTVILLE) INTIMEE ET APPELANTE suivant déclaration d'appel du 8 février 1999 Madame Hélène X... épouse B... 152 bis, avenue Victor Hugo 26000 VALENCE représentée par Me Marie-France RAMILLON (avoué à la Cour) assistée de Me LOUCHET (avocat au barreau d'ALBERTVILLE) INTIMEE ET APPELANTE suivant déclaration d'appel du 8 février 1999 Société LA BO TE A OUTILS venant aux droits de la S.A. REGIS X... 26 RUE Colonel Dumont BP 356 38014 GRENOBLE CEDEX 1 représentée par la SCP CALAS (avoués à la Cour) assistée de Me DALMAS (avocat au barreau de GRENOBLE) COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur M. DOUYSSET, Président, Madame Y. ROGNARD, Conseiller, Madame P. CRUTCHET, Conseiller, Assistés lors des débats de Madame M.C. C..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 14 Mai 2001, Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour, après prorogation du délibéré. *
[* *] [* *] Les trois soeurs de Régis X... coindivisaires avec lui ont délivré congé avec refus de renouvellement du bail et offre d'indemnité d'éviction à la société des établissements X... qu'il représentait alors. Une expertise en vue de la détermination de cette indemnité a été ordonnée en référé et la société X... demandait devant le Tribunal de Grande Instance de Valence la condamnation des consorts X... à lui payer une indemnité d'éviction de 5.660.413,00 F. Par jugement du 29 décembre 1998 le Tribunal a condamné les quatre consorts X... à payer à la société BO TE A OUTILS anciennement dénommée société X... demanderesse la somme de 5.155.000,00 F, sous déduction d'une provision de 1.000.000,00 F versée en vertu d'une ordonnance juridictionnelle, outre intérêts à compter du 27 septembre 1994 date de l'assignation et la somme de 20.000,00 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il a aussi condamné la société LA BO TE A OUTILS à détruire à ses frais sous astreinte les constructions érigées par elle sur le terrain de l'indivision X.... Régis X... a relevé appel le 8 février 1999, les dames Françoise, Hélène, Gabrielle X... ont fait de même. Les instances ont été jointes. Régis X... dit être devenu étranger à la société PRAL-SAMSE-BO TE A OUTILS, n'avoir pas souscrit au congé du 28 juillet 1992 lequel est nul pour n'avoir pas été délivré à la requête de tous les coindivisaires. Il demande à la Cour : - de dire nul et de nul effet le congé délivré en violation de l'article 815-3 du code civil. Subsidiairement, - de dire irrecevable comme nouvelle la demande tendant à le voir condamner pour comportement fautif dans le cadre de son activité de dirigeant d'entreprise, - de dire éventuellement qu'il n'a commis aucune faute et de débouter en toute hypothèse la société BO TE A OUTILS de ses demandes à cet égard. Subsidiairement encore, - de dire que le congé lui est inopposable et de réformer le jugement en ce qu'il l'a condamné solidairement avec
ses trois soeurs à payer une indemnité d'éviction. Infiniment subsidiairement, - de réduire au seul préjudice réel le montant de l'indemnité d'éviction. Enfin, - de condamner la société BO TE A OUTILS à lui payer la somme de 10.000,00 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Les dames nées X... Françoise, Hélène, Gabrielle rappellent que quoique la société Etablissements Régis X... fût passée après le décès de leur père Régis et de leur mère sous le contrôle du groupe SAMSE - LA BO TE A OUTILS - leur frère Régis junior son dirigeant ne proposa pas de porter le loyer à sa valeur réelle, au point qu'elles lui firent délivrer congé. Elles soutiennent que ce congé délivré par trois des quatre coindivisaires est nul et qu'elles peuvent se prévaloir de cette nullité parce que leur frère contrairement à ce qu'a dit le Tribunal s'en est lui même toujours prévalu. Elles en déduisent que le bail a continué de produire effet. Elles considèrent que le départ de la société LA BO TE A OUTILS au mois de mars 2000 en les privant de loyer à compter de cette date leur a causé un préjudice équivalant aux trois quarts des loyers qui auraient dû être payés jusqu'au 30 septembre 2001, terme possible du bail. A titre subsidiaire, sur l'avis non contradictoire d'un expert immobilier, elles estiment n'y avoir lieu à indemnité d'éviction. Les trois dames X... demandent à la Cour : - de dire irrecevable l'appel de Régis X... et recevable l'appel interjeté par elles. Au principal, - de constater la nullité du congé du 28 juillet 1992, - de mettre à néant l'ordonnance juridictionnelle les ayant condamnées à verser une provision de 1.300.000,00 F à la société LA BO TE A OUTILS et de condamner celle-ci à restitution, - de prononcer la résiliation du bail, - de condamner la société LA BO TE A OUTILS à leur payer la somme de 202.608,00 F de dommages-intérêts, la somme de 20.000,00 F par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Subsidiairement,
au cas où la nullité du congé ne serait pas prononcée, - de donner acte à l'indivision X... qu'elle opte pour la démolition des constructions édifiées sur le terrain loué, - de condamner la société LA BO TE A OUTILS à libérer le terrain sans astreinte, - de fixer aux seuls frais du déménagement l'indemnité d'éviction due à la société LA BO TE A OUTILS, - de condamner celle-ci à restitution à chacune des dames X... des sommes payées par elle à titre provisionnel, soit au total 1.370.422,55 F outre intérêts au taux légal. La société LA BO TE A OUTILS dans ses conclusions du 8 mars 2000 antérieures à l'ordonnance de clôture du 27 mars 2001 qu'une ordonnance du 10 avril 2001 a refusé de révoquer soutient que Régis X... n'a jamais en première instance sollicite la nullité du congé. Elle assure qu'il s'agit en appel d'une prétention nouvelle et que Régis X... devenu partie à l'instance dès le début de la procédure a régularisé la cause de nullité du congé de sorte qu'en appel, le congé se trouve régularisé bien que donné initialement par seulement trois des quatre coindivisaires. A titre subsidiaire elle évoque un comportement fautif de R. X... justifiant l'octroi de dommages-intérêts équivalent à l'indemnité d'éviction. La société LA BO TE A OUTILS demande à la Cour : - de dire Régis X... irrecevable à exciper de la nullité du congé, - d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à démolir les constructions édifiées, elle-même étant tiers à l'indivision pouvant invoquer à son profit la règle de l'unanimité, - de dire les soeurs X... irrecevables à se prévaloir de la demande de nullité présentée pour la première fois en cause d'appel, - d'écarter des débats le rapport FRERAULT, - de confirmer le jugement quant à l'évaluation de l'indemnité d'éviction, - de condamner qui de droit à lui payer la somme de 50.000,00 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR QUOI LA COUR, ATTENDU que les conclusions de la société LA BO TE A OUTILS déposées le 3 avril 2001
doivent être rejetées comme postérieures à l'ordonnance de clôture du 27 mars 2001 ; ATTENDU que la présente procédure a pour point de départ l'assignation délivrée le 27 septembre 1994 par la société anonyme X... aux quatre consorts X..., savoir Françoise, Gabrielle, Hélène et Régis en vue de la fixation de l'indemnité d'éviction à elle due à la suite du congé sans offre de renouvellement délivré le 28 juillet 1992 par les trois dames X... ; ATTENDU que devant le Tribunal Régis X... a comparu indépendamment de ses soeurs et a pour l'essentiel conclu à l'inopposabilité du congé à son égard l'acte n'ayant été délivré qu'à la requête de ses trois soeurs indivises avec lui ; ATTENDU qu'appelant devant la Cour Régis X... prétend à la nullité de ce congé ; QUE la société LA BO TE A OUTILS venant aux droits de la société des Etablissements X... soutient qu'il s'agit là d'une demande nouvelle en appel comme telle irrecevable ; MAIS ATTENDU que selon l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile une partie peut soumettre à la Cour une nouvelle prétention pour faire écarter les prétentions adverses ; QUE dès lors que Régis X... entend ne pas être codébiteur envers la société LA BO TE A OUTILS d'une indemnité d'éviction, il est recevable à opposer à cette partie demanderesse la nullité du congé qui sert de fondement à la demande ; ATTENDU d'autre part que la société LA BO TE A OUTILS ne peut utilement soutenir que Régis X... a régularisé la nullité - reconnue par ailleurs - du congé délivré par trois des quatre coindivisaires en devenant partie à l'instance dont il aurait pris l'initiative, puisque c'est son auteur, la société des Etablissements X..., représentée depuis le mois d'avril 1993 par Paul BERIOT lui-même représentant de la SAMSE qui a engagé la procédure devant le Tribunal, Régis X... n'étant qu'un codéfendeur ; QUE Régis X... n'a à titre personnel effectué aucune autre démarche que celle de défendre ; ATTENDU que si le Tribunal a dit avec raison que la seule sanction
possible de l'irrégularité de l'acte s'exercerait dans les relations entre les quatre coindivisaires, il n'en est plus de même devant la Cour puisque le prononcé de la nullité de l'acte est explicitement conclu ; ATTENDU que bien qu'il soit vrai que dans ses conclusions devant le Tribunal en date du 8 décembre 1995 Régis X... ait écrit que le congé donné à son insu ouvrait à la société droit à indemnité d'éviction, néanmoins dès lors qu'il s'en est désolidarisé en le présentant comme inopposable à lui et que dans ces mêmes conclusions il a demandé au Tribunal de constater qu'il avait émis dès le début de la procédure - ce qui est exact - les réserves les plus expresses à l'égard de cet acte, il ne peut être dit qu'il l'ait ratifié ; ATTENDU que pour parer aux conséquences financières de la nullité du congé, la société LA BO TE A OUTILS invoque un comportement abusif de Régis X... qui étant dirigeant de la société locataire, a organisé l'exécution du congé en mandatant l'un de ses dirigeants pour rechercher activement de nouveaux locaux et en assignant ses propres coindivisaires et lui-même en indemnité d'éviction ; MAIS ATTENDU que Régis X... fait valoir sans être contredit qu'il a démissionné de son poste de président et d'administrateur le 2 février 1993 et que la procédure s'est développée entre ses trois soeurs et la société X... - SAMSE - BO TE A OUTIL à laquelle il était devenu étranger ; QUE force est donc de constater que la société LA BO TE A OUTILS ne prouve pas de manoeuvre dolosive de Régis X... ès qualités à son détriment ; QUE de surcroît celui-ci est fondé à conclure à l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en appel ; ATTENDU que la société LA BO TE A OUTILS doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre Régis X... ; ATTENDU certes que les dames X... en tirant présentement moyen de la nullité du congé qu'elles ont pourtant sciemment fait délivrer et maintenu sans la participation de leur frère se prévalent de leur propre turpitude ;
ATTENDU qu'étant nul comme délivré en contravention avec ce qu'exige l'article 815-3 du code civil dans l'état d'indivision, le congé ne peut produire aucun des effets juridiques qui en eussent découlé s'il avait été régulier ; QUE l'indemnité d'éviction, seul dédommagement auquel par voie de confirmation du jugement, la société LA BO TE A OUTILS a conclu est dépourvue de cause ; QUE le jugement sera réformé en ce qu'il lui a attribué cette indemnité ; QUE la société LA BO TE A OUTILS devra restituer les provisions qu'elle a reçues ; ATTENDU que la société LA BO TE A OUTILS qui ne conteste pas être demeurée dans les lieux au delà du 30 septembre 1992, date prévue dans le congé, a poursuivi l'exécution du bail et payé les loyers jusqu'à son départ volontaire au mois de mars 2000 ; ATTENDU que la mauvaise foi qui a caractérisé dès la délivrance du congé le comportement des dames X... rend vaines leurs demandes de résiliation judiciaire du bail et à sa suite celle de dommages-intérêts d'un montant de 202.608,00 F calculée sur les échéances postérieures au délaissement des locaux ; ATTENDU que dans leurs écritures d'appel les dames X... n'ont conclu que la société LA BO TE A OUTILS démolisse à ses frais les constructions édifiées sur le terrain de l'indivision qu'à titre subsidiaire pour le cas où la Cour refuserait de prononcer la nullité du congé ; ATTENDU que cette nullité étant prononcée, ce chef de demande n'a pas à être satisfait ; ATTENDU qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; ATTENDU que le procès a pour origine le congé nul délivré par les dames X... ; QU'elles supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel, en eux compris les frais d'expertise judiciaire ; PAR CES MOTIFS Publiquement et contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi, Reçoit les appels, D... les conclusions de la société LA BO TE A OUTILS déposées le 3 avril 2001, Réforme le jugement querellé et statue à nouveau, Prononce la nullité
du congé délivré à la société anonyme Etablissements Régis X... à la requête des dames Françoise, Gabrielle, Hélène nées X..., le 28 juillet 1992 ; Constate que la société LA BO TE A OUTILS venant aux droits de la société sus nommée a vidé les lieux au mois de mars 2000 ; Déboute la société LA BO TE A OUTILS : - de sa demande de dommages-intérêts dirigée contre Régis X..., - de sa demande d'indemnité d'éviction dirigée contre les dames X... Déboute les dames X... de leur demande de dommages-intérêts dirigée contre la société LA BO TE A OUTILS ; Condamne la société LA BO TE A OUTILS à restituer avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt valant mise en demeure, - la somme de 500.422,55 F (CINQ CENT MILLE QUATRE CENT VINGT DEUX FRANCS CINQUANTE CINQ CENTIMES) à la dame Françoise X... épouse Z..., - la somme de 400.000,00 F (QUATRE CENT MILLE FRANCS) à la dame Gabrielle X... épouse A..., - la somme de 470.000,00 F (QUATRE CENT SOIXANTE DIX MILLE FRANCS) à la dame Hélène X... épouse B...
D... toute autre demande plus ample ou contraire, Condamne in solidum Françoise X... épouse Z..., Gabrielle X... épouse A..., Hélène X... épouse E... aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci distraits à la SCP CALAS et à la SCP GRIMAUD. Prononcé par Monsieur le Président qui a signé avec le Greffier.