RG N° 01/01170 N° Minute : Grosse délivrée le : S.C.P. CALAS S.C.P. GRIMAUD Me RAMILLON S.C.P. PERRET etamp; POUGNAND S.E.LA.R.L. DAUPHIN etamp; NEYRET AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE DES URGENCES ARRET DU MARDI 05 MARS 2002 Appel d'une décision (N° RG 11-00-001146) rendue par le Tribunal de Grande Instance BOURGOIN-JALLIEU en date du 23 janvier 2001 suivant déclaration d'appel du 08 Février 2001 APPELANTE : S.A.R.L. FOURON pris en la personne de son gérant Monsieur Alain DE X... Y... 75 38510 MORESTEL représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour INTIME : Monsieur Serge Z... né le 13 Septembre 1952 à de nationalité Française Rue Paul Claudel 38510 MORESTEL représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE : Monsieur Michel REBUFFET, Conseiller faisant fonction de Président, Madame Maryse PHAURE, Conseiller, Madame Yolande ROGNARD, Conseiller, Assistés lors des débats de Melle Sandrine A..., Greffier. DEBATS : A l'audience publique du 05 Février 2002, les avoués ont été entendus en leurs conclusions. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour. ------ 0 ------ Par arrêt rendu le 19 janvier 2000 par la Cour d'Appel de GRENOBLE, Monsieur DE X... a été condamné à verser diverses sommes à Monsieur Z..., pour un montant de 12.184,10 F. Monsieur DE X... est gérant majoritaire non salarié de la SARL FOURON. Le 30 juin 2000, Monsieur Z... a fait pratiquer une saisie attribution des sommes dont la SARL FOURON était redevable à Monsieur DE X.... Monsieur DE X..., en sa qualité de gérant de la SARL FOURON, a indiqué à l'huissier "la SARL ne doit rien à Monsieur DE X...". Par exploit du 4 décembre 2000, Monsieur Z... a fait assigner en condamnation la SARL FOURON en sa qualité de tiers saisi des sommes dues par Monsieur DE X.... Par décision rendue le 23 janvier 2001, le Juge de l'Exécution du Tribunal de Grande Instance de
BOURGOIN-JALLIEU a fait droit à la demande de Monsieur Z..., estimant que la SARL FOURON n'avait pas fourni les éléments réclamés par l'huissier, permettant de vérifier si Monsieur DE X... était créditeur de cette société, en application de l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991. La SARL FOURON a régulièrement interjeté appel de cette décision le 8 février 2001. A l'appui de son recours, elle fait valoir qu'il est de jurisprudence constante que la production d'une pièce justificative ne peut pas être exigée du tiers saisi qui a déclaré n'être pas débiteur ; que l'arrêt invoqué par le premier Juge n'est pas applicable à la situation ; que le problème porte sur la déclaration de l'étendue des obligations du tiers saisi vis à vis du débiteur ; qu'en l'espèce elle a bien précisé l'étendue de ses obligations en déclarant qu'elle ne devait rien à Monsieur DE X... ; qu'exiger la production de documents revient à demander au tiers saisi de prouver qu'il ne doit rien, ce qui va au delà des exigences légales ; que le Premier Président, saisi en référé postérieurement au jugement déféré, a rappelé que le tiers saisi ne peut être tenu en cas de fausses déclarations qu'éventuellement à des dommages-intérêts, selon arrêts de la Cour de Cassation ; qu'aucune faute ne peut lui être imputée. Elle demande la somme de 915 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur Z... soutient, en réponse, que la jurisprudence est contraignante sur l'étendue de l'obligation de renseignement du tiers saisi, prévu par l'article 44 de la loi de 1999, et l'article 59 du décret de 1992 ; que le tiers saisi doit faire une déclaration immédiate précise et complète de ses obligations, et fournir tous les éléments justifiant sa déclaration ; que la production des pièces réclamées ne permet pas d'exonérer le tiers saisi ; qu'aucun motif légitime n'a été invoqué ; que subsidiairement la SARL FOURON doit être condamnée à payer des dommages-intérêts car il y a collusion frauduleuse entre elle et
Monsieur DE X.... Il sollicite la somme de 8.000 F à titre de dommages-intérêts, outre 8.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION : Les obligations des tiers saisis vis à vis du créancier saisissant font l'objet des dispositions particulièrement abondantes et détaillées des articles 24 et 44 de la loi du 9 juillet 1991. L'article 24 stipule "Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l'exécution ou de la conservation des créances. Ils doivent y apporter leur concours lorsqu'ils en son légalement requis. Celui qui sans motif légitime, se soustrait à ces obligations, peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte, sans préjudice de dommages-intérêts. Dans les mêmes conditions, le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur". L'article 44 précisant que "le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur, ainsi que les modalités qui pourraient les affecter, et s'il y a lieu les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures". Le décret du 31 juillet 1992, encore plus explicite, dispose en son article 59 "le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi susvisée et lui communiquer les pièces justificatives. Il en est fait mention dans l'acte de saisine". L'article 60 précisant enfin que "le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévu est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier, sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut être tenu aussi à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère". Sil est vrai que la jurisprudence se montre particulièrement exigeante quant au contenu de la déclaration du tiers saisi, en sanctionnant celui-ci
s'il refuse de répondre à l'huissier, donne une réponse vague et hésitante, il apparaît également que la production d'une pièce justificative ne peut pas être exigée du tiers saisi qui a déclaré n'être pas débiteur ; en l'espèce, l'huissier qui s'est vu répondre par Monsieur DE X... que la SARL ne doit rien à Monsieur DE X..., n'a du reste pas posé d'autres questions ou demandé des justificatifs lui permettant de s'en assurer. Dès lors, Monsieur Z... est mal venu d'estimer la réponse insuffisante, et ce d'autant plus que par la suite il a lui-même réclamé ces pièces, qui lui ont été fournies ou communiquées dans la présente procédure, et confirment qu'aucune somme n'était effectivement due. La rigueur de la loi de 1991 et de son décret d'application est faite pour protéger le créancier saisissant de l'éventuelle collusion entre son débiteur et le tiers saisi qui refuse de répondre ou répond inexactement ; elle n'a pas pour objet de garantir dans tous les cas le saisissant, dès lors qu'il n'existe pas de créance du tiers contre le tiers saisi ; la jurisprudence la plus récente en la matière, issue d'une série d'arrêts du 5 juillet 2000 de la Cour de Cassation, a clairement défini que le tiers saisi ne peut être condamné aux causes de la saisie s'il répond même tardivement qu'il ne doit rien au débiteur ; elle a également non moins clairement précisé que seuls des dommages-intérêts peuvent être réclamés en cas de renseignements incomplets, ce qui a fortiori implique bien également qu'aucune condamnation au paiement des causes de la saisie ne saurait être encourue, dès lors que ces renseignements sont donnés. Quant à la collusion frauduleuse entre la SARL FOURON et Monsieur DE X..., dont les rapports apparaissent effectivement étroitement imbriqués, celle-ci n'est néanmoins pas démontrée par le seul fait que la SARL ne lui verse aucun salaire ni dividende. Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé et Monsieur Z... débouté de sa
demande en condamnation du tiers saisi. Il n'apparaît pas inéquitable de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'une ou l'autre des parties. PAR CES MOTIFS : LA COUR : Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, dit l'appel de la SARL FOURON recevable ; Au fond, infirme le jugement du 23 janvier 2001 ; Et, statuant à nouveau, Déboute Monsieur Z... de sa demande ; Déboute les parties de toute autre demande ; Condamne Monsieur Z... aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître RAMILLON, selon les modalités de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Rédigé et prononcé publiquement par Michel REBUFFET, Conseiller faisant fonction de Président, qui a signé avec Sandrine A..., Greffier.