RG No 05/02068F.C.No Minute :
Grosse délivréele :
S.C.P. CALAS
S.C.P. GRIMAUD
Me RAMILLON
S.C.P. POUGNAND
S.E.L.A.R.L. DAUPHIN et MIHAJLOVIC
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE STATUANT EN MATIERE DE BAUX COMMERCIAUX
SUR RENVOI DE CASSATION
ARRET DU MERCREDI 29 NOVEMBRE 2006
Recours contre une décision (No R.G. 98F02423)rendue par le Tribunal de Commerce de LYONen date du 10 novembre 1999 ayant fait l'objet d'un arrêt rendu le 7 juin 2001par la Cour d'Appel de LYON (3e chambre)et suite à un arrêt de cassation du 19 mai 2004
SUIVANT DECLARATION DE SAISINE DU 04 Mai 2005
APPELANTS :
Monsieur Raymond X...né le 11 Novembre 1929 à BLAVIGNAC (48200)...75013 PARIS
représenté par la SCP GRIMAUD, avoués à la Courassisté de Me Danielle LE GUENNIC-GOURIOU, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. LA BRULERIE D'ADAMVILLE poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège2 Rue Inkerman94100 ST MAUR DES FOSSES
représentée par la SCP GRIMAUD, avoués à la Courassistée de Me Danielle LE GUENNIC-GOURIOU, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Maître Bruno Z... ès-qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la S.C.I. MESSIDOR...69241 LYON CEDEX 03
représenté par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Courassisté de Me J.P. LERICHE, avocat au barreau de LYON
S.C.I. MESSIDOR poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège19-20 Place Charles Béraudier69003 LYON 03
représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Courassistée de Me J.P. LERICHE, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Allain URAN, Président de Chambre, Monsieur Jean-Louis BERNAUD, Conseiller, Madame Françoise CUNY, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Eliane PELISSON, Greffier,MINISTERE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
DEBATS :
A l'audience publique sur renvoi de cassation tenue le 25 OCTOBRE 2006, les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience publique du MERCREDI 29 NOVEMBRE 2006.
------ 0 ------EXPOSE DU LITIGE
Aux termes de baux commerciaux de 12 ans en dates des 22 et 23 février 1989, la SCI MESSIDOR a donné en location à la SARL LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et à Monsieur X... des locaux livrés bruts de décoffrage dans le centre commercial de Bonneuil sur Marne.
La première y exerçait une activité de brûlerie, vente-dégustation de cafés et de thés et la seconde une activité de crêperie, salon de thé, glaces.
Un arrêté municipal du 12 janvier 1995 a fermé le centre commercial pour non conformité des équipements de sécurité.
La SCI MESSIDOR a été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Lyon en date du 8 février 1995.
Maître Z... a été désigné en qualité d'administrateur judiciaire et Maître B... en qualité de représentant des créanciers.
Par lettre recommandée en date du 29 juin 2005, Maître Z... ès qualités a notifié à la SARL LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et à Monsieur X... la résiliation de leurs baux avec effet au 31 juillet 1995 en vertu de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985.
Un plan de cession a été arrêté par jugement en date du 27 mars 1995 au profit de la société GALEC qui a accepté d'incorporer ce qui restait de l'ancien centre C + C à une vaste opération qu'elle réalisait à proximité.
Maître Z... a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
La société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... ont fait assigner Maître Z... en son nom personnel et es-qualités d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la SCI MESSIDOR devant le Tribunal de Grande Instance de Créteil pour faire déclarer nulle et de nul effet la lettre de résiliation que leur avait fait notifier celui-ci, lequel, à leurs yeux, aurait dû se comporter comme tout bailleur et leur faire signifier un congé avec refus de renouvellement. Ils sollicitaient l'institution d'une mesure d'expertise pour fixer leur indemnité d'éviction.
Pour le cas où Maître Z... es-qualités aurait vendu vides les locaux qu'il savait occupés, ils demandaient au Tribunal de constater que sa responsabilité personnelle se trouvait engagée.
Par jugement du 18 octobre 1999, le Tribunal de Grande Instance de Créteil :
- s'est déclaré compétent en vertu des dispositions du décret du 30 septembre 1953 pour se prononcer sur la résiliation et ses conséquences,
- s'est déclaré compétent territorialement en raison du lien de connexité entre la demande principale et la demande fondée sur la faute personnelle.
Maître Z... ayant formé contredit, la Cour d'Appel de Paris, par arrêt en date du 8 mars 2000 a statué comme suit :
"Dit les contredits partiellement fondés ;
Dit compétent le juge commissaire du Tribunal de Commerce de Lyon pour connaître des demandes portant sur la nullité alléguée des lettres de résiliation adressées le 29 juin 1995 par Maître Z... es-qualités à la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et à Monsieur X... et de celles ayant trait aux déclarations de créances ;
Dit compétent pour connaître de l'action en responsabilité civile exercée contre Maître Z... en son nom personnel le Tribunal de Grande Instance de Lyon et renvoie en conséquence la cause et les parties devant cette juridiction ;
Dit compétent pour connaître des demandes ayant trait au droit des locataires à percevoir une indemnité d'éviction et à la fixation de cette indemnité le Tribunal de Grande Instance de Créteil et renvoie en conséquence la cause et les parties devant cette juridiction ;
Déboute Maître Z... es-qualités de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais."
Cet arrêt est définitif.
Parallèlement à la procédure ci-dessus, Maître Z... es-qualités a saisi le Juge-Commissaire du Tribunal de Commerce de Lyon pour faire constater la résiliation des baux litigieux.
Par ordonnances en date du 16 juillet 1998, le Juge-Commissaire s'est déclaré compétent, a dit qu'au vu de la situation d'insécurité du centre, Maître Z... n'avait pas abusé de ses pouvoirs en décidant de ne pas continuer les contrats de bail, a prononcé la résiliation des baux consentis par la SCI MESSIDOR à la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et à Monsieur X... sur des locaux situés dans l'ancien centre commercial de BONNEUIL SUR MARNE, a constaté que la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... n'avaient pas déclaré de créance à la suite de la décision de Maître Z... et a fixé la date de la résiliation au 31 juillet 1995.
La société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... ont formé opposition à ces ordonnances.
Par jugement en date du 10 novembre 1999, le Tribunal de Commerce de Lyon a :
- joint les instances enrôlées sous les numéros 98F2423 et 98F2428 et a rendu une seule et même décision,
- déclaré recevables mais non fondées les oppositions formées par Monsieur X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE,
- confirmé les ordonnances de Monsieur le Juge-Commissaire en date du 16 juillet 1998,
- condamné Monsieur X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE à payer à Maître Z... es-qualités la somme de 3.000,00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamné Monsieur X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE aux entiers dépens, les dépens visés à l'article 701 du Nouveau Code de Procédure Civile étant liquidés à la somme de 716,49 francs.
Sur appel de la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et de Monsieur X..., la Cour d'Appel de Lyon, par arrêt du 7 juin 2001, a
- déclaré irrecevable l'appel-nullité formé par la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X...,
- condamné la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître BAUFUME, Avoué, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par arrêt en date du 19 mai 2004, la Cour de Cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Lyon le 7 juin 2001 et a remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'Appel de céans.
Elle motivait ainsi sa décision :
"Attendu que pour déclarer irrecevable l'appel formé par la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X..., l'arrêt retient qu'il entre dans la compétence exclusive du juge-commissaire de statuer sur les difficultés de la décision de poursuivre ou non un contrat en cours et qu'il n'y a pas eu excès de pouvoir du juge-commissaire approuvé par le tribunal en ce qu'il a mis fin aux baux commerciaux liant la SCI à la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et à Monsieur X... ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'en l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation de l'administrateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul co-contractant le droit de la faire prononcer en justice et qu'une telle demande n'entre pas dans les attributions du juge-commissaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés", étant précisé que ces textes étaient les articles 37 alinéa 1er et 173 de la loi du 25 janvier 1985 devenus les articles L 621-28 alinéa 1er et L 623-4 du Code de Commerce et l'article 61-1 du décret du 27 décembre 1985.
Statuant par jugement en date du 5 février 2002 sur la demande de la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et de Monsieur X... aux fins de fixation de l'indemnité d'éviction dont ceux-ci s'estiment créanciers, le Tribunal de Grande Instance de Créteil, au visa de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 8 mars 2000 et de l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 7 juin 2001 , les a déboutés de leurs demandes, a constaté qu'il était incompétent, en application de l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris en date du 8 mars 2000, pour statuer sur la nécessité et l'existence des déclarations de créances, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et a condamné la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... aux dépens avec application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître GUILBERTEAU, Avocat.
Par arrêt en date du 14 mars 2003, la Cour d'Appel de Paris a confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de Créteil en date du 5 février 2002, condamné Monsieur X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE aux dépens d'appel et admis les avoués au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par arrêt en date du 7 décembre 2004, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris dans toutes ses dispositions, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la Cour d'Appel de Grenoble.
La Cour de Cassation motivait ainsi sa décision :
"Attendu que pour rejeter les demandes des preneurs, l'arrêt retient que l'administrateur a résilié les baux en usant de la faculté de ne pas poursuivre les contrats en cours, que la demande des preneurs tend, en réalité, à obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L 621-28 du Code de Commerce, et que la créance d'indemnité est éteinte pour n'avoir pas été déclarée au passif du bailleur dans le délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article 66 alinéa 2 du décret du 27 décembre 1985 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation de l'administrateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice, et qu'à défaut de résiliation judiciaire des baux, le délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article précité n'a pas couru, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Suite à la cassation par arrêt du 19 mai 2004 de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Lyon le 7 juin 2001 et par déclaration du 4 mai 2005, la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... ont saisi la Cour d'appel de Grenoble de l'appel du jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 10 novembre 1999. L'affaire est inscrite au rôle sous le no 05/2068.
Ils ont saisi cette Cour de l'appel à l'encontre du jugement du Tribunal de Grande Instance de Créteil en date du 5 février 2002 par déclaration du même jour. L'affaire est inscrite au rôle sous le no 05/2069.
Par voie de conclusions signifiées le 12 septembre 2006, la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... font valoir dans le cadre de l'affaire 05/2068 :
- que le juge-commissaire ne s'est pas contenté de constater la résiliation de plein droit des deux baux commerciaux mais qu'il a prononcé la résiliation de ces baux, qu'il a ce faisant outrepassé ses pouvoirs,
- que lorsque le centre commercial a été fermé par mesure administrative le 12 janvier 1995, les preneurs n'ont soulevé aucune contestation et ont laissé les fonds garnis de leurs marchandises et matériels, qu'ainsi Maître Z... es-qualités avait l'accord de ses cocontractants au sens de l'article 37 alinéa 3 de la loi du 25 janvier 1985 pour ne pas fournir la contreprestation à laquelle il se trouvait tenu, c'est à dire l'accomplissement de travaux et l'emploi de personnel pour assurer la sécurité du centre commercial, que sa décision n'a été prise que dans le but de pouvoir faire approuver le plan de cession et faire vendre l'immeuble libre de toute occupation, qu'il s'agit donc bien d'une fraude aux droits des locataires commerçants évincés et par voie de conséquence d'un excès de pouvoir qui ne peut être sanctionné que par la nullité,
- que l'on n'est dans aucun des deux cas de résiliation de plein droit prévus par l'article 37 (mise en demeure à l'administrateur restée sans réponse à l'expiration d'un délai d'un mois, défaut des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant), que le délai qui s'est écoulé entre le moment où les prestations du bailleur ont cessé et celui où il décide de mettre un terme aux conventions de même que l'absence de contestations des preneurs évincés démontrent que le deuxième cas de résolution de plein droit ne peut pas davantage que le premier trouver application en l'espèce,
- que la renonciation de Maître Z... aux baux n'a pas entraîné la résiliation de ceux-ci mais les a empêchés de se poursuivre, que c'est la raison pour laquelle, afin que naisse leur droit à indemnité d'éviction, ils ont demandé au Tribunal de Grande Instance de Créteil de prononcer la résiliation des baux en cours aux torts exclusifs du bailleur,
- que par ailleurs, les premiers juges ont cru pouvoir tirer des dispositions du dernier alinéa de l'article 37 précité qu'ils auraient dû déclarer leur créance au passif de la société mais que le dernier alinéa de l'article 37 ne fait nullement référence à une indemnité d'éviction puisqu'il énonce que lorsque l'administrateur renonce à un contrat en cours, l'inexécution peut donner lieu à des dommages-intérêts qui seront déclarés au passif de la société, que l'indemnité d'éviction n'a pas la nature de dommages-intérêts puisqu'elle est une indemnité de remplacement calculée sur la valeur du fonds, qu'elle est née six mois après le jugement d'ouverture de la procédure collective, qu'elle constitue donc une créance du preneur née postérieurement au jugement, qu'elle n'est pas soumise à déclaration, qu'en toute hypothèse, elle doit naître judiciairement pour pouvoir être soumise à déclaration,
- que la portée de la résiliation de plein droit visée par les alinéas 1 et 3 de l'article L 621-28 du Code de Commerce est la suivante : cette résiliation ne doit s'appliquer qu'après mise en demeure de l'administrateur par le cocontractant,
- que Maître Z... es-qualités ne peut brandir à leur égard aucun commandement visant la clause résolutoire.
Ils demandent à la Cour de :
"Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lyon le 10 novembre 1999 en toutes ses dispositions et,
Statuant à nouveau,
Déclarer recevable et bien-fondé l'appel-nullité interjeté par Monsieur X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE ;
Dire que Maître Z..., s'agissant d'un bail consenti par le débiteur, ne pouvait résilier les baux commerciaux sur le fondement de l'article L 621-28 du Code de Commerce (article 37 de la loi du 25 janvier 1985) sans avoir préalablement été mis en demeure par ses cocontractants ;
Constater la renonciation de Maître Z... à la poursuite des baux précités ;
Déclarer que la résiliation d'un bail n'entre pas dans les attributions du Juge-Commissaire ;
En conséquence, déclarer nul et de nul effet le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lyon le 10 novembre 1999 ;
Condamner Maître Z..., es-qualités, au paiement d'une somme de 5.000 €uros au profit de chacun des deux appelants, en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Condamner Maître Z... en tous dépens, ceux de 1ère instance exposés devant le Tribunal de Commerce de Lyon et ceux exposés devant la Cour d'Appel de Lyon et ceux exposés devant la Cour d'Appel de Grenoble, Cour de renvoi, et autoriser la SCP GRIMAUD, Avoués, à les recouvrer directement contre lui".
Par voie de conclusions signifiées le 21 février 2006, Maître Z... es-qualités d'administrateur judiciaire et de Commissaire à l'Exécution du Plan de redressement de la SCI MESSIDOR et cette SCI font valoir :
- que la Cour de renvoi peut :
* soit épouser purement et simplement la position de la Cour de Cassation, qui malgré la rédaction voulue par le législateur de 1994 maintient sa jurisprudence antérieure, auquel cas l'appel nullité serait effectivement recevable,
* soit entrer en résistance contre cette interprétation bien peu pragmatique de l'ancien article 37 de la loi de 1985 (aujourd'hui article L 621-28 du Code de Commerce),
- que la lecture de l'article L 621-28 du Code de Commerce, alinéa par alinéa, permet de constater que Maître Z... es-qualités devait mettre fin au contrat, que la première partie du premier alinéa pose le principe que l'administrateur a seul la faculté d'exiger la continuation du contrat mais à charge de fournir la contrepartie qui lui incombe, qu'à contrario, s'il est dans l'impossibilité de fournir la contrepartie, il ne doit pas continuer ce contrat, que la seconde partie du premier alinéa vise le cas où le cocontractant met l'administrateur en demeure de prendre parti, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que le second alinéa dit qu'au vu des documents prévisionnels, donc à l'issue de ses observations, l'administrateur, dans le cas d'un contrat à exécution ou paiement échelonné, y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir ses obligations pour le terme suivant, et que le troisième alinéa prévoit dans ce cas une résiliation de plein droit, que Maître Z... es-qualités, qui était dans l'impossibilité d'assurer, non seulement ses obligations de bailleur à l'égard des cocontractants, mais aussi celles de sécurité à l'égard des clients du centre et de l'environnement, avait l'obligation de mettre fin aux contrats, que le terme "mettre fin au contrat" ne souffre pas d'interprétation (la fin d'un contrat est le moment à partir duquel il n'existe plus) et n'est pas synonyme de suspension, qu'ainsi au visa des 2ème et 3ème alinéas de l'article L 621-28 du Code de Commerce et non du 1er alinéa (texte retenu par la Cour de Cassation), il propose de maintenir que le juge-commissaire n'a pas excédé ses pouvoirs et de déclarer l'appel nullité irrecevable,
- que la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... sont, eux aussi, à l'origine de la situation puisqu'ils avaient cessé de payer tous les loyers et charges depuis deux ans contribuant à la ruine du bailleur, qu'ils répètent à l'envie qu'ils ont laissé les locaux garnis, ce qui n'est justifié par aucun élément alors qu'il résulte des constats dressés que le centre était abandonné et vide, que pour mettre un terme aux affabulations, il précise qu'à l'issue de la période d'observation, aucun repreneur n'était trouvé, aucun financement n'était envisageable, les restes du centre étant livrés au pillage et à la destruction et des problèmes de pollution se posant, que ce n'est que plusieurs mois plus tard que des négociations ont pu aboutir avec la société GALEC,
- que si la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... estiment avoir subi un préjudice qui doit prendre en compte l'absence de paiement des loyers, ils devaient déclarer leur créance au passif de la procédure collective dans le mois des ordonnances du juge-commissaire, que si l'appel était déclaré recevable, il leur appartiendrait de déclarer leur créance dans le mois de l'arrêt à intervenir.
Ils demandent à la Cour de :
"Vu l'article L 621-28 du Code de Commerce et plus particulièrement les alinéas 2 et 3,
Vu l'impossibilité pour Maître Z... d'assurer ou faire assurer les obligations d'un bailleur de centre commercial et notamment d'assurer la sécurité des personnes, des biens et de l'environnement,
Dire irrecevable l'appel-nullité et confirmer les décisions entreprises,
Subsidiairement, dire que Maître Z... n'a commis aucun détournement de pouvoir,
Condamner in solidum M. X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Les condamner également in solidum aux entiers dépens distraits au profit de Maître RAMILLON, Avoué à la Cour, sur son affirmation de droit".
Madame L'avocate Générale a fait connaître qu'elle ne conclurait pas et ne viendrait pas à l'audience.
L'ordonnance de clôture est en date du 24 octobre 2006.
SUR CE, LA COUR
Attendu qu'il n'apparaît pas nécessaire pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des procédures inscrites au rôle sous les no 05/2068 et 05/2069.
Attendu que pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;
Attendu que par lettres en date du 29 juin 1995, Maître Bruno Z... es-qualités d'administrateur judiciaire de la SCI MESSIDOR écrivait à chacun de la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et de Monsieur X... :
"Je vous confirme que la Société Civile Immobilière MESSIDOR a été déclarée en Redressement Judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Lyon en date du 8 février 1995.
En ma qualité d'Administrateur Judiciaire de la Société Civile Immobilière MESSIDOR et en vertu de l'Article 37 de la loi du 25 janvier 1985, je procède à la résiliation de votre bail avec effet au 31 juillet 1995, pour les locaux que vous occupez dans le centre commercial de Bonneuil.
Cette résiliation est décidée du fait de la situation actuelle de ce centre qui ne permet pas à la Société Civile Immobilière MESSIDOR d'exécuter ce contrat de bail.
Vous voudrez bien restituer au gestionnaire de ce centre les clés de votre local.
Cette résiliation est prononcée sous réserve des éventuelles procédures en cours et ne préjudicie pas des actions en paiement et/ou en responsabilité contre les locataires qui n'auraient pas régler leurs charges mettant ainsi ce centre en difficulté.
Je vous prie.....................";
Attendu que l'article L 621-28 ancien du Code de Commerce (anciennement article 37 de la loi du 27 janvier 1985) dispose :
"L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure adressée à l'administrateur restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour prendre parti.
Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour l'administrateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonné dans le temps, l'administrateur y met fin, s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.
A défaut de paiement dans les conditions définies à l'alinéa précédent et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, le contrat est résilié de plein droit, et le parquet, l'administrateur, le représentant des créanciers ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution des engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.
Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat, l'inexécution peut donner lieu à des dommages-intérêts dont le montant sera déclaré au passif au profit de l'autre partie. Celle-ci peut néanmoins différer la restitution des sommes en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages-intérêts.
Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire";
Attendu que contrairement à ce que soutient Maître Z... es-qualités, l'on n'est pas dans l'hypothèse visée à l'alinéa 2 de l'article L 621-28 ancien du Code de Commerce qui permet à l'administrateur judiciaire de mettre fin au contrat lorsqu'il ne dispose pas des fonds nécessaires pour remplir ses obligations pour le terme suivant ; que cet alinéa ne concerne en effet que les cas où la prestation du cocontractant sous le coup d'une procédure collective consiste dans le paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, la prestation de la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE ne consistait pas dans le paiement d'une somme d'argent ;
Qu'en outre, l'alinéa 3 de du même article ne prévoit la résiliation de plein droit que dans le cas où il y a défaut de paiement dans les conditions définies à l'alinéa 2 et défaut d'accord du cocontractant du débiteur sous le coup d'une procédure de redressement judiciaire pour poursuivre les relations contractuelles ; que tel n'est pas le cas en l'espèce où il n'y a pas un défaut de paiement par la SCI MESSIDOR et Maître Z... es-qualités et où Monsieur X... et la SARL LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE souhaitaient quant à eux la poursuite des relations contractuelles ;
Qu'enfin, il résulte de l'article L 621-28 ancien alinéa 1 du Code de Commerce qu'en l'absence de mise en demeure par le cocontractant, la renonciation de l'administrateur à la poursuite du contrat n'entraîne pas la résiliation de plein droit de la convention à son initiative , mais confère au seul cocontractant le droit de la faire prononcer en justice ; qu'en outre, une telle demande n'entre pas dans les attributions du juge-commissaire telles que définies dans la loi du 27 janvier 1985 modifiée par celle du 10 juin 1994 puis codifiée et par le décret du 27 décembre 1985 modifié par celui du 21 octobre 1994 ; qu'en application de l'article 61-1 dudit décret, le juge-commissaire ne peut que constater, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus aux 1er et 3ème alinéas de l'article L 621-28 et à l'article L 621-29 du Code de Commerce ainsi que la date de cette résiliation ;
Qu'en l'espèce, où suite aux courriers de Maître Z... es-qualités en date du 29 juin 1995, il n'y avait pas eu de mise en demeure par les co-contractants, Monsieur X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE, et où les contrats n'étaient pas résiliés de plein droit, le juge-commissaire du Tribunal de Commerce de Lyon, qui a prononcé la résiliation des baux et fixé la date de celle-ci au 31 juillet 1995, a donc statué hors des limites de ses attributions et excédé ses pouvoirs ;
Que le Tribunal de Commerce, statuant sur opposition à l'ordonnance du juge-commissaire et donc dans la limite de la compétence de celui-ci ne pouvait par suite confirmer ses ordonnances en date du 16 juillet 1998 ;
Attendu qu'en l'état des dispositions de l'article 173 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L 623-4 ancien du Code de Commerce selon lesquelles les jugements par lesquels le Tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans les limites de ses attributions, à l'exception de ceux statuant sur les revendications, ne sont susceptibles ni d'opposition, ni de tierce opposition, ni d'appel, ni de pourvoi en cassation, il y a lieu de déclarer recevable l'appel formé par Monsieur X... et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE à l'encontre du jugement du Tribunal de Commerce de Lyon en date du 10 novembre 1999 , de prononcer la nullité dudit jugement en date du 10 novembre 1999, et par suite de l'effet dévolutif de l'appel à l'encontre des jugements statuant sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire hors les limites de ses attributions, comme c'est le cas en l'espèce, de statuer à nouveau ;
Attendu qu'en application de l'article L621-28 ancien du Code de Commerce (article 37 de la loi du 25 janvier 1985), l'administrateur judiciaire a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours ; que si ni l'administrateur judiciaire ni le juge-commissaire ne pouvaient prononcer la résiliation des baux consentis par la SCI MESSIDOR à la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et à Monsieur X..., il convient en revanche de constater la renonciation de Maître Z... es-qualités, sur le fondement dudit texte, à la poursuite de ceux-ci, ressortant de ses courriers recommandés en date du 29 juin 1995 ;
Attendu qu'il n'appartient pas à la Cour, dans le cadre de cette saisine, de se prononcer sur le caractère abusif ou non de cette renonciation, laquelle s'inscrit dans les pouvoirs de l'administrateur judiciaire, et sur un éventuel détournement de pouvoir commis par celui-ci ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties l'intégralité des frais que lui a occasionnés la présente procédure ;
Attendu que Maître Z... es-qualités qui succombe en ce qui concerne le prononcé de la résiliation judiciaire sera condamné aux entiers dépens de première instance, d'appel devant la Cour d'Appel de Lyon et devant la présente Cour ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement, sur renvoi après cassation,
après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... recevables et bien fondés en leur appel-nullité,
Dit que le juge-commissaire a statué hors la limite de ses attributions et donc excédé ses pouvoirs en prononçant la résiliation des baux qui liaient la SCI MESSIDOR d'une part, et la société LA BRÛLERIE D'ADAMVILLE et Monsieur X... d'autre part, et que le Tribunal de Commerce de Lyon, statuant dans les limites des attributions du juge-commissaire, ne pouvait donc confirmer sa décision,
Annule le jugement entrepris,
Dit que Maître Z... ne pouvait procéder à la résiliation des baux dont s'agit sur le fondement de l'article L 621-28 du Code de Commerce (article 37 de la loi du 25 janvier 1985), et que le juge-commissaire ne pouvait non plus prononcer cette résiliation,
Constate qu'en l'état de ses courriers du 29 juin 1995, Maître Z... es-qualités a, en application du texte susvisé, renoncé à la poursuite des baux litigieux,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SCI MESSIDOR et Maître Z... es-qualités aux entiers dépens de première instance, d'appel devant la Cour d'Appel de Lyon et d'appel devant cette Cour avec droit de recouvrement direct pour ces derniers au profit de la SCP GRIMAUD, Avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PRONONCE en audience publique par Monsieur URAN, Président qui a signé avec Madame PELISSON, Greffier.