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07/11/2007 | FRANCE | N°06/02561

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ct0173, 07 novembre 2007, 06/02561


RG N° 06 / 02561
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 07 NOVEMBRE 2007
Appel d'une décision (N° RG 05 / 00834) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 19 juin 2006 suivant déclaration d'appel du 28 Juin 2006

APPELANTE :
La SARL INTELL'SECURITE PRIVEE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 84 rue Louis Becker 69100 VILLEURBANNE

Représentée par Monsieur Y... (Responsable d'exploitation)
INTIMÉE :
Madame Hortense X...... 38000 GRENOBLE
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(bénéficie d'une ...

RG N° 06 / 02561
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU MERCREDI 07 NOVEMBRE 2007
Appel d'une décision (N° RG 05 / 00834) rendue par le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE en date du 19 juin 2006 suivant déclaration d'appel du 28 Juin 2006

APPELANTE :
La SARL INTELL'SECURITE PRIVEE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège 84 rue Louis Becker 69100 VILLEURBANNE

Représentée par Monsieur Y... (Responsable d'exploitation)
INTIMÉE :
Madame Hortense X...... 38000 GRENOBLE

Comparante et assistée par Me Régis DESCHAMPS (avocat au barreau de GRENOBLE)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 008412 du 07 / 12 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre, Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 10 Octobre 2007, Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 Novembre 2007.
L'arrêt a été rendu le 07 Novembre 2007.

Hortense X... a été engagée pour une durée indéterminée à compter du 23 janvier 2004 et à temps partiel (30 heures par semaine) en qualité d'agent d'exploitation par la société à responsabilité limitée INTELL'SÉCURITÉ PRIVÉE (ISP). Un nouveau contrat à durée indéterminée a été signé entre les parties le 17 mars 2004.
La société lui a notifié, le 14 mars 2005, qu'elle était mutée à Lyon à compter du 18 avril 2005 suite à des plaintes concernant sa " façon de faire " émanant des clients et du personnel des établissements Arthaud et Decitre à Grenoble où elle exerçait ses fonctions et suite à l'ordre formel de ces deux clients de la retirer définitivement de leurs magasins.
Hortense X... a refusé cette mutation le 6 avril 2005.
La société INTELL'SÉCURITÉ PRIVÉE lui a alors notifié son licenciement par lettre du 22 avril 2005 en raison de ce refus et spécifié dans cette lettre qu'elle n'avait " rien d'autre à (lui) proposer car comme (elle le lui avait) expliqué, (ses) trois clients de l'Isère (Arthaud, Decitre, Leader Price St Egreve) ont refusé systématiquement et catégoriquement (sa) présence sur le site pour les nombreux incidents qui ont eu lieu entre (elle), leurs personnels et leurs clients... ".
L'employeur lui a également indiqué que son préavis d'un mois ne serait ni effectué, ni payé puisqu'elle refusait également de l'effectuer à Lyon. Après intervention de l'inspection du travail, elle a effectué une partie de son préavis à Grenoble du 18 au 28 mai 2005.
Hortense X... a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble, le 18 juillet 2005, d'une contestation de cette rupture.
Le solde de son préavis a été réglé sur procès-verbal de conciliation partielle devant le conseil de prud'hommes le 26 septembre 2005.
Par jugement du 19 juin 2006, ce conseil a dit que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse mais que la procédure était irrégulière, a condamné la société INTELL'SÉCURITÉ PRIVÉE à payer à Hortense X... les sommes de :- 800 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure (absence de convocation à un entretien préalable),- 700 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mais a débouté Hortense X... du surplus de ses demandes.

La société ISP et Hortense X... ont interjeté appel respectivement les 28 juin et le 18 juillet 2006.
Une tentative de médiation a échoué.
La société INTELL'SÉCURITÉ PRIVÉE demande à la cour d'infirmer les dispositions du jugement déféré concernant la régularité du licenciement, de confirmer la reconnaissance d'une cause réelle et sérieuse, de débouter Hortense X... de ses demandes et de la condamner à rembourser les 906,95 € versés.
L'employeur prétend qu'Hortense X... avait bien reçu une convocation à un entretien préalable, que cet entretien préalable s'était déroulé sur l'un des sites où elle travaillait, qu'elle avait accepté un préavis écourté mais refusé d'effectuer la totalité du préavis sur Lyon dont les frais auraient pourtant été payés par la société.
Il explique qu'en raison de ses écarts de langage et de son attitude vis-à-vis du personnel et des clients, elle s'était attiré des reproches et de nombreuses mises en garde et qu'il avait été contraint de la retirer des magasins de ses clients car la société risquait de perdre ces marchés.
Il soutient également que son contrat de travail comportait une clause de mobilité et que la nouvelle affectation devait être accompagnée d'aides financières au déplacement.
Hortense X... demande à la cour de confirmer les dispositions du jugement relatives à l'irrégularité de la procédure de licenciement, de réformer pour le surplus, de dire que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société INTELL'SÉCURITÉ PRIVÉE à lui verser :- indemnité pour irrégularité de la procédure : 1 200,51 € (un mois de salaire),- dommages et intérêts : 7 000 €,- indemnité pour frais irrépétibles : 1 500 €.

Elle conteste avoir été convoquée à un entretien préalable et avoir signé la lettre de convocation du 8 avril 2005 et soutient que l'entretien informel qui avait eu lieu sur le site d'un des clients de la société n'avait pas constitué l'entretien préalable.
Elle soutient que l'article 3 de son contrat de travail ne contenait pas une clause de mobilité car cet article était rédigé en termes équivoques, ne précisait pas les modalités du changement de lieu de travail et n'était pas conforme à la commune intention des parties alors qu'elle n'avait jamais consenti à sa mutabilité hors du bassin d'emploi de Grenoble compte tenu de sa situation personnelle et du faible montant de son salaire.
Elle reproche à son ancien employeur de lui avoir abusivement imposé une modification de son contrat qui plus est pour des motifs inexistants.
Elle souligne, sur ce dernier point, que la société ISP avait reconnu expressément que la salariée n'avait commis aucune faute professionnelle, que la lettre de licenciement était imprécise sur les faits qui auraient justifié sa mutation, ce qui équivalait à une absence de motivation, qu'elle avait toujours donné satisfaction et qu'elle n'a jamais été informée de plaintes des clients.
Elle rappelle qu'elle s'était trouvée sans ressources d'avril à juin 2005.
Sur quoi :
Attendu que les appels ont été enregistrés sous deux numéros distincts au répertoire général ; qu'il convient d'en ordonner la jonction ;
Attendu que les deux contrats de travail signés par la salariée comportaient la clause suivante relative au lieu de travail : " à tout moment le salarié peut être affecté chez tous les clients de l'entreprise, ce contrat de travail ne comporte pas de lieu de travail précis " ;
Que, certes, la clause de mobilité invoquée par l'employeur ne contenait pas de délimitation géographique ;
Mais qu'Hortense X..., domiciliée à Grenoble où est scolarisée sa fille née en 1995 et qu'elle élevait seule, était embauchée sur un poste d'agent d'exploitation classé au niveau 2 échelon 2 coefficient 120 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité et elle ne percevait qu'une rémunération mensuelle de 1 200,51 € ; que ses fonctions consistaient à surveiller les clients de trois magasins à Grenoble et dans la périphérie de cette ville ;
Qu'en l'absence dans le contrat de travail de délimitation expresse d'une circonscription géographique précise, au regard de la nature des fonctions exercées et du faible niveau de rémunération, les parties avaient nécessairement mais implicitement entendu limiter la possibilité de changement d'affectation du salarié sans son accord, à des sites situés dans un même bassin d'emploi, à savoir celui de l'agglomération grenobloise ;
Attendu par ailleurs que l'employeur lui a notifié sa mutation à Lyon, ville distante d'une centaine de kilomètres de son domicile et de son lieu d'embauche, sans assurer à Hortense X... que la société ISP prendrait en charge ses frais de déplacement professionnels ou qu'elle prendrait en charge son déménagement ;
Que de telles conditions de mise en oeuvre de la clause au mois d'avril entraînaient nécessairement pour Hortense X... une diminution de sa rémunération puisqu'elle ne pouvait raisonnablement déménager, ce qui aurait impliqué un changement d'école en cours d'année scolaire pour son enfant ; qu'elle aurait été exposée, pour se rendre à son rendre à son travail, à d'importants frais de déplacement qui auraient sérieusement entamé son budget ;
Attendu que de plus, à supposer que la clause ait permis la mutation en cause et que l'employeur ne l'ait pas mise en oeuvre abusivement, le motif invoqué le 14 mars 2005 n'apparaît pas constitué ;
Qu'Hortense X... expose qu'elle n'avait jamais fait l'objet de critique avant le 14 mars 2005 ; que la preuve contraire n'est pas rapportée ;
Que l'employeur ne justifie pas avoir notifié à Hortense X... un avertissement ou lui avoir fait des remarques à propos de son comportement, alors qu'il soutient dans la notification du 14 mars 2005 que " depuis plusieurs mois et à maintes reprises (il lui avait) rappelé l'absolue nécessité de modifier (ses) comportement et attitude chez (ses) clients ARTHAUD et DECITRE GRENOBLE car ces derniers n'admettaient pas (sa) façon de faire, qui est cependant très sérieuse, mais ne correspondant pas à leurs styles de clientèle " ;
Qu'il ne justifie pas non plus avoir reçu " plusieurs demandes " de la part de ses propres clients, pour reprendre les termes de sa lettre de notification ;
Qu'en effet, la seule plainte d'un client antérieure au 14 mars 2005 et dont l'employeur est en mesure de justifier et celle émanant de la société DISTRI LEADER à Saint-Egrève, remontant au 23 novembre 2004, dont une personne dénommée Patrick Z... et dont la qualité n'était pas précisée sur ce document comportant le simple cachet commercial de la société, se plaignait qu'Hortense X... manquait de discrétion et abordait les clients de manière beaucoup trop brusque, sans tact et diplomatie ;
Qu'il est contradictoire, pour l'employeur, de faire état de l'insatisfaction de son client LEADER PRICE à propos des prestations d'Hortense X..., tout en s'engageant le 26 septembre 2005, devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Grenoble, à proposer à Hortense X... un emploi d'agent de sécurité dès l'ouverture des magasins LEADER PRICE de Grenoble et de Seyssinet-Pariset si l'intéressée abandonnait sa procédure prud'homale ;
Que les autres plaintes versées aux débats sont datées du 6 avril 2005 s'agissant de la librairie ARTHAUD et du 30 avril 2005 s'agissant de la librairie DECITRE mais qu'elles ne font pas référence à des incidents datés et circonstanciés, sauf la lettre d'ARTHAUD qui évoque une " altercation " entre Hortense X... et l'un des vendeurs " lundi ", donc le 4 avril 2005 et donc postérieurement à la notification de la mutation ;
Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, le refus de mutation n'était donc pas injustifié et que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu'Hortense X... avait moins de deux ans d'ancienneté ;
Qu'il lui était dû un mois de préavis et que la demande de remboursement des sommes versées par l'employeur au titre du procès-verbal d'accord partiel du 26 septembre 2005 est dépourvue de tout fondement ;
Qu'elle justifie avoir traversé une période difficile en raison des circonstances de la rupture de son contrat de travail ; que ce n'est qu'après la saisine du conseil de prud'hommes et en exécution de cet accord partiel que le solde de l'indemnité de préavis lui a été versé par chèque du 3 octobre 2005 et qu'une attestation ASSEDIC conforme à sa situation lui a été remise ;
Que les indemnités de l'assurance-chômage ne lui ont été versées qu'à compter du 24 juin 2005 ; qu'Hortense X... a dû avoir recours en juin et juillet 2005 aux allocations de subsistance familiale du conseil général de l'Isère ; qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi ;
Qu'en application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail, il sera alloué à Hortense X... une indemnité de 3 000 € en réparation du préjudice subi ;
Attendu qu'Hortense X... conteste avoir reçu en main propre et avoir signé contre décharge la lettre datée du 8 avril 2005 portant convocation à un entretien préalable fixé au 18 avril 2005 dont se prévaut l'employeur ;
Que cette lettre comporte la mention manuscrite " reçue en main propre contre décharge " suivie d'une signature dont Hortense X... conteste être le scripteur ;
Que le trait de cette signature est tremblé alors que sur tous les exemplaires de la signature de Hortense X... figurant au dossier, en original ou en copie, le trait est net et exempt de ce genre d'ondulation qui trahit une imitation ;
Que de plus :- la date de la remise en main propre n'est pas mentionnée sur la convocation du 8 avril 2005, à la différence de la formule employée à l'occasion de la remise en main propre le 18 avril 2005 (qui n'est pas contestée) de la notification de la période travaillée du préavis,- le document contesté ne précisait pas que l'entretien préalable aurait lieu sur l'un des sites de travail, mais " dans notre bureau ", ce qui suppose qu'il était organisé au siège de la société à Villeurbanne et ce qui entre en contradiction avec le fait invoqué par l'employeur, selon lequel l'entretien préalable s'est tenu dans les locaux de la librairie DECITRE à GRENOBLE ;

Attendu qu'en raison de ces éléments, l'attestation émise par l'agent d'exploitation Jean-Samuel A... selon lequel il aurait remis le 8 avril 2005 à Hortense X... une convocation à un entretien préalable pour le 18 avril 2005 ne suffit pas a établir que la formalité prévue à l'article L. 122-14 du Code du travail a bien été respectée ;
Que la disposition par laquelle le jugement déféré a condamné la société ISP à verser une indemnité de 800 euros pour irrégularité de la procédure de licenciement sera donc confirmée ;
Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la salariée, qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, ses frais irrépétibles en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Ordonne la jonction entre les procédures n° 06 / 2561 et 2951 du répertoire général ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de Hortense X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau, dit que son licenciement pour refus de mutation était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société INTELL'SÉCURITÉ PRIVÉE à verser à Hortense X... 3. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Confirme les autres dispositions du jugement prononcé le 19 juin 2006 par le conseil de prud'hommes de Grenoble ;
Rejette la demande formée en cause d'appel par Hortense X... au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société INTELL'SÉCURITÉ PRIVÉE aux dépens de l'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH Président, et par Madame VERDAN Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ct0173
Numéro d'arrêt : 06/02561
Date de la décision : 07/11/2007

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL

Clause de mobilité - absence de délimitation expresse zone géographique précise - mutation éloignée - non prise en charge des frais professionnels ou de déménagement par l'employeur - refus de mutation justifié. L'absence de délimitation expresse d'une zone géographique dans le contrat de travail limite la possibilité de changement d'affectation sans son accord d'un salarié exerçant un poste d'agent d'exploitation et ne percevant qu'un faible niveau de rémunération, sa mutation à plus d'une centaine de kilomètres conduisant par ailleurs à une diminution de sa rémunération en l'absence de prise en charge des frais professionnels ou de déménagement par l'employeur.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Grenoble, 19 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.grenoble;arret;2007-11-07;06.02561 ?
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