Grosse délivrée
le :
à :
Me RAMILLON
SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC
MIHAJLOVICE MIHAJLOVIC
R. G. No 05 / 1395
CF / P
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2EME CHAMBRE CIVILE
ARRET DU MARDI 22 JANVIER 2008
Appel d'un Jugement (N º R. G. 01 / 01208)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP en date du 08 décembre 2004
suivant déclaration d'appel du 07 Février 2005
APPELANTE :
S. A. R. L. CMIL poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
1310 Avenue François Mitterrand 13180 GIGNAC LA NERTHE
représentée par Me Marie-France RAMILLON, avoué à la Cour
assistée de Me X..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES :
Monsieur Benoît Y...
... 05500 LES COSTES
représenté par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assisté de Me PHILLP, avocat au barreau des HAUTES ALPES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 4802 du 20 / 06 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
Madame Nathalie A... épouse Y...
... 05500 LES COSTES
représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour assistée de Me PHILIP, avocat au barreau des HAUTES ALPES
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2005 / 4802 du 20 / 06 / 2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame B. BRENNEUR, Président, Madame H. PIRAT, Conseiller, Monsieur J. L. PIERRE, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame M. C. OLLIEROU, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 11 Décembre 2007,
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
La SARL CMIL est appelante du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Gap, en date du 08 décembre 2004, qui a notamment :
-condamné la SARL CMIL à payer aux époux Y... les sommes suivantes :
-93 766 € pour la remise en état des chalets,
-2 637 € pour les frais de grutage,
-15 000 € pour la perte d'exploitation et l'électricité,
-1668 € pour les travaux de finitions,
– condamné les époux Y... à payer à la SARL CMIL la somme de 13 956 € au titre du solde sur marché, cette somme devant se compenser avec celles dues au titre des compensations,
-condamné la SARL CMIL à payer aux époux Y... la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
-ordonné l'exécution provisoire,
– condamné la SARL CMIL aux dépens ;
EXPOSES DES FAITS
Le 03 octobre 2000, M. Benoît Y... et Mme Nathalie Y... ont commandé trois chalets à la SARL CMIL en vue de locations saisonnières ;
Le bon de commande comprenait la prise en charge du transport et du grutage, un ensemble de meubles, la réalisation de terrasses en bois ainsi que des longrines servant de fondations ;
La livraison était prévue pour la semaine du 20 novembre 2000 ;
Les chalets ont été acheminés le 17 février 2001, mais n'ont pu être installés que le 20 mars 2001, à la suite de difficultés dues à la présence d'une ligne à haute tension ;
Les époux Y... ont constaté de nombreuses malfaçons et non finitions ; Ils se sont, par ailleurs, opposés au paiement d'une facture d'un montant de 13 956 € ;
Par ordonnance de référé du 03 octobre 2001, les époux Y... ont été condamnés à payer 3 811, 23 € (25 000 F) à titre de provision ;
Selon ordonnance en date du 06 février 2002, une mission d'expertise a été confiée à M. D... ;
Les époux Y... ont saisi, au fond, le Tribunal de Grande Instance de Gap qui a prononcé la décision précitée ;
MOYENS DES PARTIES
La SARL CMIL, appelante, expose aux termes de ses conclusions récapitulatives qu'elle a conclu un contrat de vente et non de construction avec les époux Y... ; que les dispositions des articles 1792 et suivants sont inapplicables ; qu'ils ont fait procéder eux-mêmes à l'installation des chalets ; que les chalets sont des habitations légères de loisirs, pouvant être déplacées, et ne sont pas des immeubles par nature ; que l'expert a commis une erreur en considérant que les matériaux entrant dans la confection de ces chalets devaient répondre aux normes du secteur du bâtiment ; que les différentes malfaçons ou non façons reprochées, sont non fondées ; qu'il n'existe aucune non conformité de la chose vendue.
En conséquence elle demande à la Cour de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné les époux Y... à lui payer la somme de 13 956 €, les condamner en outre à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me RAMILLON, avoué ;
Les époux Y..., intimés, exposent aux termes de leurs dernières conclusions sur le fond que la notion d'habitation légère relève du droit de l'urbanisme et non du droit de la construction ; qu'en l'espèce les chalets sont des immeubles par nature, ancrés sur leurs fondations ; que les chalets ne sont pas issus d'une production en série mais sont le résultat d'un travail spécifique ; qu'il s'agit d'un contrat d'entreprise et non d'un contrat de vente ; que l'implantation des chalets a été faite en application d'un permis de construire ; que l'expert a relevé et évalué les désordres auxquels il convient d'ajouter les préjudices annexes dont justification est apportée. En conséquence ils demandent à la Cour de confirmer le jugement entrepris sauf à porter à 176 297 € le montant des condamnations, y ajoutant condamner la SARL CMIL à leur payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoué ;
SUR QUOI LA COUR
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées ;
Sur la nature de la garantie
Attendu qu'aux termes de l'article 1792 du Code Civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement le rendent impropre à sa destination ; une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ;
Attendu que les dispositions de l'article 1792 du Code Civil s'applique aux ouvrages de nature immobilière ;
Attendu que selon bon de commande en date du 3 octobre 2000 les époux Y... ont convenu de la fabrication par la SARL CMIL de 3 chalets ainsi que de leur transport et mise en place à St Bonnet (05) ;
Attendu qu'il ressort des éléments du dossier, notamment le constat d'huissier du 5 avril 2001 et le rapport d'expertise judiciaire du 8 octobre 2002, que :
— le projet d'implantation des chalets a fait l'objet d'un permis de construire instruit par M. E..., Architecte, et accordé par la commune des Costes (05) en date du 19 janvier 2000 ;
— des assises en béton, sous forme de longrines, ont été confectionnées à titre de fondations et de vide sanitaire par M. F..., entrepreneur afin de recevoir les chalets ;
— les chalets apparaissent raccordés aux réseaux d'électricité, d'eau et d'évacuation des eaux usées ;
— les chalets sont dotés de terrasses ancrées au sol ;
Attendu que cette configuration ne correspond pas à celle de maisons mobiles simplement posée au sol sans fondations, mais bien à celle d'ouvrages immobiliers ;
Attendu, par ailleurs, que la commande du 3 octobre 2000 comprenait, outre la fourniture des chalets, les prestations suivantes :
– le transport et le grutage, pour 5 640, 61 € HT (37 000 F)
– la réalisation de supports bétons pour 4 116 € HT (27 000 F)
– la construction de terrasses en bois pour 1 829, 39 € HT (12 000F) ;
Attendu qu'un jugement rendu par le Tribunal d'Instance de Gap en date du 3 septembre 2002 révèle que les supports en béton, servant de fondations des chalets, ont été réalisés par l'entreprise de M.
F...
dans le cadre d'une mission de sous-traitance confiée par la SARL CMIL ;
Attendu que l'expert a relevé que les matériaux et techniques de construction mises en oeuvre étaient celles du bâtiment ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la SARL CMIL s'est placée dans la situation d'une entreprise de construction ;
Qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article 1792 du Code Civil sont applicables ;
Qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce chef ;
Sur les désordres
Attendu qu'en son rapport du 8 octobre 2002, M. D..., expert judiciaire a constaté plusieurs malfaçons au regard des normes minimales du bâtiment DTUNF ;
Qu'il a ainsi relevé deux catégories de défauts au regard de ces normes minimales :
" – Les défauts relevant de la sécurité sont :
-tenue au feu du plancher
-faiblesse de la charpente aux charges de neige,
-mauvaise fixation des panneaux de toiture,
-installation électrique avec des défauts,
-ventilation non conforme,
– les défauts qui nuisent à un minimum de confort sont :
-défauts d'isolation, entrées d'air parasites,
-absence de finition, joints entre plaques, décoration mal faite,-absence de l'étage dans le module de 36 m2,
-absence de cuisine installée " ;
Qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'intégralité de ces désordres et malfaçons ;
Sur l'indemnisation
Concernant la réparation des désordres
Attendu que l'expert a évalué la reprise des désordres et malfaçons à la somme de 93 766, 40 € TTC ; 05 / 1395 5
Qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'évaluation de l'expert sur ce chef ;
Concernant les préjudices dus aux charges assumées par les époux Y...
Attendu que l'expert a constaté à ce titre divers préjudices :
– les travaux effectués par M. Y... lui-même : 1 668 €,
– une éventuelle surconsommation électrique non chiffrée pouvant être due à l'insuffisance d'isolation,
– les frais de grutage pour un montant justifié à hauteur de 2 637 € ;
Attendu que les époux Y... ne justifient pas de la surconsommation électrique ;
Qu'en conséquence il convient d'arrêter à 4 305 € le montant des préjudices résultant des charges indûment supportées par les époux Y... du fait de la SARL CMIL ;
Concernant la perte d'exploitation
Attendu que l'expert a relevé que les époux Y... avaient subi une perte d'exploitation due à la non possibilité de louer les chalets durant la saison hiver 2000 / 2001, conformément à leur destination ;
Attendu, cependant, qu'ils ne présentent pas de chiffrage précis de la perte d'exploitation qu'ils auraient subie du fait des carences de la SARL CMIL ;
Attendu que parmi les pièces de leur dossier les époux Y... présentent les tarifs de location qu'ils pratiquent, soit 381 € par semaine en pleine saison ;
Que l'on peut retenir une occupation de trois chalets destinés à la location durant les 12 semaines de la saison d'hiver sachant que l'assurance d'une location à 100 % n'est pas garantie ; qu'ainsi la Cour considère que la perte d'exploitation peut être évaluée à 10 000 € ;
Qu'en conséquence il convient de réformer le jugement entrepris et fixer à 10 000 € l'indemnisation de la perte d'exploitation subie par les époux Y... du fait de la SARL CMIL ;
Sur le solde de facturation
Attendu que l'expert a relevé que les époux Y... n'avaient pas réglé l'intégralité de la facturation adressée par la SARL CMIL ; que subsiste à leur charge un solde de 13 607, 64 € TTC ;
Qu'en conséquence il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux Y... à payer à la SARL CMIL la somme de 13 607, 64 € TTC ;
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Attendu qu'il paraît équitable de condamner la SARL CMIL à payer aux époux Y... la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en audience publique, contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
RÉFORME le jugement entrepris en ce qui concerne l'indemnisation de la surconsommation d'électricité et de la perte d'exploitation,
STATUANT A NOUVEAU sur ces chefs,
DÉBOUTE les époux Y... de leur demande au titre de la surconsommation d'électricité,
CONDAMNE la SARL CMIL à payer aux époux Y... la somme de 10 000 € (dix mille) au titre de l'indemnisation de la perte d'exploitation,
CONFIRME pour le reste le jugement entrepris,
CONDAMNE la SARL CMIL à payer aux époux Y... la somme de 1 500 € (mille cinq cents) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes, CONDAMNE la SARL CMIL aux dépens,
AUTORISE pour ces derniers la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoué, à les recouvrer directement contre la partie condamnée,
PRONONCÉ publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile,
SIGNÉ par le Président Madame B. BRENNEUR et par le Greffier Madame OLLIEROU, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.