RG No 06 / 01346
No Minute :
Notifié le :
Grosse délivrée le
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 30 JANVIER 2008
Appel d'une décision (No RG 04 / 00412)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de VALENCE
en date du 09 mars 2006
suivant déclaration d'appel du 17 Mars 2006
APPELANT :
Monsieur Franck X...
...
26400 EURRE
Représenté par Me Laure VERILHAC (avocat au barreau de VALENCE) substitué par la SCP CLEMENT-CUZIN-LONG-LEYRAUD (avocats au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
S. A. R. L. LA GRANDE CAVE
RN 74
21640 VOUGEOT
Représentée par Me Edith RUDLOFF (avocat au barreau de DIJON) substituée par la SCP FESSLER-JORQUEIRA (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 20 Décembre 2007,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 23 Janvier 2008, délibéré prorogé au 30 janvier 2008
L'arrêt a été rendu le 30 Janvier 2008.
EXPOSE DU LITIGE
Par arrêt avant dire droit du 22 octobre 2007, auquel il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits, de la procédure, des demandes et des moyens des parties, la Cour a ordonné la production par Franck X... de différents documents relatifs au contrat de travail qu'il a signé avec la société DUFOULEUR.
Ces pièces ont été régulièrement versées aux débats par Franck X... qui maintient que la cause de son départ réside dans une modification substantielle de ses conditions de travail, et notamment de sa rémunération, et que les conséquences en ont été la rupture du contrat et la recherche d'un nouvel emploi ; que cette recherche était uniquement motivée par le comportement de l'employeur qui l'empêchait de travailler.
Celui-ci, pour sa part, fait remarquer que l'embauche de Franck X... par la société DUFOULEUR date du 7 juin 2004, soit un mois avant la lettre de démission du 7 juillet 2004, lettre qui ne comportait aucune réserve ni allusion à la prétendue attitude fautive de l'employeur à son égard ; que ce n'est que le 21 juillet 2004 que Franck X... est revenu sur sa démission, demandant que soit constatée la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail :
Il ressort des dernières pièces produites par Franck X... qu'il a été embauché par la société DUFOULEUR dès le 7 juin 2004 et, qu'après un essai d'un mois, il a adressé à la SARL la Grande Cave la lettre de démission datée du 7 juillet 2004, et rédigée en ces termes :
" Je vous précisais le 4 mai 2004, par lettre recommandée avec accusé de réception, que par certaines mesures vous m'obligiez à rechercher une autre " carte " de " Bourgogne " pour mon équipe et moi-même.
Après un essai probant, je vous confirme avoir trouvé cette maison de Bourgogne et que toute mon équipe est au courant.
C'est pourquoi je vous signale, par la présente et pour la bonne règle, que je cesserai toute activité commerciale pour la marque " CHAUVENET " à compter du 7 octobre 2005, terme de mon préavis.
Par contre je constate avec regrets que, malgré mes différents appels téléphoniques et demandes dont deux par l'intermédiaire de Madame Y..., vous ne m'avez toujours pas réglé mes frais d'avril 2004 dont le montant d'élève à 368,46 € (feuille de frais ci-joint) ni mon salaire du 2ème trimestre 2004, ce qui me met dans un embarras financier conséquent. (...) Sans nouvelles de votre part, je serai dans l'obligation de saisir le Conseil de Prud'hommes au plus tard sous quinzaine. "
Il n'est pas contesté que, depuis avril 2003, la SARL la Grande Cave et Franck X... étaient en discussion et en désaccord sur les conditions de travail, notamment sur la grille des salaires proposée par l'employeur pour l'année 2004.
Ainsi, dans sa lettre du 5 avril 2004, l'employeur constate ce désaccord et indique : " C'est pour cette raison que nous vous informons des nouvelles conditions de rémunération à compter de la réception de ce courrier. " Suit la liste des modifications apportées au calcul des commissions et des remboursements de frais.
Le 4 mai 2004, Franck X... répond à ce courrier qu'il qualifie de " totalement injuste et pas du tout en rapport avec (son) travail et (ses) résultats ". Il ajoute " qu'une personne saine d'esprit ne peut que refuser des conditions largement inférieures à celles signées sur contrat en février 2001 ". Il discute ensuite le nouveau taux des commissions et le non-remboursement des frais à compter du 12 avril 2004, précisant : " Je constate donc que, par cette mesure plus que douteuse, vous m'empêchez de faire mon travail de responsable. Je constate aussi que beaucoup de mesures négatives et néfastes à l'accomplissement du travail de représentant et de responsable ont été prises depuis janvier 2004 (suit la liste). Il demande ensuite une régularisation, à défaut de laquelle il envisagera de saisir les prud'hommes. Il termine en indiquant : " En attendant, par toutes ces mesures et faits négatifs, vous m'obligez dès à présent à rechercher une deuxième carte de Bourgogne pour mon équipe et moi-même ".
La lettre de démission n'est donc pas, comme le soutient l'employeur, dépourvue de motivation.
Quant à la réalité et au bien fondé des motifs de cette démission, il convient de rechercher si les nouveaux taux de rémunération décidés par la SARL la Grande Cave sont constitutifs ou non d'une modification du contrat de travail pouvant justifier le refus du salarié de poursuivre la relation de travail.
A l'examen du contrat de responsable de secteur signé le 15 février 2001, il apparaît que Franck X... percevait, en cette qualité, une rémunération fixée à 4 % du chiffre d'affaires total du secteur avec le sien inclus, net de tout frais, réalisé par l'ensemble des représentants relevant de son secteur et de lui-même.
En ce qui concerne le contrat de VRP signé le 16 février 2001, la rémunération est exclusivement constituée de commissions sur le montant hors taxes et hors droits, net de tout frais, des ordres directs facturés et encaissés par les produits, le secteur et la clientèle définies par le contrat de travail (Tarif Rose : 10 % sur HT, Tarif Blanc : 20 % sur HT, Tarif Bleu : 33 % sur HT et Tarif Jaune : 40 % sur HT). Il est indiqué que cette rémunération tient compte des frais professionnels à la charge de Franck X... qui ne pourra prétendre à aucune indemnité forfaitaire. De même les frais de représentation sont intégralement à sa charge.
Par lettre du 5 avril 2004, la SARL la Grande Cave notifie à Franck X... de nouvelles conditions de rémunération à compter de la réception de ce courrier, à savoir une " super commission " dont le montant est fixé à :
-4 % sur les personnes présentes ce jour dans le bureau 2048 (7 personnes) ;
-2 % sur les vendeurs qui intégreront l'entreprise à partir du 12 avril 2004, sous sa responsabilité ;
-2 % sur l'équipe actuelle du bureau 2022 et sur les autres vendeurs qu'il embauchera et dirigera en direct ;
-1 % en cas d'embauche d'un responsable intermédiaire ;
-compte tenu du pourcentage des super commissions, aucun remboursement de frais ne sera fait à partir du 12 avril 2004.
Suit la mention suivante : " Nous tenons à vous féliciter de la progression de votre chiffre d'affaire personnel, ainsi que du chiffre d'affaires de votre agence. C'est très bien et nous continuerons à faire le maximum pour vous aider. "
L'employeur, dont il n'est pas démontré que l'entreprise se trouvait dans une situation critique justifiant de telles mesures, alors même qu'il félicite Franck X... de ses bons résultats, a unilatéralement imposé à celui-ci des modifications notoires de sa rémunération (diminution de moitié) de nature à justifier le refus de celui-ci de poursuivre la relation de travail.
La rupture du contrat de travail motivée par ce changement des conditions de travail ne s'analyse donc nullement en une démission, quand bien même Franck X... a anticipé son départ en signant, un mois auparavant, un contrat avec une autre entreprise, mais comme une rupture à l'initiative de l'employeur qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur les commissions et frais :
Dès lors, au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a condamné la SARL la Grande Cave à verser à Franck X... 4 446,52 € de rappels de commissions,444,65 € de congés payés afférents,1 270,87 € de retour de commissions sur commandes clients et 127,09 € de congés payés afférents et de l'infirmer pour le surplus.
Franck X... sollicitait également le paiement des commissions sur le 3ème trimestre 2004 qu'il ne pouvait chiffrer faute de connaître le chiffre d'affaires des bureaux 2048 et 2022 sur cette période.
Il y a lieu de faire droit à cette demande.
Enfin Franck X... réclamait le remboursement de ses frais en qualité de responsable de secteur, soit la somme de 626,06 €, et celle de 9 813,51 € de frais de stands de foire.
Il est bien fondé, au vu de ce qui précède et des justificatifs produits, à obtenir la paiement de la première de ces sommes.
En revanche, il apparaît qu'en vertu du contrat initial de VRP, il supportait la totalité des frais professionnels et de représentation. Aucune indication n'est fournie, dans le contrat, sur les frais de stand et de foire. Toutefois il ressort des attestations de trois VRP, Mesdames A... et B... et M. C..., que ces frais restaient à leur charge, en contrepartie du taux élevé des commissions perçues.
Franck X... doit donc être débouté de sa demande.
Sur les indemnités de rupture du contrat de travail :
En ce qui concerne les indemnités de rupture du contrat de travail, il convient de fixer le montant de l'indemnité de préavis à trois mois de salaire (6 781,47 €) outre 678,15 € de congés payés afférents.
L'indemnité spéciale de rupture due en remplacement de l'indemnité de clientèle, doit être fixée, en application des dispositions de l'article L 751-9 du code du travail et de l'article 14 de la convention collective des VRP à la somme 6 781,47 €.
Franck X... comptant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise plus de 11 salariés, l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à 13 562,94 €, soit six mois de salaire, compte tenu des circonstances de la rupture.
Sur la demande reconventionnelle :
La SARL la Grande Cave réclame la somme de 5 000 €, non pas au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile comme indiqué par erreur dans l'arrêt du 22 octobre 2007, mais à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une part des manquements de Franck X... à son obligation de loyauté et de bonne foi, et d'autre part du débauchage par Franck X... d'une grande partie de l'équipe dont il était le responsable, à savoir Mesdames B... et D..., et de la tentative de débauchage de cinq autres personnes.
Sur le premier grief, il apparaît que le contrat signé par Franck X... avec la société DUFOULEUR concernait un autre secteur que le sien et qu'en tout état de cause il a été libéré de sa clause de non concurrence concernant son secteur VRP par lettre de la SARL la Grande Cave du 23 juillet 2004.
Sur le second grief, il s'avère que les deux VRP qui ont suivi Franck X... n'étaient pas sous contrat d'exclusivité mais VRP multicartes libres de tout choix ; qu'en outre la preuve d'un préjudice lié à ce départ n'est pas rapportée par la SARL la Grande Cave.
La décision du Conseil de Prud'hommes sur ce point sera donc infirmée.
Sur les frais de défense :
L'équité commande d'allouer à Franck X... la somme de 1 500 € par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
-Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la demande de Franck X... tendant à voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné Franck X... à verser 1 500 € de dommages et intérêts à la SARL la Grande Cave ;
-statuant à nouveau, dit que la rupture du contrat de travail ne s'analyse pas comme une démission et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SARL la Grande Cave à verser à Franck X... les sommes suivantes :
4 446,52 € de rappels de commission,
444,65 € de congés payés afférents,
1 270,87 € correspondant aux retours de commissions sur commandes clients,
127,09 € de congés payés afférents,
-y ajoutant, condamne la SARL la Grande Cave à payer à Franck X... les commissions dues pour le 3ème trimestre 2004 et les congés payés afférents, ainsi que 626,06 € de remboursement de frais ;
-Rejette le surplus de la demande de Franck X... ;
-Condamne la SARL la Grande Cave à verser à Franck X... :
-6 781,47 € d'indemnité de préavis
-678,15 € de congés payés afférents
-6 781,47 € d'indemnité spéciale de rupture
-13 562,94 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-Condamne la SARL la Grande Cave à payer à Franck X... la somme de 1. 500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
-Condamne la SARL la Grande Cave aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.