RG No 07 / 00075
No Minute :
COUR D' APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MERCREDI 13 FEVRIER 2008
Appel d' une décision (No RG 06 / 00235)
rendue par le Conseil de Prud' hommes de GRENOBLE
en date du 12 décembre 2006
suivant déclaration d' appel du 03 Janvier 2007
APPELANT :
Monsieur Thierry X...
...
38119 PIERRE CHATEL
Représentée par Me Yann OLLIVIER (avocat au barreau de GRENOBLE)
INTIMEE :
ISERE GESTION
20 Bd Agutte Sembat
38017 GRENOBLE CEDEX
Représentée par Monsieur Eric URBAN (Responsable Administratif) assisté par Me Fabienne SADION- MARTIN (avocat au barreau de GRENOBLE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,
Monsieur Bernard VIGNY, conseiller,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.
DEBATS :
A l' audience publique du 23 Janvier 2008,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).
Puis l' affaire a été mise en délibéré au 13 Février 2008.
L' arrêt a été rendu le 13 Février 2008. Notifié le :
Grosse délivrée le :
RG No 07 / 75 HC
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 septembre 1995, Thierry X... a été embauché en qualité de chauffeur d' autobus par la Régie Départementale des VFD à temps partiel puis à temps plein à compter du 1er janvier 2001.
Il était affecté au dépôt de La Mure.
Le 15 décembre 2005, Thierry X... a été convoqué à un entretien préalable qui a eu lieu le 4 janvier 2006.
La Régie Départementale des VFD l' a licencié par courrier du 17 février 2006 après la réunion le 23 janvier 2006 du conseil d' enquête.
Thierry X... a contesté son licenciement devant le conseil de Prud' hommes de Grenoble qui par jugement du 12 décembre 2006 a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et l' a débouté de toutes ses demandes.
Thierry X... a relevé appel le 3 janvier 2007.
Il demande à la Cour de réformer le jugement et d' ordonner au principal sa réintégration.
Subsidiairement, il sollicite le paiement de la somme de 15. 000 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 150 euros à titre de complément de congés payés ainsi que 1. 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il expose que pendant dix ans, les relations contractuelles se sont déroulées sans incident, si ce n' est une cabale montée contre lui en 2002 ;
que les incidents se sont multipliés à compter de l' année 2005 pour des motifs parfaitement futiles.
Il soutient que la direction a en réalité pris le prétexte de la mésentente entre lui et les autres salariés du dépôt de La Mure pour mettre en exergue des incidents qui relèvent plus du dysfonctionnement du dépôt que de ses fautes personnelles.
1- Sur la procédure, il soutient que le licenciement ne respecte pas les règles de l' article 56 de la convention collective, en ce que le conseil d' enquête était présidé par Madame B..., responsable des ressources humaines à l' origine de la sanction alors qu' elle ne pouvait qu' y être entendue.
Il soutient encore que la voix de Madame B... étant inopérante, le chef d' entreprise ne pouvait prononcer le licenciement faute de majorité et qu' en présence d' un partage des voix, il ne pouvait que prononcer une sanction inférieure.
2- Sur le licenciement, il fait valoir que les motifs invoqués dans la lettre ne sont pas sérieux :
- que la perte des disques chrono- tachygraphe ne peut être invoquée, les disques ayant été retrouvés avant le licenciement et aucune procédure de remise n' étant en vigueur lorsqu' ils ont été égarés ;
- que l' accident du 25 novembre 2005 n' est qu' un incident sans gravité ;
- que les autres manquements avaient été préalablement sanctionnés.
La Régie Isère Gestion qui vient aux droits de la Régie Départementale des VFD conclut à la confirmation du jugement et réclame 1. 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle réplique que le licenciement est fondé sur des causes réelles et sérieuses et invoque l' épaisseur du dossier disciplinaire de Thierry X... dont l' attitude à l' égard de ses collègues était nuisible.
Elle expose que pour se justifier, il invoque l' existence d' une cabale alors que c' est lui qui entretenait une ambiance de travail déplorable et insupportable du fait de son agressivité, d' une attitude provocatrice, menaçante et injurieuse et des retards fréquents dans la prise de son travail, à l' origine de la tension qu' il dénonce.
Elle indique qu' elle a fait preuve de patience mais que Thierry X... est demeuré fermé au dialogue, arrogant, provocateur avec un comportement obsessionnel, ce qui l' a déterminée à engager la procédure de licenciement.
Elle fait également valoir que la procédure conventionnelle a été respectée, Madame B... à l' origine de la procédure représentant le chef d' entreprise, ce qui n' est nullement interdit par l' article 56 de la convention collective ;
que le chef d' entreprise, qui a seul le pouvoir de décision au terme de la procédure, a retenu l' une des sanctions proposées par le conseil d' enquête.
Elle ajoute que la nullité du licenciement n' est pas encourue en l' espèce, de sorte que Thierry X... ne peut réclamer sa réintégration.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l' audience ;
1- Sur la procédure
Attendu qu' il résulte des dispositions de l' article 56 de la convention collective des voies ferrées d' intérêt local, que seul l' agent de maîtrise ou le cadre désigné par le chef d' entreprise pour composer le conseil d' enquête ne peut être à l' origine de la proposition de sanction ;
que tel n' est pas le cas du président du conseil d' enquête ;
qu' il s' ensuit que ne constituait pas une irrégularité le fait que Pascale B..., responsable des ressources humaines et à l' origine de la proposition de sanction, préside le conseil d' enquête sur délégation du chef d' entreprise ;
Attendu que la procédure conventionnelle a été respectée ;
2- Sur le licenciement
Attendu que trois griefs dont il conviendra d' examiner la réalité et le sérieux sont énoncés dans la lettre de licenciement :
- la perte des disques chrono tachygraphe pour la période janvier 2005 / août 2005
- le comportement négatif de Thierry X... en dépit d' une tentative de conciliation
- l' accident du 25 novembre 2005.
Attendu qu' il convient de relever à titre liminaire que contrairement à ce que soutient Thierry X... en page 2 de ses conclusions la relation contractuelle n' a pas été exempte d' incidents caractérisés notamment par des retards fréquents dans la prise de service : le 19 janvier 2003, retard de 10 minutes, le 22 juin 2004 : retard de 8 minutes, le 16 septembre 2004 : retard de 20 minutes, le 20 octobre 2004 : retard de 8 minutes, le 26 novembre 2004 : retard de 20 minutes ;
Attendu que certains retards obligeaient ses collègues à assurer le service à sa place ainsi qu' il résulte d' un courrier électronique du 4 février 2005 dans lequel Jean- Jacques C... indique : " Effectivement monsieur Thierry X... le jour de l' inversion de service que j' avais dû effectuer à cause de son retard, il m' a signifié qu' il m' emmerdait prodigieusement. " ;
Attendu que d' autres manquements de Thierry X... résultent des pièces versées au dossier : courrier du 27 octobre 2003 dans lequel il lui est reproché de ne pas s' être présenté au dépôt de Vizille pour stationner son autocar pendant sa coupure, courrier du 3 novembre 2003 dans lequel il lui est reproché de n' avoir pas coupé le contact de la batterie à la veille d' une semaine de congé, ce qui a nécessité l' intervention d' un mécanicien ;
Attendu qu' enfin Thierry X... avait avec ses collègues du dépôt de la Mure des relations tendues qu' ils ont signalées à plusieurs reprises en indiquant que son comportement professionnel provoquait chez les conducteurs " une colère et un raz- le- bol bien compréhensibles " (courrier du 21 janvier 2002, courrier du 2 février 2005) ;
Attendu que les pièces produites aux débats ne permettent pas de retenir qu' une cabale par définition injuste a été montée contre Thierry X... par ses collègues, mais révèlent au contraire que c' est sa propre attitude qui est à l' origine des difficultés relationnelles ;
que cette attitude est illustrée par Richard D... dans un courrier du 2 février 2005 : " J' étais dans le bureau de Gérard E... pour discuter de différents problèmes relatifs à notre travail quand Monsieur X... passa à proximité, m' apercevant, il se mit à chantonner " suce, suce. " ;
Attendu qu' il ne saurait être tiré argument par le salarié du courrier que lui a écrit le responsable du pôle interurbain le 7 février 2002 ;
que s' il écrit en effet : " Nous convenons qu' une cabale se montre contre vous. ", il poursuit aussitôt après : " Cependant, il est indéniable que vous récoltez les fruits d' une situation que vous avez contribué à dégrader. " ;
Attendu que le 9 mai 2005, la responsable des ressources humaines a rencontré Thierry X... pour s' entretenir avec lui des différents manquements relevés et lui a adressé un courrier le 12 mai 2005 dans lequel elle lui précise notamment : " Nous avons donc conclu l' entretien en nous accordant sur le fait qu' il était indispensable que vous ne soyez plus en retard à la prise de service et que vous réussissiez à contribuer au maintien d' un climat pacifique avec vos collègues. " ;
Attendu que cet avertissement n' a pas été suivi d' effet puisqu' un retard de 15 minutes a de nouveau été constaté le 15 juin 2005, ce qui a entraîné la notification d' un avertissement le 26 août 2005, puis d' autres retards de 10 à 15 minutes les 24 juin, 7 et 8 juillet 2005 (courrier électronique de Gérard E... en date du 8 juillet 2005) ;
Attendu que pour expliquer le retard du 15 juin 2005, Thierry X... a simplement indiqué dans un document manuscrit : " J' ai eu une panne de réveil. Merci de votre compréhension. " ;
Attendu que le 9 août 2005, Thierry X... n' a pas effectué comme il devait le faire le doublage de la ligne Mayres / Savel, ce qui lui a valu un nouvel avertissement le 28 octobre 2005 ;
Attendu que bien qu' il ait contesté ces deux avertissements, il n' explique pas en quoi il s' agit de sanctions injustes à la lumière des nombreux retards déjà constatés qui ne peuvent raisonnablement s' expliquer par l' ambiance tendue du dépôt de La Mure ;
Attendu que dans un courrier du 29 novembre 2005, Gérard E..., responsable du dépôt de La Mure a signalé la persistance du comportement arrogant, provocateur et menaçant de Thierry X... ;
Attendu que le 20 novembre 2005, Thierry X... n' a pas été en mesure de remettre à sa responsable les disques chrono- tachygraphe du mois de janvier au mois d' août 2005, indiquant qu' il les avait perdus ;
Attendu que même si les disques ont été retrouvés par la suite, l' impossibilité momentanée dans laquelle il s' est trouvé de les présenter à sa responsable est révélatrice d' un comportement particulièrement désinvolte, alors de surcroît qu' il s' agit des disques couvrant une période de huit mois et qu' il ne s' explique pas sur les raisons pour lesquelles il les avait conservés par devers lui ;
Attendu que le 25 novembre 2005, sur la route enneigée de Saint- Honoré 1500, ainsi qu' il a été précisé à l' audience, l' autobus conduit par Thierry X... a ripé sur une plaque de verglas et s' est retrouvé dans le fossé alors qu' il y avait deux personnes à son bord ;
Attendu qu' il ne s' agit certes que d' un incident sans conséquences ;
Mais attendu qu' il est tout aussi révélateur de la légèreté de Thierry X... qui n' avait pas mis les chaînes alors qu' il reconnaît lui- même que l' autobus descendait, que la route était enneigée, que le chasse- neige n' était pas passé et que plusieurs véhicules se trouvaient déjà en travers de la chaussée ;
Attendu que si chacun de ces faits pris isolément ne pouvaient justifier le licenciement d' un salarié qui n' aurait jamais manqué à ses obligations, leur commission dans un tel contexte d' accumulation de manquements de toutes sortes en dépit de sanctions et mises en garde répétées est révélatrice d' un comportement négatif, désinvolte et arrogant de nature à compromettre la bonne marche de l' entreprise ;
Attendu que c' est à bon droit que le conseil de Prud' hommes a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Attendu que pour le surplus, Thierry X... ne justifie pas être créditeur d' un reliquat de congés payés ;
Attendu qu' il n' est pas inéquitable de laisser à la charge de la Régie Isère Gestion les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 décembre 2006 par le conseil de Prud' hommes de Grenoble
- Y ajoutant, déboute de sa demande au titre d' un complément de congés payés.
- Déboute la Régie Isère Gestion de sa demande au titre des frais irrépétibles.
- Condamne aux dépens de l' appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur DELPEUCH, président, et par Madame VERDAN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.