R. G. No 06 / 00353
F. L.
No Minute :
Grosse délivrée
le :
à :
SCP GRIMAUD
SCP CALAS
SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC
SCP POUGNAND
Me RAMILLON
COUR D' APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU MARDI 26 FEVRIER 2008
Appel d' un Jugement (No R. G. 01 / 01316)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOURGOIN- JALLIEU
en date du 24 novembre 2005
suivant déclaration d' appel du 20 Janvier 2006
APPELANTE :
S. A. SGM prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège
10 Bis route de Grenoble
38300 BOURGOIN- JALLIEU
représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, avoués à la Cour
assistée de TEJTELBAUM TARDY, avocat au barreau de BOURGOIN- JALLIEU
INTIMES :
Monsieur Georges Y...
...
38300 BOURGOIN- JALLIEU
S. A. R. L. CADEC prise en la personne de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège
2 Cours Richard Vitton
69002 LYON 02
représentés par la SCP GRIMAUD, avoués à la Cour
assistés de Me LIATENI- GIRARDET, avocat au barreau de BOURGOIN- JALLIEU
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Françoise LANDOZ, Président,
Madame Claude- Françoise KUENY, Conseiller,
Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Hélène LAGIER, Greffier.
DEBATS :
A l' audience publique du 22 Janvier 2008, Madame LANDOZ a été entendue en son rapport.
Les avoués et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Puis l' affaire a été mise en délibéré pour l' arrêt être rendu à l' audience de ce jour.
Exposé du litige
La S. A. R. L. CADEC dont 99 % des parts étaient détenues par Georges Y... exerçait à BOURGOIN- JALLIEU une activité de courtage d' assurances ; Georges Y... exerçait également une activité d' agent d' assurances à titre individuel.
La S. A. S. G. M. qui s' est montrée intéressée par les portefeuilles détenus par la S. A. R. L. CADEC et par Georges Y... leur a adressé le 18 mai 2001 une lettre manifestant son intention d' acheter.
Des pourparlers ont été engagés qui ont donné lieu à la signature les 25 et 28 mai 2001 d' un protocole en vue de la cession et le 26 juin 2001 d' un avenant, la signature d' un compromis étant fixée au 28 juin 2001.
Le 24 juillet 2001 la S. A. S. G. M. a fait sommation à Georges Y... d' avoir à signer le compromis.
Le 23 octobre 2001 la S. A. S. G. M. a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de BOURGOIN- JALLIEU Georges Y... et la S. A. R. L. CADEC aux fins suivantes :
Vu les articles 1583 à 1589 et 1610 et 1611 du code civil, et 101 du NCPC
Constater que la vente à la Société SGM du portefeuille de Monsieur Y... et des parts sociales de la SARL CADEC était parfaite après la signature de l' avenant du 26 juin 2001.
Constater que la question de la ventilation du prix global entre l' activité BNC de Monsieur Y... et la valeur de ses parts sociales, fixée dans le projet de compromis conformément aux dispositions de l' avenant n' a d' intérêt que pour Monsieur Y... et ne dépend que de sa volonté, les obligations de la société SGM demeurant quant à elles inchangées quelle que soit cette ventilation.
Dire et juger en conséquence que l' inexécution des accords incombe à la SARL CADEC et à Monsieur Y... qui ont délibérément choisi la voie de leur violation en refusant la signature du compromis sous le couvert de vains prétextes.
En conséquence les condamner conjointement et solidairement à réparer le préjudice causé à la société SGM en lui payant de justes et légitimes dommages et intérêts chiffrés à la somme de 543. 197, 76 Francs, soit 82. 809, 96 Euros outre intérêts légaux.
Condamner les mêmes sous les mêmes conditions à payer à la société SGM la somme de 20 000 Francs, soit 3 048, 98 Euros en application de l' article 700 du NCPC.
Par jugement du 24 novembre 2005 le Tribunal a statué ainsi :
Constate que M. Georges Y... et la S. A. R. L. CADEC sont à l' origine de la rupture unilatérale de la promesse synallagmatique de vente qui existait au 28 juin 2001 après qu' un protocole d' accord ait été signé avec la société S. G. M. les 25 et 28 mai 2001 complété par l' avenant signé le 26 juin 2001,
Condamne solidairement M. Georges Y... et la S. A. R. L. CADEC à payer à la S. A. S. G. M. la somme de 5. 176, 76 € à titre de dommages- intérêts et celle de 1. 500 € sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
La même décision a rejeté la demande de la S. A. S. G. M. en paiement de dommages- intérêts au titre de l' immobilisation des portefeuilles et celle en restitution des documents comptables remis à l' occasion des pourparlers.
La S. A. S. G. M. a interjeté appel de cette décision le 20 janvier 2006.
Elle prétend qu' un accord sur l' objet, sur le prix et sur les conditions de la vente est intervenu de manière irrévocable et définitive avec la signature du protocole et de l' avenant ; qu' en conséquence, la vente était parfaite, que c' est à tort que Georges Y... a refusé de signer le compromis et qu' il est responsable non pas de la rupture de négociations, mais des accords définitivement arrêtés au sens des articles 1583 et 1589 du Code Civil.
Elle conteste l' imputabilité de la rupture au motif que Georges Y... qui avait catégoriquement refusé de signer le compromis a accepté de nouveaux rendez- vous de signature.
Elle prétend que la question de la ventilation du prix global entre les parts de la S. A. R. L. CADEC et le portefeuille de Georges Y... n' avait aucun intérêt pour elle qui n' était tenue qu' au paiement du prix et que l' obligation concernant les mesures d' accompagnement postérieurement à la cession " était due tout naturellement en tant qu' accessoire de l' obligation de présentation de la clientèle et que son exécution se trouvait incluse dans le prix. "
Elle ajoute que seules les modalités de l' intervention de Georges Y... restaient à définir et non pas les conditions de celle- ci, que son statut d' agent général et la nécessité d' obtenir l' agrément de la compagnie d' assurance n' ont pas d' incidence sur la signature du compromis, éléments dont seul l' acquéreur pouvait se prévaloir, et que le reproche concernant le taux zéro du prêt qu' elle devait souscrire est spécieux, la réponse de la banque reçue le 27 juin 2001 permettant de compléter l' information.
Elle fait état de la mauvaise foi de Georges Y... qui a posé comme condition de son retour, l' annulation des accords sous la forme d' une " renonciation à toute action contre la partie venderesse en cas de nouvel échec des négociations " et du refus de Maître HUMBERT, agissant au nom de son client, de participer à l' élaboration du compromis tant lors de la réunion de signature le 28 juin 2001 qu' ultérieurement.
Sur le prétendu défaut de restitution des documents comptables, la S. A. S. G. M. soutient qu' elle s' est exécutée et qu' elle ne peut rien restituer d' autre que la copie du reçu établi par Georges Y....
Elle fait état de son préjudice, constitué par la perte des gains dont elle a été privée, tels que pertes financières sur prévisionnel et commissions, ainsi que des frais d' étude et d' audit comptables qu' elle a exposés ; elle réclame la condamnation " solidaire " de Georges Y... et de la S. A. R. L. CADEC à lui payer la somme de 82. 809, 96 € en réparation de son préjudice.
Elle conteste devoir une indemnité d' immobilisation aux intimés et sollicite, sous la même solidarité, leur condamnation à une indemnité de 3. 000 € au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
- o0o-
Georges Y... et la S. A. R. L. CADEC répondent que les documents remis à l' issue de la réunion du 28 juin 2001 établis par Maître HILAIREseul, conseil de la S. A. S. G. M., n' étaient en fait que des projets d' acte, alors que l' avenant du 26 juin prévoyait expressément que les compromis devaient être formalisés conjointement par les conseils des parties ; que ces documents n' étaient pas complets, puisqu' il manquait le prix de cession et qu' il était prévu deux conditions suspensives, notamment l' obtention par la S. A. S. G. M. d' un prêt dont le taux était fixé à zéro...
Il restait d' autres points à examiner, tels que l' obtention de l' agrément de la compagnie d' assurance à la cession projetée, en raison de la transmission de clientèle qui devait s' en suivre, les conditions de la rémunération de Georges Y... dont la présence était sollicitée pendant les mois de juillet et août suivants, de sorte que la promesse synallagmatique de vente n' était pas parfaite et que les parties étaient toujours en pourparlers.
Ils rappellent qu' à l' issue de la réunion du 28 juin 2001 les parties ont décidé de reporter la signature du compromis et maintiennent que c' est la S. A. S. G. M. qui a pris l' initiative de la rupture, son courrier du 28 juin 2001 indiquant même qu' elle n' avait plus confiance en Georges Y..., ne pouvait collaborer avec lui pendant six mois et ne pouvait donner suite à sa proposition d' acquisition.
Ils prétendent que Georges Y... était fondé à ne pas déférer à la sommation d' avoir à signer le compromis de vente, lequel ne pouvait pas être signé en l' état puisque les pourparlers étaient définitivement rompus à l' initiative de la S. A. S. G. M..
Ils demandent à la Cour de réformer le jugement déféré et de dire que la rupture des négociations est imputable à la seule société S. G. M.
À titre subsidiaire, ils concluent à la confirmation du jugement en ce qu' il a limité la réparation du préjudice au remboursement des frais engagés.
Ils reprennent leur demande en paiement de dommages- intérêts au titre de l' immobilisation des portefeuilles et leur demande en restitution des documents comptables remis à la S. A. S. G. M. à l' occasion des pourparlers, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de l' arrêt à intervenir.
Ils sollicitent la somme de 1. 500 € sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Motifs et décision
......
Le protocole signé les 25 et 28 mai 2001 rappelle que " son objet est de définir les accords que les parties ont pu trouver dans le cadre des négociations, dans le but de préparer la signature d' un compromis dans le courant du mois de juin, après vérification d' un certain nombre de données chiffrées qui permettront d' arrêter définitivement la définition exacte de la " chose " vendue (contenu exact des portefeuilles détenus par chaque structure) et le montant définitif du prix, conditions essentielles de la formation de toute vente ".
Ce protocole indique que le prix pourra être établi après vérification des commissions au titre des exercices 1998, 1999 et 2000, que " de convention expresse, ce prix sera ensuite ventilé entre les deux structures, étant précisé que les parts sociales de la société CADEC seront acquises sur la base d' une situation nette arrêtée à partir d' une situation au 30 juin 2001 ", et que la S. A. S. G. M. se réserve le droit de demander que la S. A. R. L. CADEC achète le droit de présentation de la clientèle de Monsieur Georges Y... préalablement à l' acquisition par elle des parts sociales.
Ce protocole prévoit encore que Georges Y... " s' engagera à assurer une permanence quotidienne dans les locaux de BOURGOIN- JALLIEU, afin de remplacer les salariés pendant leurs congés d' été durant les mois de juillet et d' août ".
L' avenant au protocole, signé le 26 juin 2001 contient l' accord des parties pour arrêter définitivement le prix au montant de 1. 350. 000 Frs, et l' indication que " les parties conviennent que les compromis de vente concernant les parts sociales et la clientèle de Monsieur Georges Y... seront rédigés conjointement par la société Européenne de Conseils d' Entreprises, société d' avocats sise à EYBENS, et par la société JURIS ÉTUDES, société d' avocats sise à LYON, et sera signé en tout état de cause le jeudi 28 juin 2001 au plus tard ", le reste du protocole étant inchangé.
La comparaison de ces documents révèle que toutes les conditions de la cession n' étaient pas fixées, notamment la répartition du prix entre les deux structures, puisqu' aussi bien il était prévu la signature au plus tard le 28 juin 2001 de deux compromis, les conditions financières et autres, de la " permanence quotidienne " que devait assurer Georges Y... pendant deux mois et les conditions de l' achat du droit de la clientèle de celui- ci.
Il n' est pas justifié que pour la " réunion de signature " du 28 juin 2001 les compromis aient été rédigés dans les conditions prévues, c' est- à- dire conjointement par les conseils des deux parties ; selon un document du4 juillet 2001 c' est Maître HILAIREseul qui a préparé un compromis soumis à la signature des intéressés.
Dans ce contexte, Georges Y... à titre personnel et en qualité de représentant de la S. A. R. L. CADEC pouvait légitimement considérer que les parties étaient toujours en pourparlers à cette date.
Le courrier adressé le même jour, postérieurement à la tenue de cette réunion par Gérard B..., représentant la S. A. S. G. M. à Maître HUMBERT, avocat de la société JURIS ÉTUDES fait clairement apparaître que les parties n' étaient pas prêtes à signer.
En effet, Gérard B... fait le reproche à Georges Y... de tout remettre en cause, et relève que celui- ci " non content de ralentir constamment l' avancement des négociations (rendez- vous sans cesse remis, documents non fournis, propos mensongers, intervention tardive de ses conseils alors que nous manifestons notre intérêt depuis de longs mois, assistés de nos propres conseils qui perdent patience, souhaite en fait céder son affaire en l' état et à ses seules conditions, et refuse farouchement que l' on puisse réclamer le droit légitime d' être informés de manière claire et précise sur ses réels tenants et aboutissants ".
Gérard B... termine ce courrier du 28 juin 2001 par la précision suivante :
" Pour toutes ces raisons nous n' avons plus du tout confiance en M. Y..., et ne pourrons collaborer avec lui pendant six mois, c' est pourquoi nous ne pouvons donner suite à notre proposition d' acquisition, et prenons acte de la rupture des négociations à l' initiative de Monsieur Y.... "
Le courrier du 16 juillet 2001 émanant de la société JURIS ÉTUDES confirme que les parties étaient encore en pourparlers, l' avocat de Georges Y... et de la S. A. R. L. CADEC indiquant à son confrère " je prends acte de la rupture des négociations ".
Compte tenu de ces éléments, il ne paraît pas que le refus de Georges Y... de signer le compromis établi par le conseil de la S. A. S. G. M., relève de la mauvaise foi ou de la légèreté blâmable et il est établi que les deux parties ont participé à la rupture des négociations en cours.
Le jugement déféré qui a imputé la responsabilité de cette rupture à Georges Y... sera infirmé.
Les demandes de dommages- intérêts présentées de part et d' autre ne sont pas fondées.
La S. A. S. G. M. produit la copie d' un bordereau de remise de pièces qui est signé par Monsieur B... et par Georges Y... avec le tampon de la S. A. R. L. CADEC ; en conséquence, la demande en restitution des documents comptables sous astreinte ne peut être accueillie.
Les circonstances de la cause ne justifient pas l' attribution préférentielle de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré en ce qu' il a dit que la rupture de la promesse de vente était imputable à Georges Y... et à la S. A. R. L. CADEC et alloué à la S. A. S. G. M. des dommages- intérêts et une indemnité sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile,
Statuant à nouveau, rejette les prétentions de la S. A. S. G. M. du chef de la rupture,
Confirme le jugement en ce qu' il a rejeté les demandes de Georges Y... et de la S. A. R. L. CADEC tendant au paiement d' une indemnité d' immobilisation et à la restitution sous astreinte de documents comptables,
Rejette les demandes faites en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera ses dépens de première instance et d' appel.
PRONONCÉ en audience publique par Madame LANDOZ, Président, qui a signé avec Madame HULOT, Greffier.