RG No 07 / 01578
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU LUNDI 26 MAI 2008
Appel d'une décision (No RG 05 / 00070)
rendue par le Conseil de Prud'hommes de GAP
en date du 02 avril 2007
suivant déclaration d'appel du 23 Avril 2007
APPELANTE :
La S. A. R. L. SOCOMI CENTURY 21, L'IMMOBILIER Z... prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
6 Boulevard Charles de Gaulle
05000 GAP
Représentée par Me Jean- Pierre AOUDIANI (avocat au barreau des Hautes- Alpes)
INTIMEE :
Madame Brigitte X...
...
05000 GAP
Comparante et assistée de Mme Y..., munie de pouvoirs
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Jean- François GALLICE, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Hélène COMBES, Conseiller,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme LEICKNER, Greffier.
DEBATS :
A l'audience publique du 05 Mai 2008,
Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie (s).
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 mai 2008.
L'arrêt a été rendu le 26 mai 2008.
EXPOSE DU LITIGE
Par arrêt du 25 septembre 2006, la cour d'appel de Grenoble a confirmé le jugement du 6 juin 2006 par lequel le conseil de Prud'hommes de Gap a jugé qu'une véritable relation de travail régie par le code du travail s'était instaurée entre la société Socomi et Brigitte X....
L'affaire ayant été renvoyée devant les premiers juges, pour qu'il soit statué sur les demandes de la salariée, le conseil de Prud'hommes de Gap a, par jugement du 2 avril 2007, condamné la société Socomi " L'immobilier Z... " à payer à Brigitte X... :
-3. 118, 56 euros à titre de rappel de salaires et 312 euros au titre des congés payés afférents
-1. 039, 52 euros au titre de l'indemnité de préavis et 104 euros au titre des congés payés afférents
-500 euros au titre des frais irrépétibles
Le conseil a débouté Brigitte X... de sa demande de dommages- intérêts, ordonné la remise de bulletins de salaire pour la période du 7 juillet au 19 octobre 2004, d'une attestation Assedic et d'un certificat de travail et a ordonné l'exécution provisoire.
La société Socomi " L'immobilier Z... " a relevé appel le 23 avril 2007.
Elle demande à la Cour de réformer le jugement et de débouter Brigitte X... de toutes ses demandes.
Elle indique qu'elle se réserve de former un pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 25 septembre 2006.
Elle fait valoir que la décision du conseil de Prud'hommes n'est pas motivée, qu'elle repose sur une affirmation de principe qui lui a permis de requalifier le stage en contrat de travail.
Elle fait valoir que les relations des parties étaient bien régies dans le cadre d'un stage d'accès à l'entreprise réglementé par des dispositions légales spécifiques avec prise en charge par l'Etat des frais de formation, de la rémunération de la stagiaire et de sa protection sociale.
Elle soutient qu'il ne s'agissait en aucune façon d'un stage non rémunéré pour lequel la question de la requalification pourrait se poser.
Elle invoque la réalité de la formation théorique de trois jours qui a été dispensée à Brigitte X... et qui a été suivie par une participation au travail de l'agence sous la direction d'un professionnel accompli, sans que l'on puisse invoquer une quelconque dénaturation du stage.
Elle fait valoir qu'à l'issue du stage, Brigitte X... a finalement refusé l'emploi qui lui était proposé, ce qui établit qu'elle poursuit un objectif procédurier alors qu'elle ne recherchait pas d'emploi réel.
Sur la demande de rappel de salaires, elle relève que Brigitte X... fait l'impasse sur le fait qu'elle a bénéficié d'une rémunération de la part du tiers payeur et conteste avoir cherché à tirer profit du processus de formation.
Brigitte X... conclut à la confirmation du jugement et sollicite en sus des sommes allouées par le conseil de Prud'hommes celle de 7. 000 euros à titre de dommages- intérêts sur le fondement des articles 1382 du code civil et L. 1235-3 du code du travail et de 1. 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle rappelle les conditions dans lesquelles elle a effectué une véritable prestation de travail pour le compte de la société Socomi qui a tardé à lui remettre un plan de formation et n'a validé aucun bilan de stage.
Elle indique que le dirigeant de l'entreprise, Jean- Claude Z..., lui a fait subir un véritable harcèlement, ce qui l'a conduite à demander à l'ANPE de cesser le stage.
Sur la demande de rappels de salaires, elle soutient que la société Socomi, qui l'a fait travailler dans le cadre d'un véritable contrat de travail, doit lui payer la rémunération qui lui est due.
Elle se déclare prête à reverser aux organismes payeurs le montant des allocations perçues ainsi qu'elle s'y est engagée par courrier du 4 février 2008.
Sur les dommages- intérêts, elle soutient que la rupture de la relation contractuelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et invoque le préjudice que lui a causé son utilisation par un employeur qui lui a fait subir un véritable harcèlement moral.
Elle conteste avoir reçu et décliné quelque proposition que ce soit en vue de la signature d'un contrat de travail.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que tant le jugement du conseil de Prud'hommes en date du 6 juin 2006 que l'arrêt confirmatif de la Cour en date du 25 septembre 2006 ont retenu, après analyse des conditions de déroulement du " stage ", que la convention formation préalable à l'embauche (AFPE) signée entre la société Socomi et l'ANPE avait été détournée de son objet et que la relation qui s'était instaurée entre la société Socomi et Brigitte X... devait être requalifiée en contrat de travail régi par les dispositions du code du travail ;
Attendu que ces points étant définitivement tranchés, l'argumentation que la société Socomi développe à ce stade de la procédure sur l'effectivité de la formation initiale et la réalité du stage est inopérante, la Cour devant uniquement statuer sur les conséquences de la requalification ;
- Sur les rappels de salaire
Attendu que les parties étant liées par un contrat de travail, Brigitte X... est bien fondée à réclamer le paiement des salaires qui lui sont dus pour la période du 7 juillet au 19 octobre 2004, soit la somme de 3. 118, 56 euros, outre 312 euros au titre des congés payés afférents sur la base des salaires prévus par la convention collective ;
- Sur la rupture du contrat de travail
Attendu que Brigitte X..., qui avait un travail sédentaire, exerçait ses fonctions au sein de l'agence ;
qu'elle indique que l'attitude du dirigeant à son encontre l'a conduite à cesser la relation contractuelle de façon anticipée ;
Attendu que trois conseillères en immobilier, Guiseppina A..., Jacqueline B... et Gail C... attestent que Jean- Claude Z... lui adressait des critiques incessantes, des moqueries répétées devant les clients ou des remarques désobligeantes ;
Attendu que ces témoignages concordants ne sauraient être écartés comme dépourvus de valeur probante au seul motif qu'ils émanent de salariées en litige avec la société Socomi ;
Attendu que le médecin traitant de Brigitte X... indique que dès le mois de septembre 2004 elle a fait une dépression réactionnelle, ce qui conforte les témoignages évoqués ci- dessus ;
Attendu que la rupture anticipée de la relation contractuelle en raison du comportement du chef d'entreprise s'analyse en un licenciement abusif ;
Attendu que Brigitte X... est bien fondée à solliciter le paiement de l'indemnité de préavis fixée à un mois par l'article 32 de la convention collective en cas de présence dans l'entreprise inférieure à un an ;
Attendu que la rupture du contrat de travail dans les conditions ci- dessus rappelées a causé à Brigitte X... un préjudice qui sera réparé par la somme de 4. 500 euros à titre de dommages- intérêts ;
Attendu qu'il sera alloué à Brigitte X... la somme de 1. 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme le jugement rendu le 2 avril 2007 par le conseil de Prud'hommes de Gap, sauf en ce qu'il a débouté Brigitte X... de sa demande de dommages- intérêts.
- Le réformant de ce seul chef et statuant à nouveau, condamne la société Socomi " L'immobilier Z... " à payer à Brigitte X... la somme de 4. 500 euros à titre de dommages- intérêts pour licenciement abusif.
- Y ajoutant, condamne la société Socomi " L'immobilier Z... " à payer à Brigitte X... la somme de 1. 000 euros au titre des frais irrépétibles.
- Condamne la société Socomi " L'immobilier Z... " aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.
Signé par Monsieur GALLICE, président, et par Madame LEICKNER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.