MDM
RG N° 17/01565
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
Me David X...
Me Vincent Y...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 07 JUIN 2018
Appel d'une décision (N° RG F 16/00061)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR
en date du 21 février 2017
suivant déclaration d'appel du 21 Mars 2017
APPELANT :
Maître Philippe Z... ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ATELIERS DE CONSTRUCTION MONTILIENS
[...]
représenté par Me David X..., avocat au barreau de VALENCE,
INTIMES :
Monsieur Michel A...
[...]
représenté par Me Vincent Y..., avocat au barreau de VALENCE,
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'ANNECY Y
[...]
[...]
représentée par Me B... C... de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE substituée par Me D... F..., avocat au barreau de VIENNE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ:
Madame Dominique DUBOIS, Président,
Madame Magali DURAND-MULIN, Conseiller,
Madame Laurence G..., Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Mars 2018,
Mme Dominique DUBOIS, chargée du rapport, et Mme Laurence G..., ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 07 Juin 2018, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 07 Juin 2018.
Selon contrat à durée indéterminée, M. Michel A... a été engagé par la SAS ACM (Ateliers de Construction Montiliens), à compter du 3 févier 2003, en qualité de monteur. Au dernier stade de la relation contractuelle, M. A... occupait le poste de chef de chantier.
La SAS ACM a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Valence, en date du 23 janvier 2008.
Par jugement du 10 décembre 2008, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a
homologué le plan de continuation.
Saisi en résolution du plan, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACM, par jugement du 18 novembre 2015 avec désignation de Maître Philippe Z... en qualité de mandataire liquidateur.
Par courrier en date du 2 décembre 2015, Maître Z..., ès-qualités, a notifié à M. A... son licenciement pour motif économique.
Le 23 mars 2016, M. A... a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar, contestant son licenciement et sollicitant l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACM de sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre de rappel de salaire, au titre des congés payés afférents, à titre d'indemnité pour travail dissimulé, ainsi qu'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 février 2017, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :
- constaté que la SAS ACM a été déclarée en liquidation judiciaire le 18 novembre 2015 sur résolution du plan,
- jugé que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixé en conséquence sa créance à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACM représentée par Maître Z..., ès-qualités, à 39 000 €,
- fixé le salaire mensuel moyen brut du salarié à 2 720,51 €,
- ordonné à la liquidation judiciaire le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au demandeur du jour du licenciement au jour de mise à disposition du jugement conformément aux dispositions de l'article L. 1 235-4 du code du travail dans la limite d'un mois d'indemnité,
- débouté M. A... du surplus de ses demandes,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,
- donné acte à l'AGS et au CGEA D'ANNECY-ACROPOLE de leur intervention en application de l'article L. 625-l du code de commerce et leur a déclaré opposable le jugement,
- dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés à la liquidation judiciaire de la SAS ACM.
Maître Z..., ès-qualités, a interjeté appel de cette décision le 21 mars 2017. Celle-ci lui avait été notifiée le 7 mars 2017.
A l'issue des débats et de ses conclusions du 2 octobre 2017 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Me Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ACM, demande à la cour de :
- réformer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a considéré qu'il n'aurait pas respecté la convention collective dans le cadre de la recherche de reclassement et fixé au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACM des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et statuant à nouveau :
- débouter intégralement M. A... de sa demande de dommages-intérêts,
A titre subsidiaire,
- réduire le montant des dommages-intérêts,
Sur les demandes de rappel d'heures supplémentaires et l'indemnité pour travail dissimulé,
- débouter M. A... de ses demandes,
- dire que les éventuelles condamnations prononcées à son encontre seront garanties par l'AGS-CGEA dans les limites légales,
- débouter M. A... de ses demandes au titre des articles 515 et 700 du code de procédure civile,
- condamner M. A... à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Maître Z..., ès-qualités, fait valoir qu'il a respecté l'obligation de recherches de reclassement qui lui incombait, avant de notifier la rupture du contrat de travail.
Il indique avoir respecté les dispositions de l'article 28 de l'accord du 12 juin 1987 applicable dans la branche de la métallurgie, en adressant un courrier à la commission paritaire régionale de l'emploi. Il précise que les textes conventionnels n'imposent pas une saisine préalable de la commission paritaire, mais une information de cette dernière, qui peut valablement être délivrée concomitamment à la notification des licenciements. Il fait valoir en outre qu'il n'avait aucune obligation de transmettre individuellement à chaque salarié l'information relative au site Métal emploi.
Il précise qu'il était tenu de respecter un délai de 15 jours suivant la liquidation judiciaire pour notifier les licenciements et ne pouvait reporter l'envoi des lettres de licenciement.
Il indique qu'il a dû se renseigner sur les sociétés composant le groupe, avant d'entamer ses recherches de reclassement en interne, et soutient qu'il pouvait valablement commencer les recherches à l'extérieur du groupe, avant d'avoir reçu les réponses en matière de reclassement interne. Il précise que la société RIBA n'a pas été omise de la liste des sociétés du groupe, mais n'avait pas de poste disponible en novembre.
Il fait valoir que l'inspection du travail, qui a considéré que les recherches de reclassement avaient été effectuées, a autorisé les licenciements des représentants du personnel, compte tenu de la liquidation judiciaire.
Il soutient en outre que M. A... ne rapporte aucun élément relatif à son préjudice.
S'agissant des heures supplémentaires, il soutient que M. A... a été rémunéré conformément aux dispositions de l'accord de modulation du 11 décembre 2014. Il ajoute qu'à défaut d'application de cet accord, les dispositions de l'accord de modulation précédent, à savoir celui du 17 juin 1999, devraient alors être appliquées.
S'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé, il conclut à titre principal à l'absence d'élément matériel, et, à titre subsidiaire, à l'absence d'élément moral.
A l'issue des débats et de ses conclusions du 23 août 2017 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M.A... demande à la cour de :
- rejeter l'appel interjeté par Maître Z..., ès-qualités, et confirmer la décision entreprise s'agissant de la requalification du licenciement prononcé en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur l'indemnité afférente allouée et le remboursement à Pôle Emploi des indemnités chômage perçues,
- confirmer également la décision entreprise sur le quantum des dommages-intérêts,
- faire droit à son appel incident en lui octroyant des sommes à titre de rappel de salaire, au titre des congés payés afférents, au titre du travail dissimulé, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les fixer au passif de la liquidation,
- juger la décision à intervenir opposable aux AGS,
- laisser à la charge de Maître Z..., ès-qualités, et des AGS, les entiers dépens de l'instance.
M. A... soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il soulève l'absence de recherches de reclassement externe préalable au licenciement et fait grief à Maître Z..., ès-qualités, d'avoir saisi tardivement la commission nationale de l'emploi, alors que la saisine préalable de cette commission est exigée par l'article 28 de l'accord du 12 juin 1987 sur les problèmes généraux de l'emploi, en application de la convention collective de la métallurgie. Il précise que cette commission n'a été saisie que le jour de l'expédition des lettres de licenciement, soit le 2 décembre 2015. Il affirme que la lettre adressée par Maître Z..., ès-qualités, à l'UIMM (fédération patronale de la métallurgie), ne saurait constituer la saisine préalable de la commission territoriale de l'emploi prévue par les textes conventionnels. Par ailleurs, M. A... fait grief au mandataire liquidateur de n'avoir pas effectué une recherche de reclassement sérieuse, à l'intérieur du groupe REYES.
Il sollicite en outre un rappel de salaire, exposant que les heures de trajet doivent être décomptées et majorées en heures de travail effectif, dans la mesure où les salariés devaient repasser à l'entreprise pour récupérer leur véhicule.
Il soulève également la nullité de l'accord de modulation mis en place le 11 décembre 2014, lequel prévoyait que les heures effectuées de la 36e à la 42e heure, devaient être mises dans un compteur temps, seules les heures effectuées au-delà étant rémunérées avec les majorations de 25 et 50 %. M. A... expose que cet accord n'a pas été validé par la commission paritaire de branche et n'a pas fait l'objet de la publicité et du dépôt nécessaire à son entrée en vigueur. Il soutient en outre que le mandataire ne démontre pas que les heures supplémentaires mises dans le compteur temps ont été compensées par des périodes d'inactivité.
M. A..., qui sollicite une indemnité au titre du travail dissimulé, conclut au caractère intentionnel de l'absence de majoration des heures supplémentaires et de rémunération des heures de trajet.
A l'issue des débats et de ses conclusions du 5 octobre 2017 soutenues oralement à l'audience, et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'UNEDIC AGS CGEA d'Annecy demande à la cour de :
- infirmer la décision entreprise s'agissant de la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur les indemnités afférentes allouées,
- rejeter l'appel incident de M. A... et le débouter de toutes ses demandes,
A titre subsidiaire :
- limiter le montant des dommages-intérêts sollicités,
- juger en toute hypothèse que la cour ne pourra condamner directement le CGEA d'Annecy, mais se limiter à lui déclarer opposable la décision à intervenir sur la base des indemnités salariales brutes garanties par l'AGS dans la limite des dispositions des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail,
- dire que les intérêts légaux seront arrêtés au jour du jugement d'ouverture,
- dire que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte de M. A..., à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du code du travail,
- juger en tout état de cause que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19, L. 3253-20, L. 3253-21 et L. 3253-17 du code du travail,
- juger que l'obligation du CGEA d'Annecy de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- dire que le CGEA d'Annecy sera mis hors de cause, s'agissant de l'article 700 du code du travail, cette créance n'étant pas salariale,
- condamner M. A... aux entiers dépens.
L'UNEDIC AGS CGEA d'Annecy sollicite l'infirmation du jugement et conclut au bien-fondé du licenciement économique. Il fait valoir que les dispositions de l'article 28 de l'accord du 12 juin 1987 ont été respectées. Il conclut au caractère sérieux de la recherche de reclassement.
À titre subsidiaire, il conclut à l'absence de préjudice subi et à la réduction de l'indemnisation allouée.
S'agissant des demandes de rappel de salaire au titre des heures de trajet et des heures supplémentaires, l'UNEDIC AGS CGEA d'Annecy fait assomption de cause avec les moyens développés par Maître Z..., ès-qualités.
S'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé, il conclut, à titre principal, à l'absence d'élément matériel et, à titre subsidiaire, à l'absence d'élément moral.
SUR CE':
Sur le licenciement
L'obligation dans laquelle se trouve le liquidateur de prononcer les licenciements dans le délai de quinze jours suivant le prononcé de la liquidation judiciaire, afin d'assurer aux salariés la garantie par l'AGS du paiement des indemnités de rupture, ne le décharge pas de son obligation de reclassement.
Cependant, il doit être tenu compte de la brièveté du délai qui lui est imparti, pour apprécier le sérieux et l'efficacité de la recherche de reclassement.
S'agissant de l'obligation de faire appel à la commission territoriale de l'emploi, l'article 28 de l'accord du 12 juin 1987 applicable dans la branche de la métallurgie impose à l'entreprise amenée à envisager un licenciement collectif de « rechercher les possibilités de reclassement à l'extérieur de l'entreprise en particulier dans le cadre des industries des métaux, en faisant appel à la commission territoriale de l'emploi » et d'« informer la commission territoriale de l'emploi».
M. A... prétend que le liquidateur n'a pas rempli cette obligation. Il lui fait grief de s'être adressé à l'UIMM. Il soutient en outre qu'il aurait dû saisir également la commission paritaire régionale de l'emploi et de la formation professionnelle, préalablement au licenciement, et reproche au liquidateur d'avoir informé la commission régionale tardivement, le jour des licenciements.
Le liquidateur justifie avoir informé la commission paritaire territoriale de l'emploi de la métallurgie Drôme-Ardèche du projet de licenciement, au minimum une semaine avant le licenciement. En effet, il produit un courrier en date du 27 novembre 2015 aux termes duquel cette commission indique : « nous avons reçu votre information concernant le projet de suppression de 31 postes dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique. La situation de l'entreprise sera évoquée lors de nos prochaines réunions de la commission partiaire de l'emploi ». Ce courrier comporte l'entête de la commission et la mention « Pour la commission paritaire territoriale » portée par le signataire. La circonstance que le liquidateur ait pu réaliser cette information par le biais d'une fédération patronale est indifférente, dès lors que la commission a accusé réception de l'information. Le licenciement ayant été notifié le 2 décembre 2015, la démarche du liquidateur a bien été effectuée dans le cadre et dans le temps des recherches de reclassement, conformément au texte conventionnel. Le liquidateur justifie en conséquence avoir rempli l'obligation d'information qui lui incombe, aux termes de l'article 28 susvisé.
S'agissant de la commission régionale, le liquidateur justifie également avoir réalisé l'information à cet échelon. Le fait que celle-ci ait été réalisée le jour des licenciements est indifférent, en effet, comme exposé ci-dessus, les obligations tant d'origine légale que conventionnelle mises à la charge du liquidateur dans le cadre du reclassement préalable au licenciement, doivent être appréciées en tenant compte du délai qui lui est imparti, de sorte que la saisine de la commission paritaire territoriale de l'emploi de la métallurgie Drôme-Ardèche préalablement au licenciement et au stade de la recherche de reclassement, est suffisante pour caractériser le respect des dispositions conventionnelles susvisées.
S'agissant du périmètre de l'obligation de reclassement, l'employeur qui appartient à un groupe doit chercher à reclasser le salarié dont le licenciement économique est envisagé, à l'intérieur du groupe, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Me Z..., ès-qualités, justifie n'avoir reçu l'information complète sur la liste des sociétés du groupe, que le 26 novembre 2015. Il justifie également avoir interrogé la société REYES le jour où il a reçu cette information. En effet, celle-ci indique, dans le courrier de réponse qu'elle adresse au mandataire, en date du 30 novembre 2012, qu'elle a été interrogée le 26 novembre 2015.
De surcroît, Me Z..., ès-qualités, produit de nombreux courriers adressés tant à des entreprises extérieures, dans le cadre de ses recherches de reclassement externe, qu'à l'ensemble des sociétés du groupe. Il ressort de l'examen de ces courriers et des dates auxquelles les démarches ont été accomplies que Me Z..., ès-qualités, a fait preuve de diligence, tant en matière de reclassement externe qu'au titre de son obligation de reclassement au sein des sociétés du groupe. L'étude des courriers révèle que les démarches n'ont pas été factices. De fait, Me Z..., ès-qualités, produit plusieurs propositions de poste adressées à des salariés dont le licenciement était envisagé, ce qui démontre l'effectivité des recherches entreprises.
Il est également de principe, au vu du délai susvisé, qu'il ne peut être reproché au mandataire liquidateur d'avoir procédé au licenciement sans attendre les réponses des différentes sociétés du groupe. La circonstance que des sociétés du groupe aient pu être en contact direct avec certains salariés en vue de leur proposer des emplois et qu'une proposition de reprise ait été faite par le dirigeant d'une autre société, n'affecte pas le caractère sérieux des recherches de reclassement effectuées par Me Z..., ès-qualités, ni la validité de la procédure de licenciement ultérieure.
Au vu de ce qui précède, compte tenu du délai contraint et impératif prévu par l'article L. 3253-8 du code du travail, et des très nombreuses démarches internes, externes, ainsi qu'au niveau du groupe, dont il est justifié, il est établi que Me Z..., ès-qualités, a rempli l'obligation de reclassement qui lui incombait avec le sérieux et la loyauté nécessaire, avant le licenciement.
Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. A... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse. La demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif formée par M. A... sera rejetée, par voie d'infirmation. Le jugement sera également nécessairement infirmé en ce qu'il a ordonné à la liquidation judiciaire de la SAS ACM le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au demandeur.
Sur la demande de rappel de salaire
Conformément aux dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, l'employeur doit fournir au juge en cas de litige relatif au nombre d'heures de travail effectuées, les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forge sa conviction après avoir ordonné en tant que de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
S'il résulte de ces dispositions que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande.
L 'article L. 3121-4 du code du travail édicte que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif mais que toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière.
S'agissant des trajets, M. A... affirme qu'il avait l'obligation de se rendre dans les locaux de la société en début et en fin de journée, afin de récupérer le matériel nécessaire. Il fait valoir que le temps de déplacement pour se rendre ensuite de l'entreprise vers le chantier et retourner à l'entreprise en fin de journée est du temps de travail effectif.
Il verse aux débats l'attestation de M. E... selon laquelle « quand nous partions en chantier avec le camion chargé de matériel nous étions payés aller retour en heures de route ». Cette affirmation ne démontre pas le caractère obligatoire du passage par le siège de la société pour prendre du matériel. L'attestation de M. E... ne fait référence à aucune période, aucun lieu déterminé et ne mentionne pas M. A..., ni les salariés concernés.
M. A... ne fournit aucun élément ni témoignage, établissant que les salariés devaient se rendre, à la demande de l'employeur, dans les locaux de l'entreprise avant de se déplacer vers les chantiers, alors qu'il prétend que l'ensemble du personnel était soumis à cette obligation, et ne verse aux débats aucun décompte précis des déplacements effectués en dépassement du temps normal de trajet entre son domicile et le lieu habituel de travail.
Par ailleurs, s'agissant des heures supplémentaires, M. A... soulève l'absence de validité de l'accord d'entreprise sur le temps de travail appliqué au sein de l'entreprise, au motif de son absence de validation par la commission paritaire de branche.
Me Z..., ès-qualités, ne fait pas valoir de contestation sur le fait que les formalités susvisées étaient nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise et ne justifie pas de l'accomplissement de ces dernières. Il ne peut donc se prévaloir des dispositions de cet accord pour justifier d'un décompte du temps de travail sur une période supérieure à la semaine.
A défaut, Me Z..., ès-qualités, prétend que l'accord d'entreprise précédant, en date du 17 juin 1999, permettant la modulation du temps de travail, serait toujours en vigueur.
L'article 10 de cet accord prévoit que ce dernier est conclu pour une durée indéterminée. En l'absence de nouvel accord valable, cet accord trouve donc à s'appliquer.
L'article 6 de l'accord du 17 juin 1999 prévoit une annualisation du temps de travail, avec instauration d'un compteur d'heures individuel. Il en résulte que la SAS ACM pouvait valablement décompter le temps de travail sur cette période. Pour autant, la possibilité, pour l'entreprise, de décompter les heures supplémentaires sur une période différente de la semaine, n'exclut pas l'hypothèse de la réalisation d'heures au-delà du contingent annuel.
M. A... fait grief à Me Z..., ès-qualités, de ne pas produire les compteurs d'heures individuels. Cependant, cette circonstance n'exonère pas le salarié qui prétend avoir réalisé des heures supplémentaires de son obligation d'étayer sa demande.
M. A... verse aux débats un document qu'il nomme décompte d'heures. Cependant, il s'agit du calcul des sommes dont il sollicite le paiement. Aucune référence aux semaines, jours, auxquels les heures supplémentaires ou trajets dépassant le temps normal auraient été réalisés, n'est précisée. En outre, il n'est pas logique que le salarié, qui conteste l'application de l'accord de modulation susvisé et retient, comme seuil de déclenchement des heures supplémentaires, la durée légale du travail, mentionne uniquement un volume d'heures mensuel globalisé. Ces mentions particulièrement imprécises ne permettent pas d'étayer l'hypothèse de la réalisation d'heures supplémentaires, ni de trajets.
Les éléments présentés par M. A... étant insuffisants pour étayer sa demande, le jugement sera confirmé de ce chef, ainsi qu'en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande subséquente au titre des congés payés afférents.
Sur la demande au titre du travail dissimulé
En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, « est réputé travail dissimulé
par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.»
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose que :
« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ».
Il n'est pas établi que l'employeur ait mentionné, sur les bulletins de paye, un nombre d'heures inférieur à celui réellement effectué, étant précisé que les demandes formulées par M. A... à titre de rappel de salaire ont été rejetées.
Au vu de ce qui précède, à défaut d'élément matériel, le travail dissimulé n'est pas constitué. M.A... sera débouté de sa demande, par voie de confirmation.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des parties en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens. M. A... sera condamné aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Montélimar du 21 février 2017 en ce qu'il a jugé le licenciement de M. A... sans cause réelle et sérieuse, fixé une créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS ACM, ordonné à cette dernière le remboursement de sommes à Pôle emploi, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens,
LE CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
DÉBOUTE M. A... de l'intégralité de ses demandes,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE M. A... aux entiers dépens de l'instance.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame Dominique DUBOIS, Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT