R.G. N° 16/01348
DJ
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
à :
la SCP GERBAUD AOUDIANI CANELLAS X... C...
la SELARL CABINET B... Y...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 12 JUIN 2018
Appel d'un jugement (N° R.G. 13/00115)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GAP
en date du 05 février 2016
suivant déclaration d'appel du 14 Mars 2016
APPELANT :
Monsieur William Z...
né le [...] à MARSEILLE (13)
de nationalité Française
Les Chabauds
05170 ORCIERES
Représenté par Me Nicolas X... de la SCP GERBAUD AOUDIANI CANELLAS X... C..., avocat au barreau des HAUTES-ALPES, plaidant par Me A..., avocat au barreau des HAUTES-ALPES
INTIMEE :
Le SYNDICAT LOCAL DES MONITEURS DE L'ECOLE DU SKI FRANCAIS D'ORCIERES MERLETTE pris en la personne de son représentant légal en exercice
Chalet de l'Ecole du Ski Français - Station 1850
[...] MERLETTE
Représenté par Me B... Y... de la SELARL CABINET B... Y..., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me Marie-Thérèse D... de HAUTECLOQUE-PONCINS, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, plaidant par Me B... Y... de la SELARL CABINET B... Y..., avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Madame Hélène COMBES, Président de chambre,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Lætitia Gatti, greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 14 Mai 2018, Madame JACOB a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSE DU LITIGE
William Z..., titulaire du brevet d'Etat de moniteur de ski depuis 1999, a adhéré en 2007 au Syndicat local des moniteurs de l'école de ski français (ESF) d'Orcières Merlette (le Syndicat) en qualité de moniteur 'renfort saison', et a signé la 'convention liant les moniteurs de l'école de ski français membres actifs du Syndicat'.
Au terme de ladite convention approuvée en assemblée générale le 26 juin 2006, les moniteurs, autres que les stagiaires et les retraités, sont répartis en trois catégories :
- moniteurs permanents,
- moniteurs 'renfort saison',
- moniteurs temporaires 'renfort vacances'.
Le comité de gestion du Syndicat, réuni le 15 juin 2012, a exclu William Z... de l'effectif à compter de la saison 2012/2013.
William Z... a contesté cette décision par lettre du 26 juin 2012, puis a présenté sa candidature à l'emploi de moniteur permanent, par lettre recommandée du 10 juillet 2012.
Par courrier du 19 juillet 2012, le président du Syndicat l'a informé que les membres du comité de direction n'envisageaient pas la reconduction de son adhésion.
Par acte du 22 janvier 2013, William Z... a assigné le Syndicat devant le tribunal de grande instance de Gap aux fins d'obtenir son inscription sur la liste des moniteurs permanents pour les saisons 2012/2013 et 2013/2014 ainsi que l'indemnisation de ses préjudices.
Par jugement du 5 février 2016, le tribunal l'a débouté de ses demandes et condamné à payer au Syndicat la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
William Z... a relevé appel de cette décision le 14 mars 2016.
Dans ses dernières conclusions du 13 juin 2016, il demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- dire que la décision de non renouvellement de son adhésion au Syndicat et la décision de non reconnaissance du statut de moniteur permanent ont été prises en violation des statuts du Syndicat et de la convention passée entre les moniteurs du Syndicat,
- dire qu'elles sont constitutives d'une discrimination illégale et d'une violation des principes constitutionnels de la liberté d'entreprendre et de la liberté de commerce et d'industrie,
- condamner le Syndicat d'avoir à procéder à son adhésion et à son inscription sans délai sur la liste des moniteurs permanents pour toute la durée des saisons 2012/2013, 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pour chacune des obligations, à compter de la signification de l'arrêt,
- condamner le Syndicat à lui payer les sommes de 42.569 euros en réparation de sa perte de revenus pour les quatre saisons et de 20.000 euros en réparation de son préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, capitalisés par application des dispositions de l'article 1154 du code civil,
- condamner le Syndicat à lui verser la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Il fait valoir que les décisions l'empêchant d'enseigner sous le label ESF et de se voir attribuer des cours, ont été prises de manière irrégulière en ce qu'elles méconnaissent les règles statutaires et contractuelles, et qu'elles contreviennent aux principes législatif et constitutionnel.
Il invoque, à l'appui de ses prétentions :
- le défaut de qualité des personnes qui ont pris les deux décisions querellées,
- la prise en considération, pour le non renouvellement de son adhésion, de motifs disciplinaires sans que la procédure relevant de l'assemblée générale soit respectée,
- l'irrespect des stipulations de l'article 3 de la convention sur le statut de 'renfort saison' après la période probatoire de trois ans,
- la prise en considération, pour la non reconnaissance du statut de moniteur permanent, de motifs d'ordre personnel ou disciplinaire, alors que seuls des motifs objectifs liés à l'évolution du marché et de l'effectif pouvaient être retenus.
Il conteste les manquements déontologiques qui lui sont reprochés et relève qu'aucune procédure disciplinaire n'a été suivie à son encontre.
Il indique, au soutien de sa demande de dommages et intérêts, que ses conditions professionnelles et financières au sein de l'Ecole de Ski Internationale sont beaucoup moins favorables que celles de l'ESF.
Dans ses dernières conclusions du 1er août 2016, le Syndicat demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- subsidiairement, rejeter la demande de réintégration et n'accorder des dommages et intérêts que dans la stricte mesure des préjudices moral et financier qui seront justifiés,
- condamner William Z... à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Il fait valoir que :
- les deux décisions ont été prises par le comité de gestion de l'ESF en application des dispositions de la convention,
- elles sont motivées par le refus persistant de William Z... de respecter les valeurs de l'ESF et les règles déontologiques, attesté par plusieurs témoins de son comportement et de ses propos.
Il relève, subsidiairement, que William Z... a pu adhérer, dès la saison 2012/2013, à l'Ecole de Ski Internationale au sein de la station d'Orcières Merlette et qu'il ne justifie pas du préjudice financier allégué.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 avril 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
William Z... conteste les décisions du comité de gestion du Syndicat en date des 15 juin 2012 et du 19 juillet 2012 refusant de renouveler son adhésion au Syndicat et de lui octroyer la qualité de moniteur 'permanent'.
Les critères d'adhésion et de renouvellement au Syndicat sont définis à l'article 8 des statuts en ces termes :
'Il faut jouir de ses droits civiques et soit être moniteur de ski détenteur d'un diplôme d'Etat ou d'un diplôme reconnu en équivalence (...), soit être stagiaire effectuant son stage en situation dans le cadre des dispositions légales en vigueur.
Tous les membres doivent effectuer par écrit une demande annuelle pour adhérer au Syndicat local et au SNMSF'.
En application de l'article 9 des statuts, les membres actifs ' dont font partie les moniteurs 'renfort' et les moniteurs permanents ' doivent respecter notamment la convention entre les moniteurs et les règles déontologiques.
En vertu de l'article 3 b de la convention, le moniteur 'renfort saison' doit, durant les deux premières saisons, faire acte de candidature auprès du comité de gestion pour devenir 'permanent' ; 'il obtient le droit de vote automatiquement au bout des trois ans mais ne devient 'moniteur permanent' que sur décision du comité de gestion en fonction de l'évolution du marché et de l'effectif'.
Il est également précisé que l'admission ou le non renouvellement sont décidés par le comité de direction 'selon les besoins de l'ESF'.
En l'occurrence, il n'est pas contesté que William Z... a exercé au sein de l'ESF comme 'renfort saison' pendant deux saisons, puis qu'il a demandé à être 'renfort permanent' par courrier du 22 avril 2009.
Le directeur du Syndicat l'a avisé, par lettre du 1er septembre 2009, qu'il serait pris comme moniteur 'renfort permanent' à partir du 15 décembre 2009, s'il possédait le permis de conduire transport en commun.
Il n'est pas contesté que William Z... a obtenu ce permis.
Avant même de recevoir la candidature de William Z..., le comité de gestion a, lors de sa réunion du 15 juin 2012, décidé de ne pas le maintenir dans l'effectif de l'école à compter de la saison suivante.
William Z..., avisé téléphoniquement de cette décision, a écrit au directeur et aux membres du conseil de gestion le 26 juin 2012 pour rappeler qu'il avait obtenu, comme cela lui avait été demandé, son permis de conduire transport en commun ; que si sa personne était 'mise en défaut', il n'avait 'jamais reçu ni reproches, ni critiques sur son travail et sa conscience professionnelle', qu'il était 'vraiment surpris' de la décision et se tenait à 'disposition pour un éventuel entretien et/ou changement de décision'.
Par lettre recommandée du 10 juillet 2012, William Z... a adressé sa candidature de 'moniteur permanent' au comité de gestion, conformément aux dispositions de la convention susvisée.
La réponse qui lui a été faite par courrier du président du Syndicat le 19 juillet 2012 est ainsi rédigée :
'Dans la perspective d'une demande de ta part en vue du renouvellement de ton adhésion au sein de l'ESF d'Orcières, il nous a semblé utile d'anticiper lors de la réunion du comité de direction du 15 juin 2012.
Nous constatons que tu ne partages pas les valeurs qui animent notre groupement. Nous avions évoqué ces difficultés lors de notre réunion du 5 juillet 2011, réunion qui avait fait l'objet d'un courrier.
Au terme de cette saison, nous n'avons pas constaté d'évolution sensible dans ton attitude, de même lors de notre rencontre du 17 juillet, tu n'as même pas semblé avoir conscience de ces problèmes, ce qui aurait pu permettre une évolution de ton comportement.
Conformément à notre convention, les membres du comité de direction ont donc jugé préférable de ne pas envisager la reconduction de ton adhésion'.
Le refus de renouveler l'adhésion de William Z... n'est donc aucunement motivée par 'l'évolution du marché et de l'effectif' ni par 'les besoins de l'ESF', critères visés par la convention, mais par des considérations d'ordre disciplinaire tenant à son 'attitude', son 'comportement' et la non adhésion aux valeurs du groupement sur lesquelles le Syndicat insiste tout particulièrement dans ses conclusions devant la cour.
Or les statuts prévoient aux articles 43 et suivants, une procédure spécifique d'exclusion pour des motifs disciplinaires, tels que le manque d'honorabilité portant atteinte matériellement ou moralement au Syndicat local ou national, l'irrespect des statuts et/ou de la convention, avec convocation écrite de l'intéressé devant le comité de direction.
La convocation doit contenir les motifs de celle-ci ainsi que l'indication que le dossier est consultable au siège du Syndicat et que l'intéressé peut être assisté par une personne de son choix.
L'exclusion définitive, sanction la plus élevée dans l'échelle des sanctions prévues par les statuts, ne peut être prononcée que par l'assemblée générale sur proposition du comité de direction.
En l'espèce, le comité de direction a agi en dehors de ses attributions, sans aucun respect de la procédure susvisée, et William Z... est bien fondé à soutenir que la décision d'exclusion est irrégulière.
Il y a lieu par conséquent de l'annuler et d'ordonner le renouvellement de l'adhésion de de William Z... au Syndicat et sa réintégration au sein de l'ESF dans la situation qui était la sienne lors de la prise de décision, c'est-à-dire comme 'renfort saison', sans qu'il soit nécessaire de prévoir d'astreinte.
La décision annulée a privé William Z... de toute possibilité d'exercer son activité au sein de l'ESF à compter de la saison 2012/2013.
Alors qu'il avait perçu, pour la saison 2011/2012, un revenu net imposable de 18.143 euros pour 429,50 heures travaillées au sein de l'ESF, soit une rémunération horaire nette de 42,24 euros, il justifie avoir gagné au sein de l'Ecole de Ski Internationale la somme de 14.820 euros pour 494 heures travaillées lors de la saison 2012/2013, soit une perte de revenu de 6.047 euros (494 x 42,24 euros = 20.866,56 euros - 14.820 euros).
Il ne produit aucun justificatif des avantages qu'il indique avoir perdu, ni des revenus qu'il a perçus pour les saisons suivantes, mettant la cour dans l'impossibilité d'apprécier sa demande.
Il n'est pas fondé à solliciter le remboursement des frais engagés pour l'obtention du permis de conduire de transport en commun, de sorte que son préjudice économique sera indemnisé à hauteur de la somme de 6.047 euros et son préjudice moral à hauteur de 4.000 euros.
L'équité commande que le Syndicat lui verse une indemnité de procédure pour les frais exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement,
- Infirme le jugement déféré
statuant à nouveau,
- Annule la décision prise par le Syndicat de ne pas renouveler l'adhésion de William Z... pour la saison 2012/2013,
- Ordonne au Syndicat de renouveler l'adhésion de William Z... et de le réintégrer au sein de l'ESF en qualité de moniteur 'renfort saison',
- Condamne le Syndicat à payer à William Z... la somme de 6.047 euros en réparation de son préjudice économique et celle de 4.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- Condamne le Syndicat à payer à William Z... la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne le Syndicat aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame GATTI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT