N° RG 16/04788 - N° Portalis DBVM-V-B7A-IWWD
DJ
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SELARL X... ET MIHAJLOVIC
la SCP PYRAMIDE AVOCATS
la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA Y... Z...
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 16 OCTOBRE 2018
Appel d'un Jugement (N° R.G. 13/01013)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de VIENNE
en date du 04 août 2016
suivant déclaration d'appel du 05 Octobre 2016
APPELANTE :
Madame Jeanne A...
née [...] au MAROC
[...]
représentée par Me Josette X... de la SELARL X... ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par
Me Aurelie B..., avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD RHONE ALPES immatriculé au RCS de GRENOBLE sous le numéro D 402 121 958 prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]
représentée par Me Philippe C... de la SCP PYRAMIDE AVOCATS, avocat au barreau de VIENNE, et plaidant Me Ingrid F..., avocat au barreau de VIENNE du même cabinet
La SCP LYDIE OUZILOU REYMONET ET CYRILLE PERBOST immatriculé au RCS de VIENNE sous le numéro 439 460 155 prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés [...]
représentée par Me Catherine Z... de la SCP MONTOYA PASCAL-MONTOYA Y... Z..., avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant par Me Olivier Y..., avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Hélène COMBES, Président de chambre,
Madame Dominique JACOB, Conseiller,
Madame Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier
En présence de Monsieur D... Alexis, stagiaire avocat
DEBATS :
A l'audience publique du 17 Septembre 2018, Madame JACOB a été entendue en son rapport.
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
***
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 6 juillet 2006, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Sud Rhône Alpes (le Crédit Agricole) a consenti à Jeanne G... épouse A... et William A... un prêt de 60.000 euros pour l'acquisition d'un fonds de commerce.
Jeanne A... a affecté le fonds de commerce exploité par elle [...] , au profit de la banque à titre de nantissement.
Le 25 août 2007, le Crédit Agricole a consenti à Jeanne A... un contrat d'ouverture de crédit attaché à son compte professionnel à hauteur de 8.000 euros portés, selon avenant du 30 septembre 2009, à 16.000 euros.
Suivant acte reçu par Maître E..., notaire, le 20 janvier 2011, les époux A... ont cédé à la société Distribution Casino France le droit au bail portant sur le local commercial situé à Crémieu.
Le notaire a procédé au remboursement par anticipation des sommes restant dues au Crédit Agricole au titre du prêt.
Par acte du 26 juin 2012, le Crédit Agricole a assigné Jeanne A... devant le tribunal de commerce de Vienne en paiement du solde du compte courant.
Jeanne A... a appelé en cause la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost, en sa qualité de successeur de Maître E....
Par jugement du 25 juillet 2013, le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Vienne, à qui l'affaire a été transmise.
Par jugement du 4 août 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :
- condamné Jeanne A... à payer au Crédit Agricole la somme de 16.420,66 euros avec intérêts au taux conventionnel, capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil,
- déclaré Jeanne A... recevable en son action en responsabilité dirigée à l'encontre de la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost,
- rejeté les demandes de Jeanne A... dirigées à l'encontre de la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost et du Crédit Agricole,
- condamné Jeanne A... à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au Crédit Agricole la somme de 1.500 euros et à la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost celle de 2.000 euros et à supporter les dépens.
Jeanne A... a relevé appel de cette décision le 5 octobre 2016.
Dans ses dernières conclusions du 14 juin 2018, elle demande à la cour, au visa des articles 1147, 1382 et 1383 du code civil, d'infirmer le jugement et de :
- dire que l'action engagée contre la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost est recevable et bien fondée,
- constater la faute commise par le Crédit Agricole et celle commise par la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost,
- débouter le Crédit Agricole et la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement le Crédit Agricole et la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter des premières conclusions du 6 septembre 2012,
- ordonner la compensation entre cette somme et la somme réclamée par le Crédit Agricole,
- subsidiairement, lui octroyer les plus larges délais de paiement,
- en tout état de cause, condamner le Crédit Agricole et la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost à lui verser la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle expose que :
- elle exploitait le fonds de commerce en nom propre,
- ayant rencontré des problèmes de santé, elle a cédé son droit au bail,
- elle souhaitait obtenir de la trésorerie pour continuer de faire face aux charges afférentes à l'exploitation de son fonds qu'elle poursuivait en ligne, via Internet,
- le notaire et la banque savaient que la cession était destinée à lui procurer de la trésorerie.
Elle soutient n'avoir jamais donné son accord préalable au remboursement anticipé du prêt.
Elle reproche à la banque de lui avoir imposé le remboursement, alors que la cession du seul droit au bail n'impliquait ni la levée du nantissement ni le remboursement par anticipation du prêt.
Elle fait grief au notaire d'avoir procédé au prélèvement des fonds en connivence avec le banquier et d'avoir outrepassé les pouvoirs qu'elle lui avait confiés.
Elle ajoute qu'il ne peut être déduit de sa signature de l'acte de cession qu'elle était d'accord sur le remboursement anticipé.
Elle fait valoir qu'elle a subi un préjudice financier en ce qu'elle a dû payer l'indemnité de résiliation anticipée, n'a pu assurer les besoins de financement de son entreprise ni rembourser le découvert de son compte bancaire professionnel, et a supporté des frais bancaires et d'huissier de justice.
Elle invoque également un préjudice moral lié au stress généré par cette situation.
Dans ses dernières conclusions du 27 février 2017, le Crédit Agricole demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Jeanne A... à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Il fait valoir que :
- il n'a fait que répondre à la demande du notaire en charge de la cession,
- le notaire était le mandataire de Jeanne A...,
- l'accord de celle-ci n'était donc pas nécessaire.
Dans ses dernières conclusions du 29 juin 2018, la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner Jeanne A... à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle indique que le compromis de cession du 20 octobre 2010 mentionnait, au titre des conditions suspensives, que l'état des privilèges et nantissement à requérir ne devait pas relever d'inscription, sauf accord des créanciers inscrits ;
que Jeanne A... ne pouvait dès lors ignorer que la réitération de la cession supposait l'absence d'inscription sur le fonds de commerce ou l'accord préalable des créanciers inscrits;
qu'elle ne peut prétendre, pour les besoins de la cause, ne pas avoir compris la nécessité de rembourser le prêt, alors que cela ressort clairement de l'acte de cession que le notaire lui a lu avant signature.
Elle rappelle qu'en application de l'article L 142-2 alinéa 3 du code de commerce, le droit au bail fait partie de l'assiette du nantissement et en constitue l'élément essentiel en terme de valorisation du fonds.
Elle ajoute que le Crédit Agricole n'aurait pas accepté de donner la mainlevée du nantissement sans obtenir le remboursement anticipé ou une garantie équivalente.
Elle relève enfin l'absence de lien de causalité entre les conditions de régularisation de l'acte de cession et les difficultés financières rencontrées par Jeanne A....
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
Jeanne A... ne conteste pas être redevable auprès du Crédit Agricole de la somme de 16.420,66 euros au titre du solde de son compte bancaire professionnel.
Elle critique le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes en responsabilité dirigées à l'encontre de la SCP Ouzilou Reymonet et Perbost et du Crédit Agricole.
Jeanne A... reproche au notaire d'avoir procédé au remboursement anticipé du prêt, sans son accord.
Il est constant qu'en garantie du remboursement du prêt de 60.000 euros souscrit le 6 juillet 2006, la banque avait inscrit un privilège de nantissement du fonds de commerce.
La cession du droit au bail, élément majeur du fonds de commerce nanti, impliquait, comme cela était clairement mentionné page 6 du compromis de cession sous conditions suspensives du 20 octobre 2010, que 'l'état des privilèges et nantissement à requérir ne relève pas d'inscription, sauf accord des créanciers inscrits'.
Le notaire a donc procédé, comme il le devait, à la levée de l'état des privilèges et nantissement, et sollicité du créancier nanti le montant des sommes restant dues en vue du remboursement anticipé du prêt, ainsi qu'un engagement de mainlevée du nantissement.
Il a rappelé, pages 8 et 9 de l'acte de cession, au paragraphe 'Remise du prix', l'état des nantissements sur le fonds de commerce et le montant des sommes à prélever sur le prix de cession
Jeanne A..., informée de la nécessité de rembourser le prêt, ne rapporte pas la preuve d'une faute du notaire.
Le 10 janvier 2011, le Crédit Agricole a communiqué au notaire le décompte des sommes dues au titre du prêt.
Jeanne A... ne démontre pas en quoi le Crédit Agricole, en sa qualité de créancier inscrit sur le fonds de commerce, a manqué à ses obligations.
Le jugement doit donc être confirmé.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne Jeanne A... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT