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18/10/2018 | FRANCE | N°17/02805

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 18 octobre 2018, 17/02805


JD



N° RG 17/02805



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Copie exécutoire délivrée le :









la SELARL CDMF AVOCATS



Me Wilfried C...









AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


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Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 18 OCTOBRE 2018







Appel d'une décision (N° RG 12/00564)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 29 juillet 2014

suivant déclaration d'appel du 12 septembre 2014

radiation du 25 mai 2016

réinscription du 30 Mai 2017



APPELANTE :



SARL LES HALLES ST BRUNO

[...]



représentée ...

JD

N° RG 17/02805

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CDMF AVOCATS

Me Wilfried C...

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 18 OCTOBRE 2018

Appel d'une décision (N° RG 12/00564)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 29 juillet 2014

suivant déclaration d'appel du 12 septembre 2014

radiation du 25 mai 2016

réinscription du 30 Mai 2017

APPELANTE :

SARL LES HALLES ST BRUNO

[...]

représentée par Me Jean-luc X... de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Romain Y..., avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIME :

Monsieur Ammar Z...

[...]

représenté par Me Wilfried C..., avocat au barreau de GRENOBLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:

Mme Dominique DUBOIS, Présidente,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

M. Jérôme A..., Magistrat honoraire,

Assistés lors des débats de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffier.

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 Juillet 2018,

Monsieur Jérôme A... est entendu en son rapport.

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 18 Octobre 2018.

L'arrêt a été rendu le 18 Octobre 2018.

M. Ammar Z... a été embauché par la société Les Halles Saint-Bruno, exploitante d'une boucherie à Grenoble, en qualité de préparateur-vendeur à compter le 27 janvier 2009 avec reprise d'ancienneté au 28 novembre 2008.

Le 24 avril 2012, il saisissait la juridiction prud'homale en paiement d'un arriéré de salaire et d'une indemnité pour travail dissimulé.

Le 18 août 2012, il était mis à pied à titre conservatoire, et convoqué à un entretien préalable à licenciement pour le 27 août 2012.

Par lettre recommandée du 12 septembre 2012, il recevait notification de son licenciement pour faute grave avec effet immédiat. Il contestait son licenciement devant la juridiction déjà saisie.

Par jugement du 29 juillet 2014, le conseil de prud'hommes de Grenoble a:

- dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse;

- condamné la société Les Halles Saint-Bruno à verser au salarié:

«- 46 153, 54 € à titre de rappel de salaire ;

- 4 615, 35 € à titre de congés payés afférents ;

- 23 076, 77 € à titre d'indemnité de repos compensateur ;

- 2 307, 67 € à titre de congés payés afférents ;

- 3 149, 88 € à titre de l'indemnité de préavis ;

- 314, 98 € à titre de congés payés afférents ;

- 1 549, 44 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied ;

- 154, 94 € à titre de congés payés afférents ;

- 1 197, 59 € à titre d'indemnité de licenciement ;

Lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du 2 mai 2012,

- 9 449, 94 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- 1 200 € à titre d'indemnité article 700 du Code de Procédure Civile.»

Le 12 septembre 2014, la société Les Halles Saint-Bruno interjeta régulièrement appel. L'affaire a été radiée le 25 mai 2016 pour défaut de diligence des parties, et réinscrite le 30 mai 2017 à la demande de la société Les Halles Saint-Bruno.

A l'audience, la société Les Halles Saint-Bruno fait oralement reprendre ses dernières conclusion d'appel transmises le 19 juin 2018 pour demander à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter le salarié de toutes ses prétentions et de le condamner à verser la somme de 2.000 € pour procédure abusive et vexatoire outre celle de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Ammar Z... fait oralement reprendre ses conclusions transmises le 22 décembre 2017 en réplique et au soutien d'un appel incident pour demander à la Cour de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de porter les condamnations de l'employeur aux sommes suivantes:

«* Rappel de salaire 65 104.08 €

* Congés payés afférents 6 510.04 €

* Indemnité de repos compensateur 65 104.08 €

* Congés payés afférents 6 510.04 €

* Rappel de salaire sur mise à pied 1 549.44 €

* Congés payés afférents 154.94 €

* Indemnité de préavis 3 149.88 €

* Congés payés sur préavis 314.98 €

* Indemnité pour licenciement abusif 9 000.00 €

* Dommages et intérêts pour travail dissimulé 9 449.94 €

* Indemnité de licenciement 1 197.59 €

* article 700 CPC 1 500.00 €

* Intérêts légaux de droit»

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

SUR QUOI, la Cour:

1. sur les demandes au titre des heures supplémentaires, des repos compensateurs et d'une dissimulation du travail:

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, dès lors que le litige vient à porter sur l'existence ou le nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

En l'espèce, le salarié intimé présente des tableaux dans lesquels il a totalisé les heures de travail qu'il affirme avoir effectuées par semaine.

Faute de préciser les horaires auxquels le salarié intimé prétend s'être soumis, ces documents ne mettent pas l'employeur en mesure d'y répondre.

Les demandes n'étant pas étayés, le salarié intimé doit être débouté de ses prétentions en paiement d'heures supplémentaires, d'indemnisation de repos compensateurs et subséquemment en versement d'une indemnité pour travail dissimulé.

2. sur la contestation du licenciement et sur les demandes subséquentes:

Dès lors qu'un employeur, pour donner un effet immédiat à sa décision de rompre la relation de travail et se dispenser des obligations de délai-congé et d'indemnisation, a invoqué une faute grave du salarié, il lui incombe d'en apporter la preuve dans les termes énoncés dans la lettre de licenciement.

En l'espèce, la charge de la preuve pèse du la société appelante pour les multiples manquements que dans la lettre de licenciement, elle a imputés au salarié intimé en ces termes:

«Après de nombreuses années de collaboration sans incident, nous avons progressivement noté une nette dégradation de votre attitude au travail, ceci concomitamment au licenciement de votre beau fils, ex salarié de la boucherie, intervenu au mois de janvier 2012.

Nous avons dû, dans un premier temps, vous demander expressément de bien vouloir quitter la boucherie à la fin de votre service et de ne pas rester sur votre lieu de travail alors que rien ne le justifiait.

Vous avez ensuite multiplié les retards à la prise de votre poste, retards que vous avez pris l'habitude,de « rattraper » avec ou sans notre autorisation d'ailleurs, soit à la fin de vos journées de travail, soit même des jours où vous étiez sensé ne pas travailler, nous amenant là encore à intervenir pour mettre fin à cette pratique.

Parallèlement, vous avez multiplié les comportements provocateurs vis-à-vis de l'entreprise comme par exemple :

* Exécuter votre prestation de travail (découpe, déplacements, rangement) avec un rythme exagérément lent, remarqué non seulement par la Direction mais également par l'ensemble de vos collègues ;

* Attendre l'épuisement de certains stocks (boyaux, épices') avant de lancer une commande de manière à interrompre la production dans l'attente de la livraison ;

* Effectuer certaines tâches avec des outils ou des modes opératoires inappropriés, entraînant des casses de matériel ;

* Refuser purement et simplement l'accomplissement de certaines tâches, comme lorsque vous avez refusé de procéder au nettoyage d'un frigo en répondant à votre employeur « ce n'est pas mon travail, si tu veux faire nettoyer les appareils, tu n'as qu'à embaucher des agents d'entretien ! »

Le vendredi 17 août 2012, vous avez une nouvelle fois fait preuve de la plus mauvaise foi et vous avez excédé les limites admissibles.

Ce jour, il vous a été demandé à plusieurs reprises de procéder au désossage d'une carcasse de boeuf, ce que vous avez différé au moins trois fois avant de demander à un autre salarié de la boucherie d'accomplir cette tâche à votre place.

Lorsque le dirigeant s'en est aperçu, il vous a demandé de nouveau de bien vouloir effectuer vous-même le travail demandé sans vous soustraire à ses directives.

Vous avez alors développé une théorie totalement surréaliste, visant à démontrer au Dirigeant que, la boucherie étant en société, elle constituait une personne morale et que dès lors, son Dirigeant n'était pas le « patron » et n'avait pas à vous donner d'ordre.

Devant votre obstination à ne pas reconnaître l'autorité de votre employeur, il vous a été indiqué que votre attitude relevait d'une insubordination susceptible de justifier un licenciement pour faute grave et demandé de bien vouloir ôter votre blouse et quitter la boucherie dans l'attente des suites que nous entendions donner à cet incident.

C'est alors que vous vous êtes mis à vociférer dans le magasin de vente, plein en ce vendredi de Ramadan particulier (jour du destin) prenant à témoin des clients qui sidérés par l'incongruité et la violence de vos propos quittèrent en masse la boucherie.

Devant votre attitude et votre refus de quitter les lieux, nous avons dû aller jusqu'à appeler la police afin de faire cesser le trouble et de reprendre une activité normale.»

Or, devant la Cour, la société appelante se limite à présenter deux attestations, l'une par laquelle le chef boucher Mohamed D... a rapporté que M. Z... avait un comportement négligent, qu'il travaillait lentement, avait des agissements de sabotage, se montrait agressif envers ses collègues, avait refusé de désosser un b'uf en disant au gérant qu'il n'était pas le patron parce que l'entreprise était une personne morale, et l'autre par laquelle le boucher Wahid B... a rapporté que M. Z... lui demandait de faire son travail à sa place.

Ces deux seules attestations, qui n'évoquent ni les retards récurrents allégués, ni les comportements provocateurs, ni le recours à des instruments ou modes opératoires inappropriés, ni le refus de nettoyage d'une installation frigorifique mentionnés dans la lettre de licenciement, sont insuffisantes à établir avec certitude les faits reprochés.

Il s'ensuit que non seulement la faute grave invoquée n'est pas caractérisée, mais que nonobstant l'opinion des premiers juges, le licenciement s'avère dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le salarié est fondé à obtenir une indemnité de licenciement, des indemnités compensatrices du préavis dont son employeur ne pouvait le priver et la rémunération de la période de mise à pied conservatoire qui s'avère injustifiée, et ce pour les montants que les premiers juges ont exactement arrêtés avec les intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2012, date de ses demandes devant la juridiction prud'homale, lesquelles emportent les effets d'une mise en demeure.

Alors que la société intimée employait moins de onze salariés et par application de l'article L1235-5 du code du travail, le salarié intimé est également fondé à obtenir l'indemnisation du préjudice que lui a fait subir le licenciement abusivement intervenu. Au vu des éléments qu'il produit sur l'étendue de son préjudice, une exacte évaluation conduit la Cour à fixer à 8.000 € le montant des dommages et intérêts qui l'indemniseront intégralement.

3. sur les demandes accessoires:

Même s'il ne peut être fait droit à toutes les prétentions du salarié, l'action qu'il a introduite n'a aucun caractère abusif et son employeur doit être débouté de sa prétention à des dommages et intérêts de ce chef.

En application de l'article 700 du code de procédure civile et en sus de l'allocation déjà fixée par le conseil de prud'hommes, il est équitable que l'employeur contribue aux frais irrépétibles qu'il a contraint le salarié à encore exposer.

En application de l'article 696 du même code, il échet de mettre les entiers dépens à la charge de l'employeur qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE recevables l'appel principal et l'appel incident;

INFIRME le jugement entrepris;

DECLARE abusif le licenciement prononcé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse;

CONDAMNE la société Les Halles Saint-Bruno à verser à M. Ammar Z...:

- la somme de 8.000 € (huit mille euros) à titre de dommages et intérêts en application de l'article L1235-5 du code du travail;

- les sommes de 1.200 € (mille deux cents euros) en contribution aux frais irrépétibles de première instance, et de 1.000 € (mille euros) à ceux d'appel;

CONDAMNE la société Les Halles Saint-Bruno à verser à M. Ammar Z..., avec les intérêts aux taux légal à compter du 2 mai 2012:

- les sommes de 3.149, 88 € (trois mille cent quarante neuf euros et quatre vingt huit centimes) bruts à titre de l'indemnité de préavis, et 314,98 € (trois cent quatorze euros et quatre vingt dix huit centimes) bruts à à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

- les sommes de 1.549,44 € (mille cinq cent quarante neuf euros et quatre centimes) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied, et de 154,94 € (cent cinquante quatre euros et quatre vingt quatorze centimes) bruts à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

- la somme de 1.197,59 € (mille cent quatre vingt dix sept euros et cinquante neuf centimes) à titre d'indemnité de licenciement;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions;

CONDAMNE la société Les Halles Saint-Bruno à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel;

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Signé par Madame Dominique DUBOIS, Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 17/02805
Date de la décision : 18/10/2018

Références :

Cour d'appel de Grenoble 13, arrêt n°17/02805 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-18;17.02805 ?
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