JD
No RG 17/01442 - No Portalis DBVM-V-B7B-I6CK
No Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES
Me Malika AIT OUARET
CPAM DE L'ISÈRE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU MARDI 10 SEPTEMBRE 2019
Ch.secu-fiva-cdas
Appel d'une décision (No RG 20130013)
rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VIENNE
en date du 12 janvier 2017
suivant déclaration d'appel du 28 Février 2017
APPELANTE :
SAS GROUPEMENT LOGISTIQUE DU FROID prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]
représentée par Me Laurianne MESSAGE de la SCP ONE LAW, avocat au barreau de LYON substituée par Me Amaury CANTAIS, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Monsieur B... U..., Appelant Incident
né le [...] à SOUSSE (TUNISIE)
[...]
représenté par Me Malika AIT OUARET, avocat au barreau de VIENNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/004107 du 31/08/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
SAS MANPOWER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]
représentée par Me Romain BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Clara CIUBA, avocat au barreau de PARIS
CPAM DE L'ISERE - Site de Vienne, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]
comparante en la personne de Mme F... N... régulièrement munie d'un pouvoir
Société CHARTIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
M. Jérôme DIE, Magistrat honoraire,
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Mai 2019
Monsieur Frédéric BLANC, chargé du rapport, et M. Jérôme DIE, Magistrat honoraire ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistés de Madame Chrystel ROHRER, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 Septembre 2019, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 10 Septembre 2019.
Exposé du litige :
Le 12 avril 2012 à [...] (Rhône), M. B... U... , alors salarié intérimaire employé par la société MANPOWER France et mis à disposition de la société Groupement Logistique du Froid (GLF) en qualité d'agent de quai, fut victime de multiples fractures fermées du métatarse gauche.
Selon la déclaration adressée à la CPAM DE L'ISÈRE, les circonstances de l'accident étaient les suivantes : « alors qu'il manipulait un transpalette électrique à conduite accompagnée, la commande d'arrêt n'a pas fonctionné, l'équipement a continué d'avancer, ce qui a coincé son pied gauche contre une palette ».
Le 3 mai 2012, la CPAM DE L'ISÈRE décida de prendre en charge les conséquences de l'accident au titre de la législation professionnelle.
L'état de M. B... U... fut déclaré consolidé à la date du 13 janvier 2014. Un taux d'incapacité permanente de 8 % lui a été reconnu et une indemnité en capital lui a été servie.
Le 15 mai 2012, M. B... U... saisit la CPAM d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Le 28 septembre 2012, la CPAM dressa un procès-verbal de non-conciliation.
Le 11 janvier 2013, M. B... U... saisit le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne aux fins de voir reconnaître une faute inexcusable des sociétés MANPOWER France et GLF comme étant à l'origine de son accident du travail.
Le 6 août 2013, M. B... U... déposa une plainte du chef de blessures involontaires, laquelle fut classée sans suite le 7 juillet 2016 par le procureur de la République à Lyon.
Par jugement du 12 janvier 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne a :
Au fond,
- constaté qu'aucune demande n'était dirigée à l'encontre la société CHARTIS, assureur de la société MANPOWER France ;
- dit que l'accident était dû à une faute inexcusable de l'employeur, la société de travail temporaire MANPOWER France qui était substituée dans la direction du salarié par la société GLF, société utilisatrice,
- fixé en conséquence au maximum légal la majoration de la rente ou du capital servi en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale,
- condamné la société MANPOWER France à payer à la CPAM DE L'ISÈRE les sommes dont celle-ci aura fait l'avance, qui correspondent aux conséquences pécuniaires de la faute inexcusable commise au préjudice de M. B... U... , en ce compris les frais d'expertise médicale,
- condamné la société GLF à payer à la société Manpwer France les sommes dont celle-ci aura fait l'avance à la CPAM DE L'ISÈRE en ce compris les frais d'expertise médicale,
- condamné la société MANPOWER France à verser à M. B... U... , bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 € en application de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 et au titre des honoraires d'avocat,
- condamné la société GLF à payer à la société MANPOWER France la somme de 1 500 € en remboursement de la somme visée au chef du dispositif précédent,
- donné acte à M. B... U... de ce qu'il renoncera au bénéfice de l'aide juridictionnelle s'il parvient à recouvrer la somme qui lui est allouée en application de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10juillet 1991 dans un délai d'un an et si celle-ci est supérieure au montant de la contribution de l'Etat,
- rejeté la demande de la société GLF en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices,
- condamné la société MANPOWER France à payer à M. B... U... une provision de 4 000 € à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,
- condamné la société GLF à payer à la société MANPOWER France la somme de 4 000 € en application de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale,
- ordonné une expertise médicale avec mission pour l'expert d'évaluer les préjudices imputables à l'accident du travail dont a été victime M. B... U... ,
- dit que les frais d'expertise seront à la charge de la CPAM DE L'ISÈRE,
- condamné la société MANPOWER France à payer à la CPAM DE L'ISÈRE les frais d'expertise,
- condamné la société GLF à payer à la société MANPOWER France les frais d'expertise,
- rejeté toute autre demande contraire ou en surplus.
Le 28 février 2017, la société GLF interjeta appel de cette décision.
A l'issue des débats et de ses conclusions du 19 mars 2019 soutenues oralement à l'audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société GLF demande à la Cour de :
A titre principal, sur la faute inexcusable,
- juger qu'aucune faute inexcusable ne peut être retenue à son encontre,
En conséquence,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne du 12 janvier 2017,
Statuant à nouveau,
- débouter M. B... U... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire, sur les demandes indemnitaires,
- juger que M. U... n'est pas recevable ni fondé à solliciter le versement d'une provision à valoir sur condamnation,
En conséquence,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne en ce qu'il a accordé une provision de 4 000 € à M. B... U... ,
Statuant à nouveau,
- débouter M. B... U... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à ce titre,
En tout état de cause,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne en ce qu'il l'a condamnée à payer 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- condamner M. B... U... à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. B... U... aux dépens.
La société GLF soutient que M. B... U... ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable. Elle fait valoir que M. B... U... n'a travaillé qu'un seul jour, le 12 avril 2012 soit le jour de son accident. Elle expose que le poste auquel il a été affecté ne constitue pas un poste à risque, que M. B... U... , titulaire du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES) est un salarié expérimenté sachant manipuler les mini-palettes et les transpalettes. Elle affirme que M. B... U... a disposé de chaussures de sécurité et que le matériel mis à sa disposition a fait l'objet d'un suivi attentif de sorte qu'elle écarte toute défectuosité des chariots. Elle considère que l'accident dont a été victime M. B... U... étant imprévisible, elle ne pouvait avoir conscience d'un quelconque danger. Elle soutient avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la préservation de la santé de M. B... U... .
Concernant les demandes indemnitaires formulées par M. B... U... , elle estime que ce dernier ne rapporte pas la preuve de la réalité des préjudices qu'il prétend avoir subis.
A l'issue des débats et de ses conclusions du 29 avril 2019 soutenues oralement à l'audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M. B... U... demande à la Cour de :
- confirmer partiellement le jugement rendu le 12 janvier 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne,
- juger son action recevable et bien fondée,
- juger que les sociétés MANPOWER France et GLF ont commis une faute inexcusable à l'origine de son accident du travail,
- déclarer le jugement à intervenir commun à la CPAM DE L'ISÈRE,
En conséquence,
- juger qu'il a droit à la majoration maximale du capital servi, dans la limite des plafonds fixés à l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale,
- désigner tel médecin expert qu'il plaira à la Cour avec mission de déterminer les préjudices qu'il a subis non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale,
- condamner in solidum les sociétés MANPOWER France et GLF à lui payer la somme de 8 000€ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices réparables,
- condamner in solidum les sociétés MANPOWER France et GLF à verser à son conseil la somme de 1500 € à titre de frais et honoraires exposées en première instance,
Y ajoutant,
- condamner in solidum les sociétés MANPOWER France et GLF à verser à son conseil la somme de 2 000 € à titre de frais et honoraires exposées en appel,
- lui donner acte de ce qu'il renoncera au bénéfice de l'aide juridictionnelle s'il parvient à recouvrer ces sommes dans le délai d'un an suivant la notification du jugement à intervenir et si celle-ci est supérieure au montant de la contribution de l'Etat,
- juger que la CPAM DE L'ISÈRE fera l'avance des sommes fixées en remboursement du préjudice qu'il a subi,
- condamner in solidum les sociétés MANPOWER France et GLF aux éventuels dépens,
M. B... U... soutient que la faute inexcusable de l'employeur réside dans le fait de l'avoir affecté, en tant qu'intérimaire, à l'utilisation de chariot élévateur sans lui avoir dispensé une formation à la sécurité renforcée. Il prétend en outre que la société GLF avait connaissance que certains équipements de travail en l'occurrence, les chariots de manutention, étaient défectueux.
Sur la demande d'expertise, il expose qu'il doit envisager une reconversion professionnelle compatible avec son état de santé et qu'il a subi un préjudice d'agrément ne pouvant plus pratiquer le football, ni la musculation.
A l'issue des débats et de ses conclusions du 25 avril 2019 soutenues oralement à l'audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société MANPOWER France demande à la Cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne du 12janvier 2017 en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont a été victime M. B... U... est dû à la faute inexcusable de son employeur,
En conséquence,
- débouter M. B... U... de son recours en reconnaissance de faute inexcusable,
A titre subsidiaire,
Sur la demande d'expertise médicale judiciaire,
- ordonner la mise en oeuvre d'une expertise et limiter la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices énumérés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale, à l'exclusion de la perte de possibilités de promotion professionnelle, ainsi qu'à ceux non couverts en tout ou partie ou de manière restrictive par le livre IV du code de la sécurité sociale,
Sur la demande de provision de M. B... U... ,
- réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise médicale,
Sur son recours en garantie à l'encontre de la société GLF,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Vienne du 12janvier 2017 en ce qu'il a condamné la société GLF à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre tant en principal, intérêts et frais qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence,
- juger que la faute inexcusable a été commise par l'entremise de la société GLF,
- condamner par application de l'article L.241-5-1 du code de la sécurité sociale, la société GLF à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre tant en principal, intérêts et frais qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.
La société MANPOWER France soutient que M. B... U... ne démontre pas l'existence d'une faute inexcusable. Elle fait valoir que la société GLF n'a pas eu conscience d'un danger particulier, qu'aucune faute inexcusable ne peut être retenue à son encontre d'autant qu'elle affirme que la société GLF établit que le matériel mis à disposition de M. B... U... faisait l'objet d'un suivi. Elle expose que M. B... U... disposait d'une expérience professionnelle de 7 ans en qualité de préparateur de commandes, poste pour lequel il a été déclaré apte et qu'il est titulaire du CACES de véhicules classés en catégorie no1 (tracteurs et petits engins mobiles). Elle prétend que M. B... U... a bénéficié d'une information spécifique relative à la sécurité et à l'hygiène, qu'il a été avisé des règles générales de sécurité relatives aux chariots accompagnants ainsi que des consignes spécifiques au poste d'agent de quai.
Sur la demande d'expertise médicale judiciaire, dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait confirmée, elle estime qu'il appartient à M. B... U... de démontrer que sa formation et ses aptitudes professionnelles lui auraient permis de prétendre à une promotion professionnelle.
Sur son recours en garantie à l'encontre de la société GLF, elle soutient que, pendant la durée de la mission, c'est l'entreprise utilisatrice et non l'entreprise de travail temporaire qui est tenue de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des salariés intérimaire mis à sa disposition.
A l'issue des débats et de ses conclusions parvenues le 10 mai 2019, soutenues oralement à l'audience et auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la CPAM DE L'ISÈRE s'en rapporte sur l'existence d'une faute inexcusable et, dans l'affirmative, demande à la Cour de condamner la société MANPOWER France à lui rembourser l'intégralité des sommes dont elle serait amenée à faire l'avance, y compris les frais d'expertise.
La société CHARTIS, appelée en cause et intimée en sa qualité d'assureur de la société MANPOWER France, ne comparaît pas et n'est pas représentée en dépit de la convocation qui lui a été adressée.
SUR CE
En application de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident de travail ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire lorsque cet accident est dû à la faute inexcusable de son employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction du salarié. En application de l'article L412-6 du même code, l'entreprise utilisatrice d'un travailleur intérimaire est regardée comme substituée dans le pouvoir de direction de l'entreprise de travail temporaire qui est l'employeur.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, un employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail, et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié et il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
La preuve de la faute inexcusable incombe à la partie qui s'en prévaut.
En l'espèce, au premier soutien de sa prétention à la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de son accident, M. B... U... invoque la présomption résultant de l'article L4154-3 du code du travail lorsqu'un salarié temporaire est affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé et sa sécurité et qu'il n'a pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité qui est prescrite à l'article L4154-2 du même code.
Mais M. B... U... n'établit pas avoir été affecté à un poste de travail présentant des risques particuliers et imposant une formation renforcée à la sécurité.
En deuxième lieu, M. B... U... invoque une absence totale de formation alors qu'il était mis pour la première fois à la disposition de la société GLF et que l'accident s'est produit au cours de sa première journée de travail.
Mais M. B... U... n'apporte aucun élément à l'appui de son grief tandis que les parties défenderesses justifient qu'il était doté de chaussures de sécurité et qu'il avait reçu une formation à la conduite de l'engin en cause, sanctionnée par la délivrance du certificat d'aptitude à la conduite en sécurité (CACES).
En troisième lieu, au vu du procès-verbal de l'enquête diligentée par l'inspection du travail à l'intention du procureur de la République à Lyon, M. B... U... se prévaut d'un manquement aux dispositions de l'article L4612-5 du code du travail en ce que n'a été réalisée aucune analyse de l'accident.
Mais ce manquement, à le supposer établi, est postérieur à l'accident de travail du 12 avril 2012 et ne peut être à son origine.
En quatrième et dernier lieu, M. B... U... soutient avec plus de pertinence qu'il a été manqué aux dispositions de l'article L4321-1 du code de travail qui contraignent les employeurs à maintenir les équipements de travail de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs.
En application de l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil, il incombe à l'employeur, débiteur de l'obligation de maintenance, de justifier s'être libéré de son obligation.
Or la société employeur MANPOWER France se limite à renvoyer aux pièces produites par la société utilisatrice GLF.
La société appelante GLF, entreprise utilisatrice, expose qu'au jour de l'accident son transpalette 5782 devait faire l'objet d'un changement de batterie et elle en déduit que seul son transpalette 5780 avait pu être utilisé par M. B... U... .
Mais elle produit un tableau d'affectation de ses engins de manutention selon lequel elle utilisait 25 chariots auto-portés, 11 chariots «accompagnants» et 29 gerbeurs, sans pouvoir désigner précisément quel engin elle a confié à M. B... U... .
Quant à l'engin 5780 qu'elle suppose avoir été conduit par M. B... U... le jour de l'accident du 12 avril 2012, elle présente un relevé dressé par la société Fenwick-Linde selon lequel l'engin est tombé en panne les 30 mars, 6 mai, 28 juin, 5 octobre, 3 novembre, 3 et 5 décembre 2012.
Rien n'atteste ni d'une vérification périodique, ni d'aucune opération d'entretien avant le 12 avril 2012. La société appelante GLF a donc manqué à son obligation de veiller au maintien en sécurité de ses équipements de travail.
Dès lors que cette entreprise utilisatrice, substituée à l'employeur dans son pouvoir de direction et tenue d'une obligation de maintenance en sécurité de ses matériels, ne pouvait méconnaître les risques liés à la conduite des engins roulants et qu'elle n'a rien entrepris pour préserver le travailleur intérimaire B... U..., la faute inexcusable est caractérisée.
Cette faute inexcusable est en rapport de causalité avec l'accident en ce que, comme il a été indiqué dans la déclaration initiale à l'adresse de l'organisme de sécurité sociale, la commande d'arrêt n'avait pas fonctionné et l'engin conduit par M. B... U... lui avait écrasé le pied gauche.
Il s'ensuit, comme l'ont dit les premiers juges, qu'à l'origine de l'accident de travail de M. B... U... , doit être retenue une faute inexcusable de l'employeur.
En conséquence et par application de l'article L452-2 du code de la sécurité sociale, M. B... U... est fondé à obtenir une majoration maximale du capital qui doit lui être servi.
M. B... U... est également fondé en sa prétention à une expertise médicale en vue de l'évaluation de tous ses préjudices, indépendamment de savoir s'ils ont déjà indemnisés.
M. B... U... est aussi fondé à obtenir une provision à valoir sur l'indemnisation complémentaire, et ce pour le montant que les premiers juges ont exactement fixé.
Comme l'ont dit les premiers juges, la société MANPOWER France devra rembourser à la CPAM DE L'ISÈRE les sommes dont cette dernière est tenue de faire l'avance, et la société GLF sera elle-même tenue de garantir la société MANPOWER France pour ces mêmes montants.
Le jugement entrepris mérite donc une entière confirmation.
En application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, et en sus des montants déjà fixés par les premiers juges, il est équitable que la société GLF contribue aux frais irrépétibles que M. B... U... aurait été contraint d'encore exposer s'il n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle, et ce par un versement qui sera fait sur la demande de l'avocate de l'assuré intimé.
En application de l'article 696 du même code, il s'impose de mettre les dépens à la charge de la société GLF qui succombe en son appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevables l'appel principal et les appels incidents ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant :
Condamne la société GROUPEMENT LOGISTIQUE DU FROID à verser à Me Malika AIT OUARET, sur la demande qu'elle lui adressera, la somme de 2 000 € à titre de nouvelle contribution au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens, et ce en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Condamne la société GROUPEMENT LOGISTIQUE DU FROID à supporter les dépens ;
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur SILVAN, conseiller faisant fonction de président et par Monsieur OEUVRAY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Conseiller