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N° RG 17/04614
N° Portalis DBVM-V-B7B-JHK6
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Michel PICCAMIGLIO
la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER
SCP FOLCO TOURRETTE NERI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 27 FEVRIER 2020
Appel d'une décision (N° RG 16/00494)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 04 septembre 2017
suivant déclaration d'appel du 03 Octobre 2017
APPELANTE :
Mme [X] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Michel PICCAMIGLIO, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
M. [W] [O] ès-qualités de mandataire judiciaire de l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE
[Adresse 8]
[Localité 3]
représenté par Me Sabine LEYRAUD de la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE
M. [M] [N] ès-qualités d'administrateur judiciaire de l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Sabine LEYRAUD de la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE
Association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE, ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde convertie en redressement judiciaire suivant jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 16 juin 2016, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Sabine LEYRAUD de la SCP CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE
Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'ANNECY, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Florence NERI de la SCP FOLCO TOURRETTE NERI, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 19 Décembre 2019,
M. Frédéric BLANC, Conseiller chargé du rapport, assisté de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 27 Février 2020, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 27 Février 2020.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon contrat à durée déterminée à temps partiel en date du 30 juillet 2007, Madame [X] [S] a été embauchée par l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE en qualité d'enseignante.
Le contrat s'est poursuivi à durée indéterminée et par avenant à effet du 1er janvier 2013, les parties ayant convenu d'une annualisation du temps de travail conformément à l'accord d'entreprise du 28 septembre 2012.
Le 29 mai 2015, Madame [X] [S] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement.
Le 1er août 2015, l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE lui a proposé une modification de son contrat de travail pour motif économique, précisée par courrier du 11 août 2015.
La salariée a refusé la modification proposée par courrier du 7 septembre 2015.
Le 10 septembre 2015, Madame [X] [S] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement économique.
Par courrier du 25 septembre 2015, l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE a notifié à Madame [X] [S] son licenciement pour motif économique.
Elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.
Madame [X] [S] a saisi le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE le 27 avril 2016.
L'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE a fait l'objet d'un jugement d'ouverture de sauvegarde le 23 mai 2016, convertie en redressement judiciaire le 23 juin 2016.
Par jugement en date du 4 septembre 2017, le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE a :
- dit et jugé que le licenciement de Madame [X] [S] est fondé sur un motif économique réel et sérieux
- débouté Madame [X] [S] de l'ensemble de ses demandes
- débouté l'ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- laissé les éventuels dépens à la charge de Madame [S]
Ledit jugement a été notifié par LRAR du greffe dont l'accusé de réception date du 4 septembre 2017.
Par déclaration RPVA en date du 3 octobre 2017, Madame [X] [S] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
L'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE a bénéficié d'un plan de redressement selon jugement du 16 novembre 2017.
Madame [X] [S] s'en est remise à des conclusions transmises par RPVA le 2 janvier 218 et entend voir :
Vu les articles L.1233-3 et L.1235-5 du code du travail,
Vu la jurisprudence,
Vu les présentes conclusions,
Vu les pièces versées aux débats,
- CONSTATER l'absence de motif économique du licenciement de Madame [S] intervenu le 23 septembre 2015 ;
En conséquence,
- INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes du 04 septembre 2017
- REQUALIFIER le licenciement dont a fait l'objet Madame [S] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- CONDAMNER l'Association Alliance Française à payer à Madame [S] la somme de 9488,17 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- CONDAMNER l'Association Alliance Française à payer à Madame [S] la somme de 1.897,64 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés outre 189,76 € au titre des congés payés afférents ;
- CONDAMNER l'Association Alliance Française à payer à Madame [S] 1.500 euros au titre du remboursement de la différence entre les sommes perçues par le CSP et celles de l'ARE ;
- CONDAMNER l'Association Alliance Française à payer à Madame [S] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- son licenciement pour motif économique n'est pas fondé en ce que :
Sur le motif économique,
- la décision de la licencier était déjà prise lors de l'entretien préalable ainsi que cela ressort du compte-rendu produit
- concernant les motifs financiers, aucun chiffre n'est avancé. Il n'est pas explicité l'absence d'adéquation entre le prix de vente et le prix de revient.
- les difficultés économiques alléguées s'expliquent par le changement de politique stratégique et commerciale de la nouvelle direction, qui n'a pas prospecté de nouveaux clients. La situation de l'association n'était pas catastrophique et les difficultés n'étaient que passagères, comme en atteste Madame [P], épouse [L]. Les difficultés économiques ont été créées par l'association elle-même. Des adhérents de l'association attestent en ce sens
- les difficultés organisationnelles alléguées liées à la gestion des nombreux temps partiels ne constituent pas un motif économique de licenciement. Il était au demeurant possible de modifier la répartition du temps de travail pour améliorer la productivité
- les pertes de marchés ne sont pas à elles seules de nature à justifier un licenciement économique.
- le motif pédagogique ne peut fonder un licenciement économique
- en réalité, le motif du licenciement est le souhait de la direction de se séparer des contrats à temps partiel pour faciliter la gestion ; ce qui n'est pas un motif économique
- il n'y pas eu de suppression d'emplois puisque il a été ensuite recouru sur les mêmes postes à des auto-entrepreneurs, dont certains sont d'anciens salariés licenciés économiques.
Sur le reclassement,
- la lettre de licenciement ne mentionne aucune démarche de reclassement alors que l'association fait partir d'un groupe de 900 alliances françaises
L'association ALLIANCE FRANCAISE, Me [O] ès-qualités de mandataire judiciaire et Me [M] [N], administrateur judiciaire s'en sont remis à des conclusions transmises par RPVA le 29 mars 2018 et entendent voir :
- CONFIRMER la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'elle a :
- DIT ET JUGE que le licenciement de Madame [X] [S] est fondé sur un motif économique réel et sérieux;
- DEBOUTE Madame [S] de l'ensemble de ses demandes ;
- LAISSE les éventuels dépens à la charge de Madame [S].
Statuant a nouveau,
- CONSTATER l'existence d'une cause économique,
- CONSTATER l'existence d'une conséquence effective sur l'emploi,
- CONSTATER que l'association ALLIANCE FRANCAISE a satisfait à son obligation de reclassement ;
En conséquence,
- DEBOUTER Madame [S] de l'intégralité de ses prétentions ;
- DEBOUTER Madame [S] de sa demande de remboursement d'une prétendue différence entre les sommes perçues au titre du contrat de sécurisation professionnelle et au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi ;
- CONDAMNER reconventionnellement Madame [S] à verser à l'association ALLIANCE FRANCAISE de GRENOBLE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que :
- le licenciement pour motif économique est fondé en ce que :
Sur le motif économique,
- il y a des motifs financiers (pertes financières sur 3 exercices consécutifs, importance des charges de personnel avec un temps de préparation de cours important, non adéquation prix de revient/prix de vente, investissements insuffisants)
- elle doit se réorganiser pour aboutir à l'équilibre financier ; ce qui n'était pas le cas puisque les pertes réduisaient les réserves au point de risquer le dépôt de bilan
- le chiffre d'affaires de 2012 à 2015 a diminué alors que les charges n'ont pas baissé dans les mêmes proportions, d'où les pertes enregistrées
- les documents comptables sont les seuls éléments pertinents permettant de traduire la situation économique de l'association. Les attestations produites par la partie adverse ne sont pas probantes, l'ancienne directrice ayant notamment été licenciée pour insuffisance professionnelle
- l'association a été placée en procédure de sauvegarde puis en redressement judiciaire
- l'objectif du plan de restructuration était de passer de 14 enseignants à temps partiel à 6 enseignants à temps plein. Le poste de l'intéressée a été supprimé. La suppression de poste est effective y compris si les fonctions sont externalisées par exemple par le recours à des auto-entrepreneurs ou réparties entre plusieurs salariés
- l'offre d'emploi évoquée par la partie adverse concerne un poste en 2017
Sur le reclassement,
- le reclassement n'avait pas à être recherché dans l'ensemble des alliances françaises qui ne forment pas un groupe, le statut d'association étant incompatible avec la notion de groupe et il n'y avait pas de permutabilité du personnel
L'UNEDIC, délégation CGEA AGS D'ANNECY s'en est rapportée à des conclusions transmises au greffe le 29 mars 2018 et souhaite voir :
- Constater qu'après avoir été placée sous le régime du redressement judiciaire selon jugement en date du 23 juin 2016, l'Association L'ALLIANCE FRANÇAISE DE GRENOBLE a bénéficié d'un plan de redressement le 16 novembre 2017, la SELARL AJ UP étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
- Constater que c'est par des motifs pertinents que le conseil de prud'hommes de GRENOBLE a débouté les salariés de l'intégralité de leurs demandeurs.
- Confirmer, par conséquent, les jugements entrepris dans toutes leurs dispositions.
- Constater, au surplus, que l'Association L'ALLIANCE FRANÇAISE DE GRENOBLE est désormais in bonis et, dés lors, réputée pouvoir faire face à une éventuelle condamnation, de telle sorte que l'intervention de l'AGS devient éminemment subsidiaire.
Pour le cas où des condamnations seraient prononcées, rappeler que l'Association L'ALLIANCE FRANÇAISE DE GRENOBLE étant désormais in bonis, il lui appartient d'assurer directement le paiement desdites condamnations, l'intervention de l'AGS étant en ce cas totalement subsidiaire.
En tout état de cause,
- Dire et juger qu'il ne pourra être prononcé de condamnations à l'encontre de l'AGS mais que la décision à intervenir lui sera seulement déclarée opposable (Cass. Soc. 26 janvier 2000 n° 494 P / Cass. Soc. 18 mars 2008 n° 554 FD).
- Dire et juger qu'une créance éventuelle sur le fondement de l'article 700 du CPC ne constitue pas une créance découlant du contrat de travail et, partant, se situe hors le champ de garantie de l'AGS ce conformément aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail.
- Dire et juger que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées par les articles L.3253-6 à L.3253-13 du Code du Travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 à L.3253-21 du code du travail.
- Dire et juger que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D.3253-5 du code du travail, en l'espèce le plafond 06 et que l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement (Art. L. 3253-20 du code du travail), les intérêts légaux étant arrêtés au jour du jugement déclaratif (Art. L.621-48 du code de commerce).
- Décharger l'AGS de tous dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, de se reporter à leurs écritures sus-visées.
La clôture a été prononcée le 14 novembre 2019.
EXPOSE DES MOTIFS :
sur le licenciement :
L'article L1233-3 du code du travail tel que modifié par la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 énonce que :
Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au premier alinéa.
Il appartient au juge, tenu de contrôler le caractère sérieux du motif économique du licenciement, de vérifier l'adéquation entre la situation économique de l'entreprise et les mesures affectant l'emploi ou le contrat de travail envisagées par l'employeur.
En l'espèce, sans même qu'il soit nécessaire de vérifier la réalité des difficultés économiques ainsi que de la réorganisation de l'entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité invoquées de manière cumulative par l'association ALLIANCE FRANCAISE, Madame [X] [S] objecte à juste titre que preuve suffisante n'est pas rapportée de l'élément matériel du licenciement à savoir la suppression effective de son poste mentionné dans la lettre de licenciement en lien avec le motif économique avancé par l'employeur.
En effet, il résulte des pièces produites mais également des propres écritures de l'association ALLIANCE FRANCAISE que Madame [S] s'est vu proposer dans un premier temps le 1er août 2015 une modification de son contrat de travail afin de devenir une formatrice à temps plein, qu'elle n'a pas acceptée et que dans ces conditions, il a été mis en oeuvre la procédure de licenciement économique à son égard, de sorte qu'il y a bien un seul projet de réorganisation économique et non deux projets distincts s'étant succédés.
Or, d'après la lettre de licenciement, Madame [S] n'a pas été licenciée pour motif économique consécutivement à une modification de son contrat de travail qu'elle n'a pas acceptée mais à raison d'une suppression alléguée de son emploi.
Si les conditions de l'emploi proposées dans l'avenant sont certes différentes du contrat de travail initial, avec en particulier un rattachement à la convention collective des organismes de formation, l'emploi n'est absolument pas supprimé - les fonctions d'enseignant et de formateur étant assimilables - puisqu'il est justement proposé le passage à temps plein de Madame [S].
La suppression d'emploi est d'autant moins certaine et effective dans la mesure où Madame [S] établit que dans les mois qui ont suivi son licenciement, alors même que le projet de réorganisation économique de l'entreprise précisément détaillé dans la lettre de licenciement n'évoque aucune externalisation par le recours à la sous-traitance mais stigmatise uniquement la démultiplication des contrats à temps partiel générant une gestion complexe des ressources humaines, des enseignants licenciés se sont vu proposer d'accomplir des heures de cours sous le statut d'auto-entrepreneur (attestations de Madame [D] effectuant des heures d'enseignement comme auto-entrepreneur et de Madame [Z] évoquant une proposition pour faire des heures de cours, supposant après renseignements auprès d'ex-collègues qu'il s'agissait d'auto-entreprenariat).
Ce recours non annoncé dans le projet de réorganisation économique de recours à la sous-traitance dans les suites immédiates du licenciement économique ressort des bilans et comptes de résultats de l'association produit aux débats puisque celle-ci inexistante en 2014 s'est élevée à 2800 euros au 31 décembre 2015 pour atteindre le montant substantiel de 27760 euros au 31 décembre 2016 à mettre en rapport avec les salaires et traitements cette année là de 185787 euros.
Le rapport en date du 16 mai 2017 de Me [M] [N], administrateur judiciaire de l'association, fait d'ailleurs état de charges liées à la sous-traitance à hauteur de 16% du chiffre d'affaires sur la période du 23 mai au 31 décembre 2016 ; étant relevé que ceci a manifestement aggravé les difficultés économiques plutôt que cela ne les a réglées puisqu'une nouvelle stratégie a manifestement été mise en oeuvre dans le cadre de la période d'observation s'étant ouverte avec le redressement judiciaire de l'association puisqu'il est envisagé pour l'année 2017 la suppression du recours à des prestataires extérieurs.
Si la suppression de postes peut effectivement résulter d'un recours à la sous-traitance ainsi que l'indique dans ses écritures l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE, encore faut-il que la lettre de licenciement ne fasse pas état d'un autre élément matériel du motif économique et que ladite sous-traitance soit au demeurant réelle, l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE ne justifiant absolument pas des conditions dans lesquelles elle a eu recours à des salariés venant d'être licenciés, ensuite inscrits en qualité d'auto-entrepreneurs.
Or, tant les éléments parcellaires relatifs au projet de réorganisation économique, pour ceux qui ont été versés aux débats, étant rappelé qu'en vertu de l'article L 1235-9 du code du travail, l'employeur est supposé communiquer au juge tous les éléments fournis aux représentants du personnel en application du chapitre III (délégué du personnel élu depuis le 10 juillet 2013 d'après le rapport de Me [N]), que la lettre de licenciement ne font état que de la transformation de CDI à temps partiel en CDI à temps complet.
Dans ses écritures, l'association ALLIANCE FRANCAISE indique elle-même que « l'objectif était de passer de 14 enseignants formateurs à temps partiel à 6 enseignants formateurs à temps plein afin de limiter les coût d'une part et de faciliter l'organisation des plannings d'autre part. » (page 12 ultime paragraphe des conclusions).
Il n'est aucunement évoqué l'externalisation au moins partielle de l'activité d'enseignement, par le recours de surcroît à des salariés licenciés économiquement, travaillant de nouveau avec l'association mais sous le statut d'auto-entrepreneur.
L'association ALLIANCE FRANCAISE ne verse au demeurant pas les éléments utiles permettant de connaître quels emplois d'enseignants auraient été supprimés et quels emplois auraient été conservés par l'effet de la transformation des contrats à temps partiel en contrats à temps plein, à l'issue des licenciements économiques.
Faute pour l'employeur de justifier de manière suffisante des conséquences effectives et réelles sur l'emploi de la salariée des difficultés économiques alléguées, le licenciement de Madame [X] [S] est déclaré sans cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant infirmé.
Sur les prétentions afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au jour de son licenciement injustifié, Madame [S] avait 8 ans et 2 mois d'ancienneté et percevait une rémunération mensuelle de 891,64 euros bruts, étant relevé que l'intéressée ne justifie pas de son calcul d'un salaire de référence à 948,82 euros, qui ne ressort pas des bulletins de salaire produits.
Elle justifie avoir perçu une allocation dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle du 8 octobre 2015 au 30 septembre 2016 à hauteur de 701 euros par mois et elle est effectivement susceptible de devoir rembourser à POLE EMPLOI le différentiel entre le montant de cette allocation et l'ARE, dès lors que le licenciement pour motif économique est jugé sans cause réelle. Ce préjudice doit effectivement être pris en compte dans l'indemnisation du licenciement injustifié mais ne saurait donner lieu à une indemnisation distincte en sus comme sollicité, puisque cela reviendrait en définitive à accorder une double indemnisation à raison de la perte de l'emploi et ce d'autant que Madame [S] est également fondée à solliciter une indemnité compensatrice de préavis, peu important qu'elle ne l'ait pas effectué du fait de son adhésion à la CSP.
Dans ces conditions, il lui est accordé la somme de 8916,40 euros nets de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le surplus de la demande indemnitaire est rejeté.
Peu important qu'elle ait adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, dès lors que le licenciement pour motif économique est jugé sans cause réelle et sérieuse, Madame [S] peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, même si elle ne l'a pas exécuté.
Il lui est accordé à ce titre la somme de 1783,28 euros bruts, outre 178,33 euros au titre des congés payés afférents.
Dès lors qu'il s'agit de créances résultant d'un licenciement intervenu avant le redressement judiciaire dont l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE a fait l'objet et peu important l'adoption d'un plan de redressement, l'UNEDIC DELEGATION CGEA AGS D'ANNECY doit sa garantie au visa de l'article L 3253-8 du code du travail, ladite somme devant être fixée au passif de la procédure collective sans pouvoir donner lieu à condamnation comme sollicitée, au visa des articles L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce.
Madame [S] est, par ailleurs, déboutée de sa demande distincte d'un préjudice d'ores et déjà indemnisée au titre du remboursement par son ancien employeur du différentiel entre l'allocation versée dans le cadre du contrat sécurisation professionnelle et l'aide au retour à l'emploi.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande de condamner l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE à payer à Madame [X] [S] une indemnité de procédure de 1200 euros, le surplus des prétentions des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile étant rejeté.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement entrepris
statuant à nouveau et y ajoutant,
DECLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Madame [X] [S], notifié le 25 septembre 2015, par l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE
FIXE au passif de la procédure collective suivie contre l'ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE au bénéfice de Madame [X] [S] :
- la somme de huit mille neuf cent seize euros et quarante centimes nets (8916,40 euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la somme de mille sept cent quatre vingt trois euros et vingt huit centimes (1783,28 euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- la somme de cent soixante dix huit euros et trente trois centimes (178,33 euros) bruts au titre des congés payés afférents
DIT que l'UNEDIC DELEGATION CGEA AGS D'ANNECY doit sa garantie dans les conditions des articles L 3253-6 et suivants et D 3253-1 et suivants du code du travail
DEBOUTE Madame [X] [S] du surplus de ses prétentions financières
CONDAMNE l'ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE à payer à Madame [X] [S] une indemnité de procédure de 1200 euros
REJETTE les prétentions des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE l'association ALLIANCE FRANCAISE DE GRENOBLE aux dépens de première instance et d'appel
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Madame Blandine FRESSARD, Présidente et par Madame Carole COLAS, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLA PRESIDENTE