N° RG 18/00653 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JMWJ
DJ
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
la SCP CONSOM'ACTES
la SELARL L. LIGAS-RAYMOND -
JB PETIT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 30 JUIN 2020
Appel d'un Jugement (N° R.G. 16/01004)
rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE
en date du 15 janvier 2018
suivant déclaration d'appel du 07 Février 2018
APPELANTS :
Madame [E] [B]
née le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Monsieur [L] [D]-[Y]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7] (38)
[Adresse 5]
[Localité 7]
Tous deux représentés par Me Régine PAYET de la SCP CONSOM'ACTES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
LA SA LYONNAISE DE BANQUE Société Anonyme - immatriculée au RCS de LYON n° 954 507 976- prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Bruno PETIT de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE, substitué par Me Anna EYANGO, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène COMBES, Président de chambre,
Mme Dominique JACOB, Conseiller,
Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,
Assistées lors des débats de Mme Abla AMARI, Greffier
DEBATS :
A l'audience publique du 25 Mai 2020, Madame [F] a été entendue en son rapport.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique du 14 mai 2007, [L] [D]-[Y] et [E] [B] ont acquis en indivision un appartement en l'état futur d'achèvement au prix de 204.869 euros.
Pour financer le bien, la Lyonnaise de Banque leur a consenti, par acte authentique du même jour :
- un prêt 'CIC Immo Prêt Modulable' d'un montant de 140.739 euros, au taux effectif global de 4,484 %, d'une durée de 383 mois avec une période de franchise et une période d'amortissement,
- un prêt à taux 0 % de 21.500 euros d'une durée de 72 mois.
En janvier 2014, les emprunteurs ont sollicité de la banque des explications sur le fait qu'ils ne payaient que des intérêts sur le prêt principal et que le capital n'avait pas commencé à être amorti.
Le 25 juillet 2015, ils ont informé la banque de leur volonté de procéder au remboursement anticipé total au 10 août 2015 pour un montant de 143.314,54 euros, ce qu'ils ont fait.
Par acte du 23 février 2016, ils ont assigné la Lyonnaise de Banque devant le tribunal de grande instance de Grenoble pour qu'il soit statué sur leurs contestations du calcul du taux effectif global.
Par jugement du 15 janvier 2018, le tribunal a :
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
- débouté [L] [D]-[Y] et [E] [B] de leurs demandes,
- condamné [L] [D]-[Y] et [E] [B] à payer à la CIC Lyonnaise de Banque la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
[L] [D]-[Y] et [E] [B] ont relevé appel le 7 février 2018.
Dans leurs dernières conclusions du 3 août 2018, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement et de :
- dire nulle la stipulation conventionnelle d'intérêts et applicable le seul intérêt légal,
- subsidiairement, prononcer la déchéance des intérêts,
- constater le dol de la banque,
- en toute hypothèse, condamner la Lyonnaise de Banque à leur rembourser, au titre de l'indu, la somme de 45.797,36 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre capitalisation,
- condamner la banque à leur verser la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Ils font valoir que :
- le prêt immobilier est soumis aux dispositions du code de la consommation (article L 313-1 et suivants, ancienne numérotation),
- le taux effectif global est erroné en ce qu'il n'intègre pas les frais de courtage (600 euros), le coût de l'assurance santé obligatoire (15.019,24 euros), les intérêts intercalaires relatifs à la période de franchise et le coût de l'assurance incendie imposée par le prêteur comme condition d'octroi du prêt,
- la sanction est la nullité de la stipulation d'intérêts et l'application du taux d'intérêt légal,
- ils n'ont eu connaissance du caractère erroné du taux effectif global qu'au vu du rapport de l'expert auquel ils ont fait appel en janvier 2016, de sorte que leur action introduite le 23 février 2016 est recevable.
Dans ses dernières conclusions du 1er juin 2018, la Lyonnaise de Banque demande à la cour de :
- dire l'action prescrite,
- subsidiairement, confirmer le jugement,
- débouter [L] [D]-[Y] et [E] [B] de toutes leurs demandes,
- les condamner à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Elle fait valoir que :
- [L] [D]-[Y] et [E] [B] ont avoué judiciairement et de manière non équivoque que l'erreur alléguée était décelable à la simple lecture de l'offre de prêt du 26 mars 2007,
- [L] [D]-[Y], gérant de trois sociétés, n'est pas novice et disposait des connaissances pour déceler l'erreur potentielle,
- les emprunteurs auraient dû engager leur action dans les cinq ans de la souscription du prêt, soit au plus tard le 26 mars 2012,
- l'action introduite le 23 février 2016 est prescrite,
- subsidiairement, l'action repose sur une analyse des 'Expertiseurs du crédit' et un rapport d'expertise qui ne sont pas contradictoires,
- [L] [D]-[Y] et [E] [B] ne rapportent pas la preuve d'une erreur affectant le taux effectif global stipulé dans l'offre de prêt de plus d'une décimale, ni d'un préjudice,
- en application de l'article L 312-33 ancien du code de la consommation, la sanction n'est pas la nullité de la stipulation d'intérêts mais la déchéance totale ou partielle des intérêts contractuels.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 novembre 2019.
À l'audience du 6 janvier 2020, l'affaire a été renvoyée à la demande des parties, pour cause de grève des avocats, à l'audience du 25 mai 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
L'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel trouve sa source dans les articles 1907 du code civil et L313-2 du code de la consommation.
Elle sanctionne la mention d'un taux effectif global erroné dans l'acte de prêt et a pour effet de substituer l'intérêt au taux légal à l'intérêt conventionnel.
Elle se prescrit par cinq ans, dans les conditions de l'article 1304 du code civil, à compter de la révélation de l'erreur.
En l'espèce, les consorts [B] [D]-[Y] soutiennent que n'ont pas été pris en compte dans le calcul du taux effectif global :
- la commission de courtage,
- l'assurance santé obligatoire,
- les intérêts relatifs à la période de franchise,
- l'assurance incendie,
et qu'ils n'ont pu déceler ces omissions qu'au vu des conclusions de l'expert auquel ils ont fait appel, n'étant pas des emprunteurs avertis.
La Lyonnaise de Banque réplique que les emprunteurs reconnaissent, dans leurs propres écritures, que 'le texte de l'offre préalable permet de constater que la banque n'a intégré dans le taux effectif global, au-delà des intérêts eux-mêmes, que des frais de garantie'.
Il ressort en effet de l'offre de prêt et de l'acte authentique de prêt que le coût du crédit pris en compte pour le calcul du taux effectif global est ainsi ventilé :
- intérêts du prêt : 135.834,78 euros
- frais de dossier :... 0 euro
- coût de la convention et des garanties : 2.579 euros
soit coût total (assurance DIT) : .. 138.413,78 euros
taux effectif global par an 4,484 %.
Les consorts [B] [D]-[Y] soutiennent qu'ils n'ont été informés de l'omission du montant de l'assurance santé qu'en janvier 2016, avec le rapport des 'Expertiseurs du crédit'.
Or il ressort de leurs propres pièces qu'ils connaissaient le coût de cette assurance bien avant le rapport susvisé, puisqu'ils produisent la situation de leur contrat d'assurance au 9 mai 2007 récapitulant le montant des primes trimestrielles du 9 mai 2007 au 9 mai 2036.
Ils étaient donc en mesure, dès le mois de mai 2007, de constater l'omission alléguée, sans avoir besoin de recourir à un technicien de l'expertise, de sorte que l'action introduite le 23 février 2016, soit plus de cinq ans plus tard, est prescrite.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la banque.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement,
- Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et condamné les consorts [B] [D]-[Y] à verser des frais irrépétibles à la Lyonnaise de Banque,
statuant à nouveau,
- Déclare l'action introduite par les consorts [B] [D]-[Y] prescrite,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne les consorts [B] [D]-[Y] aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame PELLEGRINO, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT