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N° RG 18/01426
N° Portalis DBVM-V-B7C-JOYG
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Valérie PALLANCA
Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 15 OCTOBRE 2020
Appel d'une décision (N° RG F 16/00183)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN JALLIEU
en date du 19 février 2018
suivant déclaration d'appel du 23 mars 2018
APPELANTE :
SCEA DU MAS DE [Localité 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,
Le [Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Valérie PALLANCA, avocat au barreau de VIENNE,
INTIME :
M. [B] [M]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Wilfried SAMBA-SAMBELIGUE, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
M. Antoine MOLINAR-MIN, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience tenue en publicité restreinte (en raison de l'état d'urgence sanitaire) du 17 juin 2020, Monsieur BLANC, Conseiller est chargé du rapport.
Les parties ont été entendues en leurs observations.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [B] [M] a été embauché en qualité de palefrenier ' agent d'entretien par la SCEA DU MAS DE [Localité 1] pour la période du 13 octobre 2014 au 13 octobre 2015, suivant contrat de travail écrit à durée déterminée soumis à la convention collective des centres équestres.
Monsieur [M] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 6 juillet 2015, prolongé par la suite de façon continue jusqu'à l'échéance de son contrat de travail.
Le 28 juillet 2016, Monsieur [B] [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de BOURGOIN-JALLIEU d'une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires effectuées au cours de la période d'emploi d'octobre 2014 à octobre 2015, et de demandes indemnitaires pour harcèlement moral et travail dissimulé.
Par jugement en date du 19 février 2018, dont appel, le Conseil de prud'hommes de Bourgoin-Jallieu ' section agriculture ' a :
' DIT que [B] [M] n'avait pas subi de harcèlement moral et de préjudice moral de la part de la SCEA HARAS DU MAS DE [Localité 1] ;
' DIT que la SCEA HARAS DU MAS DE [Localité 1] n'a pas commis le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ;
' CONDAMNÉ la SCE HARAS DU MAS DE [Localité 1], prise en la personne de son représentant légal à payer à [B] [M] les sommes suivantes :
- 1 729,80 € au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées et non payées,
- 172,98 € au titre des congés payés afférents,
le tout assorti des intérêts légaux à compter du 30 juillet 2016,
- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' DÉBOUTÉ [B] [M] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;
' DÉBOUTÉ la SCE HARAS DU MAS DE [Localité 1] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' DIT que chacune des parties conserverait la charge de ses propres dépens.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 28 février 2018. La SCEA DU MAS DE [Localité 1] en a interjeté appel par déclaration de son conseil transmise par voie électronique au greffe de la présente juridiction le 23 mars 2018.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCEA DU MAS DE [Localité 1] demande à la cour de :
' Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré que Monsieur [M] avait effectué des heures supplémentaires et l'a condamnée à les lui régler outre intérêts au taux légal ;
' Dire et Juger que Monsieur [M] ne justifie pas avoir effectué des heures supplémentaires ;
' Débouter Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes ;
' Confirmer le jugement sur le surplus ;
' Condamner Monsieur [M] à la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamner le même aux entiers dépens de l'instance.
Elle fait valoir que :
- les prétentions au titre des heures supplémentaires ne sont pas fondées en ce que :
- les plannings qu'elle produit mettent en évidence que le salarié faisait bien 35 heures par semaine. Des salariés des haras en attestent et Madame [P] ayant confirmé le respect des horaires de travail par les gérants lors de l'enquête de gendarmerie. Les tableaux produits par le salarié ont été faits pour les besoins de la cause et sont insuffisamment précis pour lui permettre d'y répondre. Monsieur [M] ne travaillait pas lors des soirées à thème. Les salariés évoqués par l'inspecteur du travail dans un courrier sont en litige avec elle. Les heures travaillées les weekends résultent de l'application de la convention collective. Les attestations qu'elle produit n'ont pas été faites sous la contrainte. Les attestations de Madame [H] de la partie adverse n'ont pas été rédigées par la même personne. L'attestation de Monsieur [G], inspecteur du travail, comporte des faits erronés et il n'a pas respecté son devoir de réserve et d'impartialité.
- Monsieur [M] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral en ce que :
- la DIRRECTE n'a pas donné suite à son signalement et la plainte pour harcèlement moral déposée à la gendarmerie a été classée sans suite (infraction insuffisamment caractérisée) ;
- la MSA a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnel d'un accident déclaré le 19 octobre 2015 pour des faits de harcèlement moral ;
-les salariés entendus lors de l'enquête de gendarmerie confirment qu'il n'y a pas eues de brimades ou insultes ;
-les avertissements des 8 et 9 juillet 2015 sont parfaitement justifiés et visaient des faits distincts (abandon de poste d'une part, dégradation et enlèvement de matériel, baignade dans le bac à chevaux d'autre part) ;
-l'état d'ébriété des gérants n'est pas établi et ne peut résulter d'attestations de personnes en litige avec les haras ;
-les éléments dont attestent l'inspecteur du travail, qui n'a pas respecté son devoir de réserve et d'impartialité, sont inexacts.
Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 16 juin 2020, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [B] [M] demande à la cour de :
' DECLARER la SCEA HARA DU MAS DE [Localité 1] recevable mais mal fondée en son appel ;
' DECLARER Monsieur [M] recevable et bien fondé en son appel incident ;
' REFORMER le jugement du 19 février 2018 en ce qu'il a d'une part limité le montant des sommes sollicitées à titre de rappel de salaire, et l'a d'autre part débouté de toutes ses autres demandes, fins et conclusions ;
Statuant de nouveau de ces chefs,
' CONDAMNER la SCEA LE MAS DE [Localité 1] à lui payer les sommes suivantes :
- Rappel de salaires d'Octobre 2014 à Octobre 2015 6 590,40 €,
- Congés payés afférents 659,04 €,
- Dommages et intérêts pour préjudice moral et harcèlement 20 000 €,
- Dommages et Intérêts pour travail dissimulé 8 745,30 € ;
' ASSORTIR ces condamnations des intérêts légaux de droit à compter de la saisine du Conseil pour les sommes à caractère salarial et à compter de la notification de la décision à intervenir pour les autres ;
' CONDAMNER encore la SCEA HARAS DU MAS à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il fait valoir que :
- il a subi des faits de harcèlement moral en ce que :
- il s'est plaint de fait de harcèlement moral auprès de la gendarmerie et de l'inspection du travail. Trois salariées qui ont attesté pour l'employeur l'ont fait sous la pression et selon un courrier pré-rédigé ;
- même les salariés qui attestent des bonnes conditions de travail dans l'entreprise finissent par la quitter en adressant une démission ou en signant une rupture conventionnelle ;
- l'inspection du travail n'a pas arrêté ses investigations mais les a suspendues du fait de l'arrêt de travail de Monsieur [G] ;
- l'employeur lui a adressé des avertissements injustifiés les 8 et 9 juillet 2015 ;
- l'état d'ébriété fréquent des gérants et leur comportement agressif vis-à-vis des salariés sont attestés par des clients ;
- il a été placé en arrêt maladie le 6 juillet 2015 pour souffrance au travail ;
- l'employeur se justifie uniquement avec les attestations des salariés [N] et [I] en occultant le fait que les autres sont revenus sur leurs déclarations. Les autres témoins pour lesquels l'employeur produit des attestations ne sont pas connus de lui ;
- ses prétentions au titre des heures supplémentaires effectuées mais non payées et du travail dissimulé sont justifiées en ce que :
- il effectuait de l'ordre de 40 heures ainsi que cela ressort des plannings. Lors des soirées organisées par l'employeur, les salariés devaient être présents ;
- les éléments produits par l'employeur sont contradictoires et non probants (attestation de Madame [N]) ;
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.
La clôture a été prononcée le 17 juin 2020 avant les débats.
EXPOSE DES MOTIFS :
Sur les heures supplémentaires :
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Ces dispositions doivent être interprétées de manière conforme à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil et à la directive 89/391 CE tel que interprétées par la CJCE dans un arrêt du 14 mai 2019 (CJCE 14 mai 2019 C 55-18) qui a indiqué que « les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lus à la lumière de l'article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que de l'article 4, paragraphe 1, de l'article 11, paragraphe 3, et de l'article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en 'uvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un État membre qui, selon l'interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n'impose pas aux employeurs l'obligation d'établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur. »
En conséquence, Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.
En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur [M] fait état d'un volume hebdomadaire de travail de 35 heures selon l'horaire collectif de travail en vigueur dans l'entreprise.
Monsieur [M] soutient qu'il effectuait en réalité 40 heures de travail par semaine en moyenne, outre des heures de garde le dimanche et le fait qu'il devait impérativement participer aux soirées à thème organisées par son employeur certains soirs.
Il produit des éléments suffisamment précis avec notamment un planning applicable à compter du 13 avril 2015 sur lequel il figure avec d'autres employés faisant état d'horaire de travail précis du lundi au vendredi avec un total de 40 heures auxquelles s'ajoutent deux heures de garde le weekend non comptabilisées.
Il est également produit un courrier du 8 avril 2016 de l'inspecteur du travail, Monsieur [G], qui a constaté lors d'un contrôle la présence sur les lieux d'un autre salarié, Monsieur [F] alors qu'il ne figurait pas sur le planning et qui indique qu'il a recueilli différents éléments confirmant l'affirmation de Monsieur [M] selon laquelle il effectuait régulièrement des heures supplémentaires non rémunérées.
La SCEA DU MAS DE [Localité 1] ne justifie pas de manière suffisante des horaires collectifs de travail pratiqués dans l'entreprise.
Elle produit en effet diverses attestations de clients ou d'anciens salariés indiquant en substance que les horaires de travail des salariés sont respectés et qu'ils n'effectuent pas d'heures supplémentaires non rémunérées.
Toutefois, la présente juridiction n'accorde aucune valeur probante à l'ensemble des attestations produites par l'employeur eu égard au fait que trois témoins, Madame [A] [V], Madame [C] [H] et Madame [U] [O] se sont rétractées les 11 et 15 septembre 2017 de leurs déclarations faites dans des attestations produites par l'employeur, toutes en date du 15 mars 2017, en indiquant que celles-ci avaient été établies selon un modèle préparé par Madame [W] et sous la pression, étant relevé que des modèles manuscrits d'attestation sont effectivement produits aux débats.
Une attestation de Madame [Z] [D] du 23 novembre 2017 produite par la SCEA DU MAS DE [Localité 1] confirme d'ailleurs l'existence dudit modèle établi par l'employeur.
Les déclarations de ce témoin dans les termes ci-dessous retranscrits sont pour autant considérées comme pour le moins invraisemblables et surtout mettent en lumière des conditions de témoignage parfaitement non conformes à l'article 202 du code de procédure civile qui exige que l'attestation contienne la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés ; ce qui est exclusif de tout modèle pré-rédigé par un tiers :
« j'atteste les faits suivants : je viens régulièrement aux haras avec mes enfants et mon mari et j'ai été présente quand les employés du haras ont demandé à Madame [W] de faire un modèle pour faire les attestations. Madame [W] ne les a jamais obligé(es) de faire les attestations. Elles les ont fait(es) de leurs plein gré car elles étaient catastrophé(e)s des agissements de Madame [S] et de Monsieur [M] et de Monsieur [G] (inspecteur du travail) Elle(se) (s)e sont proposé(e)s d'elle(s)-même de faire ces attestations pour venir en soutien à Monsieur et Madame [W]. Je suis choquée de voir autant de méchanceté et je pense que le seul but e(s)t de leur soutirer de l'argent et de leur faire une mauvaise réputation ».
L'employeur produit ensuite en pièce n°14 des plannings d'horaires du personnel à partir du 11 mai 2015 et du 2 mars 2015 faisant état d'un volume horaire hebdomadaire pour les salariés, dont Monsieur [M], de 35 heures, tout en prétendant dans ses écritures que le planning versé aux débats par Monsieur [M] a été téléchargé sur internet et établi pour les besoins de la cause.
Or, force est de constater que le planning produit par Monsieur [M] a exactement la même présentation, le même style et la même police que ceux versés aux débats par l'employeur et surtout, qu'il concerne des horaires collectifs de travail à partir du 13 avril 2015 pour lesquels la SCEA DU MAS DE [Localité 1] ne fournit aucun élément et notamment pas un planning différent d'horaire collectif qu'elle aurait diffusé dans l'entreprise.
Surtout, la SCEA DU MAS DE [Localité 1], qui se prévaut de la convention collective nationale du personnel des centres équestres et plus précisément de l'article 6 de l'accord du 26 novembre 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail ne verse pas aux débats des plannings conformes à l'article 2 de cet accord (planning signé du chef d'établissement ou registre tenu par l'employeur contresigné par le salarié).
Il s'ensuit que Monsieur [M] alléguant avoir effectué sur toute la période de travail en moyenne 40 heures de travail par semaine, hors dimanche et soirées à thème, selon des horaires de travail hebdomadaires similaires à ceux du planning qu'il produit et l'employeur ne justifiant absolument pas de manière suffisante des horaires de travail, supposés collectifs, effectivement réalisés par Monsieur [M], preuve suffisante de la réalisation d'heures supplémentaires non payées est rapportée.
Monsieur [M] indique par ailleurs de manière précise les dimanches, les deux jours fériés et la soirée spectacle lors desquels il dit avoir travaillé avec le nombre d'heures effectuées, sauf pour la soirée à thème, l'employeur opposant de manière inopérante l'article 6 de l'accord précité du 26 novembre 2001 qui autorise certes le travail le dimanche avec un minimum de dimanches de repos garantis et l'article 7 prévoyant la possibilité pour le personnel de travailler les jours fériés mais lesdites stipulations n'exonérant aucunement l'employeur de payer les heures effectuées en travail effectif, le cas échéant en heures supplémentaires.
De surcroît, toutes les dates données par le salarié sont antérieures à son arrêt de travail à compter du 6 juillet 2015.
Le fait que les soirées à thème organisées par l'employeur aient pu se dérouler dans une ambiance festive ainsi que cela ressort des publications sur le réseau social facebook ne permet aucunement d'écarter le fait que la présence des salariés ait été obligatoire au titre de leur contrat de travail, la SCEA DU MAS DE [Localité 1] ne produisant aucun élément contraire pertinent, telle une invitation adressée à chaque salarié, permettant de considérer que Monsieur [M] s'est rendu à la soirée pour laquelle il revendique le paiement d'heures sur son temps libre et de manière étrangère à l'exécution de son contrat de travail.
Il n'est pour autant retenu aucune heure supplémentaire au titre de la soirée spectacle du 6 juin 2015 dès lors que le salarié n'indique pas le nombre d'heures alléguées comme travaillées.
Infirmant le jugement entrepris et tenant compte de ces éléments, il convient dès lors de condamner la SCEA DU MAS DE [Localité 1] à payer à Monsieur [B] [M] la somme de 3 297,6 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires, outre 329,76 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur le travail dissimulé :
Au visa de l'article L 8223-1 du code du travail, l'intention par l'employeur de dissimuler le nombre d'heures réellement effectuées par le salarié et de ne pas faire figurer sur les bulletins de salaire les heures supplémentaires réalisées mais non payées se déduit du fait que Monsieur [M] produit un planning à compter du 13 avril 2015 dont la Cour considère que preuve suffisante est rapportée qu'il émane de l'employeur mentionnant un nombre d'heures hebdomadaires à effectuer pour le salarié de 40 heures, outre 2 heures de garde alors qu'aucune heure supplémentaire n'est mentionnée sur le bulletin de salaire du salarié d'avril 2015 mais également du fait que la SCEA DU MAS DE [Localité 1] ne justifie pas respecter les stipulations précises de la convention collective applicable sur la tenue du décompte de l'horaire de travail.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SCEA DU MAS DE [Localité 1] à payer à Monsieur [B] [M] une indemnité de 8 745,30 euros nets pour travail dissimulé.
Sur le harcèlement moral :
L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.
Il n'est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le Juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :
En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le Juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
En l'espèce, Monsieur [B] [M] établit la matérialité des faits suivants, qui pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral :
- il a déposé une plainte pénale à l'encontre des gérants de la SCEA LE MAS DE [Localité 1] le 24 juin 2016 en évoquant dans son audition le fait que :
- ceux-ci ont refusé de lui régler des heures supplémentaires effectuées,
- il subissait, comme les autres salariés, de leur part des insultes telles « connard » et des menaces de violence physique non suivies d'effets,
- il faisait l'objet de brimades et d'humiliation avec les autres salariés en se voyant reprocher d'être « une bande d'incapables »,
- ces insultes, brimades et humiliations intervenaient dans un contexte d'alcoolisation des gérants.
- Monsieur [G], inspecteur du travail, a indiqué dans un courrier du 8 avril 2016 qu'en sa présence, l'employeur l'avait qualifié de « feignasse » et que le turn-over dans l'entreprise est important ; ce qui ressort effectivement du registre du personnel produit par l'employeur puisque sur 19 salariés y figurant employés sur les années 2012 à 2017 seuls 3 sont étaient encore dans l'entreprise.
- Monsieur [G] a confirmé dans un courrier du 8 juin 2018 des conditions de travail dégradées pour les salariés des haras d'après les contrôles qu'il a effectués sur place selon les témoignages d'anciens salariés et de clients, précisant qu'il lui a été rapporté un état d'alcoolisation fréquent des gérants sur le lieu de travail.
- Madame [J] [Y], cliente des haras, fait état du fait que notamment Monsieur [M] était soumis à des horaires de travail extensifs et qu'elle a constaté que Madame [W] était souvent en état d'ébriété.
-Madame [T], cliente des haras, a indiqué également avoir été témoin de l'état d'ébriété récurrent des gérants au sein de la structure.
- Monsieur [K] [X] atteste avoir discuté à la fois avec les gérants et les salariés ; ces derniers se plaignant d'être exploités par le couple [W].
- Madame [N], qui a travaillé à diverses reprises pour le compte de la SCEA LE MAS DE [Localité 1], tout en considérant que ses conditions de travail étaient bonnes, a indiqué lors de son audition comme témoin par les services de gendarmerie que les époux [W] étaient quasi ivres lorsqu'ils étaient dans les haras et avaient un problème avec l'alcool.
- Lors de son audition, Madame [L] [R], qui a travaillé en CDD de juillet à décembre 2014 au sein de la SCEA DU MAS DU [Localité 1] a également constaté la consommation d'alcool par les gérants, tout en précisant que Monsieur [M] buvait également l'apéritif avec eux. Elle indique que les gérants mettent la pression et sont parfois à la limite mais n'a jamais estimé faire l'objet de harcèlement.
- Madame [E] [P], qui a travaillé aux haras de 2012 à 2015, confirme devant les gendarmes la consommation d'alcool des gérants mais pas au point qu'ils aient pu être ivres, tout en estimant que ses conditions de travail étaient bonnes.
- il est produit un arrêt de travail de Monsieur [M] à compter du 6 juillet 2015 avec comme motif une souffrance au travail et il est justifié de la prescription d'antidépresseurs et d'anxiolytiques.
- Monsieur [M] s'est vu notifier, alors qu'il venait de se voir prescrire un arrêt maladie, les 8 et 9 juillet 2015 deux avertissements, étayés uniquement par une attestation de Madame [O] sur laquelle elle est depuis revenue.
S'agissant des justifications apportées par la SCEA DU MAS DE [Localité 1], elles ne sont pas suffisantes pour écarter tout harcèlement moral en ce que :
- la plainte pénale déposée pour harcèlement moral par Monsieur [M] et d'autres salariés a certes fait l'objet le 15 mars 2017 d'un classement sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée. Toutefois, outre que la présente juridiction n'est pas liée par cette décision du parquet, il a été vu précédemment que certaines déclarations faites par les témoins révélaient à tout le moins une consommation excessive d'alcool par les gérants et Madame [R] a évoqué le fait que les gérants mettaient parfois la pression avec un comportement à la limite. Par ailleurs, il n'est pas produit l'intégralité de l'enquête préliminaire menée au vu des numéros de pièces figurant sur les procès-verbaux. Enfin, il est établi par Monsieur [M] la matérialité d'autres faits qui ne ressortent pas de l'enquête de gendarmerie.
- il n'apparaît notamment pas d'auditions de Mesdames [O], [H] et [V], trois anciennes salariées, qui ont toutes les trois établi dans un premier temps des attestations remises à l'employeur puis dans un second temps de nouvelles attestations versées aux débats par Monsieur [M] aux termes desquelles elles ont indiqué avoir fait l'objet de pression et avoir en réalité recopié un modèle dressé par Madame [W], également fourni par chacune d'elle. Or, au moins l'une de ses attestations était supposée servir de base à deux avertissements notifiés à Monsieur [M] les 8 et 9 juillet 2015 qui s'avèrent dès lors totalement injustifiés et ce d'autant plus, qu'ils interviennent dans les jours qui suivent l'arrêt maladie de Monsieur [M].
- la présente juridiction n'est pas liée par la décision de refus du 25 mars 2016 de reconnaissance d'un accident du travail le 3 juillet 2015 déclaré par Monsieur [M] et ce d'autant qu'il n'est pas produit aux débats l'enquête administrative menée par la MSA.
- la SCEA LE MAS DE [Localité 1] ne saurait invoquer par ailleurs un prétendu manquement de l'inspecteur du travail, qui a indiqué avoir entendu l'employeur qualifier le salarié de « feignasse », à son obligation de réserve et d'impartialité alors même qu'il a été mis en évidence que les gérants ont fait pression sur au moins trois de leurs salariés pour notamment le discréditer et porter des accusations injustifiées sur les conditions dans lesquels se sont déroulés les contrôles qu'il a réalisés non pas seul mais pour le premier contrôle en présence d'une autre inspectrice du travail et d'un contrôleur du travail et pour le second avec un contrôleur du travail. Dans un tel contexte, les attestations de deux autres salariés ([N] et [I]) produites par la SCEA LE MAS DE [Localité 1] n'apparaissent absolument pas crédibles et ce d'autant plus que Madame [D] confirme dans une attestation produite par l'employeur le fait que les salariés ont effectué des attestations à partir de modèles fournis par la gérante.
- les attestations produites par la SCEA LE MAS DE [Localité 1] sont pour le moins sujettes à caution et il ne peut en tout état de cause leur être accordé un valeur probante puisqu'au moins trois d'entre elles ont été faites dans des conditions totalement contraires à l'article 202 du code de procédure civile à partir d'un modèle pré-rédigé par un tiers et qui plus est intéressé.
En conséquence, réformant le jugement entrepris, il convient de dire que Monsieur [B] [M] a été victime de faits de harcèlement moral.
Tenant compte de la durée de quelques mois pendant lesquels Monsieur [M] a été victime des faits litigieux et du retentissement négatif sur son état de santé avec un arrêt maladie pendant plusieurs mois et la prise d'un traitement anxiolytique et antidépresseur, il convient de lui allouer la somme de 5 000 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et de le débouter du surplus de sa demande de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Réformant le jugement entrepris, l'équité commande de condamner la SCEA DU MAS DE [Localité 1] à payer à Monsieur [B] [M] une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la SCEA DU MAS DE [Localité 1], partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS ;
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DIT que Monsieur [B] [M] a fait l'objet de harcèlement moral ;
DIT que la SCEA LE MAS DE [Localité 1] a commis des faits de travail dissimulé ;
CONDAMNE la SCEA LE MAS DE [Localité 1] à payer à Monsieur [B] [M] les sommes suivantes :
' 3 297,60 euros bruts de rappels de salaire sur heures supplémentaires,
' 329,76 euros bruts au titre des congés payés afférents,
' 5 000 euros nets de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,
' 8 745,30 euros nets d'indemnité pour travail dissimulé,
outre intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2016, date de la saisine du conseil de prud'hommes, pour les sommes à caractère salarial et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.
DÉBOUTE Monsieur [B] [M] du surplus de ses prétentions financières au principal ;
CONDAMNE la SCEA LE MAS DE [Localité 1] à payer à Monsieur [B] [M] une indemnité de procédure de 2 000 euros ;
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCEA LE MAS DE [Localité 1] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Blandine FRESSARD, Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE