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19/01/2021 | FRANCE | N°18/00669

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 19 janvier 2021, 18/00669


VC



N° RG 18/00669 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JMXJ



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP BOUTHIER PERRIER DELOCHE NINOTTA



la SELARL BRL ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 19 JANVIER 2021







Appel d'une décision (N° RG 16/00508)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VALENCE

en date du 08 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 08 Février 2018





APPELANTE :



Madame [T] [B] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité ...

VC

N° RG 18/00669 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JMXJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP BOUTHIER PERRIER DELOCHE NINOTTA

la SELARL BRL ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 19 JANVIER 2021

Appel d'une décision (N° RG 16/00508)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VALENCE

en date du 08 janvier 2018

suivant déclaration d'appel du 08 Février 2018

APPELANTE :

Madame [T] [B] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 4] (26)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie DELOCHE de la SCP BOUTHIER PERRIER DELOCHE NINOTTA, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

SASU MANUFACTURE DE MAROQUINERIE DU DAUPHINE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, Me Aurélie ROCHE de la SELARL BRL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Novembre 2020,

Madame Valéry CHARBONNIER, chargée du rapport, assistée de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 Janvier 2021, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 19 Janvier 2021.

Exposé du litige :

Mme [T] [B] été embauchée par la SNC (devenue SAS) Manufacture de Maroquinerie du Dauphiné, le 1er avril 1998, à l'origine en qualité de technicienne polyvalente maroquinerie, pour occuper, au dernier état de la relation contractuelle des fonctions de chef d'équipe.

Mme [B] a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire par courrier du 24/11/2014 la convoquant, en outre, en entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Par courrier en date du 18 décembre 2014, 1'employeur a procédé au licenciement de Mme [B] pour faute gave.

Mme [B] a saisi le conseil des prud'hommes de Valence en date du 8 novembre 2016 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement pour faute grave et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement en date du 8 janvier 2018, le conseil des prud'hommes de Valence a :

'Déclaré fondé sur une faute grave le licenciement de Mme [T] [B] épouse [W],

'Débouté Mme [T] [B] épouse [W] de toutes ses demandes,

'Rejeté les la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

'Condamné Mme [T] [B] épouse [W] aux dépens.

La décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception le 10 janvier 2018.

Mme [B] a interjeté appel du jugement le 8 février 2018 .

Par conclusions en date du 4 mai 2018, Mme [B] épouse [W] demande à la cour d'appel de :

'Déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

'INFIRMER totalement la décision entreprise et, statuant à nouveau,

'CONSTATER que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'une faute grave, d'une violation des obligations de la salariée rendant impossible son maintien dans l'entreprise,

'CONSTATER l'absence de comportement justifiant une faute grave, ou une cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

'DIRE ET JUGER abusif le licenciement pour faute grave prononcé à son encontre le 18 décembre 2014,

'En conséquence, CONDAMNER la société MANUFACTURE de MAROQUINERIE du DAUPHINE à lui payer :

- 1.392,47 € brut correspondant à la mise à pied du mois de décembre 2014,

- 539,00 € correspondant à la mise à pied du mois de novembre 2014, outre la somme de 193,15 € au titre des congés payés sur mise à pied,

- 6.330,73 € au titre du préavis outre les congés payés sur préavis soit 633,07 €,

- 13.479, 76 € au titre de l'indemnité de congédiement,

- 45.000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

'ORDONNER la remise des documents de fin de contrat modifié selon le dispositif de l'arrêt à intervenir,

'CONDAMNER la société MMD aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions en réponse en date du 6 août 2018, la SAS MANUFACTURE DE MAROQUINERIE DU DAUPHINE demande à la cour d'appel de :

A titre principal,

'Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [B] épouse [W] reposait sur une faute grave,

'Débouter Mme [B] épouse [W] de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

'Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Valence en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [B] épouse [W] était motivé par une faute grave et juger que le licenciement de Mme [B] épouse [W] repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse,

'Le cas échéant, condamner la société MMD au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité compensatrice des congés payés sur préavis, à l'indemnité conventionnelle de licenciement et le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

'Rejeter la demande de Madame [W],

'Condamner Madame [W] à verser à la société MMD la somme de 3.000 €.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2020 et l'affaire a été fixée à plaider 17 novembre 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :

Aux termes de la lettre de licenciement du 18 décembre 2016 qui fixe les limites du litige, il est reproché à Mme [B] épouse [W] d'avoir tenté d'emporter hors de l'entreprise, sans autorisation, un sac (Louise BOX valeur marchande 1.900 €) produit dans l'atelier le jeudi 20 novembre 2014 en le cachant dans un gilet au vu d'un salarié, lequel a prévenu la direction, avant de l'emporter dans le bureau réservé aux chefs d'équipe d'où elle serait ressortie sans le sac. Mme [B] épouse [W] aurait reconnu les faits à la fin de sa journée de travail dans le bureau de M. [D], alors directeur du site, « tout en indiquant qu'elle avait l'intention de le ramener le lundi suivant ». Il lui a été demandé de bien vouloir présenter ses affaires personnelles entreposées dans le bureau des chefs d'équipe. Dissimulé au fond de son sac personnel, sous son « sac à casse-croûte », le produit subtilisé aurait été retrouvé.

Moyens des parties :

Mme [B] épouse [W] conteste les faits qui lui sont reprochés faisant valoir que :

'le salarié qui l'aurait vu emporter le sac n'a pas attesté dans le cadre de la procédure,

'aucune enquête n'a été déclenchée et l'employeur ne produit que deux attestations au soutien de la faute grave,

'les attestations de M. [D], alors directeur du site, et de Mme [Z], responsable de fabrication, n'ont aucune force probante, dès lors qu'ils sont des représentants de l'employeur, et que par ces attestations, celui-ci s'est constitué des preuves à lui-même,

'le site est sous vidéosurveillance et aucune vidéo n'a été produite aux débats pour corroborer les faits dénoncés,

'l'employeur n'a par ailleurs pas porté plainte pour vol,

'l'employeur n'a pas attendu qu'elle sorte de l'entreprise avec le sac, ainsi, elle ne s'est pas comportée en véritable propriétaire,

'elle a pour consigne en tant que chef d'équipe de ne pas laisser traîner des produits dans l'atelier le soir et de les mettre dans le bureau fermé à clé, le coffre de l'entreprise ne pouvant contenir l'ensemble des sacs,

'elle est une personne intègre et honnête et l'employeur a l'habitude de malmener des salariés qu'il a pris en grippe.

L'employeur fait valoir que :

'la salariée n'a jamais contesté son licenciement avant de saisir le conseil de prud'hommes de Valence plus de 22 mois après la rupture de son contrat de travail, et à lui seul, ce délai excessif démontre la réalité du motif fondant son licenciement ;

'la salariée n'a pas été licenciée pour avoir simplement entreposé un produit dans le bureau des chefs d'équipe, comme elle cherche à le faire croire, mais pour tentative de vol, laquelle rendait impossible son maintien dans l'entreprise ;

'la salariée a reconnu avoir voulu emporter un produit hors de l'entreprise sans autorisation, et elle n'a jamais contesté ces aveux, rapportés dans la lettre de licenciement ;

'le fait que le sac ait été retrouvé dissimulé dans ses affaires personnelles démontre la volonté de la salariée d'emporter le produit en dehors de l'entreprise, sans autorisation de la direction ;

's'il est exact qu'en cas d'encombrement du coffre, le surplus de produits était entreposé après inventaire dans le bureau des chefs d'équipe fermé à clé pour la nuit, cette pratique a été supprimée depuis octobre 2013, date à laquelle les bureaux ont été réaménagés ; ainsi, au moment des faits, aucun sac ne pouvait être entreposé dans le bureau des chefs d'équipe et la salariée n'ayant aucun motif légitime pour le faire ;

'les salariés qui attestent en faveur de la salariée étaient absents au moment des faits ;

'la tentative de vol est en elle-même constitutive d'une faute grave, et la mise à pied conservatoire était ainsi parfaitement justifiée ;

'le fait qu'il n'ait pas décidé de porter plainte contre la salariée ne peut être retenu contre lui ;

'les affaires personnelles de la salariée n'ont pas été fouillées, contrairement à ses allégations ; c'est elle-même qui a sorti le sac de ses affaires personnelles ;

Sur ce,

Aux termes des dispositions des articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux.si un doute subsiste, il profite au salarié. Le caractère fautif d'un comportement imputable à un salarié n'est pas subordonné à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur.

Selon les dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.La charge de la preuve des griefs justifiant le licenciement pour faute grave incombe exclusivement à l'employeur.

Il est constant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs et au juge d'examiner d'autres griefs non évoqués dans cette lettre.

En l'espèce, pour établir la matérialité des faits reprochés à la salariée dans la lettre de licenciement, l'employeur produit deux attestations, celle de M. [D], directeur du site à l'époque des faits, en date du 7 décembre 2016, et celle de Mme [Z], responsable d'atelier, en date du 12 décembre 2016.

Il résulte des termes de l'attestation de Mme [Z] qu'elle dit avoir été informée le jeudi 20 novembre 2014 en cours d'après-midi par une salariée de l'entreprise dont le nom n'est pas indiqué, que Mme [B] aurait pris un sac dans l'atelier, l'aurait dissimulé sous un tissu ou un lainage, puis se serait dirigée vers le bureau réservé aux chefs d'équipe. Mme [Z] indique qu'elle se serait alors rendue dans le bureau de M. [D], directeur du site, afin de l'informer des faits rapportés, et que celui-ci aurait pris la décision de laisser Mme [B] terminer sa journée de travail, qu'à 17h00 elle aurait demandé à Mme [B] de la suivre dans le bureau de la direction où les faits lui auraient été exposés. Mme [Z] précise que Mme [B] n'aurait pas nié les faits, et expliqué qu'elle avait l'intention d'emporter le sac pour le montrer à sa fille, puis de le rapporter à l'usine après le week-end. A l'issue de l'entretien, après avoir demandé à Mme [B] de restituer le sac, M. [D], Mme [B] et elle-même se seraient rendus dans le bureau des chefs d'équipe, et Mme [B] aurait retiré de son sac personnel un vêtement puis le sac en question dissimulé au fond de son propre sac.

M. [D], directeur du site, atteste quant à lui qu'à 17h00, après avoir présenté à Mme [B] les faits dénoncés, celle-ci aurait reconnu avoir caché le sac dans ses affaires, dit qu'elle souhaitait le montrer à sa fille et le rapporter le lundi suivant, M. [D] indiquant ensuite qu'il aurait constaté que le sac subtilisé était effectivement au fond du sac d'affaires personnelles de la salariée dans le bureau des chefs d'équipe, dissimulé sous son sac de cantine.

L'employeur allègue que les aveux de la salariée sont rapportés dans la lettre de licenciement et qu'elle ne les a jamais contestés.

Il ne soutient toutefois pas que la salariée les auraient maintenus lors de l'entretien préalable et il résulte de l'attestation de Mme [I] [L] du 20 avril 2016 ayant assisté Mme [B] lors de l'entretien préalable du 8 décembre 2014, que cette dernière aurait indiqué lors de cet entretien qu'elle n'avait pas l'intention de voler le sac et qu'elle avait ramassé le sac et le gilet pour les mettre dans le bureau des maîtrises comme cela avait été demandé par la direction, allégation que la salariée maintient dans ses conclusions.

Les seules attestations de M. [D] et de Mme [Z] qui ont procédé au contrôle du bureau des chefs d'équipe en présence de la salariée, qui émanent de représentants de l'employeur et ne sont corroborées par aucun élément objectif ou extérieur, sont manifestement insuffisants pour démontrer la volonté de la salariée de sortir le sac de l'enceinte de l'entreprise.

Il en découle que le seul élément matériellement établi invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, est le fait d'avoir entreposé le sac litigieux dans le bureau réservé aux chefs d'équipe, la salariée, qui ne le conteste pas, invoquant pour se justifier une consigne de l'employeur exigeant que les sacs soient stockés dans le bureau des chefs d'équipe, lorsque le coffre était plein.

Pour étayer ses allégations, la salariée produit une attestation de Mme [L], contremaître, en date du 29 janvier 2015, témoignant qu'il est fréquent que les chefs d'équipe mettent les sacs finis dans leur bureau, suite à des consignes données par la hiérarchie selon lesquelles aucune produit fini ne doit rester dans les ateliers le soir, que s'il n'y a plus de place dans le coffre, les sacs doivent être entreposés dans le bureau fermé à clé, et que certains agents de maîtrise, dont elle-même, ont été convoqués par M. [S], directeur de production, afin d'être réprimandés pour ne pas avoir respecté cette consigne.

La salariée verse également aux débats une attestation de M. [O], mécanicien maroquinerie, en date du 23 mars 2015, qui indique qu'il a constaté lors de ses entretiens dans le bureau des chefs que faute de place, les sacs étaient empilés dans leur bureau, et qu'il y en avait des dizaines.

L'employeur soutient quant à lui qu'au moment des faits aucun sac ne pouvait être entreposé dans le bureau des chefs d'équipe, et que s'il est exact qu'en cas d'encombrement du coffre, le surplus de produits était entreposé après inventaire dans le bureau des chefs d'équipe fermé à clé pour la nuit, mais que cette pratique a été supprimée depuis octobre 2013, date à laquelle les bureaux auraient été réaménagés, mais ne le démontre pas.

S'agissant des attestations susvisées de Mme [L] et de M. [O] produites par la salariée, l'employeur qui allègue que Mme [L] a été absente toute l'année 2014 dans le cadre d'un arrêt maladie, à l'exception du 9 septembre au 16 septembre 2014, et que M. [O] a lui-même été absent pour maladie professionnelle au moment des faits, n'en justifie pas.

Compte tenu du caractère contradictoire des différents témoignages versés aux débats, il existe un doute sur le point de savoir si la pratique consistant à déposer les sacs dans le bureau des chefs d'équipe était encore en vigueur dans l'entreprise au moment des faits et il ne peut par conséquent, se déduire du seul fait matériellement établi, d'avoir entreposé le sac litigieux dans le bureau des chefs d'équipe, l'intention de la salariée de le sortir de l'entreprise.

Ainsi, il y a lieu, par infirmation du jugement déféré, de retenir que le licenciement de Mme [W], survenu le 18 décembre 2014, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Selon les dispositions des article L. 1332-2 et suivants du code du travail, l'employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire dans l'attente de prononcer une sanction disciplinaire si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité telle, qu'ils justifient sa mise à l'écart immédiate de l'entreprise. Cette mesure doit être suivie immédiatement de l'ouverture de la procédure disciplinaire et interrompt la prescription des faits fautifs. Seul le licenciement fondé sur une faute grave ou lourde dispense l'employeur de payer au salarié concerné le salaire afférent à cette période au cours de laquelle le salarié est dispensé d'exécution de son travail.

Il résulte des dispositions précitées que Mme [B] est bien fondée à prétendre au paiement d'un rappel de salaire correspondant à sa période de mise à pied, soit les sommes de 539 euros pour le mois de novembre 2014, et 1.392,47 euros pour le mois de décembre 2014, au total la somme totale de 1.931,47 euros, outre 193,15 euros au titre des congés payés afférents, le calcul de ces sommes par la salariée n'étant pas contesté par l'employeur.

Mme [B] est également bien fondée à prétendre au paiement de la somme de 6.330,73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 633,07 euros au titre des congés payés afférents, et à la somme de 13.479,76 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, le calcul de ces sommes par la salariée n'étant pas non plus contesté par l'employeur.

Enfin, aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

Il y a lieu, eu égard à l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise (16 années), de son âge au moment du licenciement (51 ans), de sa situation personnelle (elle vivait seule avec sa fille à charge inscrite à l'Université pour l'année universitaire 2014-2015) et professionnelle dont elle justifie de condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 35.000 euros.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Selon l'article L. 1234-19 du code du travail, à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat de travail et aux termes de l'article R. 1234-9 du code du travail, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer son droit aux prestations sociales.

Ainsi, il y a lieu d'ordonner à l'employeur de délivrer à la salariée des documents de fin de contrat rectifiés, conformément au présent arrêt.

Sur les demandes accessoires

Il convient d'infirmer le jugement déféré dans ses dispositions relatives dépens.

La SAS Manufacture de maroquinerie du Dauphiné, partie perdante, est condamnée à payer à Mme [B] la somme de 2.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La SAS Manufacture de maroquinerie du Dauphiné est également condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE Mme [B] recevable en son appel ;

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Valence du 8 janvier 2018 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y Ajoutant :

DIT que le licenciement de Mme [B] survenu le 18 décembre 2014 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE en conséquence la SAS Manufacture de maroquinerie du Dauphiné à payer à Mme [B] les sommes suivantes :

'1.931,47 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied, outre 193,15 euros au titre des congés payés afférents ;

'6.330,73 euros au titre du préavis, outre 633,07 euros au titre de des congés payés afférents ;

'13.479,76 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

'35.000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

ORDONNE la remise par la SAS Manufacture de maroquinerie du Dauphiné au profit de Mme [B] de bulletins de salaire, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SAS Manufacture de maroquinerie du Dauphiné à payer à Mme [B] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS Manufacture de maroquinerie du Dauphiné aux entiers dépens de l'instance.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Morgane MATHERON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE CONSEILLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 18/00669
Date de la décision : 19/01/2021

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°18/00669 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-19;18.00669 ?
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