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10/05/2022 | FRANCE | N°17/00686

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 10 mai 2022, 17/00686


N° RG 17/00686 - N° Portalis DBVM-V-B7B-I4H2



N° Minute :





C3

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER



SELARL CDMF AVOCATS























AU NOM DU PEUPLE FR

ANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022



Appel d'un Jugement (N° R.G. 09/01598) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 26 février 2015, suivant déclaration d'appel du 08 Février 2017





APPELANTE :



SAS [I] [Z], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qua...

N° RG 17/00686 - N° Portalis DBVM-V-B7B-I4H2

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

SELARL CDMF AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022

Appel d'un Jugement (N° R.G. 09/01598) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 26 février 2015, suivant déclaration d'appel du 08 Février 2017

APPELANTE :

SAS [I] [Z], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

39 Rue de la Fontaine Ludot

BP 46

51302 VITRY LE FRANCOIS

Représentée par Me Charlotte DESCHEEMAKER de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Me Véronique LECHEVALLIER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMÉS :

M. [R] [V]

de nationalité Française

14 Rue Charles de Foucault

67000 STRASBOURG

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

16 Rue de Lausanne

67090 STRASBOURG

Défaillants

M. [E] [O] ès qualités de Mandataire ad hoc de la Société PAPETERIES MATUSSIERE & FOREST, 27 avenue du Granier- BP 18 à MEYLAN (38240) ;

de nationalité Française

27 avenue du Granier- BP 18

38240 MEYLAN

Société XL INSURANCE COMPAGNY LIMITED prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

50 Rue Taitbout

75320 PARIS CEDEX 09

SELARL ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES PARTENAIRES - A JP ès qualités de « Commissaire à l'exécution du plan » de la société « PAPETERIES MATUSSIERE & FOREST ». en remplacement de Maître [F] [C] suite au jugement rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE le 24/05/2011

4 Place Robert Schuman

38000 GRENOBLE

SELARL AJ UP es-qualité de Commissaire à l'exécution du plan de la société PAPETERIES MATUSSIERE & FOREST, dont le siège est 228, rue Paul Gidon 73000 CHAMBERY, prise en son Etablissement secon

daire situé 5 Place Robert Schuman 38000 GRENOBLE,

5, Place Robert Schuman

38000 GRENOBLE

SA PAPETERIES MATUSSIERE & FOREST immatriculée au RCS de GRENOBLE sous le n° 068 502 616, représentée par Monsieur [E] [O], ès qualité de mandataire ad hoc, dont le siège social est sis 27 avenue du Granier- BP 18 - à MEYLAN (38240) ;

27 Avenue du Granier - B.P. 18

38240 MEYLAN

Représentés par Me Jean-Luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me DJERBI

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, présidente

Laurent Grava, conseiller,

Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 février 2022, Anne-Laure Pliskine, conseillère qui a fait son rapport, en présence de Laurent Grava, conseiller, assistés de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions et Me Lechevallier en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 31 juillet 2002, Monsieur [R] [V], salarié de la société [I] [Z], s'est rendu en mission à l'usine de Rambervilliers appartenant à la société Papeteries Matussière&Forest. Il a reçu une malle de vieux papiers et a été blessé.

Par acte d'huissier en date du 16 mars 2007, Monsieur [V] a assigné la société Papeteries Matussière&Forest, Maître [F] [C], Maître [J] [S] et la compagnie d'assurances XL Insurance aux fins de :

-déclarer les défendeurs entièrement responsables de l'accident qu'il a subi,

-les condamner au paiement d'une provision de 5 000 euros à valoir sur ses préjudices,

-désigner un médecin-expert avec pour mission d'examiner Monsieur [V] dans la région de Strasbourg et décrire tous les préjudices subis par lui avec la mission d'usage,

-condamner les défendeurs au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-les condamner aux entiers dépens de l'instance en distraction au profit de la SCP Tranchat-Dollet-Gasté.

 

Par ordonnance juridictionnelle du 2 avril 2008, le juge de la mise en état a :

-institué une expertise et commis pour y procéder le Docteur [Y] avec mission habituelle

-condamné la compagnie XL Insurance company limited à payer à Monsieur [V] la somme de 7 000 euros à titre de provision.

Le Docteur [U] a finalement été désigné et a déposé son rapport le 29 janvier 2009.

 

Par ordonnance juridictionnelle du 30 septembre 2009, le juge de la mise en état a :

-condamné la compagnie d'assurance XL Insurance company limited à payer :

1) à Monsieur [V] une provision complémentaire de : 15 000 euros

2) à la CPAM de Strasbourg, une provision de : 120 000 euros

-renvoyé l'affaire à l'audience de la mise en état du 16 décembre 2009 pour les conclusions après expertise des défendeurs.

 

Par jugement en date du 25 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

-déclaré recevable l'intervention volontaire de la société [I] [Z],

-sursis à statuer sur les demandes et renvoyé les parties en ce qui concerne celles-ci à la conférence de mise en état du 2 février 2011,

-déclaré la société Papeteries Matussière&Forest entièrement responsable du préjudice subi par Monsieur [R] [V] du fait de l'accident dont il a été victime le 31 juillet 2002,

-déclaré irrecevables les demandes d'indemnisation à l'encontre de la société Papeteries Matussière&Forest en règlement judiciaire, faute de déclaration de créance,

-condamné la société XL Insurance company limited, assureur du responsable à payer :

-à Monsieur [R] [V] la somme de 20 100 euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour en indemnisation de ses préjudices déduction faite de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie et des provisions allouées,

-à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg la somme de 58 120,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2007 en remboursement de ses débours dans la limite des indemnisations revenant à la victime, déduction faite de la provision allouée et la somme de 955 euros au titre de l'indemnisation de gestion,

-donné acte à Monsieur [V] de ses réserves quant aux dépenses futures qui pourraient rester à sa charge,

-condamné la société XL Insurance company limited à payer :

-à Monsieur [R] [V] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par jugement en date du 26 février 2015, le tribunal de grande instance de Grenoble a :

-condamné la société XL Insurance company limited à payer à la société [I] [Z] la somme de 52 613,59 euros outre la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par déclaration en date du 10 février 2017, la SAS [I] [Z] a interjeté appel total du jugement.

Par ordonnance juridictionnelle du 2 octobre 2018, le conseiller de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise.

L'expert a déposé son rapport le 28 octobre 2020.

Dans ses conclusions notifiées le 30 novembre 2021, la société [I] [Z] demande à la cour de:

-dire et juger que le présent appel est recevable et en tout cas, bien fondé.

En conséquence,

-infirmer le jugement rendu le 26 février 2015 par le tribunal de grande instance de Grenoble en ce qu'il a débouté la société [I] [Z] de sa demande indemnitaire au titre du coût de l'intervention de la société Alma à hauteur de la somme de 85 221,94 euros et de sa demande indemnitaire au titre de la perte de chance d'effectuer une marge sur les exercices 2003 à 2005 résultant de l'accident du travail de Monsieur [R] [V] à hauteur de la somme de 1 098 000 euros,

-confirmer le jugement rendu le 26 février 2015 par le tribunal de grande instance de Grenoble pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

-débouter les défendeurs et intimés de l'intégralité de leurs fins, moyens et conclusions

Sur la demande d'irrecevabilité formulée par la société Papeteries Matussière&Forest et de ses mandataires judiciaires ès qualités

-constater utile et nécessaire la présence à l'instance qui se poursuit, sur intervention volontaire de la société [I] [Z], de l'ensemble des défendeurs dont la société Papeteries Matussière&Forest et ses mandataires judiciaires, es-qualité, en l'état de la déclaration de responsabilité de cette société en ce qui concerne l'accident du 31 juillet 2002 dont a été victime Monsieur [V], et de la recevabilité de l'intervention volontaire de la société [I] [Z] prononcées par le jugement du 25 novembre 2010 rendu par le tribunal de céans.

Sur l'intervention volontaire et les demandes de la société [I] [Z] :

-déclarer la société Papeteries Matussière&Forest entièrement responsable du préjudice subi par la société [I] [Z], employeur de Monsieur [R] [V], qui a été la première victime du fait de l'accident du 31 juillet 2002,

-condamner la société Papeteries Matussière&Forest représenté par Monsieur [E] [O] ès qualité de mandataire ad hoc à verser à la société [I] [Z], dont l'intervention volontaire a été déclarée recevable, et qui conserve une action directe à l'encontre de l'assureur, au paiement de la somme de globale de 1.137.743,53 euros se décomposant comme suit :

- Perte de chance au titre de la perte de marge : 999 908 euros

- Coût d'intervention de la société Alma: 81 519,50 euros HT 

- Salaires: 52 613,59 euros

Total :1 134 041,09 euros

en réparation du préjudice qu'elle a subi, toutes sommes augmentées des intérêts au taux légal,

-condamner Monsieur [E] [O] ès qualité de mandataire ad hoc de la société Papeteries Matussière&Forest à verser à la société [I] [Z], dont l'intervention volontaire a été déclarée recevable, et qui conserve une action directe à l'encontre de l'assureur, au paiement de la somme de globale de 1 137 743,53 euros se décomposant comme suit :

- Perte de chance au titre de la perte de marge : 999 908 euros

- Coût d'intervention de la Sté Alma :81 519,50 euros HT 

- Salaires :52 613,59 euros

Total : 1 134 041,09 euros

en réparation du préjudice qu'elle a subi, toutes sommes augmentées des intérêts au taux légal.

En tout état de cause,

-condamner la société XL Insurance company limited à verser à la société [I] [Z], dont l'intervention volontaire a été déclarée recevable, et qui conserve  une action directe à l'encontre de l'assureur, au paiement de la somme de globale de de 1 137 743,53 euros se décomposant comme suit :

- Perte de chance au titre de la perte de marge : 999 908 euros

- Coût d'intervention de la Sté Alma : 81 519,50 euros HT 

- Salaires :52 613,59 euros

Total :  1 134 041,09 euros

en réparation du préjudice qu'elle a subi, toutes sommes augmentées des intérêts au taux légal.

-faire droit à la demande de la société [I] [Z] et la déclarer bien fondée.

-ordonner en tant que de besoin la désignation de tel homme de l'art qu'il plaira à la cour aux fins de surexpertise, subsidiairement de complément d'expertise sur la demande de la société [I] [Z] au titre de la perte de chance sur la perte de marge dégagée par M. [V] pour les exercices 2003 à 2005 comptable avec mission habituelle et aux frais avancés des intimées, subsidiairement de l'appelante, à savoir avec mission de :

'  Dire si le calcul du chiffre d'affaires total de la société [I] [Z] et de celui dégagé par Monsieur [R] [V] ressortant de l'audit, du tableau présenté par [I] [Z] et des factures versées aux débats est exact.

'  Dire si l'activité de M. [V] se mesure à l'aune des commandes réalisées et non du chiffre d'affaires dégagée lors de sa période d'absence pour cause de maladie, sous réserve de corroborer cette commande par l'encaissement de la facture corrélative.

'  Dire si la société [I] [Z] est recevable à présenter une comptabilité informatisée sous réserve de la corroborer par les pièces comptables certifiées,

'  Dire si le calcul de la marge établie par la société [I] [Z] est exact.

'  Justifier en quoi le calcul de la marge selon les normes américaines et contrôlé et certifié par le Securities and Exchanges Commission, le pendant de la COB française devrait être écarté ;

'   Dire s'il résulte de l'examen de ces documents une perte de chance sur la perte de marge en raison de l'absence de commandes réalisées par Monsieur [R] [V] sur les exercices 2003 à 2005 tant pour le poste « capital » que pour le poste « rechanges » selon une décote de 9% ;

'  établir un état récapitulatif de l'ensemble des postes énumérés dans la mission.

 '  si le cas le justifie, procéder selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans tel délai de rigueur déterminé de manière raisonnable et y répondre avec précision.

'  Dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux règles de la procédure civile (article 232 à 248 et 263 à 284 du code de procédure civile) ; qu'en particulier il pourra se faire autoriser à s'adjoindre tout spécialiste par le juge chargé du contrôle de l'expertise ; qu'il déposera son rapport et l'avis du sapiteur le cas échéant au greffe de ce tribunal, dans les deux mois à compter du jour de sa saisine.

' Dire que si le sapiteur n'a pas pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert.

'  Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction éventuellement saisie de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer s'il y a lieu les préjudices subis, y inclus la perte de chance pour les demandeurs de vendre leur bien (sic).

'  Donner son avis si nécessaire sur les comptes présentés par les parties.

' Etablir un pré-rapport qui sera soumis à chacune des parties en leur impartissant un délai pour présenter leurs dires et y répondre.

-dire que les dépens suivront la procédure au principal.

-condamner solidairement les défenderesses et intimées au paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

-condamner les défenderesses et intimées au paiement des entiers frais et dépens de l'instance, y inclus notamment ceux  distraits au profit de la SCP Clément-Cuzin-Leyaud -Descheemaker qui en a fait l'avance et ceux d'expertise.

-rappeler l'exécution de plein droit de l'arrêt à intervenir.

 

 

Au soutien de ses demandes, la société [I] [Z] énonce que si elle ne conteste pas ne pas avoir procédé à une déclaration de créances, en tout état de cause, le retour à des résultats positifs de la société Papeteries Matussière&Forest devrait lui permettre de régler les sommes sollicitées.

Elle déclare que l'expert a utilisé une méthodologie erronée, en prenant en compte le chiffre d'affaires, alors que compte tenu de l'activité de 'marché capital' de la société, il fallait s'appuyer sur les commandes réalisées par M. [V], dont les factures n'interviennent pas nécessairement dans l'année.

Elle souligne à cet égard que chaque commande donne lieu à un numéro unique, avec le numéro de référence du commercial, qu'en conséquence, il ne saurait y avoir d'erreur sur la personne à l'origine de la commande.

S'agissant du non-remplacement de M. [V], elle fait valoir que la durée d'absence de ce dernier n'était pas prévisible, qu'en outre, il faut plusieurs mois pour former un ingénieur technico-commercial capable de travailler à l'international, la région de Vitry-le-François étant peu attractive.

Elle conteste la banalisation des années 2001 et 2002, soulignant que la société Fimecor avait bien vérifié l'exactitude des chiffres présentés, et que la société [I] [Z] est cotée en bourse aux Etats-Unis et est donc soumise à des contrôles, sous l'égide de la SEC.

S'agissant des honoraires de la société Alma, elle fait valoir que cette dernière lui a permis d'obtenir un taux de cotisation moindre auprès de l'URSSAF, en l'informant que l'accident de M. [V] s'était déroulé dans les locaux d'une entreprise tierce, intégralement responsable de l'accident.

  

Dans leurs conclusions notifiées le 4 juillet 2017, la société XL Insurance company limited, la S.A Papeteries Matussière&Forest, Monsieur [E] [O], et la SELARL Administrateur Judiciaire Partenaire es-qualité de commissaire à l'exécution du plan de la S.A Papeteries Matussière&Forest, et la SELARL AJ UP, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la S.A Papeteries Matussière&Forest, demandent à la cour de:

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions principales.

-confirmer le jugement du 26 février 2015 en ce qu'il a condamné la société XL Insurance company limited à payer à la société [I] [Z] la somme principale de 52 613,59 euros.

-débouter la société [I] [Z] de ses demandes au titre de la perte de chance et au titre de la perte de marge à hauteur de 999 908,00 euros.

-débouter la société [I] [Z] de ses demandes au titre du coût de l'intervention de la société Alma à hauteur de 85 221,94 euros.

-débouter la société [I] [Z] au titre de ses demandes d'expertise judiciaire.

-dire irrecevables les demandes de la société [I] [Z] en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Papeteries Matussière&Forest et la SELARL Administrateur Judiciaire Partenaire et de Monsieur [E] [O] à titre personnel.

-condamner la société [I] [Z] à payer à ses trois intimés la somme de 3.000 euros chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société [I] [Z] à payer à la société XL Insurance company limited la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société [I] [Z] aux entiers dépens.

 

Les intimés font valoir que l'accident de Monsieur [V] s'est déroulé le 30 juillet 2002, qu'en conséquence et en application des articles L.622-21 et L.622-24 du code de commerce, aucune condamnation à l'encontre de la société Papeteries Matussière&Forest ne peut être prononcée pour des causes antérieures à l'ouverture de la procédure collective, faute pour la société [I] [Z] d'avoir régulièrement déclaré sa créance.

Ils allèguent que l'argument selon lequel le retour in bonis d'une entreprise qui a fait l'objet d'un plan de cession partielle à la fin de l'année 2005 permettrait d'agir en son droit à l'égard de créances « en souffrance », ne repose sur aucun fondement juridique.

S'agissant des demandes de la société [I] [Z] à l'encontre de la compagnie d'assurance XL Insurance company limited, ils énoncent que la somme de 85 221,94 euros au titre des honoraires de la société Alma n'est pas justifiée, le coût de cet audit étant particulièrement élevé et pas uniquement en lien avec l'accident de M.[V], qu'au demeurant, la convention a été signée le 19 février 2001, soit près de 8 mois avant l'accident de M.[V].

S'agissant de la demande de la société [I] [Z] au titre de la perte de marge pour les exercices 2003 à 2005, ils soulignent que Monsieur  [V] a travaillé à mi-temps thérapeutique du 18 mars 2003 au 30 septembre 2003 et du 8 janvier 2004 au 1er décembre 2004 puis qu'il a repris son poste à plein temps à compter du 1er décembre 2004, qu'en conséquence, la société [I] [Z] ne peut prétendre à une indemnisation au titre d'une prétendue perte de marge pour les périodes durant lesquelles Monsieur [V] a travaillé, de surcroît sur l'exercice 2005, alors même que Monsieur [V] travaillait à nouveau à plein temps, qu'en outre, le préjudice financier allégué par la requérante n'est justifié ni dans son principe, ni dans son quantum au regard des pièces versées aux débats, étant observé qu'elle a fait le choix de ne pas procéder au remplacement de son salarié, alors que ce n'était pas impossible compte tenu de l'envergure du groupe.

 

M.[V], cité à domicile et la CPAM du Bas-Rhin, citée à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu par défaut.

 

La clôture a été prononcée le 19 janvier 2022.

 

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes formulées par la SAS [I] [Z]

Le jugement du 25 novembre 2010, revêtu de l'autorité de la chose jugée, a déjà déclaré la société Papeteries Matussière&Forest entièrement responsable du préjudice subi par Monsieur [R] [V] du fait de l'accident dont il a été victime le 31 juillet 2002, il n'y a pas lieu de statuer une nouvelle fois sur ce point.

En l'absence de déclaration de créances au passif de la société Papeteries Matussière& Forest, les demandes formées à son encontre sont irrecevables.

La SAS [I] [Z] allègue qu'elle n'a pas réussi à obtenir des informations probantes sur un éventuel retour un bonis de la société, toutefois elle ne justifie pas du fondement juridique de sa demande. Le jugement sera confirmé.

Sur la demande de condamnation de la société XL Insurance company limited

L'expert a rappelé l'activité commerciale de la SAS [I] [Z], qui se décompose en deux types d'activités, à savoir:

-une activité dénommée 'capital' qui correspond à la vente de machines neuves. La réunion d'expertise du 14 décembre 2018 a mis en évidence que le délai moyen entre la signature du bon de commande par le client et la livraison de la machine et par conséquent sa facturation par la SAS [I] [Z], est de 2 à 3 ans.

-l'activité dénommée 'rechanges' correspond à la vente de pièces de rechange et de maintenance des machines. Cette activité peut être récurrente via des contrats de maintenance ou ponctuelle selon les cas. Le délai entre la commande du client et la réalisation de la prestation ou la vente de la pièce détachée correspond à un cycle court (quelques semaines), à la différence de l'activité 'capital'.

 

Sur la méthodologie utilisée par l'expert pour évaluer la perte de chance

La SAS [I] [Z] conteste tout d'abord le fait que les années 2001 et 2002 aient été neutralisées.

L'expert a toutefois clairement explicité sa méthode et les raisons pour lesquelles il a procédé de la sorte.

Ainsi, il a précisé qu'un tel calcul supposait préalablement d'établir des valeurs de référence.

Il a souligné que le chiffre d'affaires réalisé sur les pièces de rechange était relativement stable entre 1999 et 2006, s'établissant à la moyenne de 2 524 000 euros.

En revanche, le chiffre d'affaires de ventes de machines 'capital' a connu une progression de 1999 à 2001 pour s'élever en 2001 à 52 millions d'euros. Mais cette forte progression du chiffre d'affaires a été suivie d'une baisse significative de ses ventes au titre des exercices suivants pour se stabiliser annuellement à la somme de 34 millions d'euros.

Les chiffres d'affaires globaux de la SAS [I] [Z], toutes zones commerciales cumulées, réalisés au titre des exercices clos les 30 novembre 2001 et 30 novembre 2002 sont très supérieurs aux chiffres d'affaires que l'on constate en 1999 et 2000, puis postérieurement à l'année 2002. Ils reflètent un niveau d'activité record dont l'explication n'a pas été fournie.

Les exercices 2001 et 2002 ne peuvent donc être retenus comme représentatifs d'une activité récurrente ou valeurs de référence, et leur prise en compte fausse les résultats réels de la société.

De même, les chiffres d'affaires 'normatifs' qui pourraient être retenus doivent intégrer, pour les années 2003 à 2005, la baisse générale du chiffre d'affaires constatée dans les comptes de la SAS [I] [Z], toutes zones commerciales confondues.

Sur l'impact de l'absence de M.[V] et le choix du chiffre d'affaires au lieu de la commande

La SAS [I] [Z] conteste le fait que seul le chiffre d'affaires ait été retenu, compte tenu du décalage existant entre la prise de commande et la facturation, qui peut aller jusqu'à 3 ans.

Toutefois, l'expert, outre le fait que sa mission consistait en l'étude circonstanciée des chiffres d'affaires, a souligné que la notion de prise de commande ne présente aucune caractéristique d'un indicateur fiable, cet indicateur n'étant ni normé, ni approuvé, ni vérifié, ni certifié. Son caractère est incertain et son rattachement à un exercice comptable n'a pas de fiabilité.

Par ailleurs, le fait de retenir comme montant de commandes annuel moyen normatif la moyenne arithmétique des deux seules années 2001 et 2002 est en contradiction avec la durée du cycle de commercialisation réel de 2-3 ans invoqué par la SAS [I] [Z]. A minima, il aurait fallu que celle-ci retienne les commandes des années 1998, 1999 et 2000 afin d'intégrer le cycle de commercialisation invoqué, mais ces informations n'ont pas été communiquées à l'expert.

La prise en compte des deux seules années 2001 et 2002 conduit à majorer exceptionnellement le montant normatif de la prise de commande, sans légitimité.

Afin d'évaluer le préjudice qu'aurait subi la SAS [I] [Z], l'expert a indiqué qu'il fallait d'abord déterminer le chiffre d'affaires réalisé par M.[V] de manière récurrente, c'est-à-dire le chiffre d'affaires 'de référence', puis de comparer ce chiffre au chiffre d'affaires effectivement réalisé sur la zone commerciale dont M.[V] avait la charge, durant l'absence de ce dernier, le préjudice subi étant évalué en appliquant au montant de la perte de chiffre d'affaires la marge brute.

Une telle analyse supposait de connaître le chiffre d'affaires détaillé par secteur d'activité , à savoir 'capital' et 'rechanges' que réalisait M.[V] avant son accident, pour les exercices clos les 30 novembre 1999, 2000 et 2001 par pays et par client, ainsi que le chiffre d'affaires par secteur d'activité réalisé sur la zone commerciale attribuée à M.[V] pendant la période où il a été dans l'incapacité de travailler totalement ou seulement à temps partiel, soit du 30 juillet 2002 au 31 décembre 2004.

La baisse du chiffre d'affaires observée globalement dans les comptes de la SAS [I] [Z] au titre des exercices 2003, 2004 et 2005 est représentative d'une tendance globale de l'évolution du chiffre d'affaires de la SAS [I] [Z]. Cette baisse du chiffre d'affaires ne peut être imputée exclusivement à l'accident de M.[V], il s'agit d'une baisse générale de l'activité de la SAS [I] [Z]. Ce point est d'ailleurs corroboré par les mentions relevées dans l'annexe des comptes sociaux puisqu'il est fait mention d'une provision pour restructuration au titre de l'exercice clos le 30 novembre 2004.

Malgré les demandes réitérées de l'expert, aucune information claire, exploitable et justifiée ne lui a été communiquée, nonobstant les affirmations de la société [I] [Z], puisque les documents sur lesquels elle se fonde, qui contiennent un très grand nombre de données, ne sont pas établis par commercial, ce qui ne permet de vérifier si la zone couverte par M.[V] avait ou non été répartie entre d'autres commerciaux. La pièce 55 est ainsi totalement inexploitable.

Les seules informations communiquées à l'expert comme à la cour sont des documents d'extraction de données sur lesquels figurent des montants de commandes et des copies de factures de vente dont l'affectation par commercial est impossible. Elles ne peuvent être comparées avec la comptabilité de la SAS [I] [Z].

La société [I] [Z] a communiqué de multiples documents en différentes langues, non traduits, mais en tout état de cause, l'expert qui les a examinés a rappelé que la marge « mondiale », toutes activités du groupe confondues, ne peut pas être retenue pour le calcul du préjudice de la seule SAS [I] [Z] qui développe une activité unique. De même, le fait que le groupe [I] Inc. ait ses comptes certifiés par des organismes américains, n'est pas de nature à démontrer l'existence ou non d'un préjudice de la filiale française.

La perte de chance portant sur la perte de marge n'est pas non démontrée avec l'attestation établie par le cabinet Fimecor Baker Tilly qui a précisé qu'il avait vérifié l'exactitude des chiffres présentés mais non l'exhaustivité de ceux-ci, étant observé que la marge brute est restée stable entre 1999 et 2006.

L'expert a ainsi répondu de manière très précise et motivée à chacune des observations qui lui étaient faites par la société [I] [Z], et il n'est nullement établi qu'il ait confondu des règles comptables ou bien éludé des pièces.

Dès lors que la société [I] [Z] n'a pas communiqué à l'expert les documents sollicités, à savoir le détail du chiffre d'affaires par collaborateur et par secteur géographique, pour les années concernées avant l'accident de 1999 à 2001, pendant l'accident, lui permettant de constater des pertes de chiffre d'affaires en lien avec l'absence de M.[V], que les documents communiqués à la cour ne sont pas davantage explicites et en tout état de cause, ne justifient pas des ventes effectuées par M. [V] entre 1999 et 2004, la société [I] [Z], qui n'a pas permis à l'expert de calculer le préjudice allégué, doit être considérée comme ne rapportant pas la preuve de l'existence d'un tel préjudice. Le jugement sera confirmé.

Sur les honoraires de la société Alma

La SAS [I] [Z] fait valoir que l'intervention de la société Alma lui a permis de réaliser des économies substantielles en intervenant auprès de l'URSSAF pour recalculer les taux de cotisation suite à l'accident de M.[V].

Toutefois, force est de constater que la SAS [I] [Z] est une grosse société disposant d'un personnel qualifié, au courant des lois, et elle n'avait nullement besoin de faire appel à un prestataire extérieur pour signaler à l'URSSAF, puisque c'était évident, que l'arrêt de travail de M. [V] ne devait pas être pris en compte pour le calcul des cotisations s'agissant d'un accident survenu dans une entreprise tierce.

Sur les salaires

Il est sollicité la confirmation du jugement sur ce point.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de rappeler que l'exécution provisoire est de droit pour la présente décision.

La SAS [I] [Z] qui succombe à l'instance d'appel sera condamnée aux dépens d'appel qui incluront les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt de défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Condamne la SAS [I] [Z] à payer d'une part à la société Papeteries Matussière&Forest, la SELARL Administrateur Judiciaire Partenaire et M.[E] [O] la somme de 3000 euros et d'autre part à la société XL Insurance company limited la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS [I] [Z] aux dépens d'appel qui incluront les frais d'expertise.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17/00686
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;17.00686 ?
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