N° RG 19/01922 - N° Portalis DBVM-V-B7D-J7YM
N° Minute :
C1
Copie exécutoire délivrée
le :
à
Me Marine MATHIAUD
la SELARL ESTELLE SANTONI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 10 MAI 2022
Appel d'un Jugement (N° R.G. 18-000563) rendu par le Tribunal d'Instance de GRENOBLE en date du 12 avril 2019, suivant déclaration d'appel du 02 Mai 2019
APPELANT :
M. [D] [V]
né le 10 Juin 1966 à SETIF (ALGERIE)
de nationalité Française
125 boulevard Joliot Curie
38600 FONTAINE (FRANCE)
Représenté par Me Marine MATHIAUD, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 19/7330 du 01/08/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMÉE :
SA CDC HABITAT SOCIAL venant au droit de la SCIC HABITAT RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
5 Place Camille Georges
69285 LYON
Représentée par Me Estelle SANTONI de la SELARL ESTELLE SANTONI, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Emmanuèle Cardona, présidente
Laurent Grava, conseiller,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 février 2022, Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, en présence d'Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Caroline Bertolo, greffière, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par déclaration écrite au greffe en date du 14 février 2018, M. [D] [V] a saisi le tribunal d'instance de Grenoble aux fins de condamnation de son bailleur, la SCIC Rhône-Alpes Habitat, à lui payer 4 000 euros en principal et 4 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles.
Au cours de la procédure, il a porté ses demandes à 6 000 euros (100 euros par mois pendant 5 ans) pour préjudice de jouissance et à 4 000 euros pour préjudice moral.
M. [D] [V] a fait valoir qu'il était locataire, avec sa famille, d'un appartement livré neuf depuis le 11 janvier 2011 et que, depuis l'année 2012, il n'a cessé de connaître des problèmes liés à des infiltrations d'eau liées à l'étanchéité d'une terrasse se trouvant au-dessus de son logement malgré différentes interventions et réparations.
La SCIC Rhône-Alpes Habitat a répliqué en reconnaissant la nécessité de cinq interventions prises en charge au titre de l'assurance dommages-ouvrage pour répondre à cinq déclarations de sinistre. Elle estime n'avoir pas manqué à ses obligations, et ajoute que s'agissant du préjudice de jouissance, les conventions d'assureurs mettent à la charge de l'assurance du sinistré l'indemnisation du préjudice de jouissance. Elle rappelle avoir fait droit à la demande de relogement de son locataire quand celui-ci en a exprimé le souhait.
Par jugement contradictoire en date du 12 avril 2019, le tribunal d'instance de Grenoble a :
- rejeté les prétentions de M. [D] [V] ;
- condamné M. [D] [V] à verser la somme de 400 euros à la SCIC Rhône-Alpes Habitat sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que chaque partie conservera la part de dépens avancée par ses soins.
Par déclaration en date du 2 mai 2019, M. [D] [V] a interjeté appel de la décision.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 juillet 2019, M. [D] [V] demande à la cour de :
- déclarer M. [D] [V] recevable et bien fondé en son appel ;
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la SCIC Rhône-Alpes Habitat a manqué à ses obligations contractuelles en sa qualité de bailleur envers M. [D] [V] notamment en ne lui permettant pas d'avoir une jouissance paisible de son appartement ;
- retenir la responsabilité contractuelle du bailleur la SCIC Rhône-Alpes Habitat qui n'a pas effectué les gros travaux permettant une jouissance paisible du logement occupé par M. [D] [V] ;
- condamner, en conséquence, la SCIC Rhône-Alpes Habitat au paiement des sommes suivantes :
* 6 000 euros en réparation du préjudice de jouissance de M. [V],
* 4 000 euros en réparation du préjudice moral de M. [V] ;
- condamner la SCIC Rhône-Alpes Habitat à payer à M. [D] [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCIC Rhône-Alpes Habitat à payer à M. [D] [V] les entiers dépens de l'instance (sic).
Il expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :
- il rappelle qu'il s'agissait d'un logement social neuf, dans lequel il a vécu avec son épouse et ses 5 enfants ;
- il précise les divers sinistres d'infiltrations d'eau qui ont mis le logement dans un état lamentable, avec les murs et les plafonds fortement dégradés ;
- le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a estimé qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre de la SCIC Rhône-Alpes Habitat puisque cette dernière avait toujours réalisé les travaux préconisés par les experts ;
- le bailleur, a fortiori un bailleur professionnel, doit impérativement délivrer au locataire la jouissance d'un logement paisible et salubre ;
- en l'espèce, il est manifeste que la SCIC Rhône-Alpes Habitat a manqué à ses obligations ;
- les infiltrations sont bien caractérisées et ont trouvé leur origine dans le défaut de conception de la terrasse surplombant le logement pris en location par M. [V] ;
- il sollicite l'indemnisation d'un préjudice de jouissance à hauteur de 100 euros par mois pendant 5 ans, soit la somme totale de 6 000 euros ;
- il demande aussi 4 000 euros au titre d'un préjudice moral ;
- la famille a été contrainte de vivre dans un logement dans un état déplorable, avec différents sinistres qui se sont produits régulièrement et qui ont nécessité une charge administrative importante (déclarations aux assurance, courriers divers, présence aux réunions d'expertise etc').
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2019, la SA d'HLM CDC Habitat Social, venant aux droits de la SCIC Rhône-Alpes Habitat, demande à la cour de :
- constater que la CDC Habitat Social a parfaitement respecté ses obligations contractuelles à l'égard de M. [V] en mettant tout en 'uvre pour lui assurer une jouissance paisible des lieux loués ;
- dire M. [V] est mal fondé en ses demandes ;
- débouter M. [V] de son appel ;
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
- condamner M. [V] à payer à la CDC Habitat Social la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Elle expose les principaux éléments suivants au soutien de ses écritures :
- le premier juge a clairement exposé ses motifs ;
- en l'absence d'une faute, et face à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, la responsabilité de la bailleresse ne pouvait pas être mise en jeu ;
- il est versé aux débats les 5 rapports d'expertise de l'assurance dommages-ouvrage contractée par Rhône-Alpes Habitat qui démontrent la réactivité du bailleur après chacune des déclarations de sinistre émises par M. [V] ;
- sur les préjudices invoqués, en application des conventions CIDRE et CIDE-COP, c'est l'assureur du sinistré qui prend en charge les dommages aux embellissements et le préjudice de jouissance ;
- M. [V] n'a formulé aucune déclaration à ce titre à ce titre auprès de son assureur ;
- il n'est pas recevable à réparer son omission en sollicitant le bailleur ;
- les préjudices ne sont pas prouvés ;
- il n'est fait aucun constat d'un état d'insalubrité de l'appartement ;
- M. [V] est dans une exagération très importante des troubles qu'il revendique ;
- il ne s'adresse pas au débiteur de l'obligation, s'agissant du préjudice de jouissance ;
- il en va de même s'agissant du préjudice moral.
La clôture de l'instruction est intervenue le 28 février 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le changement de bailleur :
La CDC Habitat Social indique qu'elle intervient désormais aux droits de la SCIC Rhône-Alpes Habitat.
Il lui en sera donné acte.
Sur la demande indemnitaire du locataire :
Plusieurs rapports d'expertise accompagnés de leurs devis sont versés à la procédure (6 avril 2012, 31 janvier 2013, 29 mai 2013, 1er juillet 2014 et 24 janvier 2018), ces rapports faisant suite aux déclarations du locataire auprès de son bailleur.
Les devis attestent de la réalité des infiltrations dénoncées, lesquelles ont objectivement causé, par leur répétition, un trouble au locataire.
Néanmoins, les devis descriptifs démontrent également que le bailleur n'a pas manqué à ses obligations en faisant, à chaque fois, les diligences nécessaires en matière d'expertise et en effectuant ensuite les réparations telles que recommandées par l'expertise.
Cette célérité dans la prise en charge et le respect des préconisations expertales dans la phase de reprise confirment que la CDC Habitat Social, venant aux droits de la SCIC Rhône-Alpes Habitat, doit être considérée comme un bailleur réactif et responsable.
Dès lors, M. [D] [V] ne démontre pas que son bailleur ait commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle.
En conséquence, en l'absence de faute, et face à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, la responsabilité de la société bailleresse ne peut pas être mise en jeu.
M. [V] sera débouté de ses demandes et le jugement entrepris sera confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
M. [D] [V], dont l'appel est rejeté, supportera les dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.
Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la CDC Habitat Social, venant aux droits de la SCIC Rhône-Alpes Habitat, les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. M. [D] [V] sera condamné à lui payer la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Donne acte à la CDC Habitat Social de son intervention aux droits de la SCIC Rhône-Alpes Habitat ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Condamne M. [D] [V] à payer à la CDC Habitat Social, venant aux droits de la SCIC Rhône-Alpes Habitat, la somme de 1 000 euros (mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamne M. [D] [V] aux dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE